
jblus grands pïrtiè du monde connu. Quelques
peuples d’Itaîié, il feft vfai, Hiéron, roi de Syra-
ciifè te Philippe de Macédoine , fe liguèrent en
différens temps avec Carthage contre Rome ;
iîiâis cès alliances faites féparéfnent, & foute-
nues d'ilnè manière très-Foible, ne Tervirent qu'à
augmenter les triomphes de celle - ci , & la rendirent
plus exigeante & plüs arbitraire. La politique
de Rome, plus Feftne dans lès principes> plus
égalé da'ris feS procédés, & plus adroite que celle
des peuples fôS1 rivaux, troùvbh le moyen dfe
les défunir 3 tandis qu'ardente à les attaquer &
à les pourfuivre, elle ne dédaignôit pas de. Te
liguer avec d'autres pour les accabler. C'eft ainfî
qu'elle attira daUs.fon parti divers états & républiques
dé la Grèce contre les rois .de Macédoine,
& que Maftînïffè., Àttale & Prujias, au lieu de
Te joindre à lès ehnemis, combattirent pôùt elle.
Oh peut conclure de ce que nous venons de
dire, que le fÿfteïfiô déliaBalancedu pouvoir, ne
fut pas kuîfi généralement fuivi, ni même reconnu
ààns l'antiquité qu'à préfetlt, é c huè fi cetté Opinion
fut adoptée, elle n'eut d’influence que momentanément
fut dés p'oKtiquês péii éclairés, &
qui àttribuoient à la Tpèculatron ae l'équilibre par
les contreforoés, üneTmpbrta'nce quelle né mé-
ritok pas. Aujourd'hui même, quelque crédit
qu'ait cette opinion chez les tailbnneurs fpécula-
tifs, elle n'a pas dans la pratique, paTmi ceux qui
goùve.rnght lè monde , ufte autorité beaucoup plus
étencUie qué çhèz les anciens.
Apres la chute de Tempife romain, la nouvelle
rôrme au ’goWërnémènt, établie dans les divers
états conquis par ries peuples du nord, les rendît
§n grànâé partie incapables de poüffer plus loin
leurs, conquêtes, & maintînt long- temps chaque
état dans les propres limites ; la crainte de la monarchie
Univerfellè ne fit pas invoquer le ■ fyftême
de la 'balance du pôiïvOit, même fous C'harie-
rnagne, qui paroifioit afpirer à l'empirede l'Eu-
ïope j mais lorfque le Vaffelage & la ifiïïice féodale
eurent été abolis, 8c que l'aurore dès lumières
fe levant fur cette partie dümonde annonça la fin des
ténèbres, la politique , fe réveilla , & dans le jour
douteux qui Téclairoit , Te trompa dahs Tes ehtre-
piîfes, 8c fit de fauffes démarches. L'ignorance
des vrais principes lui fit alors adopter le fyftême
de là balance du pouvoir , qui la porta bientôt à
îonner l'allarme fur tout accroiffement confidéra-
ble de puiffance en Europe, 8c rendit ainfî la j
guérre inévitable :8c prefqüe continuelle entre les J
divers états, qui la compofent. ‘Charles V & 1
Louis XIV lui inTpirèrent fur-tout de grandes)
craintes } 8c elle publia long-temps qu'ils vifbient*
a tout fubjuguer. Tls moururent pourtant l'un &
l'autre fans avoir beaiicoup aggra’ndi leurs états,
& rifquèrent plus d’une fois ‘de voir démembrer
leur empire.
; Ce Tyftême de la balance du pouvoir porte ,
comme’ nous l'avons yu 3 fur de Tâlix "principes :
il nous fera facile de nous en convaincre de plus
en plus, par les réflexionsTuivantes*
On a dit, avec raifon, que nul peuple rie ppü-
voit être conquis ni fubjugué s'ihne voulait 1-êfre ,
& l'hiftoire nous prouvé cette vérité par dé nombreux
exemples.- Nous voyons eh effet' que les
plus petites fociétésr.ont fouvent réfifté aux plus
grandes puiffances, aux invafions les plus redoutables
, 8c qUe de même qüe des flots irrités, qui
viennent fe brifer contre une pointe de rocher,
les armées innombrables;» employées à affervir ces
petits peuples , ont échoué , & fé font détruites
Contré leur bafè étroite mais'folide , par la force
8c l'union intérieure de toutes fes parties ? tandis
què lès armées imperceptibles , pour ainfî dire,
d'Alexandre, de: ThamâS Kouli- Kan 8c de tant
d'autrôs, ont changé la face d'empires immenfes,
mais énervés par lesdéfordres du commandement
& par la fêrvitude de l'obéi fiance.
