mal-fam dans la plaine & dans les vallées les en a I
toujours tenus éloignés : mais cette idée trop gé-
néralifée eft-elle bien vraie, & tous les vallons de
la Corfe font-ils dangereux à habiter? Je n’en crois
rien, dit M. de Pommereuil, malgré le préjugé
des infulaires, parce que j'ai vu des détachemens
y féjourner pendant plus de fîx mois, y camper
fous la toile, & n'y point avoir de malades, quoique
travaillant du matin au foir.
Une chaîne de montagnes traverfe rifle, en fui-
vant à-peu-près la ligne qui en marque la largeur ;
elle commence au golfe nommé Porto, & aboutit
à la tour de Solinzara, après avoir divifé Pille en
deux parties. La Corfe eft montueufe prefque partout
; & les villages qu'on y trouve font fitués ou
fur les collines ou dans les vallées. Le terroir de
Pille eft fertile , même fur les montagnes.
Il faut pourtant excepter les plus hautes , qui
font couvertes de neige la plus grande partie de
l’année- L'agriculture y^eft fort négligée. On y
recueille une grande quantité de lin : elle pourroit
cependant être plus grande , & l'on pourroit
encore en employer davantage. Le froment y réul-
fit, & néanmoins le pain ordinaire des gens de la
campagne eft d'orge qu de millet, ou même de
châtaignes.
La Corfe eft en état de produire infiniment plus
de bled qu'il n'en faut pour la confommation de
fes habitans ; il y eft très-beau & très-bon. On dit
qu'on le conferve difficilement, peut-être eft - ce
faute de connoître les attentions & les foins qu'il
demande. Tous les grains y viennent bien, hormis
l'avoine qu'on n'y feme pas , & qui n'aim e
point le fol des pays chauds. L'orge en tient lieu,
& les chevaux s'en nourriffent avec autant de
plaifir.
Les cantons montueux ont de bons pâturages ,
où on laiffe les beftiaux depuis le printemps juf-
qu'au mois d'oâobre ; & pour lors , ou bien dès
qu'il commence à neiger , on les conduit dans les
vallées, où il tombe rarement de la neige. Le
terrein eft prefque par-tout propre à la culture de
la vigne , qui, en plufieurs endroits, donne de
l'excellent vin ; mais les corfes manquent d'induf-
trie pour la cultiver. Le meilleur vin fe fait dans
les environs d'Ajazzo. On y fait auffi beaucoup
de raifins fecs.. .
Il ne manque aux vins de Corfe que d'être bien
faits pour être recherchés ; on dit qu'avec peu de
foin tous ceux du Cap , qui font liquoreux, pourvoient
être vendus , fous le nom de Chypre, Cherés
& Malaga. Ceux des pièves de Murani & de
Campolro n'auroient pas befoin d'emprunter un
nom étranger pour acquérir de la réputation.
La plus grande richeffe d'une partie de l'ifle
confifte dans les olives : elles abondent fur-tout à
Balagua auprès deBaftia, à Vefcovado, & dans
lefiefd'Iftria ; mais le plus grand commerce d'huile
fe fait à Balagua. Cette huile eft bonne; mais pourvoit
être meilleure, fi l'on employoit plus de foin
à la préparer. Les olives réuffiffent mieux dans les
années froides que dans les années chaudes. Bof-
well a entendu dire en Corfe que, dans ces derniers
temps , on avoit transporté hors de cette ifle
2,500,000 livres pefant d'huile,
L'olivier y eft beaucoup plus grbs & plus élevé
qu'en Provence & en Languedoc ; c'eft une mine
que les corfes exploitent-mal > ils ne -Auvent pas
faire leurs huiles : ils pourroient en exporter une
plus bien plus grande quantité , & nous devrions
voir diminuer chez nous le prix de cette denrée
& celui des favons.
On y trouve par-tout des amandiers, des citronniers
de diverfes efpèces, des orangers & des figuiers
; mais les fruits de ces arbres fon un peu aigres.
Les châtaignes y font fi abondantes, que,
fuivant le rapport de Bofwell, il en fort du pays
pour la valeur de 100,006 éciis.
Le châtaignier, excellent d'ailleurs pour les ouvrages
de charpente, eft dangereux dans cette ifle.
