
défendre, & il choifit une colline entourée de
trois côtés par l'Aar, & coupée à l'oueftpar un
ravin profond, qui aboutit à la .rivière.
Son petit territoire ne fut d'abord compofé que
de quatre paroiiTes , & enfuite du diltriét qui
forme aujourd'hui la jurifdi&ion des quatre ban-
nercts. Les nobles qui s'établirent dans la nouvelle
ville , poffédoient des fiefs aux environs.
Les francs - tenanciers , ou propriétaires de
la campagne , acquéroient le droit de-cité 3 en
venant s'établir à Berne. Les nobles 3 auxquels la
communauté abandonnoit le foin pénible de l'ad-
miniftration publique 3 fe diftinguèrent par leur
fageffe 3 leur modération & leur défintérefiement 3
ils donnèrent les premiers l'exemple du facrifice
de leurs biens & de leur fang. Sous leurs aufpices,
les citoyens s'accoutumoient à l'ulage des armes
par des entreprifes prefquè journalières, contre
des voifins inquiets ; mais ces campagnes militaires
ne duroient pas affez pour interrompre le travail
& la culture. La prife & la démolition des
châteaux étoit un jeu pour leur jeunelfe guerrière :
les bernois avoient pour maxime d'attaquer leurs
ennemis féparément, de les défarmer , de les ruiner
, ou de les amener au point de demander le
droit de bourgeoifie. Quelquefois des contributions
volontaires les mettoient en état-dé s'arrondir
par des achats. Les diftri&s voifins recherchèrent
bientôt leur protection à titre de com-
bourgeoifie. Lorfqu'ils avoient affaire à des ennemis
plus redoutables , ils ufoient de fages délais 5
ils fe fortifioient par des alliances avec les villes
& les peuplades, qui, en d'autres parties de la
SuifTe, luttoient aufii heureufement, contre l'oligarchie
féodale.
La ville de Soleure entretint une liaifon confiante
avec Berne : Fribourg, qui fe trouvoit dans le
meme cas , fe laiffa guider par des principes moins
fages & moins adroits 3 & elle fut prefque
toujours la rivale, & fouvent l'ennemie déclarée
des bernois. Hile fe ligna avec les comtes de Ki-
bourg, de Gruyères, d'Arberg, de Nidau &‘de
.Neuchâtel, que les progrès des bernois avoient
irrités. Les ducs d'Autriche fomentoient cette
guerre. Les confédérés campèrent au nombre de
20 à 30 mille devant la petite ville de Laupen ,
que les bernois avoient achetée avec le territoire
voifin, & dont ils avoient fait leur premier bailliage.
Rodolphe d’Erlac commandoit la petite
armée de ceux-ci, qui, malgré les fecours de
leurs alliés ne montoit qu'à 5000 hommes : il
avoit qukté le comte de Nidau pour aller défendre
fa patrie. Les ennemis l’attendoient avec cette
imprudence préfomptueufe , qui fit toujours fuc-
comber la nobleflfe dans fes batailles contre les
Suifles. Des bras forts, qu'aucune arme défenfive
n'embarraffoit, renverfèrent bientôt avec leurs
pefantes hallebardes & leurs épées mafiives, ces
chevaliers cuiraffés : trois mille morts reftèrent fur
la place. Les fribourgeois efïuyèrent enfuite une
défaite fanglante aux portes de leur ville, & ils
manquèrent de perdre leur indépendance. Les
vainqueurs ravagèrent impunément les pays de
leurs ennemis î ils détruifoient chaque jour quelques
- uns des partifans de la ligue vaincue ;
mais enfin , Agnes d'Autriche, veuve d'André
roi de Hongrie, les détermina à accéder à une
trêve en 1343.
La perte de la bataille de Laubekftalden, dans
le Siébenthal, ni la grande mortalité de l'année
1348, ne rebutèrent la jeunelfe bernoife. Les
troupes de Berne pourfuivoient leurs conquêtes
avec une hardieffe fingulière. Les autres peuplades
de la SuifTe, qui chaque jour, par de nouvelles
victoires, étendoient leur liberté & en affer-
milfoient la bafe , fe rapprochèrent, & formèrent
entr’elles une ligue permanente. Lucerne & Zuric
venoient de fe confédérer avec les trois premiers
cantons. Ces alliés, après s'être emparé des pays
de Glaris & de Zug , avoiént pris les vaincus
fous la protection de leur ligue , quand Berne
y accéda en 1353, & obtint le fécond rang (1).
