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& la patenté, la découverte de l'Amérique 8c les
progrès du commerce compliquent davantage la
politique , & la rendent plus difficile.
A mefure que l'empire romain tomboit en
ruine, les arts & les fciences difparoiffoient, &
faifpient place à la barbarie. Cette barbarie generale
j jointe à 1’émigration des peuples, & à
l ’empire des Goths & des Vandales, bannit de
l ’Europe l ’art de la politique ; il ne fe montre que
chez les peuples civilifés. Mais lorfque dans le
X V e & X V I e Siècles ^ l’efprit humain reprit, fes
droits, les arts St'les fciences furent rappellés de
leur exil ; on fit mille découvertes utiles, on
trouva la bouffole, on perfectionna la navigation,
on établit les p olie s , on inventa l’imprimerie,
on imagina les gazettes 8c les autres papiers pub
lic s , le commerce s’accrut, St les nations européennes
formèrent entre elles des liaifofls étroites.
Cependant les négociations n’étoie.nt pas fort en
vogue. Les puifiances s’envoyoient des ambaffa-
deurs lorfqu’elles avoient des intérêts à difeuter.
Ces ambafladeurs faifoient un compliment ridicule
prononçoient une froide harangue fur les affaires,
examinoient bien ou mal la fituation de la cour
rivale, 8t ils rapportoient la guerre ou la paix
à leur maître. Le cardinal de .Richelieu fut le
premier qui reconnut larîéceffité d’ uné négociation
permanente avec les principales puifiances de
l’Europe , St même des autres parties du monde.
Il en introduifît l’ufage ; 8t depuis ce temps un
fouverain reçoit chaque femaine de fes miniftres
dans les cours étrangères des dépêches qui l’inf-
truifent de tout ce qiii fc paffe dans les autres
états.
Un miniftre des affaires étrangères, & tous
ceux qui font employés dans ce département doit
vent donc, i° . connoître exaélement leur pays,
fa fituation locale, fes reffources & fa foibleffe ,"|
fes droits, fes prétentions, fes intérêts naturels,
paffagersjfes alliances & autres engagemens, 8tc;
2°. favoir quelles font les vues du fouverain, fes
intentions, le but général qu’U fe propöfe , fes
maximes politiques, fes difpofitions àff’ égard des
autres puifiances, 8c ainfi du reffe ; 30. avoir des
inftruélions fures fur les autres états de l’Europe,
fur leur puiffance ou leur foibleffe , fur leurs
.deffeins véritables ou apparens , 8cc; 40, faire une
combinaifon fi fage de tous ces différeps objets,
qu’il en puiffe réfulter le fyftême le plus, avanta-1
geux à l’état dont on conduit les ihtérêts ; J°. diriger
toutes les démarches qu’on fait auprès des
autres puifiances, toutes les négociations qu’on
entame avec elles, vers le but principal de ce
•fyftême i être inftruit de bonne heure de
toutes les démarches, menées, deffeins 8c arran-
gemens politiques des autres puifiances, pour ré-
1 gier fa conduite fur la leur, féconder leurs efforts,
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s’ils nous font favorables, 8cles prévenir, lo’rf-
qu’ils peuvent nous nuire.
