
& rendent une femme fixe au propriétaire j mais j
ils ne font point laboureurs , & ne font rien valoir
eux-mêmes.
Ces détails fortis de la plume d’un magiftrat
lein de lumières, de fagefle 5c de zèle pour le
ien public (feu M. T u rg o t) , d’autant mieux
inftruit qu’il étoit propriétaire dans un pays de
grande culture ( la Normandie ) , & chargé de
l’adminiftration d’une province ( le Limoufin )., où
la petite culture elt la feule en ufage $ ces détails
font fi clairs , qu’ils ne biffent plus rien à defirer
fur le cara&ère des deux cultures.
Les principes établis avec tant de précifîon par
M . T u rg o t, doivent nous faire connoître la rai-
fon pour laquelle les écrivains les plus inftruits de
l’ économie politique appellent toujours riche culture
, celle qu’on nomme plus communément la
grande , &en même-temps pauvre culture celle qu’on
-appelle la petite. C e font en effet, comme il le dit,
de. grandes 5c riches avances , foncières , primitives
& annuelles 3 qui procurent une grande & riche
production 3 fur laquelle les avances annuelles
en totalité & les intérêts des avances primitives , à
raifon de dix pour cent 3 étant prélevées 3 il refte
un grand produit net à partager , entre le propriétaire
pour l’intérêt & l’entretien des avances
foncières j & le fouverain pour l’ entretien de la
puiffance publique & de l’autorité tutélaire ; & ce
font ces riches avances, plutôt que l’emploi des
chevaux 3 qui conftituent la grande Sc riche culture.
( Voye^ l’ article A v a n c e s . )
D ’un autre cô té , de chétives avances foncières
, peu d’ avancés primitives & de médiocres avances
annuelles fupplées par une grande étendue de
pâtures ou terres en friche, d’où réfulte une foi-
ble & pauvre production totale, fur laquelle ,
quand on a prélevé les avances annuelles Sc les
impôts, il refte à peine de quoi nourrir pauvrement
le colon, & de quoi payer au propriétaire
l’intérêt à deux ou trois pour cent des avances
foncières & primitives, qui font les unes 5c les
autres à fa charge : voilà ce qu’on peut 5c doit ap-
peller la petite culture.
Trois cents foixante arpens de terre, tous en
labour , bien plantés,-bien foffoyés, bien marnés 5
un grand 5c folide corps de ferme avec toutes fes
commodités pour loger les hommes , les animaux
& les fruits de toute efpèce 5 un bon fermier qui
poffède, outre la connoiffance profonde de fon
a r t , un fonds de bétail , d’inftrumens, de premières
fubfiftances, valant environ 30,000 liv. (1 )
toutes les terres bien amendées , bien labourées,
bien enfemencées , bien fertilifées par le parcage
d’ un nombreux troupeau de moutons, par le repos
fruClueux que donnent fuççefîiyemept les praifies
artificielles, 5c par conféquent une récolte
abondante en froment, en avoine, en pailles, en
fourages r voilà ce qui caraCtèrife la grande 5c riche
culture.
Trois cens foixante arpens de terre d’une qualité
naturellement pareille & peut-être meilleure ,
dont le tiers refte en friche pour fervir de pâtures,
ou qui n’eft plantée que de châtaigniers, quatre
ou cinq mafures couvertes de chaume pour les
métayers 5c les animaux de quatre ou cinq domaines
, une vingtaine de boeufs, quelques vaches
étiques, 5c une centaine de mauvàifes brebis > du
feigle, du bled noir, du maïs, de grofles raves
, peu ou point de fromens femés 5c récoltés ,
5c les meilleures terres en prés pour avoir du fou-
rage qu’on vend en grande partie aux premiers ao-
cidens, ainfi que les boeufs même : voilà quelle
eft la petite culture.
On voit dans l’Ifle de France, en Picardie, eti
Normandie 5c en Flandres , des exemples de la
première efpèce de culture $ & l’on trouve en Sologne
, en Nivernois, en Bourbonnois, en Limoufin
& dans les autres provinces du midi du royaume
, Ses exemples de la fécondé. Nous croyons
pouvoir dire , fans être démentis , qu’ il n’eft:
aucun de nos leCfceurs, pour peu qu’il foit inf-
j r u i t , qui ri’ aimât mieux être propriétaire de la
ferme que des quatre ou cinq métairies , & qu’on
ne préférât généralement être roi d’ un ou de deux
millions de pareilles fermes, que de quatre ou cinq
millions de métairies. Il eft démontré, par l’ex-<
périence Sc le calcul, que, toutes chofes égales
d’ailleurs, la réprodu&ion totale & le produit net
font plus confidérables, à proportion que la culture
eft plus grande 5c plus riche 3 qu’ils font moindres
, à proportion qu’elle eft plus petite 5c plus
pauvre , qu’ainfi, dans la grande culture, la population
qui fuit la quotité de la^produ&ion, eft né-,
ceffairement plus grande, 5c la part du fouverain
5c des propriétaires plus eonfidérable dans le produit
net, d’où il faut conclure que les revenus
s’étant généralement accrus, il y a dans ce pays une
plus grande population difponible. C ’eft-là tout lé
précis de la fcience économique fur la queftion ,
tant rebattue de la grande & petite culture.
