
cent ans n’avoir exercé aucun art méchaniqiie.
Tous les deux aqs on balotte les membres de la
noblefle, & on exclut ceux qui ne méritent pas
d’être confervés.
Le petit confeil s’affemble tous les jours j il eft
compofé de trois députés , deux fyndies, un avocat
, un abbé & un iecretaire ; ils veillent à toutes
Jes affaires de la ville î & lorsqu’il y a des choies
qui ne font pas entièrement de leur reffort , ils
en confèrent avec le podeftat, & le prient d’aflif-
ter à leur confeiL Le podeftat, ou gouverneur
pommé par Venife , eft toujours un noble vénitien.
La ville entretient à Venife un député 3 (nun-
æîo ). Ce député veille fur les délibérations qui
peuvent intéreffer Brefcia 5 & il eft chargé de prendre
toutes les mefures convenables.
Parmi les privilèges du pays brefian , il y en a
pn qui eft fort utile ; les nobles vénitiens nés hors
.du territoire , ne peuvent y acquérir , ou y poffé-
der des.fonds. Ainfi les habitans xeftent en poffef-
fion de leurs biens 3 ou ils rie les tranfmettent
qu’à des parens & des perfonnes de leur pays.
Le territoire de Brefcia , ou le comté dé Brelfe 3
a environ vingt - cinq lieues de long ftir dix de
large 5 il contient environ 500 mille habitans 3 &
272 paroiffes : le terrein y eft très - fertile ; on y
fème la même année „du froment, & du lin ou
du millet.
BRESIL 3 grande contrée de l’Amérique.méridionale
3 qui a 1200 lieues de côté, fur 6to de
Jargeur. Voye[ fa pofition dans le Dictionnaire
de Géographie.
Cet article eft important, & je crois devoir le
traiter d’une manière fort,détaillée : je ferai i°. un
précis hiftorique de la colonie européenne établie
au Brefil. Je parlerai3 20. de l’adminiftration 3 des
troupes &c. du Brefil \ de l’état des naturels du
pays; 40. je ferai des observations particulières
fur les divers gouvernemens du Brefil ; 50. je
traiterai des mines d’or, de diamants, &c. qu’on
trouve au Brefil, ainfi que de leur produit ; 6 °. du
commerce & des productions du Brefil ; 70. enfin
j’examinerai les avantages que le Brefil. procure
au Portugal.
S e c t i o n p r e m i e r - e.
Hifiaire de la colonie du BrefiL
Si Colomb, après -être arrivé aux bouches de
TOrenoque en 1499» eût continué à s’avancer
vers le midi, il ne pouvoit manquer de trouver le
Brefil. Il préféra de tourner au nord-oueft, pour -
ne pas trop s’éloigner de Saint-Domingue, le
feul établiflement qu’euffent alors les efpagnols. ,
Un heureux hafard procura , l’année fuivante ,
l’honneur de cette découverte au portugais Alvarez
Cabrai. Pour éviter lés calmes de la côté
d’Afrique, Cabrai prit tellement au large , qu’il
fe trouva à la vue d’une terre inconnue, fituée a
l’ouell. La tempête l’obligea d’y chercher un
afyle. Il mouilla ftir la côte au quinzième degré de
latitude auftrale , dans un lieu qu’ il appella Porto-
Seguro. Il prit poffeflion du pays fans y former
d’établiffement, & lui donna le nom de Sainte-
Croix , auquel on fubftitua depuis celui de Brefil ;
parce que le bois ainfi appellé, étoit la produc-,
tion du pays la plus précieufe pour les européens,
qui l’employèrent à la teinture.
On avoit découvert cette contrée en fe portant
aux Indes > on ignoroit fi elle n’en faifoft
pas partie, & on lui donna le même nom, comme
les efpagnols avoient cru pouvoir l’attribuer aux
pays qu’ils avoient antérieurement découverts.
Les uns & les autres diftinguèrent feulement ces
régions par le furnom à3Indes occidentales. Cetre
domination s’étendit depuis à tout le nouveau
monde, & les américains furent appellés fort improprement
Indiens.
Dès que la cour de Lisbonne eut fait vïfiter les
ports, les baies , lesxivières, les côtes du Brefil 3
8c qu’on crut s’être affûré qu’il n’y a vo it ni or ni
argent, elleméprifa cette contrée au point de n’y
envoyer que des hommes flétris par les loix, que
des femmes perdues par leurs débauches.
