
Vers le couchant d'été , la Vésère vers celui d’hiver
* c'eft-à-dire , la première vers le nord-ouelt ,
la fécondé vers le fud oueft. On s'appercevra
quelles laiffent entr’elles un efpace, qui s'élargit
en raifon de leur éloignement , & que cet efpace
eft coupé par plufieurs ruiffeaux. Parmi ceux-ci
on peut en remarquer deux plus confidérables que
les autres , qui coulent dans le ,fens des deux rivières
, & vont groffir, l'un la Vienne , l'autre la
Vésère. Qu'on fuive de l 'oe i l , en remontant le
cours de la Vésère jufqu'à U zerche, on verra le
Brédacou fe perdre dans celle-ci ; qu'on fuive le
cours de ce ruiffeau jufqu'à fa fource, on remarquera
à peu de diftance la Briance, qui paffant à
Pierre-Buffiere & à Solignac, va fe jetter dans la
Vienne au-deffous de Limoges.
C 'e ft par la jonction deces deux gros'xuiffeaux,
que peuvent s'opérer celle de la Vienne 8c de la
v esè re, celle de la Loire 8c de la Garonne, 8c
que Limoges & T o u lo u fé , Bordeaux 8c Paris peuvent
fe rapprocher. On ne déguifera pas que la
confection de ce canal demanderoit des travaux
confidérables. La partie entre Uzerche & le Saillant
offrirait fur - tout beaucoup de difficultés 5
mais outre que par le projet l'état ell déchargé
des frais de cet ouvrage , les dépenfes & les
difficultés feraient bien au-deffous de celles
qu'on trouva dans la confection du canal de
Languedoc.
On fu t , pour ainfi dire , obligé de créer des
eaux pour celui-ci, de percer des montagnes &
de les voûter , de combler des vallons & de conl-
truire fur des rivières qui croifent fa direction,
des ponts affez folides pour porter ce canal & les
barques pefantes qui le parcourent- Dans celui du
Limoufin on ne manquerait jamais d'êau, les travaux
les plus confidérables confineraient dans le
nettoyement du lit des rivières, ou pour mieux
dire , dans les excavations qu on ferait à c ô té ,
dans la conftruCtion & le nombre des éclufes.
L'excavation néceffaire pour opérer la jonction
ne ferait pas de trois lieues. Les matériaux pour
la conftruétion des éclufes, & les murs de revêtement
, feraient pour ainfi dire fous la main 5
le bois & la pierre , le fer & le plomb même
fe trouvant dans les lieux où doit paffer le canal.
Ajoutez à cela le prix modique des Ouvriers, &
la facilité d'en trouver un grand nombre dans la
Province.
On ne fauroit calculer ici les avantages qui ré-
fulteroient de cet ouvrage, q u i, en portant la
chaleur & la fécondité dans nos provinces, ferait
en même-temps un embelliffement pour le royaume.
Le Quercy fournirait des marbres rouges ,
le Périgord & l'Angoumois des eaux-de-vie moins
chères , des. fruits délicieux , du gibier excellent.
Les vins d’Allaffat , de Voutezac, du Saillant,
de la Rochette, du Pui d 'A rn ac , fortiroient des
frontières du Limoufin , qu'ils paffent rarement,
fe répandroient dans les pays étrangers, & vien.-
droient briller fur les tables de la capitale, où
leurs bonnes qualités leur affigneroient bientôt
une place. On fouillerait les carrières d'ardoife
fi abondantes dans tout le Bas-Limoufin 3 on ouvrirait
les mines de charbon, qui y demeurent
inutiles 5 on exploiterait avec plus dé fuccès
celles de fe r , de plomb, d'alun, d'antimoine,
d'or 8c d'argent que la nature y a placées. Les
bois de toute efpèce iraient chercher au loin une
valeur qu'ils n'ont pas dans le pays. Que de tre-
fors naîtraient dans ces provinces ! que de ri*'
cheffes en fortiroient, qui, faute de débouchés ,c
y relient enfouies, ou demeurent pour ainfi
dire inconnues, à caufe des difficultés 8c des trop
grands frais *du tranfport ! Mais les véritables ri-
cheffes fe tireraient des champs 3 des vignes, des
vergers, fertilifés par le débit sûr & avantageux
des productions ; la nature prendrait, dans ces
contrées qui languiffent, une face riante 8c féconde
; -les habitans ne fe feraient plus une habitude
d'aller offrir le fecours de leurs bras dans
des pays lointains , ils -trouveraient à les employer
plus utilement près de leurs foyers; l'abondance,
la paix & le bonheur qui la fuivent,
les y attacheroient de plus en plus ; la France
verrait ainfi fon domaine s'étendre , 8c fes habitans
fe multiplier , en ne faifant des conquêtes
que fur elle-même.
