
petits bâtimens } de la Louifiane, du riz & des
bois pour Tes Caiffes à fucre j du Mexique, dés
farines, des légumes, du marroquin & du cuivre
3 des autres parties de ce grand continent, des
boeufs, des mulets, du cacao j de Porto-Rico ,
deux mille efclaves qu'on y avoit entrepofés.
Ces navires de l'ancien & du nouveau-Monde
n'eurent pas le choix des ports où il leur auroit
convenu d’aborder. Ils furent obligés de dépofer
leurs cargaifons à la Havane, au Port-au-Prince,
à Cuba , à la Trkiité, les feuls endroits où l'on
ait établi des douanes. Il n'y a que les bâteaux
pêcheurs & les caboteurs, auxquels il foit permis
de fréquenter indifféremment toutes les rades.
Un homme qui fait maintenant honneur à l’Ef-
pagne, & qui en feroit à quelque nation que ce
pût être, M. Campo Manès dit que le produit
des douanes, qui, avant 1765, n'àyoit jamais
paffé 565963 livres, s'élève maintenant à un million
620,000 livres î que la métropole retire de la colonie
en métaux 8,100,000 livres, au lieu d'un
million 620,009 liv. qui lui arrivoient autrefois.
C'eft, en faveur de la liberté , un argument dont
il eft à defirer qu'on fente toute la force.
Les impôts levés à Cuba, ou du moins ceux
qui entrent dans les caiffes de l'état, ne paffent
pas 2,430,000 livres & le gouvernement verie dans
l’ifle 2,272,050 liv. pour le tabac ; 1,3 50,000 liv.
pour l'entretien des fortifications j 2, i 69,000 liv.
pour les garnirons ordinaires, & 3,780,000 livres
pour les befoins de la marine.
L'état de la colonie feroit plus floriffant encore,
fi la nation efpagnole pottoit de l'a&ivité dans fes
établiffemens , & fi le cabinet de Madrid ôtoit le
refte des gênes qui s'oppofent à l'induftrie de fes fu?
jets de Cuba.
. Un gouverneur qui a le titre de capitaine général
y préfide maintenant à la colonie : il décide de
tout ce qui appartient au civil & au militaire ;
mais un intendant régit les finances. Des magif-
trats, dont les fentences peuvent être infirmées par
l'audience de Saint - Dominguç , rendent la juf-
tice dans les dix-huit jurifdiétions qui partagent
fille.
C'eft la ville de Cuba qui eft le liège de l'évêque
& dé fpn chapitre. Ni eux, ni les autres
membres du clergé ne perçoivent la dixme comme
dans le refte du nouveau - Monde : elle appartient
à la couronne ; mais , fans être une
reffource pour le fife. La colonie compte vingt? j
trois couvens d'hommes & trois de femmes ,
dont, félon l'évaluation la plus modérée, les biens
font eftimés 14,589,590 livres. Dans ce calcul,
me font pas compris les fonds de l'ordre de S. Jeanne
Dieu , deftinés à des objets d'utilité publique.
Les enfans trouvent une éducation bonne ou
mauvaife dans la plupart des cloîtres. Il y a même
depuis 1778, à la Havane, une univerlïté quia
37,800 livres de revenu ,. & environ deux ceps
flèveSî
Dix-neuf hôpitaux font répandus dansl'ifle ; &
là, comme ailleurs, on i\eft d'accord ni fur 1futilité
, ni fur la meilleure forrhe de ces établiffemens.
Hélas 1 en fait d'adihiniftration tout eft donc
encore problématique j & les queftions qui tou-
chent au bonheur de l'efpèce humaine, font peut-
être celles qui ont été les moins réfolues.
S E G T I O N I I I e.
Remarques fur l'importance de cette ifle & fur fes
moyens de dêfenfe.
Cuba z toujours eu l'avantage de recevoir pref-
que tous les bâtimens efpagnols qui naviguent dans
le nouveau-Monde. Cet ufage commença prefqne
avec la colonie. Ponce de Léon ayant tente en
1512 une entreprife fur la Floride , eut une cqn-
noiffance affez diftinéle du nouveau canal de Ba-
hama. On ne tarda pas à fentir que ce feroit la
route la plus convenable que pourroient prendre ,
pour gagner l'Europe, tous les bâtimens partis du
Mexique 3 & on établit à cette occafion la Havane
, qui n'eft qu’à deux petites journées du canal.