Toute balancé pdlitiqu'e eft idéale, & ne porte
que fur les tracafferies d'une jaloulïe foucieirfe ou
cupide y (toujours mal aflurée dans fes projets
illufoires On hafardés , ) fi la balance politique intérieure
n'én eft le fondement. On connoît cet
axiomé Chinois, qui dit que le moyen efficace
pour un Touverain d'en impofer à tous fes voifins,
èft de troüver le fecrét final de régner fur îui-
Hiéme.;
Le fecret de regnerfur foiconduit en effet à la méthode
de régner fur les autres ? mais cette méthode
qui peut & doit varier dans les formes, félon les
moeurs des nations & lé oara&ère des princes ,
doit partir de connoiffances fimpîes qui pofent
fut des priheipes aflurés, &qui en donnent des con-
féquences faciles, confiantes 8c perpétuelles.
Ces connoiffances font les loix phyfiques &
Vifibles de l’ordre naturel , celles de la confom-
mation de la réproduélion des fubfîifances.
La haute politique n'a befoin à cet égard que des
notions générales , biffant d'ailleurs les détails à
la néceïfité , à l'indu%ie & à l'expérience de
ceux qui s'adonnent aux travaux divers qui- en
dérivent, & qui en font leur profeffion particulière.
D'après ces <*mnoifiances , la faine politique
établit des principes certains, S e lè fait des règles
invariables de conduite. Elle voit que tout
'eft ordre •& arrangement dans la nature, ou que
i i des météores étrangers à-notre expérience dérangent
-quelquefois ‘nos calculs dans les détails
& fruftrent nos efpérârices , ils font au-deffus de
nos forces, & ne laifferit à notre choix que les
Toins de la prévoyance & la réunion de nos efforts
pour réparer les dégâts qu'ils ont caufés.
«Elle voit que travailler eft , félon d'ordre , la def-
tination de l'homme, mais-que profiter en eft le
terme ? d'où elle conclut que le plus grand nombre
d’individus dans ttUefocâétéquelconque étant
forcé au travail, fi néanmoins cette fociété dé* •
périt j quelque vice intérieur -c-omrarie la marche
régulière de la nature, qui tend à la profpérité
fociale.
La faine .politique n'attribue pas, comme les
moraliftes, ce vice deftruéteur aux paffions humaines?
car , à quelques exceptions près qui
font rares; 8c n'ont que peu d'influence , elle
voit que les paffions fuivent le torrent des moeurs
8c des préjugés , félon les lieux, les temps & les \
âges ? & ce coup d'oeil fuffit pour lui faire con-
noître que les paffions ne font qu'agens fecon-
daires , mobiles exagérés & par conféquent dégradés
, puifque tout vice eft dans l'excès. Elle
en conclut qu'un mauvais principe quelconque,
fupérieur à cet agent , l'autorife t e l'exalte ? que
ce mauvais principe eft le défordre qui, loin de
venir des paflions^ en néceflite au contraire l'ef-
fôr ; que ce défordre. eft phyfique & non moral
, & provient de l'ignorance des loix de l'ordre
naturel & de Tordre focial; & que ce dernier
enfin feul profpère eft nécefiité fous peine de '
dépériffement & de mort fociale, c'eltrà-dire , |
fous peine dappauvriffemerit, de fouffrance, &
finalement de difperfion de la fociété.
L'on a dit ailleurs quelles étoient les loix de
l'ordre naturel focial, c'eft-à-dire, de la diftri-
bution, de la confommation & de la réproduc-
tion des fubfîftances ; il feroit inutile de les répéter
ici. Après avoir donné le précis des principes
fondamentaux de la faine politique , voyons les
conféquènces qu'ellé en tire.
