
premiers cent mille écus dont on eft pofTef-
feur j on fonge à s'ennoblir ou à fe relever par
quelque charge (i).
Enfin les loix 8c la morale publique réfiftent ,
en France, à admettre, dans le commerce des
fonds publics, ces ventes à livrer , ces paris , ces
jeux de primes , & tant d'autres natures de marchés
& de trafic, qu’on ne tolère, en Angleterre
même que par politique, & parce qu’on y confédéré
l’aélivité de cette efpèce de circulation comme
un moyen d’emprunter plus facilement, &
cette facilite d’emprunter comme la principale force
de l’état.
Ce font toutes ces diverfès circonftarices qui,
les unes impoffibles, les autres très - difficiles à
changer, rendront toujours la circulation du nu- ■
méraire plus longue & plus tardive en France qu’en
Angleterre. Il faut donc que l’adminiftration fe
borne à l’animer & à l’accelérer, par des moyens
doux, fages & analogues aux moeurs, aux ufa-
ges & à la nature du gouvernement. Elle peut ,
ar exemple, fupprimer ou diminuer toutes ces
altes où l’argent s’arrête inutilement, telles qu’un
trop grand nombre de receveurs, payeurs , tré-
foriers, &c. Cette multitude de cames & de tré-
foriers pour les deniers royaux , ne fert qu’à dif-
perfer les deniers en plufieurs lieux & en plufieurs
mains $ & il faut tâcher de les raffembler, dans
la grande caiffe du tréfor royal, par les mêmes
motifs que i’ai allégués, pour faire fentirl’avantage
de la reunion des fonds des particuliers, entre
les mains des caiffiers d’Angleterre.
L’adminiftration doit encore faire quadrer l’époque
des paiemens à celle des perceptions, afin
de ne pas laifter l’argent oifîf inutilement : elle
doit auffi prendre foin d’appliquer tontes les recettes
des généralités aux dépenfes qui fe font
dans les mêmes cantons, au lieu de négocier , à
l’avance 8c par embarras, les referiptions fur les
.provinces. L’on empêchera , de cette manière ,
que des voitures d’argent n’aillent en même-tems,
des provinces à la capitale , & de la capitale dans
les provinces. Le chef des finances peut encore
éviter de laiffer , fans a&ion , au tréfor royal les
fonds dont on n’aura befoin que dans quelques
mois, en les deftinant dans l’intervalle à des ef-
comptes utiles à la circulation.
On fera bien encore, dans le même but, d’encourager
8c de foutenir une caiffe d’efeompte,
afin que les négociais, étant fûrs d’y trouver de
l’argent en tout temps contre leurs lettres de
change, foient difpenfés par-là de garder continuellement
des fonds de précaution j & auffi , afin
qu’admettant entr’eux les billets de cette caiffe ,
Ü y ait d’autant moins d’efpèces employées aux
paiemens journaliers \ ce qui augmente la fomme
des fonds applicables aux emplois utiles.
Il ne feroit pas indifférent encore de favorifer
la fabrication des monnoies d’argent plus que celle
des monnoies d’or , parce que ces dernières ,
comme plus faciles à cacher, entretiennent davantage
l’efprit de théfaurifation > vérité dont ori ne
peut douter, quand on voit l’extrême rareté des
efpèces d’or en France j tandis que , d’après les
calculs de fabrication , on peut préfumer qu’il en
exifte plus de huit cent millions dans le royaume.
Ce feroit encore un moyen très-favorable à l’activité
de la circulation. 3 que de rendre les prêts >
à terme 8c par contrats d’obligations, fufceptibles
d’intérêt 5 toutes les entraves, qui gênent les différentes
difpofitions afforties aux convenances de
chaque particulier, font autant de retards apportés
à la rapidité du mouvement de l’argent j car
on laiffe plus long-temps fes capitaux oififs, lorsqu'on
ne trouve pas avec facilité le genre d’emploi
qui convient à fes Spéculations, ou à l’arrangement
de fes affaires. Une telle légiflation feroit
d’ailleurs parfaitement conforme à la droite rai-
fon j l’intérêt, n’eft que la repréfentation du profit
que fait l’emprunteur avec les capitaux du prêteur :
ainfi , foit que ce profit' foit limité à un petit
nombre d’années, foit que le terme en foit indéfini,
le dédommagement de ce profit n’eft pas
moins légitime, 8c l’efprit de la convention n’eft
pas changé.
