
pour les chargemens ; qu'il n'y auroit qu'à fe fortifier
pour fe mettre à couvert des vexations des
foibles defpotes qui opprimoient ces contrées.
Les premières colonies furent établies fur les
bords de la mer ; quelques-unes durent leur origine
à la force i la plupart fe formèrent du consentement
des fouverains : toutes eurent un terrein
très-refferré. Leurs limites étoient fixées par-une
haie de gros aloës & d'autres plantes épineufes ,
particulières au pays, entremêlées de cocotiers &
de palmiers : elle étoit impénétrable à la cavalerie,
d'un accès très-difficile à l'infanterie, & fervoit
de défenfe contre les incurfions fubites. Avec le
temps'on éleva des fortifications plus folides. La
tranquillité qu'elles procuroient, & la douceur du
gouvernement multiplièrent en peu de ternes le
nombre des colons. L'éclat & l'indépendance de
ces établiffemens blefsèrent plus d'une fois les
princes, dans les états defquels ils s'étoient formés
i mais les efforts pour les anéantir furent inutiles.
Chaque colonie vit augmenter fes profpé-
rités, félon la mefure des richeffes & de l'intelligence
de la nation qui l'avoit fondée.
Aucune des compagnies qui exercent leur privilège
exclüfîf au delà du cap de Bonne-Efpérance,
n'entreprit le commerce des diamans : il fut toujours
abandonné aux négociais particuliers, &
avec le temps il tomba tout entier entre les mains
des anglois ou des juifs & des arméniens qui vi-
voient fous leur protection : aujourd'hui il eft peu
de chofe. Les révolutions arrivées dans l'Indof-
tan ont écarté les hommes de ces riches mines î
& , l'anarchie dans laquelle eft plongée ce malheureux
pays, ne permet pas d'efpérer qu'ils s'en
rapprochent. Toutes les fpéculations de commerce
à la côte de Coromandel fe réduifent à l'achat des
toiles de coton.
On y acheté des toiles blanches, dont la fabrication
n'eft pas affez différente' de la notre, pour
que fes détails puiffent nous intéreffer ou nous
inftruire. On y acheté des toiles imprimées , dont
les procédés , d'abord fervilement copiés en Europe
, ont été depuis Amplifiés & perfectionnés
par notre induftrié; on y achète enfin des toiles
peintes, que nous n'avons pas entrepris d'imiter.
Ceux qui croient que la cherté de notre main-
d'oeuvre nous a feule empêché d'adopter ce genre
d'induftrie, font dans l'erreur : la nature ne nous
a pas donné les fruits fauvages & les drogues qui
entrent dans la compofition de ces brillantes &
ineffaçables couleurs 5 qui font le principal mérite
des ouvrages des Indes 5 elle nous a fur-tout re-
fufé les eaux qui leur fervent de mordant, & qui
bonnes à Pondichéri, font parfaites à Madraff, à
Paliaeate, à Mazulipatam, à Biblipatam.
Quoique toute la partie de l'Indoftan, qui s'étend
depuis le cap Comorin jufqu'au Gange,
offre quelques toiles de toutes les efpèces, on peut
$ire que les belles fe fabriquent dans la partie
priçntale, les communes au m ilieu, U les groffiè- I
res à la pa'rtie la plus occidentale. On trouve des
manufactures dans les colonies européennes & fur
la côte. Elles deviennent plus abondantes à cinq
ou fix lieues de la mer, où le coton eft {>lus cult
iv é , où les vivres font à'meilleur marché. On y
fait des achats qu’on pouffe à trente & quarante
lieues dans les terres. Des marchands indiens établis
dans leurs comptoirs font toujours chargés
de ces opérations.
On convient avec eux de la quantité & de la
qualité des marchandifes qu'on veut. On en règle
le prix fur des échantillons, & on leur donne
en paffant le contrat, le quart ou le tiers de ce
qu'elles doivent coûter. C et arrangement tire fon
origine de la néceffité où ils font eux-mpmes de
faire, par le miniftère de leurs affociés ou de, leurs
agens répandus par-tout, des avances aux ouvriers
, de les furveiller pour la sûreté de ce capital
, & d'en diminuer par degrés le fonds, en retirant
journellement les toiles à mefure qu’ elles
font ouvrées. Sans ces précautions, on ne feroit
jamais sûr de rien dans un gouvernement tellement
oppreffeur, que le tifferand n'eft jamais en état ,
ou n'ofe pas paroître en état de travailler pour
fon compte.
