
lequel on .puiffe le regarder comme une loi du
droit public , fe rapporte à la forme des arbitrages
prefcrite par les traités , pour déterminer les
différends qui pourroient troubler l'union ; cependant
, dans ce cas même, cette loi laiffoit aux
parties le libre choix des arbitres, & ils n'étoient
pas toujours aftreints à les choifir dans le corps de
la ligue des fuiffes.
Si les-premiers fuiffes, en formant leur ligue,
n’avoient ni le projet d'un cantonnement ilolé &
indépendant, ni même celui d'une union générale
, uniforme & exclulîve , d'un fyftê-me fournis
à un régime fixe & combiné , on peut encore
moins leur reprocher des vues d'agrandiffe-
roent. Les villes gouvernées, luivant des formes
plus ou moins ariftocratiques , tendoient, à la
vérité, à reculer leurs barrières , en acquérant
_ un territoire $ c’étoit l'effet d'une force particulière
, qui fe déployoit dans toute l'étendue de
l'Empire germanique, & dont le reffort avoit été
fortifié par la facilité politique ou intéreffée de
quelques empereurs à accorder des privilèges^ &
par la concurrence des maifons puiffantes pour la
îîicceflion à la dignité impériale.
Deux caufes portoient les premiers confédérés
à fortir des bornes exactes d'une fimple défenfe j
la prcfomption inquiète de leurs adverfaires, qui
par des complots imprudens leur procurèrent de
nouveaux alliés_, & par des hoftilités fréquentes
& mal fou-tenues les irritoient, les accoutumoient
à prendre fouvent les armes, & fuccomboient à
l'épreuve d'un combat réglé : les encouragemens
des empereurs, qui, rivaux de la nouvelle puif-
fance des ducs d'Autriche , invitoient les cantons
-à. rompre les trêves, offrent une fécondé caufe.
Lorfqu'un prince de cette maifon occupoit le
trône * de plus grands delfeins & des embarras
plus preffans l'empêchoient de diriger fes efforts
vers une petite province écartée.
Ainfi deux partis s'étoient formés dans l'Hel-
vétie ; celui de la nobleffe ayant les ducs d'Autri-^
che à leur tête , & celui des villes & des peuples
privilégiés, dont la confédération des cantons fai-
foit le point d'appui & le centre. Les combats
particuliers que fe livroient ces partis, fervoient à
aguerrir les alliés, & procuraient aux villes quéL
quës conquêtes fur la nobleffe. Les mêmes mou-
vemens agiraient diverfes provinces de l'Allemagne.
Dans la Suabe, en particulier, l'union des
Comtes de Wirtemberg avec les ducs d'Autriche
excitoit la jaloufie des villes impériales. Le commerce
, par-tout expofé à des vexations, fournif-
foit aux villes le principal motif pour fe réunir par
des confédérations.
Pour remédier à ces défordres > les cantons firent
en 1370 une convention, dont l'objet principal
étoit de limiter la jurifdi&ion eecléfiaftique ,
en défendant aux clercs de traduire les peuples
devant les tribunaux des évêques. Cette convention
, dreffée par fix cantons, & acceptée par les
deux autres , ne fe borna cependant pas à ce feut
objet j elle embraffa tout ce qui tenoit le plus ef-
fentiellement à la fureté des perfonnes & des propriétés.
Elle défendit aux parties de fouftraire les
caufes à la connoiffance du juge naturel. Les cantons
s'engagèrent réciproquement à ne point donner
retraite aux coupables fugitifs par une fuite
de cet engagement, chaque état de la Suiffe a
encore aujourd'hui le droit de bannir les malfaiteurs
condamnés , de tous les territoires compris
dans la ligue. Enfin les alliés établirent une garantie
générale pour la fureté des routes & du
commerce.
La défiance générale produifit, vers l'annee
138 j , une ligue entre les villes du Paîatinat , de
l'Alface & de la Suabe, £U nombre de plus de
quarante. Les quatre villes de la confédération
fuiffe y accédèrent, fans oppofition de la part de
leurs alliés 5 nouvelle preuve que la confédération
ne différait pas de ces ligues alors fi fréquentes >
; & fi néceffaires pour fuppléer au défaut d'une au-
I torité titulaire, affez puifiante pour conferver la
paix publique. La rivalité des partis produifoit les
offenfes, les repréfailles & les hoftilités. La ville
de Lucerne rompit la trêve avec les ducs , pour
abolir un péage onéreux établi à Rothenbourg.
