
C 'e ft ordinairement «ne fentence des livres c h è ques.
Outre les foins particuliers & libres à chaque
famille, les jeunes gens font obligés à des compo- ■
lirions deux fbis par an devant le maître d'école*
C e s deux examens font quelquefois fuivis de plu"
fieurs autres que font les mandarins, les lettrés
ou les gouverneurs des villes, qui donnent à ceux
qui ont le mieux réuffi des récompenfes arbitraires
.L
es perfonnes aifées ont des précepteurs pour
leurs enfans, qui font do&eurs ou licenciés. Ceux-
ci joignent à l'enfeignement des lettres celui de la
civilité, de l'hiftoire & des loix. Ils font refpec-
tés & bien payés par les parens qui leur donnent
partout la première place. Leurs difciples confer-
vent pour eux la plus grande vénération.
L ’inftru&ion du peuple d'ailleurs, comme nous
l’avons v u , eft une des fondrions principales des
mandarins. L'obligation d'inftruirele peuple deur
eft d’autant plus effentielle, qu'ils font refponfa-
bles de certains crimes qui peuvent fe commettre
dans leur territoire. S'il fe fait un vol ou un meurtre
dans une ville, le mandarin doit en découvrir .
l'auteur, fous peine de deftitution.
La gazette du gouvernement intérieur de la
Chine eft encore pour le public une jnftrudrion
journalière. Cette gazette ( ou plutôt ce journal de
70 pag. qui s'imprime tous les jours) contient un
détail fidèle & circonftancié de toutes les affaires
de l'empire. Elle préfente des exemples de tous
genres , qui infpirent de la vénération pour la vert
u , de l'amour pour le fouverain, de l ’horreur
pour le vice. Elle étend enfin les. connoiffances du
f>euple, fur l'ordre, fur ies aâes de juftice& fur
a vigilance du gouvernement.
C 'e ft ainfi qu'à la Ckine les livres qui renferment
les loix fondamentales de l'é ta t, font dans
les mains de tout le monde 5 l'empereur doit s'y
conformer. En vain un empereur voulut-il les abolir
3 ils triomphèrent de la tyrannie.
§. V I I .
Etude des lettrés.
Après les premières études , ceux qui afpirent
aux grandes connoiffances commencent un cours
dè lafcîence néceffaire, pour être admis aux grades.
académiques & dans la claffe refpe&able des
lettrés. Ceux qui né prennent pas, cts grades ,.
font exclus de tous les emplois de l'état.
Il y a trois claffes de lettrés., fuîvant trois dif-
férens grades. Les afpirans à ces grades font obligés
de foutenir plufieurs examens , dont le premier
fe fait devant le préfident de la jurifdiérion
où ils font nés.
Pour monter au fécond degré qui eft celui de
licencié, il faut fubir un examen qui ne le fait
que tous les trois ans dans U capitale de chaque I
province. Deux mandarins envoyés par la cour
préfident à cet examen , auquel affiftent les grands
officiers & tous les bacheliers de la province, qui
s'y trouvent quelquefois au nombre de io,opo >
mais parmi lefquels il n’y. en a guères qu'une
foixantaine d'élevés au degré de licencié.
Les licenciés doivent fe rendre l'année fuivante
à Pékin pour concourir au doftorat 3 c'eft l'empereur
qui fait les frais de leur voyage : ils peuvent
fe difpenfer d’aller à Pékin , s'ils fe bornent
au titre de licencié 5 ce qui n'empêche pas qu'ils
ne puiffent être pourvus de quelque emploi , &
de parvenir même par ancienneté aux premières
places. Mais, dès qu'ils ont obtenu quelque office
public, ils renoncent au degré de dodteur.
Tous les licenciés non employés vont à Pékin
fubir l'examen triennal qu'on appelle auffi impérial
j parce que l'empereur lui-meme donne le fu-
jet de la compofition, & que l'attention avec laquelle
il fe fait rendre compte du travail le fait
regarder comme le feul juge. Il y à fouvent y à
6000 afpirans dont on n'élève que 150 au doctorat.
Les trois premiers portent le nom de Tien-tfe-
meri-feng 3 c'eft-à-dire , les difciples du ciel. L'empereur
en choifit un certain nombre parmi les autres
, qui ont le titre de Hau-Lin , c'eft-à-dire >
do&eurs du premier ordre. Ils compofent un tribunal
qui eft dans le palais. Ils font chargés d'écrire
l'hiftoire. C'eft de leur corps qu'on tire les
examinateurs des jeunes afpirans aux degrés de
bacheliers & de licenciés. L'empereur fait préfent
à chaque nouveau dodteur d'une écuelle d'argent^
d'un parafol de foie bleue, & d'une chaife à porteur
magnifique.
Le titre glorieux de do&eur eft pour un chinois
un établiffement folide. Il eft fur de parvenir
aux places les plus importantes de l'état 3 fa
protection eft recherchée , & fes amis & fa famille,
qui lu i font une infinité depréfens, ne man-
I quent pas de lui ériger des arcs de triomphe, fur
lefquels on grave fon nom & l'année de fon doe» '
torat.
S. V I I I .
La propriété des biens. .
La propriété des biens eft très-affurée à la Chine.
Les enclaves mêmes peuvent en jouir. Les. enfans
héritent du bien de leurs pères & de leurs parens
j fuivant le droit de fircceffion. Les chinois
ne peuvent avoir qu'une femme légitime-* mais il
leur eft permis de prendre pliafieur concubines
fi,, parvenus à l'age dè 40 ans > ils n'ont pas d'en-
fans. >
Lorfqu'un mari veut prendre une fécondé femme,
il paye une fomme convenue aux parens de
celle-ci, & leur promet par écrit d’en biep ufer
avec elle. Ces fécondes femmes dépendent de l’é-
poufe légitime, & doivent la refpeCter comme la
maitreffe de la maifon. Leurs enfans font cenfes
appartenir à la première qui porte le nom de mere.