Les compagnies qui ont de la fortune ou de la
conduite , ont toujours dans leurs établiffemens
une année de fonds d'avance. Cette méthode leur
affure pour le temps le plus convenable la quantité
de marchandifes dont elles ont befoin, & de
la qualité qu'elles défirent ; d’ailleurs leurs ouvriers
, leurs marchànds, qui ne font pas un inf-
tant fans occupation, ne les abandonnent jamais;
Les nations qui manquent d'argent & de cré*
d i t , ne peuvent commencer leurs opérations de
commerce qu'à l'arrivée de leurs vaiffeaux : elles
n'ont que cinq ou fix mois au plus pour l'exécution
des ordres qu'on leur envoie d'Europe. Les
marchandifes font fabriquées , examinées avec
précipitation, on eft même réduit à en recevoir
qu'on connoît pour mauvaifes, & qu'on auroit
rebuté dans un autre temps. La néceffité de c«m-
pletter les cargaifons, & d'expédier les bâtime-ns
avant le temps des ouragans, ne permet pas d'être
difficile. ^ ^ , *
On fe tromperoit en penfant qu'on peut déterminer
les entrepreneurs du pays à faire fabriquer
pour leur compte, dans l'efpérance de vendre
avec un bénéfice raifonnable à la compagnie à
laquelle ils font attachés. Outre qû'ils ne font pas
la plupart, affez riches po^r former un projet fi
vafte, ils ne feroient point sûrs d'y trouver leur
profit. Si des événemens imprévus empêchoient la.
compagnie qui les occupe de faire fes armemens
ordinaires, ces marchands n'auroient nul débouché
pour leurs toiles. L'indien, dont la forme du
vêtement exige d'autres largeurs, d'autres, longueurs
que celles des toiles fabriquées pour nous,
n'en voudraient pas, & les autres compagnies eu-
I ropéennes fe trouvent pourvues ou affurées de
tout ce que l'étendue de leur commerce exige,
de tout ce que leurs facultés leur permettent d'acheter:
la voie des emprunts imaginée pour lever cet
embarras, n'a pas été, & ne pouvoit pas être utile.
C ’eft la coutume dans l'Indoftan, que celui qui
emprunte, donne une obligation, par laquelle il
s'engage à payer au créancier La fomme empruntée
, avec les intérêts. Pour que cet aCte foit authentique
, il doit être ligné au moins de trois témoins
3 & que l'on y ait marqué le jour, le mois,
l'année où l'dft a reçu l'argent, & combien on a
promis d'intérêt par mois. Si le débiteur n'eft pas
exaCt à remplir fes engagemens, il peut être arrêté
par le prêteur au nom du gouvernement. On
ne le met pas en prifon, parce qu'on eft bien af-
sûré qu'il ne prendra pas la fuite. Il ne fe permet-
troit même pas de manger ni de boire, fans en
avoir pbtenu la permiffion de fon créancier.
Les indiens diftinguent trois fortes d’intérêts ;
l’un qui eft péché, l'autre qui n'eft ni péché ni
vertu, un troifième qui. eft vertu ; car c'eft ainfi
qu’ils s'expriment. L'intérêt qui eft péché, eft de
quatre pour cent par mois ; l'intérêt qui n'eft ni
péché ni vertu, eft de deux pour cent par mois;
l'intérêt qui' eft vertu, eft d'un pour *qent par
mois. Ils prétendent que ceux qui n’exigent pas
davantage, pratiquent un aéte d'héroïfme. Quoique
les nations' européennes qui font réduites à
emprunter, jouiffent de cette faveur, on fent bien
fans que nous en avertiffions, qu'elles n'en peuvent
profiter fans nuire beaucoup à leurs intérêts,
Le commerce extérieur de la côte de Coromandel
n'eft point dans les mains des naturels du pays;
feulement dans la partie occidentale, des mahomé-
tans, connus fous le nom de Chalias, font à
Naour & à Porto-Novo des expéditions pour
A chem, pourMerguy, pour Siam, pour la côte
de-I'Eft. Outre les bâtimens affez confidérables
qu'ils emploient pour ces voyages, ils ont de
moindres embarcations pour le cabotage de la
côte, pour Ceylan, pour la pêche des perles. Les
indiens de Mazulipatam emploient leur induftrié
d'une autre manière. Ils font venir du Bengale j
des toiles blanches qu'ils teignent ou qu'ils impriment,
& vont les revendre avec un bénéfice de
a j ou 40 pour cent, dans le^ lieux mêmes dont
ils les ont tirées.
