
vir à les guider dans leur décilion. Les jurés fe
retirent enfuite dans une chambre voifine ; ils doivent
y relier jufqu’à ce quils foient d’accord.
Durant cet intervalle , ils ne peuvent ni boire ni
manger ni avoir du feu.» à moins que le juge ne le
permette. Il faut que leur déclaration porte Amplement
que le prévenu eft coupable ou non coupable
du fait dont on l’accufe. L a maxime fondamentale
de ce genre de procedure, eft que 1 unanimité
des jurés eft nécefïaire pour une condamnation.
Et comme le principal but de l’inflitution des
jurés , eft de fouftraire les accufés à la décilion de
ceux qui fe trouvent revêtus d'une autorité
quelconque j non - feulement l'opinion du juge
<i*a de }poids qu'autant que les jures veulent
lui en donner , il faut de plus, que leur déclaration
ou verdict ( veredictum ) 3 porte fur le point'
de droit qui fe trouve immédiatement lie au fait:
c'eft - à-dire , qu’ils doivent établir & Texiftence
d'un certain fa it, & ce que ce fait a en lui-meme
de contraire à la loi. . . .
Un biÜ d‘indiEtment ou d’accufation , doit ab-
folument réunir ces deux chofes.:Ainfi, un indict-
ment pour trahifon, doit porter que les faits en
queftion ont été commis dans un efprit de trahi-
fpn , proditorie. U n indictment pour meurtre , doit
porter que le crime a été commis de malice délibérée.
Un indictment pour vol doit porter , que la
chofe a étéprife avec intention de voler. C e principe,
fans lequel les avantages de l’inftitution des jurés
feroient prefque réduits à rien , eft fi bien fenti,
q u e , dans, les cas où le procureur du roi pour-r
fùivant , au nom du roi , & faifant lu i- même
Y indictment (1 ), a cherché à élüdèr à- cet égard le
pouvoir des jurés ^ ils y ont remédié par la forme
de leur verdict (2). J
Les jurés font tellement les maîtres de leur déclaration,
la loi a fi bien fenti que les.précautions
qu'elle prendroit à leur égard pourroierr*
avoir un effet contraire à celui qu’on devoit naturellement
en efpérer ; elle a eu fi peur que les
magiftrats établis pour leur faire obferver certaines
règles , ne s’occupaflent à les en écarter,
qu'elle a remédié à cet abus. C'eft un principe
établi qu’un juré , en donnant fon opinion 9 ne
doit avoir d’autre règle que fon opinion elle-me-
me , c’eft-à-dire, que la conviction qui refulte
dans fon efprit des faits allégués de part & d autre
, de leur crédibilité, de- celle des témoins , &
même de toutes les chofes.dont, en fon particulie
r, il peut avoir connoiffance.
Si le verdi# porte non coupable, ( not guilty ) ,
le prévenu eft relâché, & il ne peut, fous aucun
prétexte, être jugé de nouveau*, pour, raifon du
même crime. Si le verdi# porte coupable, ( guilty )
alors, mais feulement alors, les juges entrent en
fon#ion , & prononcent la peine que décerne
la loi (3). Dans,cette fonction encore ils ne font
point abandonnés à eux-mêmes , ils doiventab-
folument s’ en tenir à la lettre ; ils ne peuvent
donner aucune étendue au fens.littéral > la#ion
la plus criminelle refteroit impunie , fi elle ne fe.
trouvoit point parmi les cas fur lefquels la.loi prononce.
L'impunité d'un crime, dont une loi nouvelle,
peuttout de fuite prévenir les cônfequences ,
n'a pas paru un mal comparable à la violation du
pa#e que la fociété a fait avec tous fes mem-
L>res (4). : .
