
Après les fuccès de ces peuples contre leurs ennemis
, cette confédération fe convertit en garantie
de tous les nouveaux droits , de toutes les
propriétés territoriales, achetées ou conquifes ,
foit par plufieurs cantons en fociété, foit par les
uns ou par les autres en particulier.
Première observation fur cet article. Chaque membre
de la ligue difpofe , pour fa défenfe, des
forces de tout le corps confédéré. L'ufage feulement
de ce droit eft plus étendu pour les huit
anciens cantons que pour les cinq derniers : ceux*
là peuvent demander le fecours de leurs alliés par
de Amples monitoires, fans rendre compte des
motifs de leurs querelles avec des ennemis étrangers
> & les cinq derniers cantons n'interviennent
dans ces querelles que comme médiateurs, ou
comme auxiliaires : ceux-ci n'ofent point, commencer
les hoftilités fans l'avis des confédérés, &,
n oii les fomme de comparoître en droit devant
les autres cantons, ils ne peuvent les récufer pour
arbitres ou juges.
Seconde obfervation.'Lz feule exception que nous
connoiffions à cette garantie générale 8c réciproque
entre les confédérés, pour leurs propriétés
territoriales , regarde la partie du pays de Vaud,
conquife par les bernois en 1532, que quelques
cantons feulement, les cantons pmteftans, & ,
du nombre des cantons catholiques , Lucerne ,
Fribourg & Soleure , ont compris dans la protection
de l'alliance. Cependant, comme la portion
de ce même pays que les fribourgeois fe font appropriée
à la même époque , eft garantie par l'union
particulière entre les états catholiques de la
Suiffe, on peut dire que tous les membres de la
ligue font directement ou indirectement engagés
à affurer aux deux cantons une poffeffion
pleine & entière.
Le fécond objet effentiel de la ligue des fuiffes,
c'eft la confervation de la tranquillité intérieure ,
par la protection réciproque des formes de gou-
vernemens établies dans chaque canton. Les alliés
fe font engagés à refufer un afyle aux ennemis de
leur liberté & de la paix publique , 8c. c’eft
pour cela que chaque canton & état allié du corps
helvétique a le droit de bannir de toutes les terres
comprîtes dans la confédération , les fujets rebelles
8c les malfaiteurs , confédérés comme perturbateurs
de l'ordre public. La ville de Zuric ,
menacée par des magiftrats exilés, fut la première
à demander expreffément une garantie de fes conf-
titutions civiles, & elle l'obtint, en 135’! , dans
Ion traité d'alliance. En dépoffédant la maifon
d'Autriche du pays de Claris, les confédérés y
maintinrent l'ancienne forme d'adminiftration.. On
a vu plus haut-qu'en 1404 les cantons vinrent, à
main armée, raffermir l'ancien ordre dans la dif
tribution des prérogatives du gouvernement de
Zoug , qu'une faCtion avoit entrepris de changer
par la force. L'indocilité de la milice , après la
guerre de Boütgogne, amena des défordres dont
le peuple des cantons démocratiques avoit donné
1 exemple, & caufa aux gouvernemens ariftocra-
tiques des inquiétudes d'autant plus fortes, qu'on
çouvoit foupçonner les démocraties de vouloir
étendre les franchîtes des fujets des villes, 8c que
les cantons populaires ne cachoient point leur inquiétude
fur les progrès d'agrandiflement 8c fur
1 union étroite des états ariftocratiques. Ces défiances
réciproques fe terminèrent cependant par la
célèbre convention de Stantz , en 1481, laquelle
voulut prévenir les factions 8c les révoltes , en
armant dans chaque canton, le corps qui repréfente
le fouverain, des forces de tous les états
alliés.
Afin de mieux développer l'objet 8c les fuites de
ce nouveau lien entre les membres du corps helvétique
, il n'eft pas fuperflu d'obferver qu'indé-
pendamment de l'intérêt commun à tous les gouvernemens
fuiffes , de tenir dans la fubordination
leurs fujets des bailliages communs , il n'eft aucun
des états démocratiques, qui ne renferme dans
fon enceinte une claffe d'habitans exclus- des af-
femblées générales revêtues du pouvoir fouverain.
