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ccs en France, occupoient une trop grande partie
de la furface du . royaume. Suivant le fyfteme que
vouloient faire valoir les écrivains, ils exagéraient
ou affoibliffoient le rapport d’e la fuperficie des
chemins à -.celle de la France. Les derniers calculateurs
ont dit : la France contient 30,000 lieues
quarrées, ( la lieüe de 2282 toifes & demie, & la
lieue quarrée de 3,108,665 un quart, toifes quar-
rées ) & a 6200 lieues de routes, dont la largeur
moyenne petit s'évaluer à 10 toifes. De ces données
il réfulteroit que la furface de la France ferait ae
I 56,259,957,500 T. T. i & celle de fes chemins
de Î41, 515,000 T. T. 5 & que cette première
furface ferait à la fécondé dans le rapport de 1 x 04
un cinquième à l’unité *. mais nous croyons ce rapport
infidèle, parce que, dans le compte des routes,
on n’a vraifemblablement compris, que les
grands chemins royaux 1 en effet la Bretagne, qui
neft guères que la vingtième partie de la France,
a feule au moins 900 lieues de routes d une largeur
moyenne de 8 toifes. Si toutes les provinces ont
des chemins dans un rapport approchant de celui
de la Bretagne, ce 'qui paraît affez vraifemblable,
. il faudrait en conclure que le royaume contient
1800 lieues de routes, & en comptant a 8 toifes
leur largeur njoyenne, leur furface, qui ferait de
3 28,680,000 toifes quarrees , ferait a celle de la
France comme 475 un tiers eft a 1 ■ , n
Au refte, rien n'eft plus indiffèrent a connoitre
que ce rapport,- quoique ce dernier approche
peut-être beaucoup de la vérité. Qu importe qu il
y ait beaucoup de chemins , pourvu qu il t y en
ait point d’inutiles ? Avant de crier fur la perte
de terrein qu’ils oceafionnent, if falloir examiner
s’ils étolent la caufe immédiate d’une plus grande
produétion ; fi en les détruifant on ne réduirait
pas cette production prefque a rien | fi en les diminuant
de nombre , on ne la diminuoit pas en
même raifon. Si ces recherches avoient conduit a
trouver que la produaion augmentoit en raifon 1
du nombre des chemins, il aurait bien fallu conclure
que plus on les multip îeroit, plus on accroîtrait
la produaion ; que plus on accroîtrait la
produaion, plus on aurait de confomtnateuss pu
d’habitans qui fe mettent d’ordinalre-en équilibré
avec la quantité des fubfiftances 5 plus on augmenterait
la maffe des richeffes nationales par le bas
prix qu’amènent de concert l’abondance des denrées
& la facilité de leurs tranfports, & par les
bénéfices immenfes que ferait refluer dans 1 état
leur vente à l’étranger. On pouvoir alors ne s in-
quiéter en rien du rapport de la fuperficie des
chemins à celle du royaume , qui n'eft, comme on
le voit y qu'une queftion oifeufe 8c de pure eu-
riofité. Si la-France a déjà beaucoup, gagné par
fes belles &: «nouvelles grandes routes quelle s’eft
faites, une révolution non moins avantageufe &
plus rapide l’attend encore lorfqu’elle aura change
fa légiuation relativement aux chemins ruraux :
jls font prefquç par-tout impraticables pendant
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les deux tiers de l'année ; qu'ils deviennent beaux,
il s'enfuivra un bâillement de prix pour toutes
nos denrées de première neceffite , qui I^r°cu*
rera de grands bénéfices fur celles deftinees a ex
Tous les moyens polfibles de conftruire. des -chemins
fe réduifent elfentiellement a deux j 1 iin par
lequel des ouvriers qu'on paye font cet ouvrage ,
l'autre par lequel il eft fait par des ouvriers qu on
ne paye pas.: il réfulte ded'emplorde ces,«deux
moyens un paradoxe aufli vrai qu étrange } ce
que les chemins les plus chers font ceux raits par
des ouvriers non payés. , .
11 faut bien diftinguer dans la façon des chemins deux efpèces d'ouvrages ÿ l'un que nous nommerons
conjlruélion Jimple , & qui n emporte que 1-
dée du travail .nécelfaire pour faire la chauflee ,
les bermes 8c les folfés de tout chemin ; 1 autre ,
que nous appellerons ouvrage d'an , 8c qui comprend.
les grands déblais 8c remblais, 1 inclinaifoii
des pentes ou rampes , les ponts de toute eipeçe.
