
tour à tour fi généreufe & fi barbare, expier les forfaits
qu’elle a commis dans l’Inde. Puifle-t-elle étab
lir , parmi lés indiens, la loi facrée de la propriété
, jufqu’ici connue en Afîe d’une manière
bien imparfaite, & afîurer à jamais leur tranquillité
& leur bonheur. .
Les circonftances font très - favorables pour
cette révolution : elle fait pourquoi elle a perdu
l ’Amérique ; elle fait pourquoi fes conquêtes de
l’ Inde lui ont été fi peu avantageufes > elle eft
bien inftruite des loix ( i ) , des moeurs, des ufa-
ges & du caractère des indiens : elle n’ignore
pas les. funeftes fuites du fyftême d’adminiftration
qu’a fuiv i, & des ordres qu'a donné la com-
gnie : elle poflede-.toutes les connoilfances relatives
au lo cal, à la langue, à-la propriété s elle a
de grands devoirs à remplir j elle a tous les
moyens poflibles de les remplir, & fi elle ne les
remplir pas, elle -fera très-criminelle.
Si des vues d’humanité, de droiture .& de {
nobleffe ne la déterminent point, on peut croire
qu’ elle écoutera un jour fes intérêts. La compagnie,
malgré fes conquêtes, malgré fes immenfes revenus
; malgré lé nombre incroyable (2) de fes fujets,
n’eft pas floriiTante, elle fe trouve dans un état
voifin de la banqueroute.
S e c t i o n I Ve.
Des tribunaux du. Bengale.
Voici les cours de juftice établies dans les principaux
établiflemens de la compagnie , & fur-tout
dans le Bengale , dont il eft ici queftion.
i ° . La cour du maire. Cette cour eft compofée
du maire & de neuf aidermans. Le maire & fept
des aidermans doivent être fujets de l’Angleterre ,
& nés dans cette ifle. Les deux autres peuvent
être des étrangers ; mais fujets d’une puiflance
alliée de la Grande-Bretagne.
C e tribunal juge toutes les a&ions civiles,
procès ou conteftations qui furviennent dans les
établiflemens de la compagnie : il faut en excepter
les procès entre les naturels du pays feulement.
On leur a laifle le droit de fe juger eux-
mêmes , à moins que les deux parties ne fe fou-
mettent volontairement à la décifion de la cour
du maire. Elle vérifie en outre les teftamens,
& elle juge les difcufîïons touchant les biens des
perfonnes qui meurent inteftats.
2° . La cour des appels. Elle eft compofée du
gouverneur & confeil de Calcutta j elle eft chargée
par la charjtre de juger définitivement de tous
les appels qui fe font de la cour du maire, dans!
le cas ou le fond du procès n’eft pas de plus de
mille pagodes, c’eft-à-dire, d’environ quatre
cens livres fterlings. Lorfqu’on plaide pour une
fomme plus confidérable , on appelle de la cour
du maire au roi & à fon confeil > mais l’appel-
lant doit, donner caution pour le paiement de la
fomme adjugée, de l’intérêt de la fomme depuis
le jour de la fentence , 8c des frais du procès.
3ü. La cour des requêtes. Elle eft compofée de-
vingt-quatre commilfaires , que choififlent ordinairement
le gouverneur & le confeil de Calcutta
parmi les principaux membres de cette ville. Ce
tribunal s’aflemble tous les jeudis j il fuit les ordonnances
8c les réglemens que lui envoie de
temps en temps la cour des directeurs II a plein
pouvoir de juger toutes les aérions ou procès ,
dans lefquels le fond en litige n’eft pas de plus,
de cinq pagodes, c’eft-à-dire , de 40 fchelings.
| Le s commilfaires fiègent par to u r , J*:- on change
la moitié des vingt - quatre membres le premier
jeudi du mois de décembre : les plus anciens
font remplacés par de nouveaux qu’on élit au
fcrutin.
Le gouverneur 8c les membres du confeil de
Calcutta font autorîfés par la chartre à faire les
fonctions de juges de paix dans cette ville * 8c
dans toutes les factoreries qui lui font fubordon-
nées. Ils ont le même pouvoir que les jugés de
paix d’Angleterre.