Bientôt, par le contrat, pour ainfi dire, des parties
intéreffées,' la guerre devint générale. Après
deux viéfoires que remportèrent les confédérés >
l'une en 1386 près de Sempach, dans le canton
de Lucerne, l'autre en 1388 à Nafels dans le canton
de Claris, les alliés obtinrent une paix plus
avantageufe que les précédentes. Cette paix, qut
fut prolongée à diverfes reprifes, ne changea rien
à la ligue des cantons. Les alliés donnèrent à leurs
ennemis & prirent eux-mêmes une plus haute opinion
de leurs forces , & ce fut le plus grand avantage
qu'ils retirèrent de cette, guerre. Les petites
conquêtes, faites par quelques cantons en particulier
, aux dépens des ducs & de Heurs adhérens-,.
contribuoient cependant d'une manière indirecte a
la profpérité de la fociété fédérative.
Les cantons , fenfibles aux maux que pouvoient
attirer à la ligue l'habitude & la facilité trop grandes
de courir aux armes, & les défordres qui fui-
vent la vi&oire, drefeèrent en 1-393 pfe convention
à Sempach, afin d'empêcher que le public
ou des particuliers n'entrepriflent, ^e leur
propre mouvement des aéfes d'hoftilité fans l'aveu
des confédérés ÿ afin d'établir la fubordination
dans les troupes , & de prévenir les abus du pillage.
C'étoit à quelques égards une foible ébauche
d'une ordonnance militaire j mais fi les fuiffes fe
diftinguèrent par leur fermeté à combattre dans
leurs rangs , ce fut plutôt l'effet du tempérament
national que de la difeipline, & pour tout le refte
les inftruétions de leurs fupérieurs continuèrent à
être à-peu-près fans effet. Auffj cette convention *
qui devoit d?abord fervir de loi commune & de
droit public ,.eft-elle tombée en oubli dans les fiéclés
poftérieurs j & même le premier article dont
la prudence ne devoit pas permettre à de petits
états de s'écarter , ne tint point à l'épreuve des pen-
fiojis qui leur furent offertes.
Lorfqu'au commencement du XVe fiècle, les
habitarrs de l'Appenzell fe foulevèrent contre les
violences exercées par quelques officiers de Saint-
Gall, voyeç Appenzell , ce petit peuple qui
voyoit de la reffemblance entre fa caufe & celle des
premiers cantons confédérés, fe flatta de leur appui.
Abandonné à fon propre courage, il unit fes
intérêts avec ceux de la ville dé S. Gall, repouffa
avec intrépidité les attaques des autrichiens armés
en faveur de l'abbé, & fe vengea par des incurvons
fur ies terres ennemies. Cependant les cantons
, foit par refpeéf pour la trêve, ou parce que
le théâtre de cette guerre étoit hors de la fphère
de leur-ligue & de leurs vues, ne s'intéreffèrent
directement ni aux avantages remportés par les
habitans de l'Appenzell, ni aux revers qui.forcèrent
ces derniers à mettre bas les armes. Il ne fe
forma aucune confédération particulière en leur
faveur. Le_ feul canton de Schwitz profita, de ces
troubles pour s'approprier le pays de Gafter, qui
étoit à fà bienféance.
Un événement fur lequel l'Europe entière fixoit
fes regards , réveilla pour la première fois l'ambition
des fuiffes confédérés. C'eft de-là qu'on date
la fécondé époque de la ligue & de leur droit public
, pendant laquelle ils Sortirent de la condition
modefte d'une fimple défenfe , pour fuivre en commun
des projets d’agrandiffement, par des conquêtes
fur des puiffances yoifines & rivales de leur
union. Frédéric , duc d'Autriche , avoit protégé
l'évafion du pape Jean XXIII, dépofé par le concile
de Confiance. On prononça contre les fugitifs
les bans de l'églife & de l'Empire. Les cantons
furent invités à fe charger de l'exécution 5 on les
détermina en leur offrant les conquêtes qu'ils feraient
fur le duc. Les villes de Zuric, de Berne
& de Lucerne s'emparèrent de quelques terres
pour leur compte particulier , & les cantons réunirent
leurs armes pour fe faifir des bailliages li-
hres & du comté de Baden, dont ils ont con-
fervé la propriété en commun.
