
mais avec l’intention d’ y faire quelque commerce.
Ils y portent des draps , des quincailleries , des
miroirs3 des armes, du vin de Madère, de l’huile
de Portugal, 8c beaucoup d’autres chofes qu’ils
donnent a bien meilleur marché que la compagnie.
Ils en tirent quatre ou cinq cens mille florins,
qu’ils emploient à la Chine : ils voudroient être
payés avec du poivre 8c du câlin, fur lefquels
' ils feroient encore un bénéfice , mais les adminif-
trateurs n’ofent fe permettre c'ette infidélité ; d’ailleurs
les chinois, qui tiennent en fermes les douanes
de Batavia } ne favoriferoient pas volontiers
une contrebande, dont eux-mêmes, & les navigateurs
de leur nation, tirent de fi grands avantages.
Outre les vaifleaux d’Europe , on voit tous les
ans à Batavia trois ou quatre bâtimens anglois,
expédiés de différentes parties de l’ Inde. Ils ont
eflayé d’y. vendre de l’opium 8c des toiles , mais ils
n’ont pu en venir à bout. Leur commerce fe borne
à acheter du fucre 8c de l’arrak, dont on fait
une confommation immenfe dans leurs colonies.
L ’ arrak eft une eau-de-vie faite avec du riz , du
firop, du fucre 8c du vin de cocotier, qu’on laifle
fermenter, 8c qu’enfuite on diftille : c’ eft une
branche de commerce que l’induftrie des'hollandais
a enlevée aux portugais. La manufa&urè d’ar-
rak, établie originairement à G o a , a paffé en
grande partie à Batavia.
Toutes les marchandifes qui entrent à Batavia 3
ou qui en fortent, payent un droit de cinq pour
cent. Le produit de la douane eft affermé huit
cents foixante-quatre mille florins. Il ne faut pas
juger de l’étendue du commerce par cette règle.
Les gens en place ne payent que ce qu’ ils jugent à
propos ; 8c la compagnie ne paye rien , parce
qu’elle fe paieroit a elle - même : quoiqu’elle y
faffe la plus grande partie des affaires, fesbénéfices
fur les produ&ions propres à Batavia y n’en
couvrent pas les dépenfes , qui montent à trois
millions de florins.
Batavia eft le féjour d’un confeil, qui donne
des loix à tous les établiflemens de l’In d e , 8c
qui en dirige toutes les affaires. Il eft compofé du
général., du dire&eur - général, de cinq confeil-
lers ordinaires-, 8c d’un petit nombre de confeil-
îers extraordinaires, qui n’ont point de v o ix , i
mais qui remplacent les confeillers ordinaires
morts jufqu’à ce qu’on ait reçu des nouvelles d’Eu-
rope.
C ’eft la dire&ion d’Europe qui nomme à ces
places. Mais ceux qui ont de l’argent, qui font
parens ou protégés du général, obtiennent allez
fouvent la préférence. Lorfque le général meurt,
les directeurs 8c les confeillers ordinaires lui donnent
provifoirement un fuccelfeur , qui ne manque
guères d’être confirmé. Quand il ne l ’élt
pas, il n’entre plus au confeil, mais il jouit de
tous les honpeurs qu’on accorde aux généraux
retirés. ,
Le général rapporte au confeil toutes les affaires-
de Tille de J av a, 8c chaque confeiller„celles de
la province des Indes qui lui eft confiée. Le directeur
a l’infpeCtion de lacaifîe 8c des magafîns
de B a ta v ia , qui verfent dans tous les autres éta-
blilfemens.'Tous les achats > toutes les ventes font
de fon refibrt. Sa fignature eft indifpenfable dans
chacune des opérations du commerce.
Quoique tout doive fe décider dans lç confeil
à la pluralité des voix , le général y exerce ordinairement
un empire abfolu. Il doit cet empire;
aux foins qu’il prend de n’y placer que des hommes
médiocres, qui cherchent fes bonnes grâces ,
afin d’avancer leur fortune 8c celle de leurs créatures.
