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moyennant une fomme qu’ils payent pour droit
d‘amortiffement, établi pour dédommager l’état &
les fujets de la perte qu’ils fouffrent de ce que
ces biens ne font plus dans le commerce.
Le réglement qui prefcrit la forme 8c le droit
$ amortijfement, a été fait à l’imitation de la loi
Vapiria, qui défendoit de confacrer aucun fonds
à des ufages religieux fans le confentemetit du
peuple.
Ce fut S. Louis qui imagina cet expédient fur
les plaintes que les eccléfiailiques de fon temps
portèrent au pape contre les feigneurs qui préten-
doient les troubler dans leurs acquilitions , en
conl'équence des loix du royaume , qui défendoient
aux gens d’églife de poiTéder des fonds. Il leur
conferva ceux qu’ils polfédoient alors ; mais pour
réprimer leur avidité, il leur impofa, pour les
acquilitions qu’ils feroient à l’avenir, l’obligation
de payer au domaine les droits Ü amortijfement.
Confédéré fous des rapports plus étendus, &
en même - temps plus relatifs à l’économie politique
, l’amortijfement emporte l’idée générale d extinction
de dettes , de droits, de redevances , &c.
& peut-être utile ou riuilible, félon qu’il eft favo^
sable ou défavorable à la propriété.
Comme extinction des redevances, il dérive
parmi nous de l’ufage de l’acenfement dont nous
avons précédemment traité dans un article particulier
, & où nous avons détaillé fon origine & fes
avantages. t ,
Un propriétaire foncier s’eft dépouille de cette
qualité , & ne s’eft réfervé que la direCte à laquelle
demeurent attachés certains droits convenus
entre les parties. On a déclare que ces droits font
inextinguibles 8c non rachetables de leur nature.
Us ne fauroient donc être fufceptibles d affran-
chilfement. Cependant, des arrangemensfociaux,
fupérieurs à l’autorité des contraCtans, peuvent affranchir
en quelque forte plufîeurs de ces droits,
ou du moins, procurer l’equivalent de leur libération.
. -1 „ '
Par exemple , lî dans les droits ftipules par 1 acte
d’acenfement le feigneur s’en étoit réfervé d’exigibles
à chaque mutation de propriétaire, changement
de main , &c. & que le cenfitaire , qui
peut difpofer du fonds acenfé, vînt pourtant à le
céder à gens de main - morte, à l’églife, aux hôpitaux
, à des corps enfin qui ne meurent jamais,
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& ne préfentent point de changement de tête,
celui-ci fruftreroit abfolument le feigneur de.fes
droits feigneuriaux. Mais pour obvier à cette le-
fion , on a établi un droit d‘amortijfement , c eft-
à-dire , de rachat perpétuel de ces droits du
feigneur direél, droit d‘amortijfement § plus particulièrement
connu fous le nom èi indemnité.
Cette indemnité eft une fomme d’argeqgjque
les gens de main-morte font tenus de payer au
feigneur de qui relèvent les héritages qu’ils acquièrent,
à quelque titre que ce foit, pour le dédommager
de ce que ces héritages font, pour ainfi
dire, hors du commerce, attendu.que les gens
de main - morte cherchent rarement à aliéner ,
& qu’ils ne le peuvent faire que difficilement, à
eaufe des formalités à faire pour de telles aliénations!
au moyen de quoi le feigneur eft privé des
droits qu’il recevroit à chaque mutation , 8c d’autres
droits cafuels, qui pourroient lui revenir fi les
héritages n’étoient pas poifédés par des gens de
main - morte.
Le droit à’amortijfement ,-que les gens de main-*
morte payent au roi, n’empêehe pas qu’ils ne
doivent auffi un droit d’indemnité, foit au roi,
lï l’acquifition eft dans fa mouvance , ou au feigneur
particulier dans la mouvance duquel eft
l’héritage ; & s’il y a un autre feigneur qui ait la
juftice,le droit d’indemnité fe partage.entre eux.
Il en revient un dixième à celui-ci, & le feigneur
du fief prend le relie.
