
vj A V E R T I S S E M E N T . ^
Il y a des recueils fans nombre fur l’économie politique , les négociations
& les diverfes parties de la diplomatique. Ils apprennent tout ,
excepté ce qu’on voudrait favoir. Les compilateurs afiervis aux ufages
& aux préjugés reçus femblent ignorer ou dédaigner les principes de
droit naturel & de la faine politique. Ils autorifent les choies les plus
criminelles , & ils défendent les chofes les plus innocentes. J’ai tâché de
confulter davantage la raifon & l’utilité publique, ce mobile puiffant des
adminiftrateurs. Il faut plus de bon fens que d’efprit pour réfoudre la plupart
des queftions de l’Economie politique ou de l’adminiftration ; mais il
n’eft pas facile aujourd’hui d’avoir du bon fens. J ’ai fenti que ce Dictionnaire
devoit être le manuel du négociateur, de l’homme d’état & même du phi-
lofophe , & il ne m’a manqué que du talent pour le rendre digne de fon objet.
J’ai confulté les ouvrages de Wicquefort , de Balthafar Gracian , de
Puffendorf, de Grotius , de M. de Réal , &c. ; mais je ne les ai pas
copiés.
J ’ai mis quelquefois à contribution l’immortel auteur de l’Efprit des loix,
dont on ne peut prononcer le nom qu’avec admiration & avec refpect. Ses
idées font fi énergiques, fi brillantes, &, quoi qu’en difent des critiques fu-
perficiels ou corrompus , fi jufles en général, qu’on aura toujours raifon de
le citer. •” ;
Il ne faut pas confondre le recueil de M. Robinet avec ceux dont je par-
lois tout à l’heure. Il m’a épargné beaucoup de recherches , & je dois de
la reconnoiffance à l’eftimable & laborieux écrivain qui l’a publié.
Les premiers volumes des Dictionnaires de Jurifprudence, de Commerce;
de Finances & de Géographie étant imprimés , je les ai examinés avant de
faire les articles de celui-ci; & , lorfqu’on y rencontrera les. mêmes articles
, on les y verra traités d’une autre manière, ou fous un point de vue
différent. 1 p
Je renvoie à la fin de l’ouvrage le tableau d’analyfe , ou l’ordre dans lequel
on doit lire les articles de ce Dictionnaire, pour y trouver un traité
didactique fur l’Economie politique & la Diplomatique.
A
A B A N D O N > f. m. état où eft une chofe ,
une propriété délaiflee.
A B A N D O N N E R * v. att. ( donner à ban> au
public) c ’eft retirer fes foins, fon attention d’une
chofe, d’une propriété j fi elle elt foncière , c eft
h la ilfe r tomber en friche & en vague pâture^
A la vue des landes & des terres abandonnées
qu’on trouve fréquemment danscertaines provinces,
dont le fol cependant paroît propre à la culture,
les voyageurs cherchent la caufe de cet abandon
q u i, en donnant à ces contrées l ’afpeél défagréa-
ble des pays fauvages, prive en même temps l’é-:
tat dont elles font partie , d’une grande portion
de revenus. . i
Quelques-uns penfent, que les friches dénotent
l’infuffifance de la population de ces cantons pour
en mettre le foi en valeur , & qu’ils manquent de
bras capables de les travailler.
La plupart croient, fans examen , que Y abandon
de ces terres eft l’effet de la parefie du cultivateu
r , ou de l’infouciance du propriétaire. ^
Les uns & les autres font dans l’erreur. Loin que
ces friches foient un effet de la pareflfe ou de l’impéritie
du propriétaire. ou du cultivateur , elles
prouvent au contraire qu’il eft attentif à fes ^affaires
, & qu’il fait calculer. Il n’y a guères qu’un;
fo u , qui renonce volontairement aux produits que
fon domaine peut lui donner , & qui dédaigné ou
refufe de folliciter la terre à produire. Tout autre
propriétaire ou cultivateur n’abandonne fa terre
& ne la prive de culture , que parce qu’une expérience
répétée lui a fait comprendre^, que cette
terre cultivée ne lui rendoit pas l’intérêt des avances
qu’il employoit à la cultiver , & n,e lui payoit
.point fon temps ni fes peines. ^
Mais comment des terres dont le fol n’eft pas
abfolument mauvais , ne peuvent-elles payer les
peines & les labeurs de celui quides cultive ?
