
*• Neuve, & dit : malgré ces brouillards, je tiens
« ici, 8c toute la pêche eft à nous j deux en Aca-
» die, qui bientôt fe battirent entr’eux, à caufe
» qu'ils étoient trop ferrés. Les quatre autres fe
» furent pofer à Quebec, dont l'un fut à plein-
M pied, par le plus beau chemin du monde, s’é-
** tablir dans la baie d'Hudfon : deux autres, pour
» prendre, l'a ir, remontèrent le fleuve pendant
» quelques trente ou quarante jours, jargonnè-
*> rent avec les fauvages qu'ils n'avoient vu depuis
» long-temps, & leur demandèrent des nouvelles,
» les filouterent.de leur mieux, furent à la chafle
» aux hommes avec les premiers qui les en priè-
»» rent, fans leur demander pourquoi, 8c feule-
9* ment pour fe défennuyer; fichèrent quatre bâ-
»» tons en terre, qu'ils appelèrent fo r ts} par-tout
» où il parut que s'aflembloit la bonne compagnie,
s* & fur-tout plantèrent force poteaux, où ils eu-
» rent foin d'écrire avec du charbon : de par le
m roi ».
Ils s'établirent ainfi dans le Canada 8c fur les
bords du Miffiflipi ; 8c quelques fuflent ces titres
de leurs pofleflions dans ces vaftes contrées, les
autres peuples n'en avoient pas de meilleurs pour
les terreins qu'ils occupent dans le Nouveau-monde.
Mais les françois, plutôt aventuriers & coureurs
que colons, Songèrent moins à cultiver leur
pays, qu'à le parcourir & à s'étendre ; aufli leurs
colonies ne parvinrent pas à un grand point de
profpérité. Leur caractère remuant & guerrier ne
leur permit pas de voir tranquillement les entre-
prifes que l'ambition monôpolaire des anglois fai-
îoit fur leur territoire 5 des guerres cruelles s'allumèrent
entr’ eux en Europe & en Amérique ; & le
fort des armes s'étant déclaré contre les françois,
ils cédèrent, comme on fait, aux anglois la nouvelle
France, & firent préfent aux efpagnols de la
Louifiane, abandonnant ainfi toutes leurs poflef-
fions fur le continent de l'Amérique feptentrionale.
Nous ne donnerons pas ici le détail des éta-
bliffemens des européens dans les ifles, parce que
cela regarde plus particulièrement le commerce ,
8c que d'ailleurs ces détails fe trouvent dans d’autres
articles de notre dictionnaire au nom dé ces
différentes ifles. ( Voyei les mots J a m a ïq u e ,
S. D o m in g u e , M a r t in iq u e , 8cc. ) mais il
lious paroît convenable d'examiner, i °. fi la prudence
a eu plus de part à la conduite des, divers
peuples de l’Europe dans le régime de leurs colonies,
qu’elle n'en eut dans leur étâblifFement ; 2°. Pour
quoi les colonies naiflatltês, les établiflemens nôü-
veaux-montrent fouvent un ait de profpérité qu’ on
ne voit plus dans les anciens; 3°. quelles doivent
être les vraies caufes de la profpérité des colonies,
& comment elles peuvent contribuer à celle de
leur métropole.
Les peuples modernes ont, en fait de colonies ,
enchéri fur les anciens, en ce qu’ ils ont imaginé
de conferver un empire abfolu fur des fujets aufli
f joignes} cette politique çft-elle bien ou mal fandée
? Avant de décider cette queftion, il faut
eonfidérer quel a été le but primitif de ceux qui
firent ces fortes d’établiflemens, c'eft-à-dire, dif-
cuter le principe avant les conféquences.
Un motif de curiofité, mêlé de cette efpérance
vague qui l'accompagne toujours, fut le premier
mobile des voyageurs qui découvrirent le nouveau
monde. Les beautés de la.nature raffemblées dans»
ces jpays, frappantes par leur nouveauté, & exagérées
dans les récits des premiers aventuriers ,
mais fur-tout l’appas des rîcheffes dont ils reve-
noient chargés, en firent bientôt courir d'autres
fur leurs pas. Le bonheur préfida à la conquête
des deux grands empires du Mexique 8c du Pérou.
