
lincs dégradées *> les pluies raffemblées en torrens,
les entraînent dans les vallons & dans les plaines
qu’elles engravent ; les rivières ne peuvent plus
conferver de lit, 8c défunis & dévaltateurs , nous
vivons expofés à de nouvelles pertes, tandis que
nos gardiens font occupés à nous exercer pour la
guerre entre les nations > pour la guerre , qui primitivement
eft contre nature 3 fans fonger à réunir
les efforts des fociétés contre les cas fortuits &
les vimaires , véritables ennemis 3 qui attaquent
nos travaux & dévaluent notre féjour.
Le Dieu des armées , n’eft point le Dieu du
meurtre de nos femblables ; il eft celui de la
réunion de nos forces 3 réunion propice 8c nécef-
faire contre tous les genres d’accidens ruineux.
Quoi qu’il en foir , les bois 3 qui nous font fi né-
ceflâires 3 qui parent, en grande partie , aux dégradations
de nos terreins, font un des plus impor-
tans objets de l’économie politique ; & par confé-
quent tout ce qui tend à l’épargne de leur confom-
mation purement inutile par le peu de fervice &
de durée , je veux dire l’épargne du bois en chauffage
, doit être accueilli & recherché, comme
étant de la plus grande utilité 5 car quoique la con-
fomination payée foit la mefure de la production,
il ne s’enfuit pas que la diflipation , quoique
payée, foit avantageufe : bien loin de-là, la véritable
économie confifte à obtenir le même but
avec le .moins de frais 8c de confommation pof-
fible. La démonftration de cet axiome fe trouve
dans un autre article.
Il faut donc tendre à donner aux bois le plus
de valeur y enale poflible, pour en exciter la culture
, pour en infpirer i’epargne. Il faut, par
tous moyens d’eftime ,& d’encouragemenj, engager
la phyfique 8c la méchanique à la recherche
du bon & du meilleur emploi de la chaleur de
remplacement du bois pour le chauffage , qui ,
lorfqu’il n’eft pas indifpenfablement néçeffaire ,
devient une véritable déperdition.
En attendant néanmoins qu’on s’occupe de ces
foins économiques, & en lai liant toujours aux
propriétaires ceux d’adminiftrer & d’entretenir à
leur gré lès bois & les forêts qui leur appartiennent
, conlîdérons un moment ce qu’il convient
de faire pour conferver 8c améliorer les forêts &
les bois du domaine.
M o y en s pratiques de repeupler G* de conferver les
bois. Aménagement des fo r ê t s .
Pour donnNer une idée plus complette de l’état
de dégradation & de dépériffement toujours croif*
fans où font nos forêts depuis près d’un fiècle y
&préfenteren même-temps les moyens-pratiques
les plus fimp.les & les plus efficaces d’arrêter ces
dégâts, de repeupler & d’améliorer nos bois ±
nous allons rapporter ici le précis d’un ouvrage
fur l’aménagement des forêts, fait par un citoyen
eftimable 8c très-inftruit fur cette matière. M. P an-
nelïer d‘A n n e l 3 chargé par le gouvernement du
repeuplement de la forêt de Compiègne ( i ) ,
dont les plantations nouvelles de la plus grande
beauté, fur environ 8ocg arpens d’un mauvais
terrein , prouvent les foins affi^us , le définté-
reffement, le zèle & les talens non équivoque»
de ce bon citoyen.
Le principal objet qu’on fe propofa dans les
règlemens des forêts lors de la rédaôtion de l’or*
donnance de 1669, fut d’affûrer à l’état pour
l’avenir des bois propres aux grandes conftruc-^
tions.
Pour en avoir, il étoit néçeffaire d’attendre
long - temps des arbres : pour en avoir beaucoup ,
il parut tout fîmple d’attendre une multitude d’arbres
raffemblés.
En cortféquence, prefque toutes les forêts du
roi furent deftinées, en tout ou en partie, à croître
en maflifs de futaie, & il fut ordonné que
le quart des bois appartenans aux ecciéfiaftiques ,
gens de main - morte & communautés , feroit
référvé pour croître de même.
Ainfi on facrifia le produit continu en nature &
en. argent, qui feroit réfulté des coupes plus fréquentes,
à l’objet que l’on ne crut pouvoir fe procurer
que par une attente longue & générale.
