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leur déclara qu’elle n’avoit jamais renoncé au def- 1
fein d'abdiquer la couronne, depuis le jour qu'elle
l'avoir propofe aux états i que la complaifance l'avoir
fait céder pour lors à leurs prières , mais
«ue rien déformais ne la feroit changer d'avis. Les
iénateurs lui adrefsèrent de nouvelles remontrances.
Charles-Guftave parut aufli vouloir l'en détourner
* mais il ne fe montra pas aufli défintéreffé
lorfqu'il fut queftion de traiter avec Chriftine des
conditibns auxquelles la reine lui offroit fa couronne.
On allure qu'elle vouloit fe réferver une
grande partie du royaume , & la liberté de voyager
& d'habiter le pays de l'Europe qui lui
pîairoit davantage * qu'elle vouloit en outre relier
maitrelfe de donner des charges & des penfions
a qui il lui pîairoit. Charles rejetta ces conditions :
il dit qu'il ne fefoucioit pat d'être un roi titulaire.
Chriftine fentit qu’ elle devoit ménager un prince
qui répondoit de cette manière : elle déclara qu'elle
ne lui avoit fait ces proportions que pour l'éprouver
* qu'elle voyoit combien il étoit digne du
trône , puifqu'il connoiffoit li bien les droits de
la royauté 5 & elle fe borna à demander aux états,
qu'on lui laifiat, en toute fouveraineté , plusieurs
. villes j châteaux & terres , dont les revenus fer-
viroient à fon entretien. Les états lui accordèrent
les revenns de ces domaines, mais ils ne lui donnèrent
pas la fouveraineté.
Ea Suède continuoit à murmurer de la légèreté
de la reine & de fon goût pour l'indépendance.'
Chriftine ne manqua pas de répandre que le bien
de fes.fujets & la fûreté de l'état étoient le principal
motif de fon abdication 3 & .qu’elle la jugeoit
îndifpenfable pour prévenir les défordres qui ne
manquent guères d'arriver après la mort des princes
fouverains regardés comme les derniers de la
maifon royale.
Tout étant difpofé pour cette importante cérémonie
3 la reine entra le le 6 juin au fénat 3
accompagnée du prince Charles 3 & elle fit lire
l'aéte de fon abdication '. « elle y renonçôitabfo-
» lument , tant pour elle que pour fa poftérité 3 ■
à toutes fès prétentions fur la couronne de Sué-
» de , quelle remettoit au prince Charles Guftave
» fon coufin. Elle fe réfervoit, à titre d'apanage,
» la ville & le château de Norkoping , les iftes
» d’Oëland , de Gotland, d’O ëfel , Wollin
» Ufédom , la ville & le châteaii de Wolgart y
quelques terres dans la Poméranie y avec Poele
»> & Neuclofter dans le Mecklenbourg. Le re-
» venu de toutes ces terres montoit à environ
» deux cens quarante mille rixdales. Elle y dé-
3* claroit expreflement qu'elle ne feroit obligée
» de rendre compte de fa conduite à perfonne *
9> elle promettoit de ne .jamais rien- faire qui fût
» contraire au bien de l'état * enfin elle fe réfer-
» voit une jurifdiâion abfolue fur tous les offi-
9» ciers de fa maifon
Elle entra enfuke dans la grande falle du châ?-
teau où Ton ayoit placé un fiège d'argent maflïf
fur une ëftrade élevée de trois degrés, Bc un
fauteuil à la droite du fiège hors de l'eftrade.
Chriftine étoit revêtue de fes habits royaux * elle
avoit la couronne fur la tête * elle tenoit le feep-
tre dans la main droite, & un globe d'or dans la
gauche. Deux fénateurs portoient devant elle une
épée & une c le f d'or. Elle s'aflit fur le trône
d'argent, & le prince héréditaire fur le fauteuil.
Elle fit lire de nouveau l'aéte de fon abdication ;
Après cette leéture, elle ©ta elle-même la couronne
de deffus fa tête , fe dépouilla des autres
ornemens de la royauté , qu'elle remit entre les
mains des1 grands officiers de la couronne * puis,
defeendant du trône, elle fit l'apologie de fon
gouvernement & de fon abdication 3 en dîfant qu'a-
près avoir élevé la Suède au plus haut point de
fplendeur, elle ne pouvoit rien faire de plus utile
à l'état que de lui donner un roi aufli vertueux ôc
aufli habile que Charles-Guftave.
