
quelques principes généraux, applicables à tous
les régimes politiques.
Le but de toute adminifiration eft de procurer
le bien-être des peuples , de les faire jouir des
droits qui leur appartiennent , & de les garantir
de toute oppreflion. Il ne faut pas efpérer que
ce but foit jamais rempli d'une manière parfaite :
Y adminifiration la plus voilïne de la perfection elt
celle qui allure le bonheur du plus grand nombre,
& le met à l'abri des pallions du petit nombre.
La plus fage elt celle qui veille inceffamment
fur foi-même ; celle dont la vigilance entretient
& répare fans celle une machine que le mouvement
affoiblit & dégrade à chaque inltant. Un
gouvernement équitable fait enforte que chaque
individu jouilfe 3 avec le plus d'égalité qu'il eft
poflible, des avantages de l'alfociation î car le dernier
des citoyens a le même droit à un bonheur
proportionne à fon état , à fon mérite , à fes ta-
îens, que le citoyen le plus diltingué 3 que le
monarque lui-même.
Une même forme à1 adminifiration ne convient
pas à tous les peuples,. Diltingués par des climats 3
par des moeurs 3 par des opinions 3 des préjugés &
des befoins divers , ils ne comportent pas le même
régime. L'étendue plus ou moins valte d'un
état, fa polîtion 3 fes productions , doivent encore
mettre des différences entre les formes qu'il
eft néceffaire de donner à Y adminifiration ; mais
toute adminifiration doit avoir des principes fixes 3
des principes analogues à la conftitution politique
, au caraCtère national , aux moeurs & aux
ufages reçus 3 à la religion dominante 3 aux qualités
du climat, aux productions du fo l, aux ref-
foürces de l'induftrie, à là diftinCtion des diffé-
rens ordres de citoyens & à l'efprit qui les anime
; en un mot, à toutes les circonftances où fe
trouve une nation, & que le gouvernement ne
peut contrarier fans produire quelque défordre.Une
adminifiration incertaine , qui fe règle fur des caprices
, n'a ni force ni fureté j elle ne procure aux
peuples ni repos ni bonheur : on la voit changer
félon les idées , les fyftêmes ou les fantaifîes des
adminifirateurs. Ses variations continuelles défefpè-
rent, & perfonne n’eft tranquille fur fon fort j
on craint fans ceffe des révolutions qui détruifent
les arrangemens les plus fages, ou qui établirent
des réglemens dangereux ou indifférens. Ces boule
verfemens mettent le défordre dans les fortunes
> l'inquiétude dans les efprits , & fouvent le
murmure fur la langue des citoyens les plus modérés
: il eft en Europe telle nation que l'inconftance
de fes miniftres perdroir 9 fi l’immenfité de fes ref-
fources ne la foutenoit pas. Heureux l'état dont
Je régime eft affez fagement établi, pour que les
miniftres fe fuccçdent, fans que Y adminifiration
change }
Prefque toutes les formes à*adminifiration ont leurs
avantages & leurs inconvéniens. Dans la percep-
? ion dçs deniers publics, la ferme la régie out
leur bon & leur mauvais- côté j dans le commerce
, la liberté indéfinie fait quelquefois autant
de mal que la gêne des privilèges & des jurandes
: il n'eft pas befoin de prouver cette aflertion
par un plus grand nombre d'exemples. La meilleure
adminifiration fera donc celle qui offre le plus
d'avantages & le moins d'inconvéniens : & celle-
là fûrement aura* le plus d'avantages & le moins
d'inconvéniens , qui fera le mieux adaptée à U
conftitution & aux loix fondamentales de l'é ta t,
au génie & au caraCtère de la nation , à la forme
de fon culte., &c.
Si tous les hommes étoient.vertueux , s'ils fui-
voient4 tous- les lumières de la raifon, ils feroient
faciles à gouverner > mais ceux qui obéiffent 8c
ceux qui commandent, ont des pallions qu'il s'agit
de diriger vers le bien public : on s'efforce-
roit envain de les anéantir $ 8c d'ailleurs, fans
les pallions des individus , les états n'auroient
point de profpérité.
Rien n'eft plus rare qu'une adminifiration fage
qui rende les peuples heureux ; mais eft - il plus
commun dejrouver des familles bien gouvernées ?