Pour achever de donner ici tous les éclaircif-
femens qu’on pourroit defirer fur la différence de
la grande & petite culture, nous allons rapporter,
comme preuve de nos aftertions, différens états des
avances & des produits de quelques fermes 5c domaines
fitués dans des provinces foumifes aux ufa-
ges de ces, deux fortes d’exploitations. En rappro«
chant 5c en comparant ces états qui ont été faits
& vérifiés par M. dç Butré des fociétés royales
k d’ agriculture de P^ris & d’Orléans, il fera facile
(1) L’exemple que nous citons ici , & dont'on trouve les détails ci-après , eft tiré- de l’état d’une ferme de trois char-
rues exploitées par quinze chevaux. L’évaluation des. avancés faites vers 1760 , deyroit être aujourd’hui de .plus de
quarante mille liyres, yu l'augmentation furyenue dans les objets de confommacion, les falaires & l’impôt.
de
devoir Sc de fentir la difparité des deux cultures, 'J
de connoître la caufe de; cette différence , Sc d’apprécier
au jufte les avantages de la première, 5c
tous les inconvéniens qui font la fuite de la fécondé
; mais nous devons auparavant déterminer lés
mefures dont on s’eft fervi dans ces états.
L ’arpent contient 100 perches quarrées.
. La perche a 22 pieds.
La toife a fîx pieds de longueur.
Le pied eft, le pied de roi.de douze pouces.
L e feptier de bled eft celui de Paris, qui pèfe
240 livres.
Le boiffeau pèfe vingt livres, 5c contient 576
pouces cubes..
Le feptier d’avoine fera de la même contenance
que celui de bled.
Le quintal eft de cent livres pefant.
La livre eft de feize onces.
De la grande culture.
Nous divifons la grande culture en trois efpè-
ees } la première eft la grande culture opulente , la
fécondé eft la grande culture moyenne, 5c la troi-
fième eft la grande, culture foible.
De la grande culture opulente.
La grande culture opulente n’eft guère exercée
que dans les provinces peu éloignées de la capitale
, ou de quelqu’autre grande ville qui favorife
le débit & qui affure le prix des produ&ions né-
ceffaires pour foutenir les frais de cette culture ;
elle né peut être faite que par des colons riches
qui foient en état d’en faire les avances. Il ne s’a
jgit pas ici d’une culture pouffée à fon plus haut
degré î celle dont' on va donner l’ état, quoique
riche, eft bien inférieure à celle qui s’ exécute en
Angleterre, 5c dont nous rapporterons quelques
exemples. La culture d’une partie de la Flandre
8c du pays de Caux approche beaucoup de celle
d’Angleterre.
Nous ne voulons parler ici que des fermiers
qui ont au moins trois charrues bien montées ,
qui payent leur fermage en argent, Sc qui font
toutes lés dépenfes néceflaires pour une riche culture
j pour les autres fermiers qui ont moins de
trois charrues affez mal en ordre , ils font nommés
haiicoiiers dans les provinces de grande culture.
Etat d'une ferme contenant 360 arpens en culture ,
divifée en trois foies, & exploitée par trois charrues.
On donne ici l’état des avances que fit le fermier
q u i, achetant le fond du fermier précédent,
prit cette ferme en 1757, Elle eft fituée en Picardie.
Il y avoit huit chevaux entiers, un cheval hongre
5c fix jumens portant des poulains. On laboure
avec quatre chevaux, 5c un qui. fe repofe
ou fupplée aux accidens $ ce qui fait qu’il y en a
d£con. polit, & diplomatique, Tom, J,
cinq par charrue. Il y avoit de plus dans cette
ferme 400 poules ou chapons valant 200 livres ,
cinq truies 100 livres, 42 cochons, 800 livres,
800 paires de pigeons 1 yo liv. Total 1260 livres.
C e que nous détaillons ici eft pour faire voir ce
qu’une pareille étendue de terrèin peut notirrir
d’animaux de toute efpèce , & les avantages d’une
bonne culture.
Avances primitives
i° . 1 y chevaux de labour, à .3 jo 1. pièce
& le bidet du maître de 2,00 liv . . . . f4*fO
30 vaches à 90 liv.'................................ 2700
4j"0 montons à 10 1............................... 45T0
2°. Semences.................................... ............. 25-00
T o t a l . . . ............................... . . . . v. . i f i y o
lnftrumens aratoires.
Quatre charrues , à yo liv..............
Six herfes , à 6 liv......................
Six fuites aux herfes.. . ; . . . .............
Deux charrettes ......... .......... .........
Deux chariots, un grand & un petit.
Un tombereau................................
Harnois de chevaux.........................
Pour ferpes , moufles , étrilles , coignées
, coins de fer, Scc..................
Brouettes & civières..................^ .
Huit fourches de fer à trois pointes..
Quatre focs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
50 facs de coutil de trois aunes un
quart chacun, 162 aunes & demie
à 22 f. T aune.................
200 livres de corde, à 8 f ....................
200
18
160
4yo
y«
400
70
12
G8
»7«
8q
Meubles de laiterie.
Deux fermes à battre le beurre.. . , . ,
Huit féaux, à 3 1. 10 f . ........................
Douze tinettes pour, mettre le lait. . .
Huit guelbées pour mettre le lait dont
on a ôté la crème, à 4 liv..............,
T o ta l.................................. .................
30
28
12
J è
102
Meubles de ménage.
Six lits de domeftiques, à 30 1. chacun. ig 0
Lit de maître, tables, buffet, marmites
, chaifes, & ç ........... .. IOOO
T .................. .................................. n 8 o
1 otal des avances primitives pour monter
l’ établiffement : dix-huit mille cënt
fckelnr........................... ••••••••• ï8u«
G c c c c