Cependant on manque prefque abfolument de
bois de première efpèee pour les bâtimens dé
terre 8c de mer., l’on éprouve prefque par-tour
la cherté des bois à brûler ,- néceffaires tant pour
le chauffage que pour l’entretien des manufactures.
Le mal eft généralement reconnu^
L’exploitation des forêts ne rendant pas le produit
en bois qu’elle devrait donner, le produit'
en argent en eft d’autant réduit j de forte que les
forêts 8ç bois du royaume font un fonds de richeffe
« Ceux qui font prépofés à la confervarion des bois , fe plaignent eux-mêmes de leur dépcrjfiêment ; mais ce n’eft
pas affez de fe plaindre d’un mal qu’on fenr déjà & qui ne petu qu’augmetfier av.ee le temps, il faut en chercher le
remède, £c tout bon citoyen, doit donner au public les expériences & les réflexions qu’il peut avoir faites à cet egard
M. de Buffon, Hifi Natur. - » . r , , ,
(1 ) L’extrait fuivant d’une feuille publique de l’asmée 178.2, peut faire connome le cas que fait 1 Europe des talens de
M. Panudier,
Londres. so Février.
« La guerre aôuefle nous ayant, privés des bois de co.nftruflion -qu’on rirpic de l’Amerique feptentrio.nale, & ayant
» diminué l’importation de ceux du Nord, dont les états qui bordent la mer Baltique ont befoin, le roi a n p in me des
3» ïnfpefteurs pour faire l’emménagement des-forêts de la couronne. On a établi à cet égard.des referv.es nnifoxnxes ,..d apres
» les principes adoptés en France avec le plus grand fuccès, dans la forêt de Compiègne; ces principes ont ete établis dans
» un excellent ouvrage françois de M. Paimelkr d'Annd .-ouvrage qui a mérité, par les grandes vues qu il renferme > a être
»> adopté par notre gouvernement *,
cfui, depuis long-temps, ne rapporte pas ce qu’on
en devroit retirer, & qui s’épuifera enfin fi l’on
n’arrête pas les progrès du dépériffement des parties
qui peuvent encore fe perpétuer, & fi l’on ne
renouvelle pas celles qui- ne peuvent fe régénérer.
La caufe du mal eft dans l’exploitation même.
Les forêts 8c les bois si exploitent de deux maniérés.
Dans la. première , on les attend en maflifs de
futaie, & on.ne les coupe qu’aux âges de i-GOi
z o o 8c même 300 ans.
Dans la fécondé , on les exploite en taillis qu’on
coupe à. differens âges, en réfervant des baliveaux
àtchaque coupe.
Que réfute -1 - il de la première manière ?
- En attendant qu’une forêt devienne futaie, on
n’en retire aucun produit > 8c lorfqû’on la coupe ,
en la fuppdfant toute en chêne, elle ne donne
aucuns bois propres à la conftruélion des bâtimens
de mer, ni des grands^ édifices de terre.
C’eft néanmoins le feul objet pour lequel on
a confervé 8c laiffé croître des bois en maflifs de
futaie.
Ce qui a trompé dans le temps ^ & qui entretient
encore un grand nombre de perfonnes dans
lê préjugé', c’eft la hauteur des arbres qui effectivement
en impofe , quand on ne fait que parcourir
les bois fans les examiner.
Mais fi ces arbres font en général très-élevés ,
ils fo n t toujours tortueux & p lein s de finuofités du
p ied a la tête y eonféquemmeut, i ls n o n t jam a is de
droits y pas même fu r un fe n s : d’où il arrive que ces
arbres , qui ont quelquefois de 70 à 80 pieds de
hauteur, ne donnent cependant aucune pièce de
longueur, puifqu’il faut pour les employer , les
couper où ils perdent leurs droits, 8c qu’ils les
perdent coup fur coup.