Il ne faut donc pas efpérer que les chefs qui
commandent aux grandes familles dans lefquelles
le genre humain eft partagé, auront toujours les
vertus, les talens & le génie nécelfaires pour
faire agir avec précifion de valtes corps dont les
refiorts font très - compliqués. Les princes font
des hommes, leurs miniftres font des hommes $
ils font le mal fouvent à leur infu , parce qu'ils
font trompés por l'apparence du bien.
Le citoyea raifonnable doit fe foumettre avec
patience aux inconvéniens nécelfaires de Yadmi-
niftration fous laquelle le fort l'a placé. Obligé
de fervir la fociété dont il eft membre, il doit lui
confacrer fes forces & fes talens , & ne jamais
oublier qu'il lui eft défendu de troubler l'ordre
d'un to u t, dont il n'eft qu'une foible partie.
C e n'eft point aux pallions qu'il appartient de
réformer les abus ; c'eit à la raifon calme, à l'expérience
, à la fagelfe libre de préjugés. L'intérêt
perfonnel, prefque toujours injufte, n'eft pas fait
pour décider de l’intérêt général j celui qui met
le trouble dans fa patrie, n’eft guères moins criminel
que celui qui l'opprime : la fociété doit tolérer
les accidens auxquels elle ne connoît pas de
remèdes. Une nation toujours agitée , toujours
aux prifes avec fes chefs , relfemble à ces malades
dont l’efprit inquiet accroît fans ceffe leurs
maux.
Les écrits fur ,1y adminifiration font un excellent
moyen de l'éclairer & de la perfectionner > elle
ne fauroit trop inviter les citoyens, dont les lumières
égalent les bonnes intentions, à l'aider de
fes çonfeils. Une adminifiration qui craint l'examen
3 infpire la défiance, & l'on a bonne opinion
de celle qui accueille & encourage les aif-
culfions : fi elle n’eft pas toujours à l'abri de la
çenfure ? la drefture de fes intentions la met audeffus
du reproche. L'utilité des écrits politiques
eft prouvée par le f a i t } dans tous les états ou
l'on jouit d’une honnête liberté à cet égard ,
Y adminifiration eft plus inftruite & mieux réglée
que par-tout ailleurs. On y voit des réglemens
utiles, des loix 8c des délibérations fages , des
établiflemens vraiment patriotiques. A qui doit-
on la plupart de ces bonnes inftitutions ? Qui les
a infpirées ? Qui en a fait voir l'importance
& la néceflité ? Qui en a donné les moyens ? Où
en a-t-on trouvé le germe & fouvent le développement
? Dans les écrits politiques, dans ces ouvrages
où l'on difeute avec zèle 8c impartialité ce
qu'il convient de faire pour augmenter l'agriculture,
encourager l'induftrie , accroître le commerce
, mettre le meilleur ordre dans les finances
, établir une exa&e police dans les villes 8c
dans la campagne, répandre par-tout l'abondance
& T a félicité.
Ces écrits produifent toutes fortes de bons
effets. C'eft une efpèce d'école publique où
fe forment des fujets capables de remplir les dif-
férens emplois du gouvernement : ils y puifent
l ’inftruCtion , l'amour du travail & le zèle , fans
lequel les plus grands talens deviennent inutiles.
Ces mêmes ouvrages nous apprennent encore à
juger fainement de ce que le miniftère fait pour
nous , à ne pas croire opiniâtrement nos propres
idées ou celles des hommes chagrins qui ne trouvent
jamais rien de bon , à ne point blâmer indif-
çrètement des opérations .dont on ne voit qu'une
face , à ne pas s'entêter pour de nouvelles théories
qui prefentent la plus belle perfpeétive au
premier coup d 'oe il, a ne pas s’écrier avec une
confiance puérile , f i jé to is roi yf i j'étais miniftre.
S'il faut méprifer les politiques inquiets ou vio-
lens, qui invectivent fans cefle le miniftère, on
doit des égards aux critiques judicieux & fenfés
qui indiquent le remède du mal qu'ils condamnent.