La fortune & le courage des capitaines qui en
devinrent les conquérans, ne les éblouirent pas au
point de les faire manquer à leur devoir envers
leurs princes. C e miracle étoit réferyé à la fidélité
caftillane."Soit vice ou vertu, les chefs efpagnols
donnèrent les premiers l'exemple de cette
dépendance du nouveau monde pour l'ancien, qui
ne s'eft pas démentie depuis ; 8c toute leur ambition
fe tourna vers le defir de s’enrichir. Les navigateurs
des nations qui découvrirent les autres
parties de l'Amérique, n’avoient que le même but ;
8c les fouverains de l'Europe voyant un roi d'Ef-
pagne fouverain dans les Indes , voulurent à fon
exemple étendre leur domination fur ces nouvelles
terres. D'un autre côté il ne fut plus queftion de
faire des conquêtes en Amérique, dès qu'on n’y
trouva plus de fociétés réunies en forme d’empire,
& réfolues à difputer le terrein 5 mais profitant
de la facilité des naturels du pays ou de leurs
divifions entr’eux, chacun en arrivant fe mit à
parcourir le plus de terrein qu'il lui fut poflible ,
toujours en prenant pofleflion au nom de fon maître;
& ce fut pour ces limites imaginaires que l’on
combattit tant de fois depuis, comme pour les
autels 8c les foyers.
A ne eonfidérer les nouvelles acquisitions que
du côté delà puiflancè, on ne voit pas cependant
qu’à l’exception d’un vain titre, les princes de
l'Europe en aient tiré de grands avantages. On ne
peut pas dire que les armées, la magnificence 8c
l’autorité des rois d'Efpagne. fe foient accrues depuis
qu'ils ont joint les Indes à leurs états 5 mais
on fait que des princes, dont la puiflancè a doublé
de nos jours en tout cela, le C z a r , le roi dç
Prufle , 8cc. ne pofsèdent point d’ états dans le
nouveau monde. Aufli les premiers aventuriers qui
açquéroient ainfi d'immenfes provinces à leurs
fouverains, obtinrent-ils à peine un inftant de leur
attention 8c quelques fecours, qu’on leur permettait
de tirer de l’Europe, plutôt qu’on ne leur
donfioit. Les princes occupés chez eux de leurs
affaires, faifoiçnt de longues guerres pour acquérir
une place, un bailliage, & fe foucioient peu de
vaftes acquifitions qu’on faifoit pour eux dans de
lointains climats.
L ’efprit
L ’ efprit de commerce fe perfeéHonnoit cependant;
& les produirions de l 'Amérique, fuper-
flues autrefois, maintenant néceflaires, devinrent
l'objet le plus important du commerce de l'Europe.
Sous ce point de vue, on paroîfloit n’ avoir
befoin d'abord que de faire des établiflemens &
des entrepôts, tels que les nations commerçantes
en ont fur les côtes de l'Afrique & de l'Afie; mais
bientôt on s'apperçut que les meilleures productions
du nouveau monde avoient befoin d'etre cultivées
8c manufacturées fur les lieux, pour être ;
plus propres au tranfport ; en conféquence il fallut
fonder des villes, cultiver les terres ; en un mot,
établir fur le fol 8c peupler en grand des colonies.
Mais de ces trois chofes, fi peu faites pour
-être combinées, l'efprit de domination , celui de
.commerce 8c celui dé population, il fe forma un
fyftême neuf, 8c , fi nous l'ofons dire, monftrueux,
qui conftitue la politique aétuelle de l'Europe relativement
à l'Amérique. L'efprit de domination
.voudroit embraflçr plus d’étendue de pays que tous
fes fujets n’en faüroient enceindre. Il voudroit en
outre gouverner fes fujets américains autant 8c
plus defpotiquement que ceux qui font à la porte
de fa capitale. L'efprit de commerce dont le proje
t , au fond , eft de vouloir tout pour foi & rien
pour les autres, regarde les colonies comme, les
fermes du commerce, veut les nourrir, les vêtir,
les meubler à fon prix & à fa fantaifie, avoir leurs
denrées aux mêmes conditions, leur permettre &
leur prohiber félon fon intérêt. L ’efprit de population
enfin fent bien la néceflité de renforcer 8c
d’accroître les colonies ; mais , gêné par les deux
autres dans l'exercice de fa liberté & de fon in-
duftrie, il ne prend que de faufles mefures dont
l ’effet eft précifément le contraire de fon objet*
Ainfi tous les arrangemens de ces fociétés con-
fraftent les uns avec les autres. Tâchons d’en démontrer
la difcordance 8c l'inftabilité.