. Cependant cette efpèce de compenfation, accordée
au feigneur, n’ell en quelque forte qu’un
moindre préjudice. Auffi , les tribunaux attachés à
l’immunité làcrée de la propriété , par le feul
fentiment de la jullice .naturelle, fe refufant autant
qu’ils pouvoient à Xamortijfement , qui peut
être regarde comme forcé pour l’une des parties ,
ont-ils cherché d’autres équivalens des droits
éteints par Xamortijfement , & il en eft réfulté ,
pour les fiefs , l’établilfement de Xhomme vivant
& mourant (i) 3 & dans quelques coutumes pour
les rotures, les demi-lods tous les dix ans , & les
lods entiers tous les vingt ans.
Nous pouvons envifager encore Xamortijfement
fous une forme moins connue, quoiqu’elle foit
d’une grande importance. Nous ne le confidé-
rions ,. en quelque forte, que relativement aux
/ i ) L’homme vivant b mourant eft un homme que les'gens d’églife & autres gens de main-morte font obligés de
donner an feigneur féodal, pour les repréfenter dans lapofleffion d’un heqtage ,pour en faire J a foi & hommage en leur
place, fi c’eft un fief, attendu qu’ils ne peuvent la faire i
ouverture au droit de relief fi l’héritage eft tenu en fief. . . . ».
Les gens d’cglife de main-morte font obligés de donner homme vivant ûf mourant Jiotrr toute acquilîtton par eux faite
à ^ejjue titre que c e ^ j omjnant qu’en donne f homme vivant &• mourant, & non an feigneur haur-jullieier. .
Si les gens de main-morre ne donnoienr homme vivant & mourant . -ht feigneur pourrotr fatfir le fief & faire le ftu.tp
«en 1 îs8peûvenr donner pour homme vivant &• mourant une perfonne de leur corps ou telle autre perfbnne ou ,1s veulent
; pourvu qu’elle air l’âge requis pour faire la foi. Quand l’homme vivant: & mourant eft fceedev tl & « e" 'io” ” ' r
autre dans quarante jours , Sc il eft dû un droit de relief pour la mutation de vaffal, Faute de donner l homme vivant &.
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propriétés particulières. Voyons-le fous des rapports
plus immédiats avec la fociété.
Dans les diverfes périodes de temps que les
nations parcourent entre la barbarie, qui ne croit
devoir de fervice que celui des armes, & la civi-
-lifation dégénérée , qui prétend tout foumettre au
pouvoir arbitraire, chez, les nations fur-tout qu’une
longue habitude d’abus funeftes a jettées dans
l’égarement, & qui s’écartant des vrais principes,
ont perdu de vue la fource des richelfes, & la dif-
tribution qu’elles fuivent:dans le cercle qu elles
parcourent, il eft fouvent arrivé, dans les nécef-
fités preflantes de l’état (i), qu’on a établi des
droits d‘amortijfement 3 ou l’équivalent de ces
droits, fur différentes fortes d’aéles & de tranf-
lations de biens, foit mobiliers, foit immobiliers,
foit collatéraux, foit av.entifs, &c. Ces fortes de
• droits pourroient s’appeller à bien jufte titre ,
droits de rédemption y puilqu’en effet ils doivent
fervir comme moyens de fe rédimer du pillage, de
_la part du plus fort ou du plus cupide, en payant
un droit à la protection fouveraine.
Dans ce fens de Xamortijfement , les droits de
douanes 8c toutes autres levées, faites fur le tran-
fit des matières du commerce, peuvent fort bien
être claffées dans ce que nous appelions ici les
droits de rédemption \ car on donne , en les acquittant,
une partie de la valeur deschofes tranfpor-
tées pour s’affûrer le relie, & l’on paye à ce prix
la liberté de la circulation, dont elles devroient
jouir naturellement.
On pourroit auffi trouver à ces droits une autre
* forte d affinité avec Xamortijfement ; car certainement
ces droits, qui ne fauroient avoir de-tarif
de proportion avec les frais toujours variables du
commerce , gênent la circulation , amortijfent l’in-
duftrie, parviennent même à l’éteindre, & peuvent
par conféquent amortir, éteindre même l’action
& k chaleur vitale de la fociété.