Tous les ans il partait du Portugal un ou deux
vaiffeaux , qui alloient porter dans le nouveau
monde tous, les fcélérats du royaume. Ils en rapi,-
portoieut des perroquets , des bois de teinture &
de marqueterie. On voulut y joindre le gingembre
j mais il ne tarda pas à être prohibé, de peur
que cette marchandife ne nuifît au commerce
qu’on en faifoit par les grandes Indes.
L ’Afie oçcupoit alors tous les efprits. C ’étoît
! le chemin de la fortune , de la confideration , de
la gloire. Les exploits éclatans qu’y faifoient les
portugais , les richeffes qu’on en rapportoit, don-
noient à leur nation, dans toutes les parties du,
; monde , une fupériorité que chaque particulier
vouloit partagér. L’enthoufiafme était général
perfonne ne paffoit librement en Amérique : mais,
on commença à affocier aux malfaiteurs qu’on y
j avoit d’abord. exilés, les ipfortunés que l’inquift-
tion voulut profcrire.
On ne connoît pas de haine nationale plus pro>-
fonde & plus aérive que celle des portugais pour
l’Efpagne. Cette av-erfion fi ancienne, qu’on n’eu
voit pas l’origine j fi enracinée , qu’il n’eftpas pof-
fible d’en prévoir le terme, ne les a pas em-peché
d’emprunter la plupart de leurs maximes d’un voi-
fin dont ils redoutoient autant les farces, qu’ils,
en déteftoient les moeurs. Soit analogie de climat
& de caractère, foit conformité de circonf-
tances , Ils ont pris les plus mauvaifes de fes institutions.
Us n’en pouvoient imiter une plus révoir
tante^que celle de rinquifition.
Les juifs , que l’inquifition pourfuivoit fans
relâche , frirent exilés en grand nombre dans le
BrefiL Quoique dépouillés de leur fortune , ils
réuftirent à établir quelque culture. C e commencement
de bien fit fentir à la cour de Usbonnte
qu’une colonie pouvoit devenir utile à fa métropole
autrement que par des métaux. Dès 1525 on
la vit jeter des regards moins dédaigneux fur une
poffeflion immenfe , que le hafard lui avoit donnée
, & qu’elle étoit accoutumée à regarder comme
un cloaque où aboutiffoient toutes les immondices
de la monarchie.
L ’opinion du miniftère devint celle de la nation.
Avant tous les autres, les grands feigneurs s’animèrent
de ce nouvel efprit : le gouvernement
accorda fucceffivement à ceux d’entre eux qui le
demandoient, la liberté de conquérir un efpace de
quarante ou cinquante lieues fur les côtes, avec
une extenfion illimitée dans l’intérieur des terres.
Leur charte les autorifoit à traiter le peuple affu-
jetti de la manière qui leur conviendroit. Ils pouvoient
difpofer du fol envahi en faveur des portugais
, qui le voudroient mettre en valeur ; ce qu’ils
firent la plupart, mais pour trois vies feulement,
& moyennant quelques redevances.“Ces grands
propriétaires dévoient jouir de tous les droits
régaliens. On n’en excepta que la peine de mort,
que la fabrication des monnoies, que la dixme des
produirions ; prérogatives que la couronne fe ré-
îerva. Pour perdre des fiefs fi utiles & fi honorables,
il fallott négliger de les cultiver, leslaiffer
fans déferife , n’avoir point d’enfant mâle, ou fe
rendre coupable de quelque crime capital.
Ceux qui avoient follicité ou obtenu ces provinces,
s’attendoient bien à s’en mettre en poffeflion
lansbeaueoup de dépenfe pour eux , fans de grands
dangers pour leurs lieutenans. Ils fondoient principalement
leur efpérance fur l’inertie des peuplades
qu’il' falloit dompter.
On trouva le Brefil dillribué en petites nations,
les unes cachées dans, les forêts, les autres établies
dans les plaines ou fur les bords des rivières ;
quelques-unes fédentaires, un plus grand nombre
nomades ; la plupart fans aucune .communication
entr'elles. Celles qui n’étoient pas continuellement
en armes les unes contre les autres, étoient
divifées par des haines ou des jaloufies héréditaires.