Ils partagent avec fes enfans dans la fucceffion du
père.
§. I X.
V agriculture.
Le menu peuple dé la Chine, ne vivant presque
que de grains, d'herbes , de légumes, en
aucun endroit du monde les jardins potagers ne
font ni plus communs, ni mieux cultivés. Point
de terres incultes près des villes, point d'arbres,
de haies, de foffes. On craindroit de rendre inutile
le plus petit morceau de terrein.
Les terres rapportent généralement trois moif-
Tons tous les ans. Les chinois n'épargnent aucuns
foins pour ramaffer toutes les fortes d'immondices
propres à fertilifer leurs terres 3 ce qui d'ailleurs
fert beaucoup à l'entretien de la propreté des villes.
Tous les grains que nous connoiffôns en Europe
, tels que le froment, le r iz , l'avoine , le
millet, les pois, les fèves viennent bien à la Chine...
Le proprietaire de la terre prend la moitié de la
récolte & paye les taxes , l'autre moitié refte au
laboureur pour fes frais & fon travail.... L'agriculture
eft en vénération à la Chine, & ceux qui
la profeffent, regardés comme au-deffus des marchands
& des artifans, ont toujours mérité l'attention
des empereurs.
Le fucceffeur de l'empereur Lang-hi a fur-tout
fait des réglemens très-favorables pour exciter l'émulation
des laboureurs. Outre qu’il a donné lui-
même l’exemple du travail, en labourant la terre
& en y femant cinq fortes de grains , il a ordonné
aux gouverneurs des villes de s'informer chaque
année de celui qui fe fera le plus diftingué , chacun
dans fon gouvernement, par fon application
à la culture des terres , par une réputation intègre
& une économie fage & bien entendue. 'C e
laboureur eftimable eft élevé au grade de mandarin
du 8 e ordre.
L ’empereur Xun établit une loi , qui défend
expreffément aux gouverneurs de province de détourner
par des corvées les laboureurs des travaux
de l'agriculture.
Et comment ce premier des arts ne feroit-il pas
dans la plus grande vénération à la Chine ? Depuis
Fo-hi (1) qui fut le chef de la nation , & qui
en cette qualité préfidoit au labourage, tous les
empéreurs j fans exception jufqu'à ce jou r , fe
font fait gloire d'être non-feulement les précepteurs
, mais les premiers laboureurs de leur empire....
Il n'y a pas d'autre feigneur, d'autre des
cirhateur que «le père de la famille î'empereur....
La dîmè qui n'eft pas le dixième du produit,
& qui dans le mauvais fol n'en eft que la trentième
partie, eft le feul tribu en Chine depuis
l'origine de la monarchie. Il ne fauroit tomber
dans l'efprit de l'empereur de vouloir l'augmenter
, ni dans celui des fujets de craindre cette
augmentation.
Les chinois jouiffent librement de toutes leurs
poffeffions particulières & des biens, q u i, ne pouvant
être partagés , appartiennent à tous par leur
nature, tels que la mer, les fleuves , les canaux ,
le poiffon qu'ils contiennent & toutes les betes
fauvages : ainfi la navigation, la pêche & la chaffe
font libres. Celui qui achète un champ, ou qui
le reçoit en héritage de fes pères, en eft feul feigneur
& maître. Les terres font libres comme les
hommes, & par conféquent point de fervices ,
point de lods & ventes, point de ces hommes in-
téreffés au malheur public, point de ceux dont
la profeffion deftrudrive a été enfantée dans le de-
lire des loix féodales, & fous les pas defquels
naiffent des millions de procès.
On ne connoît pas dans cet empire ces parcs,
ces enclos, ces allées qui dérobent les terres à la
culture.
Il y a une fête du printemps pour les habitants
de la campagne 5 elle confifte à promener dans les
champs une grande vache de terre cuite, dont les
cornes font dorées : cette figure eft fi monftrueufe
que 40 hommes ont peine à la foutenir 5 elle eft
fuivie d’un jeune enfant-ayant un pied nud , l'autre
chauffé, qui la frappe d'une verge comme pour
la faire avancer : cet enfant eft lefymbole de la
diligence & du travail. Une multitude de laboureurs
avec tout l'attirail de leur profeffion entourent
la figure, & la marche eft/fermée par une
troupe de mafques.
Toute cette foule fe rend au palais du gouverneur
ou mandarin du lieu 5 là on brife la vache
& on tire de fon ventre de petites vaches d'argile
dont elle eft remplie, ( fymbole de fécondité ) &
on les diftribue auxaffiftans. Le mandarin prononce
un difeours à la louange de l'agriculture , & c'eft
ce qui termine la cérémonie.
§. X.
Le commerce conjidêré comme dépendance de Fa-
griculture.
, Dans un empire auffi fertile & auffi cultivé que
la Chiné, le commerce ne peut être que très-flo-
riffant 3 cependant le commerce extérieur eft très-
borné relativement à l'étendue de cet état. L e
principal négoce fe fait dans l'intérieur de l’empire
, dont toutes les parties ne font pas également
pourvues des mêmes chofes» Une circulation établie
dans un pays de 1800 lieues de circonférence
préfente l'idée d'un commerce fort étendu, 5. auffi
.$&)■ C'eft-à-dire , depuis 40C0 ans*