Le principe des rivalités entre les nations eft
le même que celui des démêlés entre les hommes, ,
non que les pafîions ne prédominent & n'entraL i
nent fouvent les fouverains ? délirant reges p le c -
tuntur A ç k iv i : mais c'eft précifément pour cela
même, comme nous venons de le voir. 11 fuit
de-là que , quand nos voifins fe trouvent difpofés
à faire irruption fur le terrein des autres , & à
s'expofer aux malheurs réfultans de toute guerre,
nous devons les fuppofer livrés au défordre réel
8c fondamental , & juger en conféquence que
leur puiffance menaçante eft plus oftenfoire que
folide , comme devant s’attribuer à quelques cir-
conftances peu durables, telles que l'humeur inquiète
d'un prince, fon orgueil ou fa cupidité
perfonnelle , les écarts de fon imagination , les
peines confiantes qu’il prend pour fe faire craindre,
le.méchanifme de fa taélique , 8c c . mais
qu'au fond fa nation eft foible au dedans, abattue
, opprimée , privée d'efprit national, la plus
fàre des forterefles, & qu'une telle puiffance
enfin n'eft qu'un coloffe d'argile au bras d’airain.
,
Toutefois comme la vie humaine & le temps
préfent ne font qu^des circonllances ,. il n'en eft
aucune à négliger ; & celles que je viens' de dé*
crire , méritent toute l'attention de la faine politique.
Mais quel ell le plus fort rempart contre
le vice deftruéleur de l’union & de la profpérité
fociale ? N'eft -ce pa.s l’ordre , même dans le
genre offenlîf, comme nous venons-de le voir
par l’exemple des petites armées viétarieufes ?
A plus forte raifon lorfqu’on fe tient fur la dér'
fenlîve. L ’ordre intérieur donc qui fe ligue de
lui-meme avec lé plus fort allié 3 je veux dire avec
la nature ; l’ordre intérieur qui réchauffé les coeurs,
qui exalte les têtes, qui engendre & ranime l’ef-
prit national, eft d’abora la plus forte & la
première des précautions néceffaires. Sire, faites
bien vos affaires chc% vous , ver minières Us feront,
bien che^ Us autres y écrivoit à un grand & renommé
fouverain, un ambafladeur fage & zélé.
Loin que ce retour principal & cqncinuel fut
foi-même exclue l ’attention chez fes voifins, il
la réclame au contraire , il y conduit. Mais au
lieu de prendre des précautions jaloufes ou pré-
dominantes, & moins encore l ’apparence d une
prévoyance craintive j c’eft avec le maintien &
l ’aflurance qu’infpire une grande alliance noq
moins aflurée que toute puiflante.
La connoifiance de l’ordre & les principes d’ad-
miniftration qui en dérivent, ont démontré à la
fage politique que l’union de deux individus fit
la première fociété, où elle tripla à leur grand
avantage^ leurs forces ifolées ; qu’en vertu des
mêmes règles toujours confiantes, & q u i fe prêtent
à la plus grande extenfîon, félonie voeu de
la nature, le concours aux travaux & aux dépen-
fes produifir toujours le bien particulier, dont
llumon & l’enfemble fiant le feul bien commun
& général, & elle en conclut avec évidence qu?
le même paéte, perpétuellement utile d’homme
à homme, eft également fruéluenx de famille à
famille, de fociété à foc ié té , , & de nation à
nation.
Imbue & remplie de cette idée , aflurée de ce
réfultat, l’ordre naturel la guide, encore quant
à la méthode. La première convention ne put
avoir lieu , fans être reconnue & avouée des deux
parts, & les avantages, furent réciproques ; il en
eft ainfî de tous les autres.
L ’inftruétion donc, la notoriété , la liberté
la réciprocité, les fervices & les fecours mutuels
, ainfî que la bonne fo i , la fraternité, la
juftice font les rites que la faine poliriqtie emploie
, & les manières avec lefquelles elle aborde
les nations voifînes, tandis qu’elle ferme l'oreille
chez foi à tous avis ombrageux, à tous confeils
cupides, à toute demande de proteâion vexa-
toire ? à toute faufle idée de patriotifine & de
préférence nationale , & qu’elle fe refufe aux
prétentions multipliées, infidieufes & ennemies
déguifées fous le nom de balance de commerce ’
fecret de manufactures , balance d’indujlrie , de produits
s de population , & finalement de’ balance
politique, q ui, fans un défit lincère d’entretenir
la paix & J'union entre les diverfes branches de
la famille d’Adam, n’a qu’une apparence continuellement
trotnpeufe de conciliation , & ne fait
1 que pailler les btouilleries à chaque inftant varia*
N n i