Quel tableau touchant pour des coeurs patriotes!
quelle belle ôccafion pour urt miniftre de
fentir le pkifîr généreux de faire du bien, d'étendre
les bienfaits de fon roi dans l'avenir, de
le faire bénir à jamais par nos defcendans, &
d'avoir part lui-même .à des bénédictions fi bien
méritées. Efpérons que tant de raifons 8c d'avantages
réunis dans notre projet , ne le laifferont
pas au rang de ceux de M . Ormin, & que là
vue du grand profit qui doit en réfulter pour la
France, le fera accueillir 8c exécuter.
Le bon Henri IV a joint la Loire à la Seine »
Louis X IV a réuni les deux mers par un canal de
foixante-onze lieues. Pourquoi le fouveraia qui
nous gouverne , n'acheveroit-il pas ce que ces
deux grands monarques ont entrepris ? On peut
d'autant mieux efpérer que Louis X V I étendra f i
main bienfaifante fur les provinces du centre dii
royaume , que fon prédéceffeur a joint par un canal
de communication la Picardie, l'Artois 8c la
Flandre , c’ell-à-dire, les provinces les plus fertiles
de l'état: les 'canaux qui joignent la L y s ,
l 'A a , la Scarf>e, fônt achevés ; le canal de Picardie
qui doit joindre la Scarpe à la Somme, 8t
celle-ci à l'Q ife , elt déjà bien avancé 3 Je canal
de Bourgogne elt ordonné : divers arrêts du
confeil, & notamment un de 1774 , ont déterminé
la répartition des fommes aéceffaires qu'exigent
les canaux dans plufieurs provinces. Celles qui
font moins favorisées par leyr fituation éloignée
de la mer , & dans des befbfiis plus preffans
n'ont-elles pas quelques droits aux bontés de leur
père commun , qui, dans la circonftance , peut
leur rendre la vie par un feul aéte de fa volonté,
8c fans qu'il lui en coûte que de vouloir ? * •
Qu’on me permette de faire ici. un rêve politique
( tant d'autres en font les yeux ouverts, qui
n'ont pas pour objet le bien public ). Je. fuppofe
le canal du Limoufin fait 5 celui de Bourgogne
mené à fa perfection 5 celui de la Mofdie 8c
de la S,aone, projetté depuis plus de iyo© ans
par un proconful romain dans les Gaules, achevé
3 celui du Rhin 8c du Danube par l'Almutz
8 c le ,Mein, commencé par Charlemagne , mis
en état de porter des barques } je ne vois point de
pays ni de villes un peu confidérables dans le centre
de l'Europe, où l'on ne puiffe aller en bâteau.
Alors des marchandifes parties du fond du Languedoc,
peuvent être voiturées par eau aux frontières
feptentrionales de la France , en Allemagne,
en Hongrie , en Pologne, en Turquie, en
Kuffie. Et qui fera tous ces c a n a u x , me dira-t-
on.? Eh ! ne vous ai-je pas dit que c'eft un fonge ?
Mais à quoi tient - il qu'il ne fe réalife ? Il ne fera
plus un fonge quand les gouvernemens connoî-
tront mieux leurs intérêts. Et où trouver l'argent
néceffaire pour ces dépenfes ? Dans les trefors
prodigués pour la guerre. Hélas ! on facrifie tout
pour fe ruiner & fe détruire, & l'on réfufe tout
pour établir la progreffion du bien à l'infini! Il
faut efpérer qu'un jour les hommes verront mieux
^'feront mieux.
( Cet article ejl de M. Grivel, )
CANDIE, ifle d'Europe, dans la mer médi-
terranée, au midi de l'Archipel qu'elle borne de
çe côté. Voyeç fa pofîtion 8c fon étendue dans le
DiCt. de Géographie.
. Elle portoit anciennement le nom de Crete.
La Crete dans fon origine fut gouvernée par des
rois , dont l'hiltoire eft. défigurée par des tables.
