profterner devant fon trône, fa ceinture, fes habits
, &rc.
Les empereurs de la Chine n'abufent pas de tant
de foumiflion pour tyrannifer leurs fujets. C'eft
une maxime généralement établie parmi ce peuple
, que s'ils ont pour leur fouverain une obéif-
iance filiale, il doit à fon tour les aimer comme
un père ; auffi ces princes gouvernent-ils avec
beaucoup de douceur, & fe font une étude de
faire éclater leur affeftion paternelle.
. Chacune des fix cours fuprêmes dont nous avons
déjà parlé, eft compofée de dèux préfidens avec
quatre affiftans & de vingt - quatre conseillers,
dont douze font tartares & douie chinois. Une
infinité d'autres tribunaux font fubordonnés à ces
cours fouveraines, dans lefquelles reviennent en
dernier reffort toutes les affaires importantes.
Pour ce qui eft des provinces, elles font immédiatement
régies par deux fortes de gouverneurs ;
les uns en gouvernent une, & réfident dans la capitale
5 mais ces mêmes provinces obéiffent à des
vicerois , nommés Tfong-tou , qui gouvernent en
même-temps trois ou quatre provinces. Quelque
foit l'autorité de ces gouverneurs^ particuliers. 3
leurs droits refpeflifs font fi bien réglés , qu'il ne
furvient jamais de conflit dans leurs jurifdiéliôns.
■ On auroit de la peine à croire que l'empereur
de la Chine ait le temps d'examiner lui-même les
affaires d'un empire fi vafte, & de recevoir les
hommages de cette multitude de mandarins, qu'il
nomme aux emplois, ou qui cherchent à y parvenir
5 mais l’ordre qui s’y dbferve eft fi merveilleux
, & les loix ont-fi bien pourvu à toütes les,
difficultés, que deux heures fuffifent chaque jour
pour tant de foins.
C H A P I T R E V I .
P a r a g r a p h e p r e m i e r .
j i J> J f I N ■ I S T R A T T O
Chaque capitale de province a plusieurs tribunaux
, qui répondent tous aux cours fouveraines
de Pékin* & qui font fubordonnés aux gouverneurs
particuliers & aux Tfong-tou. Toutes les
autres villes ont auffi leurs gouverneurs & plufieurs
mandarins fùbordonnés qui rendent la juftice y de
façon que les villes du troifîéme ordre dépendent
de celles du fécond , qui à leur tour reffortiflent
aux villes du- premier rang; Tous les juges provinciaux
dépendent du Tfong-tou qui repréfente
F empereur y mais l'autorité de cet officier général
eft reftreinte par celle des autres mandarins qui
l'environnent, & qui peuvent F a ceufèr quand: ils le
jugent à propos pour le bien de l'état.
Tous les mandarins font eneore réprimés par
les Kolis , vifiteurs que la cour envoie en chaque
province. Ils font infiniment redoutés, 3c ce n'eft
pas fans raifonj car ces cenfeurs ont le droit de
dépouiller tous les mandarins en faute , de leur
crédit & de leurs emplois. ■ — ■
Rien n'eft plus digne d’admiration que la façon
de rendre la juftice : il n'en coûte rien pour 1 obtenir.
Dans les affaires ordinaires 3 un particulier
peut s'adreffer aux cours fupérieures, & au lieu
de fe pourvoir par devant le gouverneur de fa re-
fidence 3 il a le droit de recourir au gouverneur
de fa province 3 ou même au T fong-tou 5 & lorf-
qu'un juge fupérieur a pris une fois connoiffance
d'une affaire, les juges inférieurs n'y prennent plus
aucune part, à moins qu'elle ne leur foit renvoyée.
Pour les affaires d'importance , ori peut
appeller des jugemens des vicerois , aux cours Supérieures
de Pékin 5 ces cours ne prononcent qu'a-
près en avoir informé fa majefté, qui quelquefois
prononce elle-même , après avoir fait faire toutes
les informations convenables. La fentence eft aufii-
tôt dreflee au nom de l'empereur, & renvoyee au
viceroi de la province, qui demeure charge de la
faire exécuter. - Une décifion dans cette forme eft
irrévocable} elle prend le nom de foxht commande*
ment 3 c'eft-à-dire , d'arrêt fans défaut, fans partialité.