L'utilité de ce port s’étendit depuis à tous les
navires expédiés de Carthagène & de Porto-Bello,
qui prirent bientôt le même chemin. Les uns &
les autres y relâchoient, & s'y attendoient réciproquement,
pour arriver enfembte avec plus d appareil
dans la métropole. Les dépenfes énormes
que faifoient, durant leur féjour , des navigateurs
chargés des plus riches tréfors de l'univers, jette-
rent un argent immenfe dans la ville. Sa population
qui n'étoit en 1561 que de trois cents familles
, & qui avoit doublé aü commencement
du dix-feptième fiècle, eft aujourd'hui de dix mille
âmes. — v
Une partie eft occupée dans les chantiers, tres-
anciennement formés par le gouvernement, pour
la conftru&ion des vaiffëâuxde guerre. On y porte
d’Europe du fer , des mats , des cordages } tout
le refte fe trouve abondamment dans l’ille. Mais
ce qu'elle a de plus précieux, c'eft le bois qui *
né fous l'influence des rayons le plus brûlans du
foleil fe conferve des fiècles entiers avec des foins
médiocres, tandis que les vaiffeaux d'Europe fe
defsèchent & fe fendent fous la zone torride. Ce
bois commence à devenir rare dans des environs
de la Havane5 mais il eft commun für toutes les
côtes , & le tranfport n'en eft ni cher ni difficile.
L'Efpagne eft d'autant plus intéreffée à multiplier
fes atteliers, que les mers les plus fréquentées par
fes efcadres font toutes fituées entre les tropiques.
Elle a même-un motif de plus pour fonder la plus
grande reffource de fa puiffanee maritime fur. les
chantiers de la Havane 3 c’eft ce qu'elle fait aujourd'hui
, pour rendre imprenable cette clef de
fes colonies. .
Perfonne ffignore que le port de la Havane eft
un des plus sûrs de l'univers 3 que les flottes du
inonde
monde entier y pourroient mouiller toutes enfenv !
ble 5 qu'on y embarque aifémeht une eau excellente..
Son entrée eft gardée par des rochers , où
l'on court rifque de fe brifer pour peu qu'on s'éloigne
du milieu de la paffe. Elle eft devenue plus
difficile , depuis qu'en 1762 on y a.coulé bas trois
vaiffeaux de guerre. Cette précaution n'a été fu-
nefte qu'aux efpagnols, qui n'ont pu encore réuffir
à retirer ces trois gros bâtimens. Elle étoit d'autant
plus inutile , que l'ennemi n'auroit pas même
tenté de forcer le port, défendu par le fort Moro
& par le fort de la Pointe. La première de ces
deux citadelles eft tellement élevée au-deffus du
niveau de la mer, qu'il feroit impoffible, même
aux navires du premier rang, de la battre. L'autre
ne jouit pas du même avantage 3 mais on ne
pourroit | la Canonner que par un canal fi étroit ,
que les plus fiers afl’aillans foutiendroient avec
peine la nombreufe & redoutable artillerie du
Moro.
La Havane ne peut donc être attaquée que du
côté de terre. Quinze ou feize mille hommes ,
qui font la plus grande force qu'il foit poflible
d’employer à cette expédition, ne pourront guère
inveftir tous les ouvrages, qui ont acquis une étendue
immenfe.
Mais, quelque plan que l'on fuive dans le fiège
de cette place, vla nation qui l'attaquera n'aura
pas feulement à combattre une nombreufe garnifon
cachée dans les ouvrages 5 on lui oppofera auffi
des troupes qui tiendront la campagne, & qui
troubleront fes opérations. La petite armée fera
formée de deux efcadrons de dragons européens,
bien montés, bien armés , bien exercés, & d'une
compagnie de cent miquelets. On pourroit y joindre
tous les habitans de l'ifle, blancs, mulâtres
& nègres libres , qui font enrégimentés au nombre
de dix mille hommes. L'ennemi aura de plus
■à combattre un régiment de cavalerie de quatre
efcadrons, & fept bataillons de milice que , depuis
la paix , on a accoutumés à manoeuvrer d'une manière
furprenante. Ces corps , armés , habillés ,
équippés aux dépens du gouvernement, & payés
en temps de guerre fur le pied des troupes réglées,
ont, pour guide & pour modèle , des majors,
des fergens, des caporaux envoyés d'Europe, &
tirés des régimens les plus diftingués. La formation
de ces milices coûte un argent immenfe. La cour
d'Efp.agne attend les événemetts , pour juger de
l'utilité de ces dépenfes.