40. La cour des ajftfes. Elle eft compofée du
gouverneur 8c confeil de Calcutta ; elle tient des
aflïfes ou feflioris de paix quatre fois par an dans
'les diftriéts de Calcutta. Le refte de l’année, c*eft
une cour femblable à celle d’oüir 8? terminer. Les
membres font en outre commiflairès d’oair 8c terminer
3 8c . chargés de juger 8c punir les crimes
qui fe commettent dans les diftriéts de Calcutta,
ou les factoreries qui dépendent de cette ville.
11 faut en excepter feulement le crime de haute-
trahifon, fur lequel ils n’ont pas droit de prononcer.
La cour des ajftfes 8c les commiflairès nommés
par elle procèdent contre les criminels, fui-
vant la forme ufitée en Angleterre. Lorfque les
circonftances le permettent 3 ils envoient un warrant
au shérif, en le chargeant de l’exécuter, 8c
d’aflembler un nombre convenable d’habitans pour
fervir de grands & de petits jurés. Ce tribunal
remplit d’ailleurs toutes les fonctions que rem-
pliflent dans la Grande-Bretagne les juges de paix
8c les commiflairès d’ouirjbc terminer, &c. Il
s’aflemble dans les temps 8c les lieux qu’il juge
à propos.
(1) M. Haftings eft venu à bouc de fe procurer ces loix qu’on tient fi cachées, & il les a fait imprimer fous le titre
de Code des Genzoux,
'V Quoique les pamphlets & les livres anglois parlent fans celle du nombre de fujets que la compagnie poffède dans
l’Inde ; quoique cette évaluation fe trouve prefque chaque jour dans les difcouts des membres du parlement, elle n’eft
pas encore connue d’une manière allez précife. Lorfque nous ferows l’article Co r o m a n d e l , ou Madrass , nous
ikrpns peut-être plus infirmes.
Il y a deux autres cours qui furent créées autrefois
par une. permiflion expreffe ou tacite du
mogol ou des nababs du Bengale , lorfque les anglais
étoient fournis au gouvernement du pays.
L a compagnie n avoit pas dJautres tribunaux ,
avant q u e lle eût reçu d'Angiererre le pouvoir
d ’adminiftrer la juftice dans fes' établiflemens.
i° • La cour de Cutcherrie compofée de quelques
employés de la compagnie-. Hile juge toutes les
caufes pécuniaires qui furviennent entre les naturels
du pays feulement ; elle s'aflemble à certains
jours qu elle fixe elle-même ■; fa manière de procéder
eft tres-fommaire. i_.es deux parties convoquées
, ainfî que leurs témoins refpeilifs , elle
entend les accufations & ks défenfes qui fe font
de vive voix, & prononce fur le champ. Qn
appelle de fa fentence au gouverneur & confeil
de Calcutta. Excepté dans les matières de là plus
grande importunée , lès appels font rares. Dans
les cinq tribunaux ci-deffus , trois dés membres
fuffifent pour prononcer;
2°, La cour du £emindar ou du fow^dar. Elle
eft préiîdée par un membre du bureau du confeil,
ou quelquefois par un -employé inférieur;
elle juge les procès, criminels pafmi lés-habitans
du pays, dans le cas où ils ne'choififfent point
les tribunaux de la compagnie. On fait que les
loix de 1‘Angleterre-fur l'adminiftration de la juftice
ne s'obférvent parmi les indoux que iorfqu'ils
s'en rapportent à leurs dédiions. La cour du fow[- dar procède d’une manière auffi luminaire que la
cour de Cutcherrie.; elle condamne les coupables
a une amende, à la prifon, à travailler enchaînes
fur les grands chemins pendant un certain
efpacede temps, ou pendant toute leur vie, &
dans les caufes capitales, à être fouettés jufqu’à
ce que mort s'enfuiye. '
U y a une troilième cutcherrie , appellée cutcherrie
du coliecieur. On l’a créé depuis que la compagnie
eft devenue propriétaire des terres. Le
nabab Jaffier Ally-khan , par le traité de 1757,
accorda à la compagnie angloife les terres des
environs de Calcutta , , dans .une étendue de
fix cents verges au-delà du fofle des marattes, &
les vingt-quatre pergunnahs iîtués au midi de la
ville. Tout ce diftriét eft fous la jurifdiâion du
colleéfeur , qui eft ordinairement un membre du
confeil, ou un jeune employé. Cet officier, chargé
de là perception des revenus des vingt-quatre pergunnahs
, dont il eft furintêndant, a le droit de
juger en définitive toutes les conteftations qui fur-
vierinent dans fon département. Il eft en outre
chargé d'une partie de l'adminittration dê la police
de Calcutta.