A l’égard de la groffeur, indépendamment de
ce'qu’elle n’eft jamais proportionnée à la hauteur ,
dans def arbres crûs en mafiifs de futaie , elle eft
encore bien réduite lorfqu’iLeft queftion d”employer
les bois, parce que, chacune dés parties de
ces arbres , tenant elle - mime du tortueux de r arbre
en t ie r , à l’équarriffage, une pièce qui paraîtrait
devoir être de 20 pouces, n’eft réellement que
de 16 , encore y refte-t-il du fïache 5 d’ailleurs la
çièce, contre - taillée dans tous les fens, & fans
égard à la direction dès fibres , ne reçoit qu’une
configuration forcée, 8c eft ainfi. affoiblie parla
façon qu’on lui donne.
Enfin les arbr.es venus en maflifs de futaie, font
abfolument fans qualité y i ls fo n t toujours tendres :
par ce feul défaut, quand même ils auroient de la
groffeur, & donneroient des pièces de longueur
ils feroient encore à rebuter pour les eonftruc-
tfons.
9 Tels fopt les arbres crûs en mafiifs de futaie :
d’où il fuit qu-e ces futaies ne peuvent donner une
feule pièce de bois de première efpèee pour les
conftruCtions de mer, ni pour celles de terre, 8c
que même le peu qui s’y trouve d’efpèces inférieures
, faute de qualité, ne doit point être employé
lur-tout pour les bâtimens de mer. A i’é-
gard de ces; arbres on avance, que s’ils étoient
attendus eû mafiifs de futaie > ils ne foarniroienc
pas de quoi conftruire un feul vaiffeau.
En effet'fi l’on vérifie , on reconnoîtra que les
bois de marine , ainfi que les principales pièces
qu’on emploie dans les bitimens de terre , proviennent
, non des arbres qui compofent les maf-
fifs de furaie, mais de ceux réfervés dans des bois-
exploités à certains âges, c’eft - à-dire , fur lesquels
ont n’avoit nullement compté pour les
grandes conftruCtions.
Ce fait, qu’il eft aîfé de conftater, devroit
bien défabufer les perfonnes qui ont adopté, fans
examen, le préjugé de l’avantage 8c de la nécef-
fîte des futaies en mafiifs. Si ces perfonnes ne
veulent pas fe donner la peine de vifiter les forêts
pour s’mftruire. ,• elles pourroient du moins s’informer
d’où l’on tire les beaux bois de charpente
qui font fur les chantiers pQur les grands édifices
de terre, & ceux qu’on emploie pour la conftruc-
tion des vaiffeaux (i)jen un mot, comment
font emménagées les forêts d’où viennent les bois
pour lefquels ces perfonnes demandent que l’on
çonferve. des futaies , foit en grands maflifs , foit
en bouquets , foit en bordures ou libères (2).
Le dernier fort de ces futaies eft de ne point
repoufler j & fi le terrein reproduit, ce n’eft que
des bois d’efpèces inférieures (3).
( 1 ) C’eft principalement la Champagne qui fournit Paris <Je bois de charpente, ainfi que plusieurs de nos ports en bois
dè confituÆtiou ; & l’on peut aller jufqu’â dite q.ue de toutes les1 forces qui donnent ces bo s , il n?en eft pas une qui né foit
exploitée en taillis, avec réCerve de baliveaux , qu’on appelle dans le pa ys futaies fur taillis : ce font ces fataies qu-’on v
attend,, & non dès futaies en majjife.
';(*•) Les bouquets de futaie , lés îifièrés, les Kordtires f «’ importe la forme & le nom ) font de moindres maflifs, mais
font toujours des maflifs;; ils en. ottt tous les mconVch-ierts , parce qu’ils ne participent point' aux avantages des arbres
ifolés. Si Pou y rencontre quelquefois, ainfi mie dïins lés grands maflifs de futaie, des arbres de valeur, ifs proviennent
dé réferves anciennes : au lieu de faire exception, ils pfou'vent d’autant ce qu’on avance. Par majjifs de futaie, on emenct
les arbres du même âge compcfans ces tnafjïfs.
( 3 ) Le terrein ne produit que des bois d’efpcces inférieures, parce que les Touches ne repouflant pas, il n’y a point
de recrû', ou il n’y en a pas aflez pour étoufrér les graines dès bois blancs, qui y font portées continuellement par Us
vents. Lorïqu’il repôufTe quelques cepées de l’eflèrce du bois abattu, elles ne proviennent nue du peu de plant venu
de gratqc, qui a eft trouvé coupé lois de l’exploitation.