I c i, Tune tiroit fa fubfiftance de la chaffe &
de la pêche , l’autre de la culture des champs. Tant
de différences dans la manière -d’être & de vi vre ,
ne pouvoient manquer d’introduire de la variété
dans les moeurs & dans les coutumes^
, Les moeurs des naturels du pays annonçoient le
courage 8c la férocité.
. Les brefiliens n’étoient pas difpofés à recevoir
patiemment les fers dont on vouloit les charger :
mais que pouvoient des fauvages contre les armes
& la difcipline de l’Europe ? Un affez grand nombre
avoit fubi le jo u g , lorfqu’en 1549 , la cour
de Lisbonne jugea' convenable d’ envoyer un c h e f .
pour régler un établiflement abandonné jufqu’a-
lors aux/fureurs & aux caprices de quelques brigands.
En bâtiffant San - Salvador, Thomas de
Souza donna un centre à la colonie : mais la gloire
de la faire jouir de quelque calme, étoit réfervée
aux Jéfuites qui l’accompagnoient. Ces hommes
intrépides, à qui la religion ou l’ambition firent
toujours entreprendre de grandes chofes, fe dif-
perfèrent parmi les indiens. Ceux de ces mifiïon-
naires , qui, en haine du nom portugais , étoient
maffacrés , fe trouvoient aufll - tôt remplacés par
d’autres , qui n’avoient dans la bouche que les
tendres noms de paix & de charité. T ant de magnanimité
confondit des barbares , qui jamais n’avoient
fu pardonner- Infenfiblement ils prirent
confiance en des hommes qui ne paroiffoient les
rechercher, que pour les rendre heureux. Leur
penchant pour les miflîoniiaires, devint une paf-
fion. Lorfqu’un jéfuice devoit arriver chez quelque
nation , les, jeunes gens alloient en foule au-
devant de lu i, fe cachant dans les bois fitués fur
la route,. A fon approche , ils fortoient de leur
retraite, ils.jouoient de leurs fifres, ils battoient
leurs tambours, ils rempliffoient les airs de chants
d’allégreffe ; ils danfoient,- ils 11’omettoient rien
de ce qui pouvoit. marquer leur fatisfaction. A
l’entrée du village étoient les anciens, les principaux
chefs des habitans, qui montroient une joie
aufli v iv e , mais plus réfervée. Un peu plus loin ,
on voyoitles jeunes filles & les femmes dans une
pofture refpeétueufe 8c convenable à leur fexe.
Tous réunis, ils conduifoient en triomphe leur
père dans les lieux où l’on devoir s’affembler. L à ,
il les inftruiloit des principaux myftères. de la religion
5 il lès exhortoit à la régularité des moeurs, à
l’amour d elà juftice, à la charité fraternelle , à
l’horreur du fang humain , 8c les baptifoit.
Comme ces millionnaires étoient en trop petit
nombre pour tout faire par eux - mêmes, ils en-
voyoient fouvent à leur place les plus intelligens
d’entre les indiens. Ces hommes , fiers d’une def-
tinationfi glorieufe, diftribuoient des haches, di;s
couteaux, des miroirs aux fauvages qu’ils trouvoient
j & leur peignoient les portugais doux,
humains , bienfaifans. Ils ne revenoient jamais de
leurs courfes’ fans être fuivis de quelques brefiliens
, dont ils avoient au moins excité la curiofité.
Dès que ces barbares avoient vu les jéfuites, ils
ne.pouvoient plus s’en féparer. Quand ils retournoient
chez eux , c’étoit pour inviter leurs familles
& leurs amis à partager leur bonheur ; c ’étoit
pour montrer les préfens qu’on leur avoit
faits.
Les brefiliens avoient eu trop fujet de haïr les
européens, pour ne pas fe défier même de leurs
bienfaits. Mais un trait de jultiçe , qui fit un grand
éclat, diminua-cette méfiance.
Les portugais avoient formé l’établiffement de
Saint-Vincent fur la côte de la m e r , au vingt-
quatrième degré de latitude auftrale. Là , ils corn-
merçoient paifiblement avec les cariges , la nation
la plus douce 8c la plus poncée de tout le Brefil„
L ’utilité qu’on retirait de cette, liaifon, n’empêcha