A l'exception de ces liaifons qui font bien peu
de chofe, toutes les affaires ont paffé aux européens
, qui ont pour affociés quelques banians ,
quelques arméniens fixés dans leurs établiffemens.
On évaluoit, il y a quelques années, à trois mille
cinq cens balles la quantité de toiles qu'on tirait
du Coromandel pour les différentes échelles de l’Inde.
Les françois en portaient huit cens au Malabar
,, à Mok a, à l'ifle de France. Les anglois
douze cens à Bombay , au Malabar, à Sumatra
& aux Philippines. Les hollandois quinze cens à
leurs divers établiffemens, au Cap de Bonne-Efpérance
en particulier, A l'exception de cinq cens
balles deftinées pour’ Manille, qui coûtaient chacune
mille roupies, les autres font compofées de
marchandifes fi communes, que leur prix primitif
ne s'elevoit pas au-deffus de trois cens roupies ;
ainfi la totalité de trois mille cinq cens balles ne
paffoit pas un million quatre cens cinquante mille
roupies.
La côte de Coromandel fourniffoit à l’Europe
neuf mille cinq cens balles , huit cens par les danois
, deux mille cinq cens par les françois, trois
mille par les anglois, trois mille deux cens par
les hollandois. Parmi ces toiles, il s'en trouvoit
une affez grande quantité de teintes en bleu , ou
de rayées en rouge & bleu, propres pour la traite
des noirs. Les autres étoient de belles" bétilles ,
des indiennes peintes, des mouchoirs de Mazulipatam
ou de Paliaeate. L'expérience a prouvé
que l’une dans l'autre, chacune des neuf mille
cinq cens balles, ne coûtoit que quatre cens roupies
; c'eft donc trois millions huit cens mille roupies
qu'elles dévoient rendre aux atteliers dont elles
fortent. Il paraît que les exportations font à-
peu-près les mêmes aujourd'hui.
N i l'Europe ni l'Afie ne payent entièrement avec
des métaux. Nous donnons , en échange, des
draps, du fer, du plomb, du cuivre, du corail,
quelques autres articles moins confidérables. L'A-
fie, de fon cô té , donne des épiceries, du poivre*
du r iz , du fucre, du bled, des dattes. Tous ces
objets r.éunis peuvent monter à deux millions de
roupies. Il réfulte de ce calcul que le Coromandei
reçoit en argent trois millions deux cens cinquante
mille roupies.
Nous pourrions parlerici des derniers réglemens
faits en Angleterre, pour l'adminiftration des domaines
de la compagnie angloife en Afie ; mais
il vaut mieux les renvoyer à l'article M a d r a s s .
V?y'ez cet article, ainfi que celui de B e n g a l e ,
P o n d ic h é r y .
CO R P S. C e mot eft fufceptible dans notre langue
d’une multitude d'acceptions , dont chacune
demande une diftin&ion définitive, afin d’expliquer
la chofe dont on veut parler. Le plus grand
nombre de ces acceptions eft étranger à l'économie
; dans ce genre même, un autre article d’une
autre main a traité des corps politiques, au moyen
de quoi il ne nous refte guère à parler ici que des différentes
profeffions inftituées dans un état & pré-
pofées au maintien de la paix publique, dans quelque
partie d’adminiftration, d'aCtion ou de jurif-
diCtion ; profeffions qui engagent leurs membres 3
faire corps, foit pour l'aCtion comme le militaire ,
foit pour la jurifdiCtion comme le corps civ il, foit
pour leur propre maintien dans l'unité des principes
comme le corps eccléfiaftique.
De cette manière, ou plutôt encore de la réparation
qui en provient avec le commun des citoyens
, il réfulte ce qu'on appelle efprit de corps 5
& c'eft de cet efprit dont nous allons traiter dans
cet article