
fes moyens, & qui ne fe permette les vexations
les plus criantes pour foutenir ce fafte infenfé.
.Rien ne contribue à la décadence de 1Jempire, autant
que t’agraqdiflement démefuré de quelques-
uns de fes membres. Ces fouyerains , devenus
trop puifians ï détachent leur intérêt particulier
de l'intérêt général. Cette défunion mutuelle fait
que, dans les dangers communs, chaque province
relie abandonnée à elle-même. Elle eft obligée
de plier fous la loi du plus fort quel qu'il foit ; 8c,
fi l'on n'y prend garde , la conllitution allemande Eourra bien dégénérer en efdavage ou en tyrannie.
’Allemagne feroit deux fois plus puilïante, fi elle
n'avoit qu'un feul monarque ; & la forme actuelle
de fon gouvernement ne permet pas d’ef-
pérer‘que jamais fes membres fu ien t, en faveur
du corps, tous les efforts ^oflibles. Les inconvé-
niens de tout gouvernement compofé, font d'autant
plus confidérables, que le nombre des confédérés
eft plus grand , & qu'il y a moins de proportion
de rang 8c de puiflance entre les états qui le
forment. De là les lenteurs à concourir au bien
général, lenteurs fouvent aulïi funeftes que des infidélités;
de là les jaloufies, & le choc des intérêts
particuliers.
L'Europe doit s'applaudir de ces vices de
Conftitution , fans lefquels Y Allemagne pourvoit
fe flatter de lui donner des loix , ou au
■ moins la tenir dans de continuelles frayeurs.
S e c t i o n X X I e.
Des rapports politiques de F Allemagne,
La puiflance d’un.état ou d’une confédération,
eft relative à celle de fes voifins; l'Allemagne
contiguë à la Turquie d'Europe, a pour .remparts
la Stirie, la Hongrie 8c la Croatie. Les ottomans,
confidérables pat leur nombre , ne font point des
ennemis dangereux. Peu aguerris, & mal difcipli-
jnés, ils n’ont que l'iarpétuofité du courage, qui
s'éteint.à mefure qu’ris pénétrent dans les pays
froids. La ftériliré de la Servie & de la Bulgarie ,
leur refufe les fubfiftances néceflaires à de nom-
breufes années ; l‘Allemagne ne leur a jamais
oppofé que le quart de lès forces , & des
troupes de rebut, mal payées , mal difeiplinées.
La terreur quinfpiroit le nom Turc, étoit un effet
de la politique antrichienne, qui exagérait leurs
forces pour tirer de plus fortes contributions : la
religion a encore contribué à nourrir ce préjugé ;
les prêtres & les moines ont tonné dans la tribune
fa c té e , pour armer l’Europe contre ces peuples
infidèles. Y1 Allemagne n’a rien à redouter de l’Ita-
lie gouvernée par différens princes , qui ne peuvent
porter la guerre au dehors. La Pologne dé-
•membrée & déchirée par des faisions , ne figure
■ plus parmi les puiflances de fEurope. Elle n’a ni la
force ni l'ambition de faire des conquêtes. Le
Dannemack, attentif à confeiver fes poffeflkms,
ne peut nuire à l’empire , 8c a befoin de fon fecours
contre la Suède. 1/ Angleterre , fatisfaite d’être la
dominatrice des mers, n’eft jaloufe que d’étendre
fes pofleflions en Afie & dansle nouvelhémifphère.
Les hollandois, nés au milieu des eaux, ont tourné
leur ambition du côté de l’Inde. La Suède, fous
fes rois conquéran&-> a enlevé plufieurs provinces
A’Allemagne s mais cette puiflance manque d’hommes
8c d’argent pour foutenir une longue guerre}
c’ eft un débordement qui fe diflipe dans les campagnes
qu’il inonde. La France eft le feul état qui
puifle attaquer avec fuccès VAllemagne ; mais
la nature' a fixé fes bornes , & l’expérience lui
a appris quelle ne peut les franchir impunément.
Après cette vue général® des rapports politiques
de XAllemagne, nous allons entrer dans des.
détails plus particuliers.