C ’eft au département des affaires étrangères i
dreffer ' les inftruâions 8c les lettres^de créance
pour les miniftres que le fouverain envoie dans les
autres cours, à recevoir leurs dépêches , à y répondre
, 8c à les guider dans toutes leurs négociations
; à inventer les. chifres ( 1 ) , à informer
les envoyés de fon pays des nouvelles générales
Srpolitiqdës de toute l ’Europe , pour les mettre
au fait dé ce qui fe paffe ailleurs ; à projetter 8c I
rédiger lés préliminaires 8c les traités de paix, les
trêves, lés traités d’ alliance offenfive & défen- j
fiv'e , les traités de fubfides , les > ligues ou affo-
ciations, les conventions aif fujet des frontières
8c des limites, les paftes de famille, 8cc ; à dreff
e r ‘ 8c publier lès déclarations de guerre 8c de
toutes les entreprifesi!à main armée, les pièces I
juftificatives-j les répliques qu’on veut communiquer
au public ; à entamer 8c diriger les négociations
pour le^ mariages des princes 8c princeffes ;
à dreffer les contrats de ces mariages, 8c les faire I
figner; à notifier aux cours étrangères la naiffance, |
les mariages , la mort des princes, 8c tout ce qui I
arrive d’intéreffatit dans la famille du fouverain ; à I
régler tou fe e qui peut être compris fous le nom 6
de’cérémonial : il faut ajouter, en Allemagne, aux I
fonétîons de ce département,la direètion Aesaffazres I
très-compliquées qu’on porte à la diçte de 1 em- j
1 pire-
On doit diftinguer du ftyle d'affaires, le ftyle é I
chancellent:, qui eft un tiflfu d’éxprefïions & ;d e l
phrafes bizarres & furannées. Toutes les çhancel-
leries modernes de l’Europe ont confèrvé une I
partie du vieux langage de leur nation, pour s’’en I
iervir dans les diplômes , patentes, lettres de no-1
bleffç , lettres de grâce, brevets, chartes & au-g
très pièces publiques. Des gens qui ont fans doute I
TeEprit très-fin , trouvent dans ce ftyle je ne fais I
quoi d’expreffif & dè nerveux ; il] faut en con» |
venir, ces locutions,, fouvent obfcures, équivoques
, & toujours ampoulées/ne font point propres
aux affaires, & elles ne fédüifent perfonne. §
Comme la nobleffe & la clarté de l’expreflion de-1
vroierit faire le caractère & l’ornement de cesl
fortes de pièces, il femble que le ftyle le plusmatu-1
rel, le langage le plus ufité conviendroient: mieux, jj
parce que c’eft celui qu’on entend le plus aifément. |
Je fais qu’on conferve ces vieilles formules parce!
quelles font anciennes; & qu’ il feroitdangereux de!
biffer chaque miniftre imaginer un nouveau pro-1
tocole. Mais enfin, aujourd’hui que les langues!
modernes font fixées, il feroit bon de traduire!
les anciennes formules en ftyle pur ? & s il ejt|
permis de le dire , il paroit comique de voir de nos!
jours unè affaire fériéufe écrite en gaulois, & énon-1
cée en termes que le temps a rendu burlefques-1
( 1 ) Voyex l'article Chi-fres & Dèçhifrer, Tai>î
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Tant que cet ufage fubfiftera, on doit l’étudier 6c
i $*y conformer.
I Un objet moins frivole eft là connoiflance &
| l’obfervation exaéte des titres & qualifications que les
louverains fe donnent les uns aux autres, & qui
[font prefque toujours fondés fur des traités & des
conventions. Chaque cou r, chaque puiffance a
une étiquette qu’elle fuit à cet égard, & dont les
commis ou fecrétaires du département des affaires
Létrangères ne doivent jamais fe départir. Il faut dé-
pofer aux archives un recueil de formulaires pour
Ices fortes de titres , & s’il eft poffible , y ajouter
i-Ies mots du traité ou de la convention qui en fait
i une loi. Il eft des cours qui n’acceptent des let-
Ltres, mémoires , & c. que lorfqu ils font écrits en
Certaine langue, Tout cela ne doit être ni ignoré,
ni négligé par ceux qui travaillent aux affaires ;
& nous traiterons de tous cos points du cérémonia
l, fous les titres qui leur font propres. Voye%
les articles H o m m e d ’é t a t , N é g o c ia t e u r ,
P o l it iq u e , &c.
I A F F R A N C H I S , E S C L A V E S A F F
R A N C H I S . L e Diélionnaire de Ju r isprudence
traite i° . de T 'affranchi(fement fuivant
|le droit romain ,tdont nous fuivons prefque toutes
[les règles. 2°. Il expofe ce que les édits de 1685
de 1724 ont introduit dans nos ufages. 30. Il
[examine' l’affranchiffement des gens de main-morte
[fuivant- la'nature du droit féodal. Nous allons
Itonfidérer ce mot fous un autre point de v u e , &
rétablir quelques principes politiques fur les affran-
fehiffemens tirés de Montefquieu. Dans l’article
[fuivant on examinera ¥ affranchiffement en, lui-mê-
Jme , & fous un rapport plus général.