;
A l'égard des affaires criminelles, elles n'exigent
pas plus de formalités que les affaires civiles.
Dès que le magiftrat de la police eft informé d'un
. défordre, il peut faire punir le coupable fur le
champ : s'il trouve en faute un débauché, un fripon
dans la rue, fans autre forme (te procès, il
lui fait donner par tes gens de fa fuite vingt ^ u
trente coups de bâton* après quoi il continue fbiv
chemin. Cependant ce coupable peut encore etre
cité à un tribunal par ceux à qui il a fait quelque
tort} on inftruit alors fon procès en forme* & il*
ne finit que par Une punitipn rigoureufe. •a_
Une affaire criminelle n’eft jamais terminée *.
quelle' n’ ait pafle par cinq ou fix tribunaux fubordonnés
les uns aux autres * qui font, tous de nouvelles
procédures , & prennent des inftru£rioias fur
la vie & la conduite des aceufés & des témoins *
ces délais , à l’a vérité;,. font long - temps languir
l’innocence dans les fers } mais ils la fauvent toit-
jours de l’oppreflion.
$. H
Lo ix -pénalesi.
Les voleurs pris armés, font condamnés a là-
mort par la loi : pris fans armes , ils fubiffent un-
châtiment fans perdre la vie; Les loix penales font
fort douces à la Chine. Le châtiment eft toujours
réglé par la» loi & proportionné âu crime. La baf-
tonnade eft la correction la plus légère & la plus
fréquente } il ne faut que peu de chofe pour fe.
l’attirer, & elle n'imprime aucune- ignominie. |
La baftonnade fe. donne avec 1e pant-fe * pièce-
de bambou fendu qui a -plufieurs pieds de: long.
Un', mandarin * en marche ou dans fes audiences*
eft toujours environné d'officiers armés de cet inf-
trument. Le pant-fe eft la punition ordinaire des
vagabonds, des coureurs de nuit & des mendians
valides. Les^mandarins n'en font pas exempts }
mais fi un mandarin l'a reçue par ordre du vice-
roi , il a la liberté de juftifier fa conduite devant
l'empereur ou 1e lji-pou.
Une punition moins douloureufe, mais flétrif-
fante, c'eft la cangue. C et inftrument eft compofé
de deux pièces de bois, qui fe joignent autour du
cou en forme de colier , & qui fe portent jour &
nuit, fuivant l'ordre du juge. Le poids de ce
fardeau eft proportionné au crime. Celui qui porte
la cangue ne peut ni voir fes pieds, ni porter fes
mains à la bouche. Lorfque 1e terme de la punition
eft expiré , on ramène 1e coupable devant le
magiftrat, qui le délivre & lui fait une exhortation
de fe mieux conduire. Une vingtaine de coups
de pant-fe terminent le difcours.
Quelques crimes font punis par la marque de
certains caractères fur les joués du coupable , '
d'autres par le banniffement hors, de l’empiré }
d'autres enfin foumettent le criminel à la punition
de ramer fur les barques royales } ce qui eft toujours
précédé de la baftonnade.
On ne connoît que trois fupplices capitaux} c'eft j
d'étrangler, de trancher la tête & de couper en
pièces. Le premier n’eft point infamant. L'idée
qu'on fe fait du fécond eft bien différente } mais
1e troifième eft 1e plus en horreur, comme celui
des.traitres &: des rebelles. Le coupable qui fubit
ce dernier, eft attaché à un pilier. On lui écorché
d'abord la tê te , on lui couvre tes yeux avec fa
peau pour lui cacher festourmens, & on lui coupe
enfuite fucceffivement toutes les parties du corps.
L ’office du bourreau n'eft point flétriflant à la
Chine j il porte la ceinture jaune, pour montrer
qu’il eft revêtu , de l'autorité de l'empereur.
