deux mille drachme? , feroient exclus du .droit de I
'fuffrage., i l forma la arifiocratie quidut
poifïible , parce que ce cens étoitjfi petit y qu'il j
nlfixcliioit que peu de gens 3 &perfonne c(ui.;eût:
quelque confidération dans la cité, fan
Les familles ariflocratiques doivent donc être,
peuple autant qu'il eft poffible. Plus une arifio-
cratie approchera de la démocratie , plus elle fera,
parfaite; & elle le deviendra m o in s ‘à mefuçei
qu'elle approchera de la monarchie; ;
La plus imparfaite de toutes eft celle où la;
partie du peuple qui obéit eft dans l'e.fclavage ci-!
vil de celle qui commande , comme T arifiocratie
de Pologne, où les payfans font efclayes de la
noblelfe.
Comment les loix doivent fe rapporter au principe
du gouvernement dans 1‘ arifiocratie. Si., dans
Y arifiocratie le peuple elt vertueux, on y jouira
à - peu - près du gouvernement populaire §g$ &
l ’état deviendra puiffant. Mais , comme il
eft Tare que là où les fortunes des hommes
font inégales, il y ait beaucoup de vertu , il
faut que les loi* tendent à donner , autant
qu'elles peuvent J un efprit de modération ,
& cherchent \ rétablir cette égalité que la conf-
titution de l’état ôte néceffairement.
L'efprit de modération elt ce qu'on appelle la
vertu dans Y arifiocratie y il y tient la place de
l'efprit d’égalité dans l'état populaire.
Si le folle & la fplendeur qui environnent les
j-ois, font une partie de leur puiffance ; la mo-
dellie & la fimplicité des manières font la force
des nobles arillocratiques ( i) . Quand ils n’af-
feélent aucune diftinétion, quand ils fe confondant
avec le peuple ,. quand ils font vêtus comme
lu i, quand ils lui. font partager tous, leurs
piailirs, il oublie fa foiblelfe.
Chaque gouvernement a fo nature fon principe.
11 ne faut donc pas que Y arifiocratie prenne
la nature & le principe de la monarchie; ce qui
arriveroit, fi les nobles avoient quelques prérogatives
perfonnelles & particulières, diftinéfes de
celles de leur corps : les privijèges doivent être
pour le fçnat, & Je' fimple refpeéf pour Jes fç-
nateurs.
Il y a deux fources principales de défprdres
dans'les états arillocratiques ; l'inégalité exçrême
entre ceux qui gouvernent & ceux qui font gouvernés
, & la même inégalité entre les différens
membres du corps qui gouverne. De ces deux*
inégalités réfulteht des haines & des jaloufies que
Jes loix doivent prévenir ou arrêter.
La première inégalité fe trouve principalement
lorfque les privilèges des nobles ne font honorables
que parce qu'ils font, honteux au peuplé.
T e lle fut à JR orne la loi qui défendoit aux patriciens
de s'unir par le mariage aux plébéiens
ce qui n'avoît d'autre effet que de rendre d'un
côté les patriciens plus fuperbes, & de l'autre
plus.odieux. Il faut voir les avantages qu'en tirèrent
les tribuns dans leurs harangues.
. Cette inégalité fe trouvera encore fi la condition
des citoyens ell différente par rapport-aux
fubfides; ce qui arrive de quatre manières : lorsque
les nobles fe donnent le privilège de n'en
point payer ; lorfqu'ils font des fraudes pour s'en
exempter (3) ; lorfqu'ils les appellent à eux, fous
prétexte de rétributions ou d'appointemens pour
les emplois qu'ils exercent ; enfin quand ils rendent
les peuples tributaires , & ,fe partagent les
impôts qu'ils lèvent fur eux. C e dernier cas eft
rare ; une arifiocratie 3 en pareil cas , ell le plus
dur de tous les gouvernemens.
Pendant que Rome inclina vers l'ariftocratie',
elle évita très - bien ces inconvéniens. Les magif-
trats ne tiroient jamais d'appointemens de leur
magiftrature. Les principaux de la république furent
taxés comme les autres ; ils le furent même
plus ,. & quelquefois ils 'le furent feuls. Enfin ,
bien loin .de fe partager les revenus de l'état y tout
ce qu'ils purent tirer dutréfor public, tout ce que
la fortune leur envoya de richeffes, ils le diftri-
buèrent au peuple pour fe faire pardonner leurs
honneurs.(4).