1 On fent bien que, quand dans le 'gouvernement
Républicain on a beaucoup d’efclaves, il faut en
'affranchir beaucoup. Le mal eft que , fi on a trop
^d’efclaves, ils ne peuvent être contenus 5 fi l’on
a trop à*affranchis, ils ne peuvent pas v iv r e , &
fis deviennent à charge à la république 5 outre que
•^celle-ci peut'être également én danger de la part
(d’un trop-grand nombre d’ affranchis & de la part
'vd’un trop grand nombre d’efclaves. Il faut donc
fque les loix aient l’oeil fur ces deux inconvé-
|niens.
r Les diverfes loix & les fenatus-confultes qu’on
{fit à Rome pour & contre les efclaves, tantôt
p o u r gêner , tantôt pour faciliter lesf àffran-
rckïffemens, font bien voir l ’embarras où l’on fe
[trouva à cet égard : il y eut même des temps
[où l’on n’ofa pas faire de lpix. Lorfque fous Né -
iTon ( i) on demanda au fénat qu’il fût permis aux
[patrons dp remettre en feryit-ude les affranchis
ingrats, l’empereur écrivit qu’il falloit juger les
( 1 ) Tacite , annal, liv. XIII.
( 2 ) Supplément de Freinshemius. deuxième décade , liv. V;
( j ) Exode, chap. XXI.
(4 ) Tacite, annal, liv. IIT.
î j ) Harangue tl’Augufte , dans D io n , liv. LV f.
ÜEcon.polit. & diplomatique. Tom, I.
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affaires particulières, & ne rien ftatuer de général.
Je ne faurois guère dire quels font les régle-
mens qu’une bonne république doit faire là-deffus ;
cela dépend trop des circonftances. Voici quelques
réflexions.
ne faut pas faire tout-à-coup & par une loi
generale un nombre confidérable d’affranchiffe-
mens. On fait qiie chez les Volfîniens (2) , les
affranchis devenus maîtres des fuflfrages, firent une
abominable lo i, qui leur donnoit le droit de coucher
les premiers avec les filles qui fe marioient à
des ingénus.
Il y, a diverfes manières d’introduireinfenfible-
ment de nouveaux citoyens dans la republique.
Les loix peuvent favorifer le pécule, & mettre-
les efclaves en état d’ acheter leur liberté î elles
peuvent donner un terme à la fervitude , comme
celles de M o i fe , qui avoient borné à fix ans celle
des efclaves Hébreux (3). Il eft aifé affranchir
toutçs les années un certain nombre d’efclaves ,
parmi ceux q u i, par leur â g e , leur fanté, leur
induftrie, auront le moyen de vivre. On peut
même guérir le mal dans fa racine : comme le
grand nombre d’efclaves eft lié aux divers emplois
qu’on leur donne ; tranfporter aux ingénus une
partie de ces emplois , par exemple., le commerce
ou la navigation , c’eft diminuer le nombre des
efclaves.
Lorfqu’il y a beaucoup d’affranchis 3 il faut que
les loix civiles fixent ce qu’ils doivent à leur patron
, ou que le contrat d’affranchiffement fixe ces
devoirs pour elles.
On fent que leur condition doit être plus fa-
vorifée dans l ’état civil que dans l’état politique ,
parce^que dans le gouvernement même populaire ,
la puiffance ne doit point tomber entre les mains
du bas peuple.
A Rome > où il y avoit tant d’affranchis 3 les
loix politiques furent admirables à leur égard. Ou
leur donna peu , & on ne les exclut prefque de
rien ; ils eurent bien quelque part à la légiflation,
mais ils-n’influoient prefque point dans les réfo-
lutions qu’on pouvoit prendre. Ils pouvoient avoir
part aux charges & au facerdoçe même (4), mais
ce privilège étoit en quelque façon rendu vaia
par les défavantages qu’ils avoient dans les élec.-
tions. Us avoient droit d’entrer dans la milice j
mats pour être foldat, il falloit un certain cens.
Rien n’empêchoit les affranchis (y) de s’ unir par
mariage avec les familles ingénues $ mais il ne leur
étoit pas permis de s’allier avec celles des féna-
teurs. Enfin leurs enfans étqient ingénus, quoiqu’ils
ne le fuffent pas eux-mêmes.
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