Les hommes tiennent toujours plus fortement aux
opinions de fupériorité, & font valoir leurs prétentions
avec plus de foin à l'égard des perfonnes
à-peu-près leurs égales, qu'avec celles d'un état
décidément inférieur : aufïi, lors de la grande
révolte des payfans dans les cantons de Bâle, de
Soléure , de Berne & de Lucerne, & dans quelques
bailliages libres, en 1653, les cantons populaires
s'armèrent les premiers contre les rebelles.
L'hiftoire de la Suifïe nous fournit de fréquens
exemples de la prote&ion & du fecours accordés
réciproquement entre les confédérés, pour maintenir
la conftitution intérieure reçue dans chaque
canton. . ,
Pour que le lien entre les cantons fuiffes fut
étroit, folide & permanent, pour qu'il pût inf-
pirer une pleine confiance aux membres unis, &
être refpeété par leurs rivaux ou par leurs ennemis
, il étoit néceffaire que la ligue fût perpétuelle,
8c qu'elle eût une force obligatoire, qui l'emportât
fur tout autre engagement.
Quant à la première de ces deux conditions ,
on remarquera que, dès la première union des
Waldftætt, en 1515, tous les traités d'affociation
entre les cantons ont été munis de la claufe ex-
preffe de leur perpétuité. Ces traités fixoient, à
la vérité, un terme de cinq ou de dix ans,, pour-
renouveller le ferment de l'alliance y mais avec
l'explication pofitive, que l'omiffion- de cette fo-
lemnité ne porteroit aucune atteinte à la fainteté
& à la perpétuité du contrat. C'étoit anciennement
l'ufage d'envoyer des députés d'un canton,
à l'autre, pour recevoir le ferment des confédérés.
Des guerres ou d'autres caufes interrompoient
l'obfervation -régulière: de cette proteftation réciproque
de fidélité fociale. Dans des momens de
diffenfion ou de mécontentement » on craignoit
peut-être de l'exiger y le fchifme établi dans le culte
public, préfentoit fans doute de nouvelles difficultés
pour le cérémonial. Auifi, depuis plus de
deux fiècles, cette folemnité eft-elle tombée en
défuétude. Mais indépendamment des titres d'affo-
ciation, qui contiennent la preuve de fa perpétuité
y indépendamment de l’opinion héréditaire 8c
univerfelle dans la nation, qui ne laiffe aucun
doute fur la conviétion intérieure de tous les confédérés
y indépendamment de la qualité d'amis 8c
d'alliés perpétuels qu'ils s'attribuent réciproquement
dans tous les aétes publics, 8c de la déclaration
particulière qu'offrent à cet égard les traites
de pacification après des divifions paffagères y ce
principe eft reconnu par la falutation helvétique
que les députés des cantons prononcent, à huis
ouverts, au commencement de chaque diète générale
ou particulière.
Quant à la fécondé condition de l'alliance des
cantons, qui confifte dans la prépondérance de
l'obligation fédérative fur tout autre engagement,
il faut obferver que cette claufe, inférée déjà
dans les traités d’union entre les premiers cantons,
n'a pu acquérir toute fa force que dans les tems
poftérieurs, lorfque les parties contraéfcantes ont
obtenu une entière indépendance. D abord, 1 o-
béiffance envers le chef de l'Empire.& de l'églife,
& les liaifons antérieures des membres de la ligue
avec d'autres alliés, faifoienr des exceptions
à cetre claufe, qui ne pouvoir, être rétroactive
contre des titres fupérieurs ou plus anciens y les
droits légitimes de la maifon d'Autriche elle-me-
me, contre laquelle cette confédération étoit dirigée
, ont été d'ailleurs réfervés dans quelques-
uns des premiers traités , tels que celui de Lucerne
& de Zoug. A la vérité, l'empereur Louis
de Bavière, ennemi des ducs d'Autriche, avoit
déclaré, en 1316, ces princes déchus de tous
leurs titres acquis dans les Waldftætt. Enfuite ,
tant par réachats que par la force des armes, les
ducs ont été dépouillés de tous leurs droits dans
les divers cantons y mais la réferve, faite en leur
faveur dans les deux traités indiqués ci-deffus ,
n’a .été fupprimée qu'en 1454. Quelques'uns des
cantons avoient des traités de combourgeoifie ôc
d'alliances particulières 8c antérieures, dont 1 o-
bligaticti devoit précéder ce le de leur nouvelle
liaifon.