Nous parlerons ailleurs de cette ligue, qui durant
cent trehte ans , fut bornée à huit cantons.
A la fin du quatorzième fiècle, Berne fe voyoit
déjà un territoire confidérable. Les maifons d'Arberg
& de Nidau éroient éteintes , & elle avoit
hérité de leurs domaines. Les comtes de Ky-
bourg, qui n'avoient plus de moyen de fe défendre
, lui avoient cédé Thoun & Berthond. Elle
avoit conquis Buren 5 elle avoit acquis , par
fes armes, par des conventions, par des traités
de combourgeoifies, une portion confidérable
de ces vallons entre les Alpes, connus fous le
nom d‘Oberland. Les vaffaux & feigneurs châtelains
de ce diftriét n’étoient plus , où ils fe tjou-
voient, fournis & incorporés au gouvernement
de Berne.
Le concile de Confiance , en 1415 , offrit aux
Cantons fuiffes une belle occafion d'agrandir leur
territoire. L'empereur Sigifmond les invita à exécuter
le ban contre Frédéric duc d'Autriche ,
qui avoit favorifé l'évafion du pontife JeanXXIII,
dépofé par le concile 3 & les bernois fe jettèrent
fur la partie inférieure de l’Aargau ; ils prirent
les , quatre villes de Zoffinguen, d'Aaraw, de
Brougg & de Lentzbourg î & ils fe rendirent
maîtres de cette petite province, une des plus
fertiles de leurs états. Ils fubjuguèrent enfuite le
comté de Baden de concert avec leurs alliés.
Vers le milieu du quinzième fiècle ils firent la
guerre à Charles duc de Bourgogne. Ils prirent
d'abord les terres d'Orbe & de Grandfon , qui
appartenoient aux feigneurs de Châlon, partifans
(1) Zurich obtint le premier.
du duc 5 & à la paix ils gardèrent les trois bailliages.
La réformation> qui commençoit à s'établir en
Europe, produifit une nouvelle guerre. Le canton
de Fribourg, qui ne vouloit point changer de
religion, fut mécontent de voir d'autres deffeins
au canton de Berne.
Il renonça auffitôt à la combourgeoifie. Les
Bernois, qui avoient des liaifons avec Genève ,
foutinrent cette ville dans fes prétentions contre
le duc de Savoye, qui vouloit l'affervir. Ils profitèrent,
en 1 j3<?, de l'irruption des françois dans
le Piémont, pour exiger au duc de Savoye une
fatisfaélion dans des termes qui dévoient être re-
fufés j & ouvrant la campagne au milieu de l'hiver,
ils fournirent en onze jours, & prefque fans
coup férir , ce beau pays qui s'étend depuis
Morat jufqu'à Genève. Laufanne & les domaines
de l'évêque , toutes les villes & terres fur le
bord feptentrional du lac de Genève , le Cha-
blais & le pays de Gex, fe trouvèrent en leur
pouvoir j ils y abolirent le rit romain. En 1663
Gex, & tout ce qui eft au-delà du lac , rentra
fous l'obéilfance de la maifon de Savoye, & la
religion catholique y fut bientôt rétablie.
Les comtes de Gruyères ne vouloient point
faire hommage pour les anciens domaines de leur
maifon dans le pays de Vaud. On les traita d'abord
^avec indulgence : mais comme ils fe trouvèrent
furchargés de dettes, lès deux états de Berne &
de Fribourg achetèrent les créances, & ils dépouillèrent
en 1554 le dernier comte Michel,
des terres de Gruyères, de Rougemont & d'O-
ron, & les partagèrent entr'eux. Ce fut le dernier
agrandiffement de la république de Berne;
depuis fa paix avec la Savoye , les limites de fon
territoire n'ont plus varié.