C 'e fl une maxime fondamentale, qu'autant que
les diilributions faites au peuple ont de pernicieux
effets dans la démocratie, autant en ont-elles de
bons dans le gouvernement ariflocratique.. Les
premières font perdre l'efprit de citoyen, les autres
y ramènent.
Si l'on ne diflribue point les. revenus au peuple
, il faut lui faire voir qu'ils fon,t bien administrés
: les lui montrer , c'ell en quelque manière
l'gn faire jouir. Cette-chaîne d'or que l'on ten-
-doit à Venife, les richeffes que l'on portoit à Rome
dans les triomphes , jes tréfors jque l'on gardoit
dans le temple de Saturne , étoient véritablement
les richeffes du peuple.
Il eft fur-tout effentiel, dans Y arifiocratie 9 que
les nobles ne lèvent pas les tributs. Le premier
ordre de Létat. ne -s'en piêloit point à Rome : on
en chargea le fécond, 8c cela même eut dans la
fuite de grands inconvéniens. Dans une arifiocratie
où lçs nobles lèvçroient les tributs, tous les particuliers
feroient à la diferétion des gens d'affaire ;
il n'y auroit point de tribuhal fupérieur qui les
(1) De nos jours les Vénitiens qui, d bien des égards , fe font conduits trps-fagement, ont décide fur une difpute ,
«ntre un noble vénitien ôc un gentilhomme de Terre-ferme, pour une préfeançe dans une églife, que , hors dç Y©*
nii’e , un noble vénitien n’a point de préféance fur un autre citoyen.
(*) Elle fut mife par les décemvirs dans les deux dernières tables. Vaye\ Denys d’Halicamaflè, Iiy, 3Ç,
( j) Comme dans quelques arifiocraties de nos jpurs, Rien n’affoiblit tant l’état..
{4) Vo'je\ dans Serai» 9« , liv. XIV, çpmmçnt lçs rhodiens le conduifnenc à ^et égard*
corrigeât: Ceux d’entr'eux prépofés pour ôte^ les.
abus,, aimeroient mieux jouir des abus. Les nobles
feroient comme les princes^ des états defpoti-
ques, qui confifqûènt les biens de qui il leur
plaît, h
Bientôt les profits qu'on y feroit, feroient regardés
comme un patrimoine que l'avarice éten-
droit à fa foptaifie. On feroit tomber les fermes,
on réduiroit à rien les revenus publics. C'efl f>ar
là que quelques états, fans ayolï reçu d'échec
qu'on puiffe remarquer, tombent dans une foi-
bleffe dont les voifins.font furpris, & qui étonne
les citoyens mêmes.
Il faut^ue les Loix leur défendent auffi le commerce
: des marchands fi accrédités feroient toutes
fortes de monopoles. Le commerce ell la pro-
feffion des gens égaux ; & parmi les états despotiques,
les plus miférables font ceux où le prince
elt marchand.
Les loix de Venife (1) , défendent aux nobles
le commerce, qui pourroit leur donner, même
innocemment, des richeffes exorbitantes.
, Les loix doivrent employer les moyens les plus
efficaces pour que les nobles rendent juftice au
peuple. Si elles n'ont point; établi un tribun y il faut
qu'elles foient un tribun elles-mêmes..
Toute forte d'afyle contre l'exécution des loix ,
përd Y arifiocratie y & la tyrannie en eft toutprès.
Elles doivent iportifier dans tous les temps l'orgueil
de la domination. Il faut qffil y ait pour un
temps, ou pour toujours , un magiftrat qui faffe
trembler les nobles, comme les éphores à Lacédémone
, & les inquifiteurs d’état à; Venife,y mar
gillratures qui ne fontToumifes aaucunes formalités.
C e gouvernement a befoin .de .refforts bien
violens. Une bouche de pierre (2) s’ouvre à tout
délateur à Venife ; vous diriez que c'ell celle de
la tyrannie.
I Ces magillratures tyranniques, dans Y arifiocratie
3 ont du rapport à la cenfure de la démocratie,
qui par fa nature n'efl pas moins indépendante.