Le nouveau roi fit frapper une médaille, qui
avoit pour légende : à Deo 6* Ckrifiina.
. Cette princeffe fe hâta de quitter la Suède,
& ne fe crut vraiment libre que lorfqu'elle fut
hors de la frontière. Elle n'avoit alors que vingt-
fept ans. Elle fît plufieurs voyages en Allemagne,
en France, en Italie’* mais elle y parut plus fùv-
gulière que grande , plus favante que philofophe,
affeélant tout l'orgueil du trône qu'elle avoit
quitté, & laiflant v o ir , malgré fon goût pour les
fciences & les beaux arts, tous les caprices d'une
femme vaine & légère. Jaloufe d'influer-„fur le
fyftême de l'Europe , elle voulut entrer dans les
négociations des fouverainsI intrigante & impé-
rieufe , elle effaya de troubler la paix de la Suède
qu'elle n'avoit jamais aimée, & de quelques autres
royaumes qu'elle fembloit. chérir. Elle changea
de religion aufli légèrement qu’elle avoit abdiqué.
Devenue catholique, «elle fe brouilla avec
le pape Alexandre VII > & l'on croit que , fur
la fin de fes jours , èlle penfa à retourner au lu.-
théranifme. Le chancelier Oxenftiern lui avok
prédit qu'elle fe repentiroit d'avoir quitté'le trô-
• ne. En effet, peu de temps après fon abdication^,
elle parut avoir des. regrets * & i l eft fûr qu'à la?
mort de Charles - Guftave en i6 é o , elle alla
en^ Suède pour voir fi les efprits feroient difpo-
-fés à lui rendre le jfceptre. Chriftine , fans couronne
, n'y étoit plus , fuivant Texpreflion de
l'hiftorien Nam,- qu'une divinité fans temple Sc
1 fans culte* de forte qu'après avoir erré ,. pour
ainfi dire, de pays en pays 3 elle prit le parti db
fe fixer à Rome.
Abdication de Philippe V 3 rci d’Efpagne. Char-
ks-Quint & Chriftine avoient médité plufieurs
années leur abdication * Philippe V , roi d'Efpa*-
gne , les imita. L e prince des Aftüries1 étoit fort
jeune. Pour k former aux affaires ,. il l'avoit admis
dans les* confeils ,» & don Louis^ y' montrait
d'heureufes difoofitions pour le gouvernement. II
l'avoit m ark à Louife-Marie-Elifabethd'Orléans^,
Blîè dû régènt. Le 15 janvier 17 2 4 , lorfque Philippe
crut ce prince en état de gouverner par lui-
même , il fit remettre au confeil la lettre que
voici : -
« Ayant confidéré depuis quatre ans, avec
»> maturité & réflexion , toutes les miferes de
w cette v ie , les maladies » les guerres & les af-
»> fliétions que Dieu m'a envoyées durant les vingt-
so trois années de mon règne , & confidérant aufli
»> que mon fils ainé don Louis , reconnu prince
u d'Efpagne , a l'âge fuffifant & la capacité, le
» jugement & les talens néceffaires pour régir &
»3 gouverner cette monarchie * j'ai réfolu de re-
i> noncer , en faveur de mon fufdit fils ainé don
t> Louis , à tous mes états, royaumes & feigneuries,
& de me retirer avec la reine , en qui
» j'a i trouvé une.volonté prompte & parfaite de
» m'accompagner dans ce palais de S. Ildefonfe
» pour y fervir Dieu, & , aébarafle de tout autre
» fo in , penfer à la mort & à mon falut. Je le
» fais favoir au confeil, afin qu'il en foit infor-
» mé * & que cette réfolution parvienne à la con-
w noiflance de tous *5.
L e roi avoit fait favoir, dès la veille , fes intentions
au prince des Aftüries 3 auquel on avoit
remis une copie lignée du décret qu'on vient de
lire. Il fut publié dans le confeil & dans tous les
tribunaux. Mais les états généraux ne furent ni
convoqués, ni aflemblés, ni confultés , de forte
que n'ayant pas reçu formellement Xabdication de
Philippe , ils la regardèrent comme nulle * ils
s'âbftinrent néanmoins de le dire. Dot« Louis
fut proclamé roi dans le confeil dès le lendemain,
en préfence de plufieurs grands appelles à cette
cérémonie * Philippe accompagna fon abdication
d'un voeu folemnel de ne jamais remonter fur le
trône.