S e c t i o n V e
De la navigation. du Bengale.
La baie de Bengale eft la plus grande & la plus
profonde que l'on connoiffe dans le monde, excepté
celle du Mexique ; & même elle l’emporte en
grandeur fur celle-ci, fi on ne la fait pas aller plus
1°liD Æ e n*ont fait nos géographes modernes ,
c elt-a-dire, depuis la partie la plus occidentale
j ~uba nord, jufqu’à la terre occidentale
de ïucatan au fud. Elle s’étend depuis la pointe
la plus méridionale de l'ifle de Ceylan , i
I ouelt , jufqu'à Ashem , ou à la pointe la
plus feptentnonale de l’ifle de Sumatra, à l’eft ;
j de la a la côte de Malacca, c’eft-à-dire, à vingt
degrés de longitude, ou à fept cent quatre-vingt
milles géographiques, ou depuis la partie méridionale
de la côte de Coromandel, jufqu’à la rivière
Hugly. .
Le paffage ordinaire. des vaiffeaux européens .
eit fur une des branches, les plus occidentales, appellee
la nviere Hugly ou Oug/y. C om m e -o n
ne trouve pas. toujours des pilotes quand on en a
beloin les anglois & même les fran ço is, & les
H o llan d o is , qui y ont des comptoirs , entreticn-
r es 'P ‘ -*otAes a l’an n é e , qui font toujours à
liaJlafora, prêts à conduire les vaiffeaux dans
la riviere ; la navigation eft très-difficile & trè s-
dangereufe pour les étrangers, à caufe de la multitude
innombrable de bancs de fable & de bas
tonds qui partagent la rivière en une multitude
de canaux.
Si l’on excepte les mois d’oflobre, de novem-
Dre& de décembre, où des ouragans fréquens 8c
preique continuels , rendent le golfe de Bengale
impraticable , les vaifleaux européens peuvent entrer
le refte de 1 année dans le Gange. Ceux oui
veulent remonter ce fleuve reconnoiffent aüpara-
vant a pointe de Palmeros. Ils y font reçus par
les pilotes dont je viens de parler. L’argent qu'ils
portent eft mis dans des chaloupes nommées bots
du port de foixanre à cent tonneaux, qui vont
toujours devant les vaiffeaux. Iis arrivent par un
canal étroit entre deux bancs de fable dans la ri-
viere d Ougly. Ils s arrêtoient autrefois à Coulpy.
Depuis ils ont ofe braver les courans, les bancs
mouvans & elevés qui femblent fermer la navigation
du fleuve, & ils fe font rendus à leur defti-
nation refpeéhve. Cette audace a été fuivie de
plufieurs naufrages, dont le nombre diminue à
mefure qu on a acquis de l'expérience-, & que
1 efprit d obfervatton s'eft étendu. II faut efperer
que 1 exemple de l'amiral Watzon , qui, avec un
vailieau de foixante-dix canons, eft remonté juf-
qu a Chandernagor, ne fera pas perdu. Si l'on en
lait profiter, on épargnera beaucoup de temps
de foins & de dépenfes.
Outre cette grande navigation, il y en a une
autre pour faire arriver les marchandifés des lieux
memes qui les produifent, au chef-lieu de chaque
compagnie. De petites flottes compofées de quatre
vingt, cent bateaux, ou même davantage fervent
a cet ufage.-