En effet, les cenfeurs n'y doivent pôint être re-
cherçhés fur lés chofes qu'ils ôiit faftës pendant
leur c e n fu r e s il faut leur donner de la confiance
3 jamais du découragement. Les romains étoient
admirables ; on pouvoit faire rendre à tous les
magiftrats (3) raifon de leur conduite, excepté
aux cenfeurs (4).
. Deuxchofes font pernieieufes datwY arifiocratie y
la pauvreté extrême des nobles:, & leurs richeffes
exorbitantes. Pour prévenir leur pauvreté, il faut
fur - tour les obliger de bonne heure à payer leurs
dettes. Pour modérer leurs richeffes, il faut des
difpofitions fages & infenfibles, non pas des confif-
càtions, des loix agraires, des abolitions de
dettes, qui font des,maux infinis.
Les loix dôivent ôter lé " droit d'aîneffe entre
les nobles (5)^.afin que pai le partage continuel
des fucceffions,,les fortunes fe remettent toujours
dans l'égalité. Il ne faut point. de fubllitutions ,
de retraits lignagers, de majorats , d'adoptions.
Tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur
des familles dans les états monarchiques, ne
fauroient être d'ufage dans Y arifiocratie (6).
Quand les loix ont égalifé les familles, il leur
relie à maintenir l'union entr'elles. Les différends
des nobles doivent être promptement décidés
fans cela , les conteftatiqns entre les perfonnes
deviennent des contellations entre les familles.
Des arbitres peuvent terminer les procès, ou les
empêcher de naître. .
Enfin , il. ne faut point que les loix favorifent
les diftinélions que la vanité met entre : les familles
, fous prétexte qu'elles font plus nobles ou
plus anciennes ; cela 'doit, être mis au rang dçs
petiteffes des particuliers.
On n’a qu'à jetter les yeux fur Lacédémone , on
verra comme les éphores furent mortifier les Foi-
bleffes des ro is , celles des g r a n d s c e l l e s du
peuple.
1 Des loix fomptuaires dans /'arïftocratie. Y.3aristocratie
mal conftituée a ce malheur , . que i les
nobles y oqt.lçs richelfes, & que cependant ils
ne doivent pas dépenfeT ; le luxe contraire à l'ef-
prit de; modération, en idoit être banni. Il n’y a
donc que des gens très - pauvres qui ne peuvent
pas recevoir, & des gens très-riches qui ne peuvent
pas dépenfer.
A Venife, les loix forcent les nobles à la mo-
dellie. Ils fe font tellement accoutumés à l'épargne
, qu'il n'y a que les courtifannes qui puiffent
leur faire donner de l'argent. On fe fert de cette
vôie pour entretenir l’indullrie; les femmes les
plus méprifablès y dépenfent fans danger, pen-
-dant que leurs tributaires y mènent la vie du
monde la plus obfcure.
Les bonnes républiques grecques avoient , à
cet égard, des inftitutions admirables. Les riches
employoient leur* argent, en fêtes, en choeurs de
mufique, en chariots, en chevaux pour la.courfe
( 1 ) Am-sloc da la - Houtfàye. du gouvernement de Venife , part. 3. La loi Claudia défendoic aux fénateurs d’avoir en
mer aucun vaiifeau. qui tînt plus de; quarante muids. Titc-Livd y liv. XXI.
Les délateurs-.y jettent -leurÿ,billets.-, (
i O Voyz^ jrite-L|ye:, liv; XL1X. Un .çenfeur ne pou voit, pas même être troublé par un çenfeur : chacun faifoit fa
note fans-prendre lJay^$ jd^-ûp; C'pllég^e 5 ,-ôc .quand on fit. a.ucçement, la cenfure fut , pont ainfi dire , renverfée
(4)^ A Athènes , les légiltes qui faifoient rendre compte à tous les magiftrats, ne rendoienc point compte eux-
Xs) Cela eft-ainlivétahli : à-, Venife., Amelot de la HouJJaye, pag. ,30 6* 31..
blefCc ftmWe ;.dc quelques frifiocraties fott moins.de maintenir ,l’état , que ce qu’elles appellent leur ho