Mais l’objet du véritable amortijfement eft d’affranchir.
Ainfi l’on peut dire qu’un hommç qui
paye fes dettes3 amortit l’hypotheque de fon créancier
, & qu’il affranchit fon bien du droit qui
ffiifoit l’objçt & la .valeur de l’hypothèque.
Il ne faut pourtant pas confondre ici les charges
& les dettes, car étant d’une. nature fort différente
, elles doivent être bien diftinguées^ les
unes dès autres. Les charges font les conditions
fous lèfquelies nous jôuiffoné de nos biens, conditions
attachées à lèur‘pôffeffion, 8ç indépendantes
de k-'Volonté du poflfefleur j mais qu’il connoît
'en pre'nant-le fonds, fur lefquelles iltômpte d’a-
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vance , & qui ne touchent point aux revenus pré-
fumés, tant que rien d’étranger n’en diminue ni
les rapports ni 1a valeur5 telles font les tailles, les
droits de feieneur, &c. Les dettes au contraire
font des fardeaux qui grèvent non - feulement les
propriétés du débiteur, mais qui retranchent de
fes revenus en proportion des fommes qu’il doit.,
& de l’intérêt qu’il en paye.
Un politique inftruit, qui voit naître 8c s’étendre
dans un pays l’émulation à payer fes dettes,
& l’empreffement à les rembourfer, doit en conclure
naturellement que k fociété eft encouragée
, & généralement inclinée vers l’ordre > mais
il ne doit pas tirer 1a même conclufion en voyant
beaucoup d’empreflTement d’une part, & de facilité
de l’autre, à amortir les charges j c’eft une
preuve certaine de mauvaife adminiftration. Les
fonds alors perdent de leur valeur, les revenus
diminuent, les charges font trop pefantes , oft
cherche par tous moyens à s’en débarraffer -, car
elles deviennent onéreufes en raifon de ce que les
biens qui les fupportent , font moins prifés 8c
moifts productifs. Dans le cas du bon rapport, le
colon n’a garde d’employer fes épargnes à amortir
fes charges. Il chérit trop fa terre pour vouloir
L’en priver j il les emploie toutes à l’améliorer, à
k rendre plus féconde. Il voudroit en avoir davantage
, il les y placeroit encore , fans fonger à
les employer en amortijfemens.
Dans l’établiiTement des colonies angloifes,
aujourd’hui les Etats • Unis de l’Amérique , les
colons contractèrent avec k mère patrie beaucoup
de dettes , qui devinrent par hypothèque des
charges fur le fonds \ mais comme les terres neuves
, les moeurs agricoles , 8c le pays non encore
travaillé en finance, leur donnoient une grande
aifance, les colons furent fidèles à payer l’intérêt
annuel, & mirent tous leurs profits à étendre leur
culture. Us empruntèrent même de nouveau pour
cela, ne penfant point à rembourfer les capitaux ;
uniquement attentifs à multiplier leurs revenus,
ils ne s’occupoient jamais à amortir leurs charges.
Quand on voit les grands feigneurs &Ies habi-
tans des villes s’abandonner à un luxe auffi dangereux
que frivole, s’épuifer en bâtimens , en
commodités recherchées & en raretés de fantai-
fie ou de convention , on peut comparer ce mauvais
emploi de richefte, à celui qu’on en pourroit
faire dans l’art futile de fondre les diamans j car
dans l’un 8ç dans l’autre cas , c*eft amortir de
gros capitaux , qui doubleroient & tripleroient
même dans des entreprifesrurales, lefqueîies fervimoùrant
dans quarante iou'rs, le feigneur peut fail^r le fief, &c. La feule mort naturelle donne ouverture au droit de
mutation. -L’obligation de ' donner -homme vivant '6* mourant çft imprefçriptible.
( 1 ) C es neceffités preflantes de 1,’utat .ne proviennent. cpnimunçment que d’une mauvaife adminiftration. On les voit
renaître 8c-fe multiplier, fi-tôc'qu’elle met les besoins à k place des moyens; & dès qu’elle fait de ces premiers la me*
fure de la dépenfe,
T*