Comment arrive-t-il'qu’étant cultivées fojgneufe-'
ment, elles ne pendent pas même l’intérêt des
avances qu’on a faites pour les mettre en rapport
?
C ’eft tantôt parce que l’impôt, le cens .& la di?
me que fupportent ces terres , font exceflîfs comparativement
au revenu qu’elles peuvent donner,
quoique bien travaillées.
T an tô t, parce qu’il y a gêne & fur-tout prohibition
à la circulation des denrées du fol $ ce
qui empêche la concurrence des acheteurs en les
éloignant, fufpend les demandes , arrête le tranf-
port de çes denrées, en diminue les ventes &c les
fait enfin tomber en non valeur, ou les tient à un
prix fi b as , que ce prix ne peut compenfer les
|jais faits pour travailler ces terres,. fuffire en
Ç£con, polit, & diplomatique. Tom, 1,
même temps à payer les redevances & les tailles
dont elles font chargées. C ’eft quelquefois par
l’influence de ces deux fléaux réunis. .
Dans le premier cas , où l’impôt beaucoup trop
fort n’a plus de proportion avec le revenu de la
terre fur laquelle il eft aflis , le propriétaire n’a
que l’option d‘abandonner cette terre , & de s’épargner
ainfi les frais d’avance de culture, de temps ,
de peines qu’elle exigeoit, ou de continuer à payer
annuellement cet impôt fans mefure , q u i, attaquant
d’abord l’intérêt des avances de culture,
& les abforbant progreflivement, doit finir par
en dévorer le capital. Si ce propriétaire fait réfléchir,
héfitera-t-il long-temps fur le parti qu’il
doit prendre , & le terme de fa réfolution ne fera
t-il pas Y abandon de fa terre ?
Lorfque les gênes & les prohibitions
obftruenc ou ferment les débouchés, le cultivateur
qui voit que fes denrées tombent à un
prix au-deflous de ce qu’elles lui coûtent, ou même
qu’elles demeurent invendues par défaut de
liberté & d’acheteurs, comprend, après plufieurs
années d’efîais coûteux & d’attente inutile , qu’il
ne doit plus s’efforcer d’augmenter l’abondance
qui ne peut lui être que nuifible. Il invoque au
contraire la difette q u i, dans l ’état préfent des
chofes , peut feule donner du prix à fes grains
| entaffés dans fes granges & dans fes greniers. Il
obferve que tous.les cultivateur», que tous les
propriétaires du pays regorgent de grains que tous
veulent vendre & pas un acheter j que les gênes ,
que les défenfes ont comme anéanti pour eux les
confommateurs, pour tout le temps que le régime
prohibitif durera ; & ce régime ne lui paroiflant
pas devoir finir de fi-tôt, il ne trouve de moyens de
le foutenir qu’en épargnant fur fes avances. Il doit
toujours payer fa ferme ou du moins fes tailles,
nourrir & entretenir fa famille, & c : fon embarras
ira toujours croiffant, s’il tient fa culture dans
l’état où elle eft. Les revenus diminueront, & les
dépenfes demeurant les mêmes il ne pourra manquer
de fe ruiner. Il entreprend alors forcément
de diminuer fes dépenfes , de s’en tenir aux ouvrages
les plus indifpenfables, de fe pafler de
tous les ouvriers qui ne lui font pas d’une abfolue
: néçeflité. S’il avoit trois charrues, il en met une
1 à bas, parce qu'alors il épargne l’aohat, la nour-
! riture & l’entretien de deux chevaux ou de deux
boeufs, les gages & la nourriture du charetier qui
les mène > mais il n’a plus les mêmes fecours pour
labourer & pour amander fes terres i il fe yoit donc
contraint d’en abandonner une partie. -,
Dès-lors voilà les friches qui commencent, &:
avec elles la diminution des produits du fol. Ces A