L'indocilité des payfans , autrefois ferfs> &
-remplis alors d'idées d'indépendance , faifoient
tous les jours des progrès. L'habitude de la vie
militaire , l'exemple des cantons démocratiques ,
les maximes répandues par les apôtres de la réforme
, que les terres dévoient être déchargées de
toutes redevances, aigrifîoient les habitans des
campagnes contre les impôts momentanés qu'exi-
geoient les befoins du fife. Les lieutenans du fou-
verain ne fe conduifoient pas toujours dans l'exercice
de leurs emplois avec la modération & la
prudence nécelfaires pour ménager un peuple aulfi
mal difpofé. Les murmures avoient éclaté plufieurs
fois. En 1653, les payfans des cantons de Lucer-
iïe , de Berne, de Bâle & de Soleure, formèrent
des alfociations, & finirent par lever l'étendart
de la révolte. Dès que la contagion eut gagné les
bailliages communs, les Cantons démocratiques
furent les premiers à marcher contre les rébelles
, qui furent bientôt difperfés : un corps
de ces payfans, rebelles marchoit à Berne , tandis
qu'un autre tenoit Aaraw bloqué î ils ofèrent
attendre les troupes auxiliaires de Zurich & de
quelqu’autres cantons 5 mais les premières volées
d’artillerie en firent déferter le plus grand nombre
5 le refte fe fournit, & livra fes chefs.
En 16yy, les Cantons eux - mêmes fe brouillèrent
entr'eux, par une fuite de cette rivalité mal-
heureufe des deux religions. Quelques familles du
canton de Schwitz s'étant réfugiés à Zurich ,
pour embraffer la réforme , réclamèrent leurs
biens. Sur le refus des habitans de Schwitz, leurs
nouveaux prote&eurs en appellèrenr aux conventions
de l'alliance. De nouveaux refus provoquèrent
les hoftilités.Cinq Cantons catholiques s'uni-
rent"p©ur la même caufe. Les uns & les autres
cherchoient à s'emparer les premiers des bailliages
communs. Les troupes bernoifes, qui défiloient
fans précaution fur Bremgarten, furent défaites
par les Lucernois près de Villmerguen, & forcées
de fe replier en défordre fur Lentzbourg. Les
Cantons neutres ménagèrent un accommodement
après cet échec.
Le bas peuple de Berne a toujours dit que dans
les premiers temps de la république, le pouvoir
légiflatif fut attribué parla loi fondamentale à tout
le corps légiflatif. Quelques entoufiafies qui avoient
mal calculé leurs reflources, firent, en 1749 3 de
cette tradition, le prétexte d'une confpiration contre
le gouvernement. Le complot fut découvert;
quelques-uns des chefs eurent la tête tranchée.
Sans doute l'adminiftration fut ariftocratiqu.e
dans les premières années qui fuivirentla fondation
de Berne.
Le château de Nydeck étoit un fiège de jufti-
ce , où le duc jugeôit les caufes, qui venoient en
appel devant lui. Dans la nouvelle v ille, bâtie fur
la même place , il établit un tribunal compofé de
douze afleffeurs. C e corps étoit préfidé par le
fchoultheiflf 3 douze autres membres ajoutés aux
premiers, formoient le confeil de police & d’ad-
miniftration, & prononçoient fur les caufes les plus
importantes : le même chef y préfidoit. On appella
ce corps de magiftrature ' fcultetus & confules 9
avoyer & confeil. De - là le titre de Schoaltheijf
demeura affeété à la première charge de la république.
Mais les auteurs fuiffes , entraînés par l'adulation
, la crainte ou la prévention, font allés beaucoup
trop loin lorfqu'ils prétendent que le peuple
n’ a aucun droit au gouvernement. Ils font forcés
de convenir que dans la Bulle d 'o r , par
laquelle l’empereur Frédéric II confirme les privilèges
de la ville de Berne, 8c fixe fes loix conftr-
tutives 3 ce prince donne à la communauté le droit
d'élire chaque année l'avoyer, de choifir le curé ,
de difpenfer un citoyen des charges publiques,
de juger de la vie & de la mort en certains cas ,
de prononcer fur les différends entre les étrangers
& les bourgeois au temps des foires , de faire de
nouvelles loix.
Que l'on ne dife pas que le terme de communauté
eft j dans quelques ariftocraties, comme à