Enfin, ce qui feul juftifieroit la préférence que
les jurifconfultes anglois donnent à leurs loix fur
le droit romain, c'eft que ces loix rejettent abfolu-
ment, la .torture (5}. Sans rép,étçr ce que d it, fur
ce- fujet, l'admirable Traite des Délits & des Peines
$ j'obferverai feulement que la: torture^ ce
moyen fi barbare & fi défectueux en lui-meme,,
auroit, dans un état libre, les plus funeftes confé-
quçnces. Les i o i Angleterre n'ont:pas cru avoir
f «) Dans les cas ordinaires , c’e ft, comme on a vu plus haut, le grand,juré qui le fournit. . . •
, 1 pour rendre ceci plus clair, je donnerai un exemple. On publia , il- y à quelques années, un écrit que le procur
reur-eénéral regarda comme un libelle dirigé contre la peifonne du roi ; il ppùrfuivitjes auteurs 8c les imprimeurs. Son
ind'Elément ne portoit que ceci, coupables d'avoir imprimé 6* publié uii tel écrit. Si les jures, fuivant la forme ordinaire,
enflent répondu fimplement coupable , le juge âuroit pu décider que l’ouvrage étoit un libelle, & en fixer la peme ;
mais ils répondirent , coupable d'avoir imprimé 6* publié feulement : choie contre laquelle la loi me prononçant aucune
B^îne, les accufés fe trouvèrent abfous par le fait. . . . . . , , - • ,
“*■ . . .-V__j. p-,-..ri „n. Inr4c r.mnnrplt il Jouir aiiflî du droit umverfel dette îuee par les pairs : mais la
& les pairs reumuenc aiors iuhuiuu ut juih « v .» , .. —- — : - . -, . » . * ,
dans la cour du haut maniant S Angleterre ; office qui ne fe renouvelle que dans cette occafion ; ce haut
fait la fonaion de juge juge 5 j°. l’unanimité n’eft pas requifç, on décidé a la pluralité des fuftrages : il doit y avoir au
moins douze perfonnes. . _ , . x
( ,) Je donnerai un exemple du fcrupulc des juges anglois a cet egard. Sir Henri Ferrers ayant été arrête en en conf.confequence
rence d’un warrant qui le nommoit chevalier, au lieu de baronet, fon valet prenant fa defenfe, tua 1 officier. Quoiq
chevalier ,de.baronet,Ion la derenie,omu*c.Quoique
le valet n’eût eu aucune connoiflance du défaut du warrant, on ne jugea point qu il fe fut révolté contre les officiers,
de la juftke ; & le meurtre ayant été déclaré homicide juftifiable, le domeflique fut admis au bénéfice du cierge. Reports
de Cote, p. 37U •
Coke dit, dans fou troifième Inftirut, que lorfque Jean Holland, duc d’Exeter & Guillaume de Poole , duc
de Suffolk , voulurent fous Henri VI eflayer de nouveau d’introduire lé droit romain-, ils vantèrent beaucoup 1 ulage déjà'
to.rtu;e; qu’ils eurent la hardieflè de produire l’ùn des initrumens., de cette, peine : en- effet, linftrument fin appelle
ta fille du duc d’Exeter ; on Ta relégué depuis dans la tour de Londres,
àffez fait en empêchant que , fous prétexte
de chercher la vérité, l’innocent fut livre a la
vengeance de fes ennemis > elles ont^voulu y fouftraire
le coupable convaincu lui-meme > & loin
de tourhienter les criminels, qui doivent mourir a
T y b u rn , on les traite avec une douceur & une
humanité dont on n'a jamais vu d exemple ailleurs
( i) .
Pour ôter jufqu'a la poffibilité des abus , c e f t
encore un ufage invariable que la procedure foit
publique. Le coupable ne comparoît & ne répond
que dans des lieux dont l'accès eft ouvert a tout le
monde, & le s tém o in s lorfqu’ils dépofent, le juge
lorfqu'il expofe fon avis,, les jurés lorfqu’ ils font
leur déclaration, font fous les yeux du public.
Enfin , le juge ne peut changer ni le lieiL ni la
forme de l'exécution d'un jugement i & le shenff,
.qui ôteroit la vie à un homme d'une autre maniéré
' que celle que la loi prefcrit, feroit coupable de
meurtre , & pourfuivi comme tel.
S e c t i o n X e.
De la fagejfe de la jurifprudençe criminelle , & du
refpect quelle, a pour la liberté des citoyens.
Non - feulement, par l'inftitution admirable des
jurés, le pouvoir judiciaire eft abfolument hors
des mains de celui quiale pouvoir exécutif j il eft
de plus hors des mains du juge lui - même. Celui
qui a te dépôt de la forco publique , ne peut la
déployer qu'après en avoir reçu, pour ainfî dire,
la permifiion de ceux qui ont le dépôt des loix.