Le projet de rendre à Cuba tous les colons fol-
dats , ce projet qui parôît injufte & ruineux pour
quelque colonie que ce foit , a été pouffé très-vivement.
La violence qu'il a fallu faire aux habitans pour
les affujettir à des exercices qui leur déplaifoient, n'a
fait que redoubler en eux le goût naturel pour le
repos. Ils ont détefté des mouvemens méchani-
ques & forcés, qui , ne leur procurant aucune
jouiffance, dévoient leur patoître doublement insupportables.
Cette averfion pour le mouvement (Scon, polit. & diplomatique. Tom, /,
s'eft étendue jufqu'à l'exercice utile qu'exige le travail
des terres. On n'a plus voulu défricher, planter
, cultiver pour une nation qui ne fçait que
commander à des travailleurs. Les milices ont arrêté
les cultures. Celles qui s'établiffoient lentement
ont rétrogradé. Elles s'anéantiront tout-à-fait
avec le temps, fi l'Efpagne s'opiniâtre à foutenir
un fyftême vicieux.
La flottille deftinée à purger les côtes efpagno-
les de fraudeurs ou de pirates, & qui, hors de la
faifon des croifières, fe tenoit à la Vera-Cruz, fut
fupprimée en 1748. Son aélion étoit devenue inutile
, depuis que le gouvernement avoit pris le parti
de laiffer habituellement à Cuba des forces maritimes
plus ou moins confidérables. En tems de paix,
ces vaiffeaux portent aux ifles , à Cumana , à la
Louyfiane les fonds confacrés aux befoins annuels
de ces divers établiffemens 5 ils en écartent le plus
qu'ils peuvent la contrebande 3 ils font refpcéter le
nom de leur maître. Durant la guerre, ils protègent
les navigateurs & le territoire de leur nation.
CUBAGUA , ifle d'Amérique, entre l'ifle de
la Marguerite & la terre ferme. Cette petite ifle,
éloignée de quatre lieues feulement du continent,
fut découverte & méprifée en 1498 par Colomb.
Avertis dans la fuite que fes rivages renfermoient
de grands tréfors, les efpagnols s'y portèrent en
foule en 1509 5 & lui donnèrent le nom d'ifle aux
perles.
Quoiqu'on eût découvert des perles dans les
mers des Indes orientales & dans celles de l'Amérique
, leur prix fe foutint affez, pour qu'on cherchât
à les contrefaire. L'imitation fut d’abord
groffière : c'étoit du verre couvert de mercure.
Les effais fe font multipliés 3 & avec le temps on
eft parvenu-,à copier affez bien la nature, pour
qu'il fût facile de s'y méprendre. Les perles artificielles,
faites aujourd’hui avec de la cire & de
la colle de poiffon, ont fur les autres quelques
avantages. Elles font à bon marché 5 & on leur
donne le volume, la forme qui conviennent le
mieux aux femmes qui veulent les faire fervir à
leur parure.
Cette invention étoit ignorée, lorfque les efpagnols
s'établirent à Çubagua. Ils arrivèrent avec
quelques fauvages des Lucayes qui ne s'étoient
pas trouvés propres au travail des mines, mais
qui avoient une grande facilité à demeurer longtemps
fous l'eau. Ce talent valut à leurs oppref-
feurs une grande quantité de perles. On ne les.
gâta pas, comme avoient fait jufqu'alors les Américains
, qui ne connoifloient que le moyen du
feu, pour ouvrir la coquille qui les renfermoir.
Elles furent ' confervées dans toute leur beauté ,
& trouvèrent un débit avantageux : mais ce fut
le fuccès d'un moment. Le banc de perles fut
bientôt épuifé 5 & la colonie fut transférée en
1524 à la Marguerite où fe trouvoient les riçhef«-
fes qu'on régrettoit, & d'où elles difparurent
prefque auffi YÎte. J^oyez Marguerite.
B b b b b