. - Commençons par les induirions fimples 8c frappantes
qu'on peut oppofer à l'efprit de domination
, 8c demandons d'abord ce qu'il prétend faire
des contrées rmmenfes qu'il ne fauroit peupler,
è c dont les différentes parties ne faüroient avoir
de correfpondance entr'elles ? L ’objet d’ un gouvernement
fage n’eft pas de régner fur des dé-
ferts.
Les apologiftes du fyftême ailuel de l’Europe à
l ’égard ae fes colonies 3 diront que ce fyftême eft
fondé fur la néceflité de multiplier les produirions
de notre terre, én nous appropriant celles d’ un
pays fertile que nous avons acquis par tant de
travaux ; que , fans cela , des voifins qui nous
jaloufent& qui brûlent de l'emporter fur nous dans
la concurrence delà gloire & de la puiflancè, vien-
jdroient à bout d'acquérir la prépondérance par le
commerce, fi nous ne nous mettions en état de
nous paffer d’eux. Enfin, que les produirions de
l'Amérique étant devenues des néceflités pour l’Europe
, il importe infiniment que nous en tirions
de nos colonies qui fuflifent pour remplir notre
objet à cet égard.
11 s'agit de peupler 8c de renforcer vos colonies,
& vous prétendez que le vrai moyen eft de les
tenir dans une étroite dépendance de la métropole.
Nous ne demanderons pas fi une dépendance ab-
folue du gouvernement des colonies, qui n'ofe rien
entreprendre fans une permiflion d'Europe, rien
décider fans demander des ordres précis a des mi-
niftres déjà trop chargés, & forces d’abandonner
fouvent, comme détails à des fous-ordres, la plupart
de ces objets éloignés ; nous ne demanderons
pas fi ce régime eft bien propre à remplir
votre projet , & n'eft p£s contraire à vos vues.
Vous faites de cette fubordination le rempart de
votre autorité contre le penchant naturel qu'ont
des fujets fi éloignés à fecouer le joug. Nous
croyons cependant qu’il y auroit un moyen plus
fûr de les détourner de ce penchant ; ce feroit de
rendre ce joug fi doux, que loin d’être redouté il
fût recherché comme proteirion.
Il en e ft, je p en fe , des colonies comme d ’un
champ q u'il faut d é frich e r, lab o u re r, fumer 8c Cerner
avant que de rien recueillir. « Si donc vous
» envoyez fans cefle à vos colonies fans fonger à
| » en rien retirer ; fi vous leur donnez des chefs
» d une probité reco n n u e, patiens , généreux ,
» fachanteftimer les hom mes, découvrir & culti-
» ver leurs talens ; fi vous payez bien ces chefs &
»5 les mettez à. même de tenir un grand é ta t , fans
» percevoir aucuns droits onéreux fur le com-
» merce & moins encore fur les folies des colons ;
» fi vous les y laiflez long-temps avec une auto-
» rité entière ; enfin fi, fermant l'oreille aux plain-
» tes 8c aux cabales des intrigans & des mauvais
» fujets toujours foutenus dans les c o u rs , vous
» déshonorez , quand ces chefs reviendront, ceux
» qui fe feront enrichis dans leurs places , & ré-
» compenfez ceux qui reparoîtront avec la panne-
» tière 8c la h o u le tte , dormez alors fur les dé-
» ta ils, ne veillez qu’aux fecours principaux 8c
» au choix des dépofitaires de votre a u to rité , vos
» colonies fe peupleront 8c. fe renforceront d'el-
» les-mêmes avec une rapidité dont les progrès
» vous étonneront (1 ) ».
Pour tout homme vraiment inftruit des principes
de l’économie politique, ïl eft aujourd'hui démontré
que le bien comme le mal de nos voifins
influe fur le nôtre, & que la profpérité de notre
commerce s’accroît des avantages que reçoit le
leur ; ceci nous mène naturellement à la difeuflion
des privilèges de l'efprit de commerce dans la di-
reérion des colonies.
Il eft établi que le commerce eft le principal ^
(i) L’Apii des hommes, tom. j -t pag. 333, $cei
(Blton. poht, & diplomatique* Tom. l t H h h h