Nous.ne parlerons point de ce dernier genre d ouvrage
toujours fait à prix d argent 3 8c qui ne
peut être mieux dirigé que par nos ingénieurs des
ponts & chauffées. Les ponts de Mantes , Moulins
, Orléans, Saumur , Tours, Neuilly, font
des témoins qui dépofent en faveur de leurs talens ,
St des monumens qui honorent notre liècle, 8c
auxquels l'antiquité ni aucun peuple moderne n ont
rien de comparable à oppofer. ,
Le moyen employé pour faire conftruire des c e-
mins par des ouvriers non payes fe nomme ççrvee :
il eft en tous fens digne de l’idée que prefente ce
nom : nous l'analyferons d’abord j il nous fufnra ,
pour ainfi dite, de remettre fous les yeux#de nos
lefteurs les principes 8c les expreffions memes
d'une loi célébré faite pour illuftrer le régné d un
prince jufte 8c bien capable de faire bénir la mémoire
du miniftre citoyen qui 4a rédigea, bi Ion
effet a mérité d'être fufpendu, ceft que ce miniftre
patriote s'étoit peut-être trompe fur les moyens
d'en rendre l’execution praticable, mais fes
principes n'en étoient pas moins a labri. de toute
critique raifonnable. cc Enlever forcement (dit
„ l'immortel édit de fuppreffion des corvees ) le
„ cultivateur à fes travaux, c’eft toujours lui faire
,, un tort réel , lors même qu on lui paye fès
„ journées. Les temps où la culture pourrait ne
,, lui donner aucun emploi different dans'des lieux
» très-voifins, fouvent dans les mernes lieux, fut*
» vant les différentes natures du fol ou . les difte-
„ rens genres de culture. Les admimftrateurste
„ plus éclairés ne peuvent connoitre ces variétés
,> dans tous leurs détails, & d’ailleurs, la neceffite
„ de raffembler fur les ateliers un nombre fuffi-
-a, fant de travailleurs, exige que les^commande-
,, mens foient généraux dans un meme canton,
a, L'erreur de l’adminiftrateur peut faire perdre
„ au cultivateur, des journées dont aucun falaire
m ne pourroit je dédommager. Prendre fon temps
' f »» erç
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•» en le payant eft un impôt } le prendre fans
„ le payer, un impôt double } un impôt hors de
m toute proportion, lorfqu'il tombe fur le fimple
» journalier. ' W L’homme qui travaille par force 8c fans ré-
», compenfé, travaille avec langueur 8c fans interet}
„ il fait dans le même temps moins d'ouvrage, 8c
» fon ouvrage eft plus mal fait. Les cor voyeur s,
» obligés de faire fouvent trois 8c quatre lieues
« pour fe rendre fur l'atelier, autant pour s'en
» retourner chez eux, perdent fans fruit, pour
» l'ouvrage, une grande partie du temps exige
» d'eux} les appels multipliés , l'embarras de tra-
» cer l'ouvrage, de le diftribuer, de le faire exé-
» cuter à une multitude d'hommes raffemblés au
« hafard , la plupart fans intelligence comme fans
» volonté, confomment encore une partie du tems
a» qui refte : ainfi l'ouvrage qui fe.fait, coûte au
» peuple 8c à l'état, en journées d'hommes 8c
*> de voitures, peut-être dix fois plus qu'il ne
s, devroit coûter. Ce peu d'ouvrage execute fi
a, chèrement eft toujours mal fait} l'art de confiai
truire des chauffées d'empierrement, quoiqu'affez
»3 fimple, a cependant des principes 8c des règles
aa qui déterminent la manière de former l'encaif-
aa fement, de choiffr 8c de pofer les bordures, de
aa placer les pierres fuivant leur groffeur 8c leur
>3 dureté. De l'obfervation d e ' ces règles dépend
aa la folidité des chauffées 8c -leur durée. Cette
9> attention ne peut être attendue ni exigée des
*» corvoyeurs qui ont fouvent des métiers diffé-
aa rens , qui ne travaillent aux chemins qu'un très-
aa petit nombre de jours chaqüe année. De ce dé-
93 Faut de folidité dans la conftrudion, dérive la
aa néceffité d'entretiens fréquens 8c coûteux. Ce
aa retour des entretiens eft encore produit par Une
a.a autre caufe inhérente à la corvée.} l'impoffibi-
aa lité de la commander à tous les momens où un
aa commencement de dégradation des routes en
93 rend la réparation néceffaire , fait rejetter ce
aa travail au commencement 8c à la fin de l'hiver,
a. Les dégradations, ordinairement confidérables
aa à ces époques, exigent des travaux qu'une fur-
a» veillance plus exaéte eût épargnés , obligent
aa quelquefois à une nouvelle recharge de la chauf-
aa fée, qui, outre l’inconvénient de la rendre à
a» chaque fois aufli rude que dans fa nouveauté,
aa entraîne une dépenfe fouvent très-approchante
a> de fa première conftruélion...