Il eft d’autres difpofitions encore propres à accélérer
la circulation j mais , comme elles font
moins importantes, je n’étendrai pas plus loin
ces réflexions. J’obferverai feulement que les fermiers
£c les petits propriétaires de campagne ,
réuniffant enfemble un affez gros capital qui refte
conftamment oifîf, il ne feroit pas indifférent de
leur offrir une forte d’emploi facile, & toujours
à leur portée : j’avois donc penfé qu’à la paix ,
& dans les occafions où les pays d’états & les af-
femblées provinciales auroient eu quelques travaux
utiles à entreprendre, il eût été convenable de les
engager à faire l’effai d’un emprunt, propre à remplir
infenfiblement la vue politique que je viens
d’indiquer. Cet emprunt devroit confifter dans une
création d’effets au porteur, tous d’une très-petite
fomme, depuis deux cents jufqu’à joo liv. ,
& dont l’intérêt ne feroit payable que dans les
chefs-lieux de chaque province. Je ne ferois point
furpris que, fi ces fortes d’emplois devenoient un
papier provincial univerfellement connu, il n’en
réfultât un mouvement d’argent parmi une clafle
de citoyens, dont les épargnes font communément
enfouies.
Enfin , ce qui par - defïus tout excite la circulation
, c’eft la confiance publique, puifque cette
(i) La caiffe d’efeompte eft aujourd’hui un caiffipr général ; mais jufqu’à préfenc il a’y a que les gens d’affaires qui
Remploient pour leurs recettes leurs paiemens.
confiance
confiance prévient l’incertitude des prêteurs, 8c la
ftagnation plus ou moins durable qui en réfulte.
Ainfi l’adminiftration des finances, en augmentant
la puiffimee publique,. accélère la circulation \ &
en accélérant cette circulation 3 elle renouvelle &
multiplie les moyens de prêter $ & c’eft ainfi qu’il
exifte, entre le crédit & la rapidité de la circulation
y une aéfcion 8c une réa&ion de la plus grande
importance.
Les remarques que je viens de faire fur la circulation
de l’argent , peuvent fans doute fixer l’attention
fous différens rapports 5 mais je ne veux
pas quitter ce fujet, fans ramener à une confidé-
ration dont j’aimerai toujours à m’occuper : c’eft
que le ménagement des intérêts du peuple s’allie
encore, dans cette oçcafion , aux vues politiques.
Je dirai donc que la modération des impôts concourt
à la baille de l’intérêt : en effet fi, comme
je l’ai montré , le numéraire d’un pays fe peut di-
vifer en deux parts , dont l’une, fert uniquement
de mefure dans les marchés , & l’autre, raffem-
blée entre les mains dçs capitaliftes, eft employée
aux diverfes tranfaélions qui rapportent un intérêt
ou un bénéfice ; il èft fenfible que, moins les impôts
renchériffent le prix des biens journellement
néceftaires , moins il faut réferver d’argent pour
les dépenfes habituelles ; 8c dès - lors, par une
confé^quence naturelle, la partie du numéraire ,
applicable aux emprunts de tout genre, devient
plus confîdérable ; & c’eft uniquement cette partie
qui contribue, par fon étendue, à la baiffe
dé l’intérêt.
CITÉ, ( droit d e ) Voye{ le Dictionnaire de
Jurifbrudence.
CITOYEN, membre d’une cité. Ce terme de
citoyen a diverfes acceptions dans les différents
états, 8c les exemples fupplééront ici aux diftinc-
tions qu’on pourroit faire.
Ainfi, à Rome 8c ailleurs, il étoit défendu
aux perfonnes libres d’exercer les arts méchani-
ques j c’étoit le partage des efclaves : tous les citoyens
étoient bourgeois.
| A Genève, les citoyens forment une claffe dif-
tinCle des bourgeois : les citoyens feuîs peuvent
-entrer dans le confeil des Vingt-cinq, & occuper
des charges qui leur font réfervées.