C'eft l'aliment de la pareffe de fes habitans : chez
eux fon fruit fupplée à tout : on le feche, on le
broie, & l'on en fait du pain; leurs chevaux même
en font nourris, & la terre rèfte négligée
parce qu'une forêt de châtaigniers n'exige aucune
culture, & que la récolte de leurs fruits fournit
fuffifamment aux befoins peu nombreux d'une nation
très-fofire. Il avoit été queftion d'en détruire
Une partie, pour faire renaître l'agriculture & rendre
à la terre les bras qui lui font dus : on ne
l'a pas fait durant la; guerre, & maintenant il faut
refpe&er la propriété des habitans.
Les autres fortes d'arbres fruitiers y font rares.
C'eft dans l’intérieur de l'ifle que l'on trouve le
plus grand nombre de beftiaux, & le commerce
le plus important eft celui qu'on y fait èn chevaux
, mulets & ânes, boeufs , vaches, brebis ,
moutons ; mais fur-tout en chèvres, dont la race
eft très-multipliée : leur chair eft un des alimens
les plus ordinaires des corfes.
Les montagnes contiennent du fer, du plomb ,
du cujvre & de l'argent, & en 1767 on a commencé
à exploiter une mine d'argent dans le diftriét
de Nebbio.
On pêche du beau corail fur la côte qui fait
face à la Sardaigne.
La pêche du thon & de la fardine , ainfi que
celle du corail, offrent deux branches de commerce,
qui, encouragées , pourroient être avanta-
geufes.
Le mûrier y étoit inconnu : les françois en ont
planté , & ils l'ont vu croître rapidement. Quelle
fource de richeffe pourxette nation que cet arbre !
Nos manufactures en foie, qui conferventencore
leur fupSriorité dans l'Europe, ne craindroient
plus de fe la voir enlever, fi , au lieu de tirer une
partie de leurs foies d'Italie, elles pouvoient s'eti
procurer d'auffi belles en Corfe à plus bas prix.
A peine y fait-on ce que c’eft quun orage; avau*
tage inexprimable pour la .culture des vers' à foiê.
L e clergé de Corfe eft très-nombreux ; non-feulement
il a préparé la révo lu tion , mais il a augmenté
fes progrès plus que tous les autres habitans
de l'ifle. Les Cordeliers, les capucinfc & les
fervites y ont- 65 couvens.
L'auteur de l'hiftoire de l'ifle de Corfe a traité
d'une manière fort judicieufe tout ce qui a rapport
au clergé de cette ifle , & nous y renvoyons le
leéteur.
S e c t i o n V I Ie.
Ohfervations fur A'ifle de Capraia , qui ejl une dépendance
de la C o r fe .
L ’ ifle de Capraia , qui appartient à celle de
Corfe, eft fituée entre la pointe du nord-eft de la
Corfe & le grand-duché d eT o fcan e . Elle s'appel-
loit anciennement Capraria , Ægila , Ægilium ;
elle fu t enlevée en 1 5 0 7 , par les génois, à Jacques
de M aro ; mais ils en furent chaffés à leur
tour en 176 7 par les corfes , qui non - feulement
augmentèrent les fortifications du château , mais
encore bâtirent à l’entrée deux red outes, & réparèrent
fon port. Les françois s'en -font cependant
emparés l'année fuivante.
C 'e f t un rocher de cinq lieues de t o u r , dont
le fol aride ne produit que de l'o r g e , & n'en produit
pas affez pour la fubfiftance de quinze cents
habitans, q u i , raffemblés dans le même v illa g e ,
cômpofent toute la population de l'ifle. Les ca-
praïens ont des notions fort obfcures de leur origine
: il eft vraifemblable qu'ils defcendent de quelques
familles romaines, profcrites & réfugiées fur
c e roc. C e tte idée eft fondée fur ce qu'il n'y a que
cinq ou flx noms de famille dans l'i f le , & fur ce
que fon féjour n'a jamais pu faire envie à perfon-
ne. L a chaffe n'occupe pas plus les capraïens que
la pêche , quoiqu'elle foit abondante fur leurs côtes
; entièrement adonnés au cab ota g e, ils la laif-
fent faire fans regret aux pêcheurs napolitains. Les
capraïens font grands & v ig o u re u x , aufli paref-
feux à terre que laborieux en m er ; ils font tous
matelots. Le s bâteaux qui fervent à leur cabotage
fe conftruifent en Sardaigne , & ne courent
guères que les côtes de cette ifle & du golfe de
Gênes. Depuis la conquête de la Corfe par les
fran ço is , ils fe louent pour fervir fur les bâteaux
de p o f te , qui vont de T op lon à Baftia.