Ces hommes, fans le fuffrage defquels le pouvoir
exécutif & le pouvoir judiciaire font réduits
a l'in?#ion , ne* forment pas entr'eux une affem-
blée permanente, 8^ils n'ont.pas eu le temps de
voir en quoi leur autorité peut fervir à leur interet
particulier : ce font des hommes choifis parmi les
citoyens 5 ils n'ont peut - être jamais été açpellés
à cette fonction , & ils ne prévoient pas qu’on les
y rappelle jamais.
chofe à dire en fa faveur. Enfin, ce qui eft très-
important, les témoins qui dépofent contre lui,
dépofent en fa.préfence j il a le droit de leur pro-
pofer des queftions, & de déranger un plan- de
calomnie par une demande imprevue. Les loix
des autres états ne lui accordent aucun de ces fe-
cours.
Les loix d‘Angleterre n’expofent aucun accufé
audanger d'une procédure, que fur l'avis de douze
perfonnes au moins ( i) . Soir dans les prifons, foit
devant le juge, elles ne ferment pas un feul moment
l’accès à quiconque a des avis ou desconfo-
jations à lui donner : elles lui permettent même
d’appeller tous ceux qui peuvent avoir quelque
Lorfque les jurés d'accord fur le fa it, font em-
barrafles fur le degré du crime qui s'y trouve lié ,
ils laiffent la chofe à la décilion du ju g e , en rendant
ce qu'on appelle un Jpecial verdict (3). Toutes
les fois que lès circonftances leur paroiffent ex-
eufer un homme reconnu coupable, ils le recommandent
à la merci du roi ; ce qui ne manque jamais
d'opérer au moins une diminution de la peine.
Quand les jurés ont abfous l ’aceufé, on ne p eut,
fous aucun prétexte , ordonner une nouvelle inf-
truâ ion , mais on l'accorderoit s’il avoit été condamné
fur des preuves fortement foupçonnées
d'être faufles (4). Enfin, ce qui donne un nouveau
prix aux loix à'Angleterre , ne connoifiant pas la
torture, elles neconnoiffentpas non plus depeine
plus grande que le gibet ou la décapitation.
L ’exercice de la juftîce criminelle eft fjgdoux,
que l’habitude d’être jugé par fes pairs, elt l'article
de fa liberté auquel le peuple anglois eft le
plus fortement & le plus généralement attaché ;
& la feule plainte que j'ai entendu à cet égard,
eft faite par des hommes plus fenfibles^ à la néceffité
de l'ordre, qu'aux égards dds à l'humanité :
ils trouvent que trop de crimes demeurent impunis
; ils oublient la fageffe de cette maxime, qui a
dirigé les légillateurs , & qui dirige les tribunaux
& les juges : il vaut mieux J'auver dix coupables que
punir un innocent,
La loi a pris des précautions fans nombre fut les
emprifonnemens. Ll'abord , dans le plus grand
nombre des cas , elle relâche' fous caution les
hommes qu’on a arrêtés ; & elle ne laiife rien à la
diferétion du juge. De cette manière, elle a détruit
les prétextes que les circonftances pourroient
fournir de priver un citoyen de fa liberté.
Mais c’eft fur - tout contre la puiffance exécutrice
que les loix ont dirigé leurs efforts ; elles
font parvenues, un peu tard je l’avoue, à lui arracher
un pouvoir qui la mettoit en état d’enlever
au peuple fes défenfeurs, & d'effrayer ceux qui
pourroient être tentés de le devenir. La nation a
■ enfin fenti que le roi muni de cette arme d'autant
r , 1 Un étranger qui affilie aux exécutions de Tyburn', pleure d’admiration Sc d'attendriffement, non-feulement fur
le malheureux à qui on ôté' la vie , mais fur la manière dont la juftîce immole cette victime. Le croiroit-on . le bourreau
lui-inèin'e femlle avoir de la délicateffe; &r par un ufage dont on ne doit pas lu. fa.te un mérite, mars qui montre
jufqu’où on refpette les fcélérats eux-mêmes, parce, qu’ils font des hommes, il louche a peine celui quon fait cxpiroc
fut le gibet.
{\ l U 'Lfrfq”ue te'jurés, dit Coke , doutent de la lo i, Sc délitent faire ce qui eft jufte, ils prononcent d'une manie«
^pédale 'G* fuper cota materia petunt dijeretionem jujlidarionan inft, 4* P* 4 1*
( 4 ) Bljçkftone, Com, l, IV, c,*7» y *