Les affranchis, en Grèce , ni leurs delfcendans
n’étoient pas citoyens, quoique nés grecs j les
befoins de l’état les plus preftans ne purent faire
fléchir cette règle. Demofthène, après la fatale
journée de Chéronée , harangua le peuple pour
demander que, dans Athènes, les affranchis fuf-
fent déclarés citoyens ; il ne put l’obtenir.
A Rome on en ufoit autrement : être né dans
Rome 8c y être né libre, fuffifoit pour être citoyen
j une multitude de gens, ifïus d’affranchis &
d’étrangers, inonda la ville. Appius , le cenfeur,
les avoir diftribués indifféremment dans toutes les
centuries} ils devinrent les maîtres des délibérations
par le grand nombre de leurs voix : Fabius
(&con. polit, & diplomatique. T ont. I ,
changea cet ordre j il les fépara, & en fit quatre
centuries diftin&es. Par ce moyen, il rendit la
fupériorité des fuffrages aux centuries des vrais romains
: on en comptoit trente & une de celles-ci.
C’eft ce trait de politique qui, félon Tite-Live,
lui acquit le furnom de maximus, qui fut donné fi
fouyent à ceux de fa maifon.
Les citoyens, comme les fujets , font naturels
ou naturalifes. Parmi les grecs, il falloit être né
de deux naturels pour obtenir le grade de citoyen ;
on appelloit les autres métifs. Ils n’avoient ni rang
m privilèges : quelques-uns cependant échappoient
aux recherches $ la gloire d’Athènes & le bonheur
ûe la Grece voulurent que l’on ignorât que Thé-
miftocle étoit né d’une mère étrangère.
L’ufage fut quelque temps le même à Rome ;
on ordonna dans la fuite que la feule qualité du
père détermineroit la qualité de citoyen j cette règle
eft plus conforme aux principes : la femme
qui participe à la dignité du mari eft citoyenne.
Plus les droits des citoyens font confidérables ,
plus on doit être attentif à les communiquer avec
diferétion. Le dernier citoyen y comme le premier»
jouiffoit à Rome du grand privilège de n^être fournis
à aucune magiftrature, Iorfqu’il s’agiffoit de
fon honneur ou de fa vie > il n’avoit d’autre juge
que le peuple. Ce droit fut établi par la loi Ju-
nia, lorfque les Tarquips furent chafiés î loi facrée
qui fut renouvellée fouvent par les loix valériennes
& par d’autres.
Les prérogatives ne font pas égales entre le citoyen
auquel la naifTance a donné ce droit, & celui
auquel il a été accordé. Ce dernier participe,
à la vérité, aux privilèges > mais il ne peut, dans
les véritables maximes, exercer les offices municipaux
j il n’eft pas préfumé avoir la même con-
noiflfance des affaires publiques, ni le même attachement
, ni la même élévation que l’ancien citoyen.
Le premier d’une famille auquel on accorde
des lettres de bourgeoifîe , ne peut à Genève
être fyndic, ni du confeil des Vingt-cinq.
L’ufage eft femblable en Allemagne 8c en Suiffe ;
mais leurs enfans peuvent prétendre à ces dignités,,
comme le premier ennobli n’eft que noble
& fon fils "gentilhomme.
A cela près, tout citoyen I’eft autant que tout
autre : c’eft à tort qu’Ariftote a dit que le noble
étoir plus citoyen que le roturier, 8c le roturier ,
vivant de fes rentes, plus que le négociant ou l’a-
gricülteur. Les grades que chaque citoyen peut
avoir dans une république, & qui fe multiplient
à l’infini, font des diftinétions dépendantes du
droit de cité : elles forment des citoyens plus notables
, mais ils ne font pas plus citoyens.
Le droit de citoyen ne peut fe perdre que par
la mort civile, ou par l’abandon du pays, fans
deffein d’y revenir.
Les romains faifoient dormir ce droit fur la tête
de ceux qui étoient captifs chez les ennemis ; ils
n’étoient capables d’aucun a&e civil ; ils ne pous»
F f f f