Enfin les, difcuflîons fur les matières politiques
ont le double avantage d'avertir Y adminifiration
des abus , 8c d'empêcher que le peuple ne s'accoutume
à une adminifiration vicieufe 5 ce qui fe-
roit le plus grand des malheurs.
Les princes ineptes ou parelfeux confient Y adminifiration
des affaires publiques à leurs miniftres
, comme fi le gouvernement n'étoit pas un
devoir perfonnel. Sans doute le chef d'une grande
monarchie ne peut ni tout voir, ni tout faire par
lui-même ; mais il peut & doit être à la tête de
tous fes çonfeils, 8c ne jamais permettre qu'on ordonne
rien d'important fans fon aveu.
Les guerres civiles ont ordinairement pour prétexte
la mauvaife adminifiration | les abus des tribunaux
, le défordre des finances & l'excès des
impôts, les vexations, les monopoles exercés par
ceux-mêmes qui devroient les réprimer. Les fruits
au contraire d'une adminifiration jufte 8c bienfaifante
qui fait régner les loix, qui établit l'empire
des moeurs , qui bannit le vice & punit le crime,,
qui récompense le mérite 8c emploie les talens ,
qui écoute de juftes plaintes, & fait jouir chacun
de fes droits fans acception de perfonne, qui fe
montre fenfible à tous les befoins du peuple 8c
s'occupe des moyens d'y pourvoir , font la paix
au-dedans 8c au-dehors, la profpérité, l'affeCtion
du peuple, le refpeét des nations voifines 5 en
un m o t, le degré de bonheur pour le fouverain
& les fujets que comportent les inftitutions humaines.
A d m in i s t r a t io n s p r o v in c i a l e s . Voyeç
le Dictionnaire des Finances.
ADM IS SIO N DES MINISTRE S PU B L IC S ,
f. f. Q u’un ambaffadeur foit envoyé vers ur»
prince j qu'il foit muni d'une lettre de créance 8c
d'amples pouvoirs $ qu'il foit même annoncé au
prince vers lequel il eft envoyé , ou à fes miniftres
, cela ne fuflît pas pour entrer en négociation
, & fe mettre en devoir de remplir l'objet d«
fon miniftère > il faut de plus qu'il foit accrédité
& reconnu en qualité de miniftre public du prince
'qui l'envoie.
IL y a deux fortes d'admiffions : l'une publique 8c
folemnelle, accompagnée de cérémonies plus ou
moins éclatantes, félon l'ufage des cours} l'autre
fimple , privée & particulière, fans aucune forte
de formalité. La préfentation folemnelle de la
lettre de créance , l'audience publique, l'entrée
accompagnée de tout l'éclat de l'ambaffa-
d e , forment Yadmifton publique. La communication
réelle de l'envoyé ou de l’ambaffadeur avec le
fouverain ou fes miniftres, des conférences fur
l'objet de fa million , des mémoires reçus , des
réponfes rendues conftituent la fécondé efpèce
d'admijfion qui, pour être dépouillée de tout l'appareil
éclatant de l’ambalTade, n'en eft pas moins
réelle, & fuflît pour établir le caractère de miniftre
public. Il eft aufli bien autorifé , aufli formellement
& peut-être plus effentiellement rereconnu
par la fécondé, que par la première } car
on doit regarder comme l'effentiel del'ambaffade ,
non la pompe extérieure qui,la décore, mais la
négociation qui en eft l'objet.
Un fouverain peut-il refufer d‘admettre un minifire
public qui lui eft envoyé ? Le miniftre public reçoit
foff cara&ère du fouverain qui l'envoie , par la
lettre de créance dont il eft porteur 5 mais il n'en
peut faire ufage que par Yadmijfion du fouverain
auprès duquel il eft envoyé : cette admijfion eft
libre 5 l'envoi d'un ambaffadeur n'impofe point un
devoir rigoureux de l'admettre. Prétendre qu'on
doit recevoir un ambaffadeur quel qu'il fo it , 8c
de quelque part qu'il vienne , ce feroit foumettre
la volonté d'un fouverain à celle d'un autre , 8c
par-là donner atteinte à fon indépendance. On
n'agit donc point contre le droit des gens en re-
fufant d'admettre un ambaffadeur, quand même
il feroit envoyé par une puiffance alliée. C e refus