Les grecs n'ont écrit que des menfonges fur les
temps héroïques, & c'eit dans les mythologijft
qu'il faut chercher l'hiltoire des Curetes 8c de la
famille de Jupiter. Minos, qui fubjugua les cy-
clades , & qui moins refoeCtable par fes conquêtes
, que par la fageffe ae fa légiilation , eft le
premier roi de Crete dont parlent les monu-
mens authentiqnes. Après l'extinétion de la race
de Minos , la royauté fut abolie, & on y fub-
ftitua dix magiftrats annuels. Ces magiftratures
furent la récoitfpenfe d’une vertu éprouvée , 8c
ce fut pendant le cours de cette fage adminütra-
tïon qu'on établit des loix qui fervirent de modèles
aux autres légiilateurs. Lycurgue en adopta
plufieurs , d'où l’on peut conclure que les créais
naturellement fen fuels & voluptueux s'étoient
fournis à une difeipline auftère. C e fut auffi à cette
école que Zaleucus, légiilatèur des locriens fe forma}
il trouva les loix de Crète fi fages qu'il les prit
en entier.
Les membres de l’adminiftration ne ren-
doient point compte de leur conduite. Le peuple
qui les . avoit choifi, aurait cru déshonorer
fon difeernement , en flétriffant par fa cenfure
ceux qu'il avoit jugés dignes d'être les dépofitai-
res 8c les miniftres des lo ix } mais fi quelque ma-
giftrat étoit foupçonné de prévarication, fes collègues
ou le peuple affemblé avoient le droit
de le dépofer , 8c il vieilliffoit dans le mépris
public, mais il 11'étoitpas puni d'une autre manière.
Les Cretois, pour tenir les premiers magiftrats
dans la dépendance des lo ix , employoient un
moyen analogue aux idées dont on vient de parler
} c'étoit celui de l'infurreHion. Une partie des
citoyens fe foulevoit (1) , mettoît en fuite les
magiftrats, 8c les obligeoit de rentrer dans la condition
privée. Cela étoit cenfé fait en confé-
quence de la loi. Une inftitution pareille , qui
établiffoit la fédition pour empêcher l'abus du
pouvoir,, fembloit devoir renverfer quelque république
que ce fût 5 elle ne détruîfit pas celle ,de
Crete : Voici pourquoi (2).
Lorfque les anciens vouloient parler d'un peuple
qui avoit le plus grand amour pour la patrie ,
ils ciraient les Cretois : la patrie, difoit Platon (3 ) , nom fi tendre aux crétoïs. Ils l'appelloient a un
nom qui exprime l ’amour d'une mère pour fes
enfans. (4). Or l'amour de la patrie corrige tout.
Quintus - Metellus , lieutenant de Pompée ,
la réunit aux,domaines de Rome} lors du partage
de l'Empire§j elle fe trouva dans la portion des
empereurs d'Orient. Elle fut donnée enfuite au
duc de Montferrat, qui la vendit aux vénitiens
en 1204. Venife y avoit un provéditeur général, 8c elle y envoyoit tous les deux ahs des magiftrats
> dont le premier portoit le titre de d u c ,
* quoiqu'il fût inférieur au provéditeur. Les turcs
s'en emparèrent en 1669.
Quoique la ville de Candie foit peu floriffante, fes
murailles font bonnes} c'eft l'ouvrage des vénitiens
: les turcs ont à peine réparé les brèches du
dernier fiège. On compte dans cette ville environ
huit cens grecs payant capitation 5 leur archevêque
eft le métropolitain de tout le royaume. On fait
monter le nombre des juifs à mille. Les arméniens
n'yontqu'une églife,!'& n e font guère plus de deux
cens. Les autres habitans de la ville font turcs.
Les environs de Candie font de vaftes 8c fertiles
plaines. L'ifle ne rapporte prefque rien à la Porte.
CANONIQUE (droit). PMeDiét. de Jurifpr.
CANTONS (Les treize), treize états qui
(x) Atifto^e, politiq. ;liv, II. çhap> ip.
(a) On fe réunifiait toujours d’abord centre les ennemis du dehors t ce qui s’appelloit Jyncrétifine, Plutarque, moral, o. 8g.
(3) Républ. fiy. IX.
(ÿ) Plyarçiue j mordes, an traité ; fi l'homme d'âgo doit fe mêl’.r des affaires publiques., 6 I n t