Si l’on veut trouver un gouvernement très-rap-
proché de l'état de nature, il faut aller à C apraïa. L e
peu de terres fufceptibles de culture qui fe trouvent
dans l'if le , appartiennent en commun à tous les habitans
; on les divife en trois portions égales ; on
en cultive une tous les a n s , tandis que les deux
autres fe repofent. C e tiers des terres eft partagé
tous les ans avant le temps des femailles, de manière
que chaque famille en ait en raïfon du nombre
de fes membres. Si une famille a eu le malheur
d'avoir une année une portion de terre
de peu de produit, on l'en dédommage par une
meilleure l'année fuivante , & cet ufage eft
fcrupuleufement obfervé. La feule propriété du
capraïen, qui ne lui foit pas commune avec fes
concitoyens, c’eft celle de fa maifon ; toutes font
conftruites en pierres & généralement affez bien
bâties. Des capraïens ont défriché entre des rochers
quelques portions de terre, où ils ont planté
des feps de vigne ; ils jouiffent du fruit de leur
induftrie ; perfonne ne peut ni leur difputer, ni
s'approprier le petit terrein que chacun a cultivé
en vignoble; mais celui-là ne peut le vendre, ainfi
qu'il pourroit faire fa maifon. Point d'impôt dans
cette ifle ; jufqu'à ces derniers temps, il n’y avoit
pas d'autre loi civile que la loi naturelle ; perfonne
ne favojt lire ni écrire ; on n'y trouvoit aucune
notion des arts, fi ce n'eft de celui delà navigation.
Capraïa, fous le gouvernement de Gênes, étoit
confiée à la garde d'un commiffaire génois, qui
yt commandoit & y rendoit la juftice ; il avoit
établi un préfident & quatre confeillers, pris parmi
les vieillards infulaires, pour juger les petits
débats & les petits délits, & lui en rendre compte.
On fuit aujourd'hui le même régime depuisquel’ifle
appartient âu roi de France , & qu'il y tient gar-
nifon. Le commandant militaire françois y fait les
fondions du commiffaire génois : dans les cas graves
il en inftruiroit le confeil fupérieur de Corfe 3
comme celui-ci devoit en informer le fénat; toute
cette adminiftration n'eft que paffagère : Capraïa ^
aux termes du traité entre la France & Gênes ,
devant être rendue après un certain temps à la république.
Le château, bâti dans le village de C a praia
, eft d une affez bonne défenfe ; il domine un
petit havre qui peut recevoir des tartanes : ce port
eft encore protégé par une bonne tour. Deux autres
font elevées aux deux extrémités de l'ifle ;
moins pour fa défenfe que pour la découverte des
barbarefques , qui ont toujours défolé les malheureux
capraïens, jufqu'au moment où ils font devenus
fujets de la France.
CO R V E E . C e mot, dans fon fens primitif ,
fignifie proprement travail & peine de corps : il a
d'ailleurs différentes acceptions.
Par corvée, on entend quelquefois un fervice
perfonnel & momentanné, dû par des cenfîtaires
à leur feigneur, tel que l'obligation d'aider à faucher
fes prés, labourer fes terres, biner fes vignes,
faire pour lui des charrois, en lui fourniffant des
boeufs , des chevaux & autres bêtes de fomme
néceffaires au tranfport de fes denrées , &c.
Cette corvée domaniale, qui n'éft pas de notre
fujet & dont nous ne parlons qu'en paffant, eft
une redevance antérieurement attachée à la con-
ceflïon des fonds, ou à toute autre convention
paffée entre les propriétaires fonciers & les colons ;
elle eft une condition reconnue des deux parts
& d'ofdinaire même, en partie, compenfée par
la nourriture des hommes & des beftiaux qui y
font affujettis. Ceux qui en font redevables , con-
S f f f l