Nous’ne pouvons trop le répéter , afin de fixer-
l'idée qu'on doit fe faire de l'union des cantons
fuiffes y elle n'étoit, dans fon origine, qu'une af-
fociation auxiliaire, pour maintenir contre la violence
des franchifes limitées. Tous les confédérés
ne furent pas d'abord dire&ement liés entr'eux ,
& leur afïociation n'excluoit pas toute liaifon du
même genre avec d'autres, Ce n'éft que depuis
la convention de Stantz 8c l'alliance des huit cantons
avec Fribourg 8c Soleure, en 1481 , que l u*
nion de la ligue devint fiable, générale 8c nationale.
Depuis que le« fuiffes, d'après une longue
prefcription reconnue par des titres formels, font
devenus entièrement indépendans de l'Empire, ^ la
réferve faite à ce fujet dans les anciens traités d u-*
nion, eft annuîlée de droit & de fait (1). La
grande moitié cTes états de la Suiffe ayant renonce
à l'obéiffance envers le faint-fiège, en matière de
religion, s'eft affranchie en même-temps de cette
obéiffance réfervée, dans les aâes publics ^ ayant
l'époque de la réformation y 8c d’un autre côté les
catholiques de nos jours, plus éclairés fur l'ambition
des anciens pontifes , ne reconnoiffant leur
autorité que par rapport au dogme, par rapport
au culte public & à la police eccléfîaltique, cette
réferve n'a plus, même pour eux, une force aufïi
étendue que dans le quinzième fiècle. Nous pouvons
donc établir, comme un principe du droit
publie helvétique, qu'a&uellement l'obligation fé-.
dérative, réciproque entre les cantons , l'emporte
fur tout autre engagement politique.
Des engagemens réciproques des cantons entr’eux.
En expliquant la nature 8c l'étendue de la ligue
des Treize-cantons, nous en avons fixé les bornes.
Dans tout ce qui ne bleffe point la liberté dés
autres membres , que l'affociatiofi a pour objet de
protéger, chaque canton eft abfolu, & forme un
état fouverain 8c indépendant, qui fe gouverne &
fe conduit par fes propres principes 8c fes loix.
Ils exercent tous les jours cette indépendance ,
par dés prohibitions réciproques. Un gouverne-
(1) Les villes & pays de la Suiffe, non-feulement reconnoiffoient, dans les premiers temps de leur ligue , leur dépendance
de l’Empire, mais ils appuyoient fur ce titre les motifs de leur aflfociacion. D apres ces principes, îs o icitoienc
la confirmation de leurs immunités , toutes les fois qu’un nouveau prince obtenoit la couronne imperia e. es erap r ur
de la maifon d'Autriche refufoient fouvent cette confirmation, ou vouloient la rendie conditionne e , ou traïuoKnc
faffaiie en longueur. Les empereurs des autres maifons , non - feulement ^ confirmaient les ranc 1 es es peup es
fuifies avec empreflèment, mais fouvent pour les flatter ils ajôutoient à ces immunités des, jiü.ÜL
ra . couronne imperiaie rut a-peu-pres nxee dans 1a mauon oauintus, iv» -— ---- 1 ^ y
tage cet aâè de foumiflion envers le chef de l’Empire. Ils s’en acquittèrent pour la dermere ois^ ous axinn n .
1607 les villes de Zuric & de S. Gall prefsèrent les confédérés de députer à la diece de Empire, pour o tenir e 0-
dolphe II cette confirmation- ufitéé. Berne . Soleure & quelques autres cantons , qui n avoient pas e meme mteiet pa
rapport au commerce dans l’Empire, éludèrent la proposition , & ils parvinrent a la taire tomber, es régnés e 0 -
phe II & de Matthias s’écoulèrent ainfî , fans que les cantons fifïènt aucune démarche. Pour tranqui 1 er e it y n
de S. Gall, on leur promit' la protedion de tout le corps 1 f io n proficoit de cette omiffion pour les troubler dan leur
commerce. Une guerre opiniâtre, fous le règne ambitieux de Ferdinand II &: fous celui de fon ”
Çire. Ces longs troubles ont été terminés par le traité d’Offnabruk de 1648 » dans lequel les états ui. >
^té reconnus indépendans de l’Emp■ ire, . Q q q q i