Louis I ne *vécut que quelques mois. Les con-
feils aflemblés fupplièrent Philippe de reprendre
la couronne. La nation defiroit qu'il remontât fur
le trône. Le nonce du pape & l'ambafladeur de
France lui firent les plus vives prières de îa part
de leurs maîtres. La jeune reine & les miniftres
alléguoient les raifons d'état les plus décifives. Il
fa llu t, pour achever de vaincre la réfiftance dç
Philippe, qu'une aflemblée de théologiens déclarât
que fon voeu étoit nul, qu'il y auroit de
J'injuftice à l'obferver , & que le roi étoit obligé
de prévenir les maux que pouvoit caufer la longue
minorité de l'infant don Ferdinand. D'autres
théologiens ayant été d'un âvis contraire, Philippe
fut très-embarraffé. Enfin le falut de l'état,
qui eft îa loi fuprême , l'emporta. Le 6 de Septembre
Philippe envoya le décret fuivant au con-
jfeil de Caftille.
« Quoique j'euffe bien réfolu de ne point quit-
m ter ma retraite , le confeil m'ayant fa it , dans
» la derniere confulte, & dans celle du 4 du pré-
33 fe-nt mois de feptembre , de vives inftances de
33 reprendre le gouvernement de cette monarchie,
»» & de m'en charger de nouveau comme roi na-
»» turel & propriétaire* m'ayant repréfenté en ou-
>3 tre que je fuis obligé en confcience & en toute
»» jufticede remonter fur le trône, j'ai réfolu, pouf
33 témoigner publiquement les égards que m'infpi-
33 reront toujours les décifions dudit confeil, le
»3 zèle & la confiante affeétion des membres qui
s» le compofent, de me facrifier au bien général
33 de cette monarchie & de fes habitans * & ,
>3 pour fatisfaire au devoir que m'annonce'k ju-
»3 gement du confeil , je reprends la couronne
33 comme roi naturel & propriétaire * me réfervant
>» néanmoins , fi Dieu me çonferve la v ie , la li-
33 berté de remettre le gouvernement au prince ,
33 mon fils ainé , quand il aura l'â g e , les qualités
33 & l'expérience néceffaires à un fouverain. Je
33 confens que les Cortès s'aflemblent pour recon-
33 noître l'infant dom Ferdinand , en qualité de
33 prince des Aftüries. Donné à Madrid le 6 fep-
33 tembre 1724
Abdication de Viftôr-Amedée 11, roi de Sardaigne.
Amedée II avoit régné glorieufement pendant
un demi-fiècle. Il avoit montré de la fagefle
dans les circonftances les plus difficiles. Deux fois
fes états avoient été fur le point de fubir le trille
fort qu'ils éprouvèrent fous le duc Charles III ,
& deux fois il avoit triomphé de la fortune prêté
à l'accabler. L ’Europe avoit vu revivre en lui tous
les grands hommes de la maifon de Savoie.
_ Il réfolut d’abdiquer , & il déclara que 1e mot
if de fon abdication étoit de mettre quelqu'inter-
valle entre le trône & le tombeau * que fa fanté
extraordinairement affoiblie par l ’âge & par les
travauxpénibles d'un règne de cinquante années,
l'avertifloit de travailler au grand ouvrage de fon
falut, loin des embarras du gouvernement & des
affaires * & on exalta fa piété héroïque.
Cependant l'auteur (1 ) des anecdotes de l’abdication
du roi de Sardaigne nous apprend que
cette retraite fut l’effet de l'embarras ou ce prince
guerrier & politique fe trouvoit pour avoir, pref-
que dans le même temps, pris des engagemens
oppofés avec l'empereur d'Allemagne & avec le
roi d'Efpagne , qui fe préparoient à faire la guerre
en Italie. Il vit avec effroi ces deux monarques
prêts à fe concilier , & l'empereur en état de lui
marquer fon mécontentement * il n"imagina d'au-
tre'expédient, pour écarter Forage, que de def-
cendre du trône , perfuadé que fon fils qu'il avoit
formé à l'obéiffance , l'y laifferoit enfuite remonter.
D'autres politiques ajoutent à c e motif celui
du mariage fecret de Viéfcor-Amedée avec la com-
teffe douairière de Saiht-Sébaûien , qu'il déclara
( ï ) l e marquis.deFleury, piémQn^is. F’oyet lagciencc du gouvernement, çom. 4*