Rapports de l'êmpire avec l'empereur. Ceux des
princes de l’empire qui ont une grande cour &
de vaftes domaines, veulent un chef foible.î au-
lieu que les princes foibles font charmés d’avoir
un Empereur puiflant. Il n’eft pas diftiefie
d’expliquer cette différence. Lorfque les forces
de l’empereur ne font pas confidérables,.
l’autorité du collège électoral s’accroît, la voix
des grands princes a plus de prépondérance à la
diè te , 8c ils agiflent plus ' librement chez eux.’
D ’un autre côté , l’empereur le plus foible peut
toujours, contenir, dans les bornes du refpeét 8c
de la dépendance , les petits états du corps germanique.
Ceux-ci ont appris qu’ils doivent plier
fous l’autorité impériale » 8c ils montrent par rai-
fon , ou par habitude, une Coumiflion à laquelle ils
ne fauroient fe fouftraire. Leur objet principal eft
d’avoir un chef aflez puiflant pour les protéger
contre tous les étrangers qui voudrojent envahir
leurs états , ou les dépouiller de quelques-
unes de leurs prérogatives. D ’ailleurs, plus ce
chef eft grand, 8c plus il a de moyens de leur
accorder des bienfaits , d’élever leurs maifons,
d’y attacher de nouvelles dignités, de leur donner
des fiefs vacans, ou des emplois honorables
8c lucratifs dans fe^ armées.,
Les princes d’Allemagne s’occupent aufli de la
conlervation de toutes les provinces de l’empire.
La perte d’une feule affaiblit la puiflance du corps
entier : quand on confulte l’hilfaire , ^ 8c cette
partie du droit public qui traite des limites anciennes
8c modernes du faint-empire, on eft étonné
de voir combien il a perdu de pays depuis
quelques ■ fièçles. Il eft fur qu’il doit la plupart
de ces pertes aux guerres particulières des empereurs
, dans lefquelles l’empire a été malheu-
reufement engage, & fur-tout à la rivalité des
maifons d’Autriche 8c de Bourbon. Cette obferva-
tion feule prouve aflez que l’état de neutralité eft
convenable à T empires en effet le corps germanique
ne peut jamais rien, gagner en fe mêlant de querellés
étrangères, 8c il rifque toujours de perçlre
beaucoup. Chaque nouvel empereur promet, de
la manière la plus folemnelle , de faire tous les
efforts poflibles pour reconquérir. St rejoindre a
l'eiapire ce qui en a été démembré i mais., pour
peu que l'on réfléchiffe à la puiflance des couran-
nesvoifines, au peu de forces du corps germanique,
à la diverfîçé des intérêts dé fes membres, à la
forme de fon gouvernement, à la lenteur de fes
opérations & à mille autres inconvénlens , on
verra que ces réunions doivent être mifes au rang
des projets imaginaires.
L ’empire perd des terres ou des provinces d’une
autre manière, que l'on nomme l'exemption. Un
prince de l’empire ( ou même u,n étranger ) acquiert
une terre , un pays , ou une province d Allemagne
; il prend alors à ta diète la place de celui
qui paffe fous fon obéiffance , 8c il paie les contributions
que celui-ci devoit payer ; ou bien il
ne paie aucune de ces contributions;,il envifage le
pays dont il s'eft rendu maître comme une conquête
abfolue, 8c l'ancien propriétaire comme un
vaflal. Ces fortes d'exemptions fe font àdifférens
titres, par héritage j par les fiefs de l'empire,
par une preicription immémoriale, par une fou-
miffion volontaire de celui, qui eft exempté „ par
les concédions impériales ; 8c enfin, à.l’égard des
puiflances étrangères, par voie de conquête. C ’eft
ainfi que la France afottfttait à l'empir^ la ville
dç Strasbourg, l'A lfa c e ,d e s Trois.-Evecbés &
d’autres provinces. Ori trouve, dans plufieurs auteurs
allemands, la lifte des pays qui font tombés
au pouvoir d'un autre prince par l’un de ces
titres ; mais elle eft trop longue, 8c nous ne
la tranferirons. pas!; La manière la plus dange-
reufe, c’eft lorfqu’un état obtient l’exemption par
les conceffions impériales qui n’ont aucune borne.