. a» Il feroit quelquefois avantageux , foit par l'é-
93 loignement ou la mauvaife qualité des matériaux
aa qui rendent les chemins ou exceffivement chers,
» ou les mettent dans le cas d'avoir befoin de
»> continuelles réparàtions, de fubftituer aux chaufi
»» fées d'empierrement, des pavés fouvent beauc
H E fi?
» coup moins coûteux. L'inhabileté des corvo-
aa yeurs à ce genre de travail en rend l’execution.
» impoflible, 8c, ajoutant une augmentation à la
aa dépenfe des chemins > rend plus lpurd pour le
*3 peuple le fardeau des corvées : ajoutez à tous
aa ces inconvéniens la perte des beftiaux , qui ,
« arrivant déjà fatigués fur l'atelier, fuccombent
>3: au travail qu'on exige d’eux} la perte des hom-
aa mes bieffés, eftropiés ou emportés par les ma-
a? ladies, fuites de l'excès de ces travaux, perte
aa. fi douloureufe, quand celui qui périt fuccombe
*>; à un rifque forcé, 8c qui n’a été compenfé par
f» aucun falaire} ajoutez-y encore les frais , les.
3a contraintes, les amendes, les punitions que né-
» ceflite la réiîftance à une loi trop dure, les vexa-
9» rions qui naiffent de la complication 8c de l’é-
» tendue dç cette adminiftration où la juftice difi-
33 tributive s'égare dans une multitude de détails ,
33 où l'autorité fubdivifée à l'infini eft répandue en
3» trop de mains , eft confiée à des fubalternes
33 qu’il eft auffi difficile de bien çhoifir que de
»a furveiller.
»a U èft impoflible d'apprécier tout ce que la
33 corvée coûte au peuple. Le motif qui fait fentir
»3 le plus vivement l'abus des corvées , eft moins
33 encore l'exceflive cherté du travail qu’on ob-
», tient par leur moyen, que celui bien plus puifi-
» fant 8c bien plus décifif que l’injuftice eft infé-
33 parable de leur ufage.
03 Le principal 8c le plus fort poids de cette
, 33 charge retombe fur les plus pauvres habitans, fur
33 ceux qui n'ont de propriété que leurs bras 8c aa leur induftrie, fur les cultivateurs 8c fermiers,
aa Les propriétaires y contribuent infiniment moins ;
' a, cependant c’eft à eux que les chemins font utiles ,
; » par la valeur que des communications faciles &
» multipliées donnent aux productions de leurs
aa terres; ce ne font point les cultivateurs aétuels
aa qu'on y fait travailler qui en profiteront, 8c les
93 fucceueurs des fermiers aCtuels payeront aux
33 propriétaires cette augmentation de valeur en
33 accroiffemenr de loyers. C'eft donc aux proprié-
aa tairés , qui recueillent les fruits de la confection
aa des chemins 3 àen faire les frais (i). Seroit - il
aa jufte d'y faire contribuer ceux qui n’ont rien à
aa eux? de les forcer de donner leur temps 8c leur
93 travail fans jfalaire ? de leur enlever la feule ref-
aa fource qu'ils aient contre la mifère 8c la faim ,
aa pour les faire travailler au profit des riches ?
» On a cru que la méthode des corvées per-
aa mettant de travailler à la fois fur toutes les routes
aa du royaume, les communications feroient plu-
3? tôt ouvertes, 8c que l'état jouiroit plus promp-
» tement de l'accroiffement de richeffes qu'elles
aa procurent. Mais quelques-unes des provinces où
(1) Ces principes , à force d’être généraux, manquent de jufteftè, Les fermiers gagnent aux chemins commme les propriétaires
, mais dans un autre rapport : dès qu’ils One des denrées à vendre, a exporter , ils gagnent le bénéfice arraché à la
plus grande facilité des tranfports. Ils fpnc en effet propriétaires du produit des terres qu’ils exploitent tant que dure leur baij«
(Scott, polit, & diplomatique, Tom, I , T 1 1