L'acquifition des bailliages communs formoit un
nouvel anneau à la chaîné qui lie les parties fondamentales
, pour ainfi dire, du corps helvétique.
Il ne nous paraît pas cependant que ces fujets
de la république dés confédérés puiffent exactement
être confidérés comme une partie confti-
tuante du corps helvétique. Cette propriété eft un
nouveau lien pour les feuls cantons qui en jouif-
fent en commun ; fa confervation offre un intérêt
général ; la régie de cette propriété entretient la
correfpondance, & renforce l'idée & l'habitude
des liaifons entre des affociés , dont les rapports ,
à ne confidérer que l'intérêt politique général,
font d'ailleurs peut-être trop foibles. Malheureu-
fement ces domaines- ont été plufieurs fois uh fiijet
de jaloufie & de défunion entre les fouve-
rains co-propriétaires. Nous parlerons de l'admi-
niftration de ces- bailliages, en traitant du droit
public aChiel de la Suiffe, après avoir achevé le
tableau des progrès de la conftitution nationale.
Ces nouveaux rapports de ço-propriétaires des
pays conquis n'ajoutoient d'ailleurs rien aux enga-
gemens réciproques entre les cantons. Nous voyons
au contraire les alliances particulières de combour-
geoifîe, entre un ou plufieurs cantons d’une part,
& quelques villes ou communautés voifines, de
l'autre , devenir plus fréquentes j mais l'union des
cantons confervoit toujours une prérogative marquée.
Il ferait intéreffant de fixer nos idées fur
les diftin&ions entre ces traités d'union, d'alliance
& de combourgeoifie 5 mais il ne ferait guères
poffibje de les définir exactement, & cette dif-
euffion nous écarteroit trop de notre fujet principal.
Il fuffira d'obferver que la plus grande partie
de ces., unions de combourgeoifie étoient des alliances
auxiliaires, de condition inégale ; la partie la
plus forte, s'attribuant un titre de protection en
retour de certains fervices. Au refte, ces dénominations
étoient fouvent arbitraires, & les conditions
diverfement limitées & interprétées , ftiivant
les circonftances. Tant que ces traités ne concer-
noient que des diftriCtsqui combattoient pour la liberté,
les cantons non intéreffés n'en conçurent aucun
ombrage j mais quand la ville de Zuric, aigrie
par une querelle avecle canton de Schwitz, prit en
1442 des enga'gemens avec la maifon d'Autriche ,
les confédérés s'en plaignirent comme d'une infraction
faite à leur alliance. Une queftion fi importante
pour le droit public mérite une attention
plus particulière.
La confiance de leurs forces, puifée dans le fuc-
cès de leuis armes, avoit infpi-ré aux cantons le
defir de s'agrandir & l'émulation de fe prévenir,
en s'attribuant un droit, ou de propriété , ou
du moins de proteCiron, fur les pays voifins de
leurs territoires. Frédéric III, dernier comte de
Toggenbourg, mit.les habitans de Zuric aux pri-
fes avec les cantons de Schwitz & de Claris/ en*
permettant à fes fujets de former fueceffivement
des liaifons de combourgeoifie avec les uns & lés
autres.Cette concurrence, jointe à la crainte d'être
prévenus par les ducs d'Autriche, qui avorent le
même projet, occafionna une prife d'armes, donc
les cantons neutres arrêtèrent les fuites, en obligeant
la ville de Zuric de refpe&er les droits des
deux cantons, & d'attendre là mort du comte &
les réfolutions des héritiers. Les mouvemens des
divers partis qui prétendoient à la fucceflîon, 8c
des peuples qui penchoient pour les cantons démocratiques,
avec lefquels ils fe flattoient de conferver
des conditions plus égales, firent renaître
les hoftilités : ces deux chefs d'un cara&ére audacieux
& opiniâtre , le bourguemeftre Stuffi à
Zuric , & le iandammam de Reding à. ScLv/àz