On en a vu des exemples fréquens depuis que la
tnaifon d’Autriche eft revêtue de la dignité im,
périale.. Les empereurs fe font accordé ces fortes
de privilèges à eux-mêmes, 8c ils ont affranchi
une grande partie de leurs e'tats, des contributions
8c des autres charges de l’empire. On a remarqué
que cette maifon détachoit infenfiblemènt fes propres
provinces, du lien général de l'empire, dans
8c ils obtenoient- tout ce qu’ils vouloient. Si ces
-princes itéraient pas fujets, ils étoient fi dévoués
à fes volontés 8c fi accoutumés à défendre la
maifon d’Autriche , que cette maifon affermifloit
fo.n em.pire en Allemagne dans toutes les guerres.
Lorfqu’elle s’éteignit, la France eut la force 8c
l’adrefle de porter l’éleéteur de Bavière à l'empire
fe meme temps qu’elle faifbit femblant. de réunir
ce qui en avoit été démembré par. les étrangers.
On a cru devoir arrêter cet abus; 8ç c’eft l'objet
de l’article III de la ' capitulation 4e . l‘eraper(:ur
Jofeph , 8c de l’article V I de celle, de Charles
VI.
Les empereurs de la maifon d’Autriche ont ete,
à certains égards , les maîtres abfolus du corps
germanique, 8c la France feule les a empêché
de rendre héréditaire le trône impérial ; ils in-
triguoient dans les cours des princes d‘Allemagne,
> mais cette opération utile n’a pas' eu de
fuite., la couronne impériale a pafle à la maifon •
de Lorraine fubftituée à celle d’Autriche.
Rapports de l'empire avec la cour de Rame. Les
papes n’ont jamais pu obtenir le droit de difpo-
fer des. évêchés > 8c les chapitres ont toujours
confervé le privilège d’élire leurs évêques. Les
empereurs inveftiflbient autrefois ces nouveaux
évêques , per annulum & baculum ; Rome négocia
fi bien, que l’empereur lui céda ce droit d’invef*
titure l’ an r i 22. Cependant, comme les éveques
d’Allemagne font en même - temps princes , &
qu’ ils a f lifte n t à la diète , ils reçoivent de l’empereur
l’inveftiture de leur dignité temporelle 5 le
pape les met feulement en pofleflion du pouvoir
fpirituel' & de tous les droits qui y font attachés.
Mais les archevêques , ainfi que quelques évêques
, font contraints d’aller chercher à'Rome le
Pallium (1 ) ou manteau épifeopal, fans lequel ils
ne peuvent exercer les fon&ions de l’épifcopat.-
Les allemands fe plaignoient fi fort des exactions
du d a in t-fiègeq ue l’empereur Frédéric III
crut devoir les diminuer ; il fit avec le pape N icolas
V , en 1148, la fameufe convention appel-
lée .concordat\de la nation germanique, qui a été
reçue comme une loi fondamentale de l’empire ,
mais dont les états proteftans ont été déclarés libres
& exempts par la paix de religion , 8c par
celte de Weltphalie.
D ’après ce concordat , r°. les bénéfices eccle-
fiaftiques à Rome, 8c à deux journées à l’entour,
font demeurés,.à la difpofition du faint-fiège.
1°. Dans les chapitres d’Allemagne, l’éleélion
canonique a lieu, 8c le pape ne fe réferve que
la confirmation.
30. Le pape 8c les évêques difpofent alternativement
des petits bénéfices.
40. Le pape donne les bénéfices qui viennent à
vaquer dansées mois de janvier, mars, mai, juille
t , feptembre 8c novembre, que l’on nomme
menfes papales.
j ° . Les évêques difpofent de tout ce qui vient
à vaquer dans les autres fix mois, que l ’on appelle
menfes epifcopales. On a obfervé que la cour
de Rome s’eft réfervée les mois qui ont trente un
jours.
6°. On donne une fomme d’argent au pape pour
les annates , ou revenus de la première année que
( 1 ) Le pallium eft tiflu de la laine de deux agneaux choifis parmi ceux que noumffent les religieufes de famte Agnes
à Rome : on les bénit fur l’autel M zi janvier. Les prix d’achat & de tranfport montent a plus de vingt- cinq
uiille écus d’Allemagne ; & » pour comble de malheur, ce«e dépenfe eft renouvellée. ai chaque eleâion d un nouvel archevêque.