L ’ordre & la propreté régnent en tout temps
dans les prifons de la Chine.. L'état ne nourrit point
les prifonniers } mais il leur eft permis de s'occuper
à divers travaux , qui leur procurent leur fub-
fiftance. Siun prifonnier meurt, on en rend compte
à l'empereur. Il faut une infinité d'atteftations qui
prouvent qu'il n'eft pas mort par la faute du manda-
rin.Les femmes ont une prifon particulière, dans laquelle
les hommes ne peuvent entrer.
§. I I I .
Mandarins de C empire.
C'eft fur les mandarins lettrés que roule le gouvernement
politique de la Chine. Leur nombre eft'
d e '13 à 14,00p. Ceux des trois premiers ordres
font le$ plus diftingués. On choifit parmi eux tes
miniftres d’état, tes gouverneurs des provinces ,
& tous les autres grands, officiers de l ’empire. Les
mandarins des autres clafles exercent tes emplois
fnbalternes de jùdicature & de finance.
Tous font, diftingués du peuple & des lettrés,
par une marque particulière. C'eft une pièce d’étoffe
quarrée qu'ils portent fur la poitrine. On voit
au milieu la devife propre de leurs emplois. Aux uns ,
c'eft un dragon, aux autres un aigle, un foleil
& c . } tes mandarins d'armes portent des lions ,
des tigres, des*panthères, &c. Le plus petit mandarin
a tout pouvoir dans fa jurifdidrion, mais re-»
leve d autres mandarins dont 1e pouvoir eft plus
etendu : ceux-ci dépendent des officiers généraux
de chaque province, qui à leur tour relèvent des
tribunaux fouverains de Pékin.
Tous ces magiftrats font infiniment refpe&és y
a leurs tribunaux 3 le peuple ne leur parle qu'à
genoux. Ils ne paroiflent jamais en public qu'avec
un appareil impofant. Un gouverneur qui fort de
fon palais, n'a pas moins de 200 hommes à fa
fuite : on peut juger de - là quelle eft la pompe
qui accompagne l'empereur. Entre les marques de
1 autorité, il faut noter le fceau de l’empire. C e lui
de l'empereur eft d'un jafpe fin. Il eft le feul
qui puifle en avoir de cette matière. Les fceaux
qu'on donne aux princes font d'or j ceux des mandarins
font d'argent, de cuivre, de plomb, &
plus ou moins gros félon leur rang.
Quelque puiflans que foient tes mandarins, ils
ne faüroient fe maintenir dans leurs emplois, s'ils
ne s'étudient à fe montrer les pères du peuple. Un
mandarin taxé du défaut contraire , feroit infailliblement
noté dans tes informations que les vicerois
envoient tous les trois ans à la cour des mandarins
de leur reffort : cette note fuffiroit pour
lui faire perdre fa charge.
Les mandarins affe&ent une grande fenfibilité
pour 1e peuple dans fes calamités. Si l'on craint
pour la récolté } fi l'on eft menacé de quelque
fléau, on les Voit alors vêtus négligemment parcourir
les temples à pied, & obferver rigidement
le' jeûne prefcrit en pareil cas. Etablis pour protéger
le peuple, ils doivent être toujours prêts à
l’entendre. Celui qui réclame leur juftice, frappe-
t-il fur un tambour fufpendu à leur porte, il faut
que lemandarin quitte tout pour lui donner audience.
Les loix interdifent aux mandarins le jeu, la pro-
ménade, tes vifites, & furrtoutde recevoir des pré-
fens. Le magiftrat, convaincu d’en avoir accepté
un , perd fa place. Si le préfent vaut 80 onces d'argent
, il eft puni de mort. 11 ne peut pofféder aucune
charge dans fa province ; il faut que celle qiu’il
exerce l’éloigne au moins de yo lieues de la ville
ou il a pris naiffarice. L ’attention du gouvernement
va fi loin à ce fujet, qu’un fils , un frère, un neveu
, ne peut être magiftrat inférieur où fon père ,
fon frère, fon oncle feroit mandarin fupérieur.
C H A P I T R E V I I .
défauts attribués au gouvernement de la Chine.
Le defpotifme ou 1e pouvoir abfolu du gouver-
I nement de la Chine eft fort exagéré par nos au«
B b b b 2