S’il éprouvoit une réfiftance qui lui déplût,
il feroit le maître de fuivre fon avis en fe chargeant
de l’évènement.
Le général , ainfi que tous les autres, n’ eft
nommé que pour cinq ans. Il meurt ordinairement
dans fa place. Quelques - uns abdiquèrent
autrefois , afin de pafler à Batavia une vieilleffe
tranquille j mais ils éprouvèrent des défagrémens
de la part de leurs fuccefîeurs, 8c ils fe repenti*
rent de leur abdication : les derniers généraux
font tous morts en charge.
La cour du général étoit jadis très - faftueufe.
Le général Imhoff fupprima cette pompe comme
inutile 8c embarraflante. Quoique tous les ordres
puiflfent afpirer à cette dignité, un militaire
n’y eft jamais parvenu., 8c on y a vu bien pende
gens de loi. Elle eft toujours remplie par des
négocians. Ceux qui font nés dans l ’Inde ont rarement
affez d’intrigue ou de talent pour y arriver.
Les appointemens de ce premier officier font
médiocres ; il n’a que mille florins par mois , 8c
la même fomme pour fon entretien . Il a la liberté
de prendre dans les magafins tout ce qu’iî
v eu t, au prix coûtant; il fe permet de faire-
le commerce qui lui convient, 8c il jouit d’une
grande fortune. Quoique la compagnie ne donne
que deux cens florins par mois aux confeillers
, 8c des denrées pour la même valeur, ils s’en-
richiflent également, 1
Le confeil ne s’afîemble que deux, fois la femar-
n e , à moins que des éyènemens extraordinaires
n’exigent un fravail plus fuivi. Il donne tous les
emplois civils 8c militaires dé l’Inde excepté
ceux d’ écrivain 8c de fergent, qu’on a cru pouvoir
abandonner fans inconvénient aux gouverneurs
particuliers. Tout homme qüi eft éleve à un grade,
eft obligé de jurer qu’il n’ a rien promis , ni rien
donné pour obtenir fa place. C e t ufage qui eft
fort ancien multiplie les faux fermens , 8c ne met
aucun ôbftacle à l'a corruption.
Toutes les combinaifons de commerce,, fans
en excepter celles du Cap de Bonne-Efpérance ,
font- faites par le confeil j il règle même les cargaisons
des vaifleaux qui partent dire&ement dit
Bengale 8c de Ceylan, J-es comptes de ces vaifv
féaux, comme ceux de tous les autres , fe ren-
• dent à Batavia.
. Le confeil des Jndes eft. fubordonné à la direction
de Hollande. Quoique cette direction foit
une, dans toute la rigueur du terme, le foin de
vendre deux fois l’an les marchandifes , eft partagé
entre les fix chambres intérelfées dans ce
commerce. Leurs ventes font proportionnées aux
fonds qu’elles y ont placés.
L ’afîemblée générale, qui dirige lesopérations de
la compagnie, eft compofée des directeurs de toutes
les chambres. Amfterdam en nomme huit, la Z é lande
quatre, les autres chambres un çhâcune, 8c
l ’état un feul. On voit qu’ Amfterdam ayant la moitié
des voix , n’a befoiri que d’en gagner une pour
dominer dans les délibérations, ou tout fe décidé
à la pluralité des fuffrages.
C e corps, compofé de dix - fept perfonnes ,
s’aflfemble deux ou trois fois l’année ; les aflem-
blées fe tiennent à Amfterdam ou à Middelbourg.
Les autres chambres font trop peu confidérables
pour jouir de cette prérogative. L’expérience
ayant appris que le fuccès dépendoit fouvent du
fe cret, on imagina , un peu après le milieu du
dernier fiécle, de choifir entre les dix - fept députes
quatre des plus éclairés, pour les revêtir du
droit de tout régler pour l’Europe '8c pour les
Indes, fans l’aveu de leurs collègues , fans obligation
même de les confulter.
Il eft vrai que le myftère de leurs opérations ,
8c les fuites qu’il a eues , ne peuvent pas être
long - temps cachés. Les vaifleaux qui, à la fin de
l’été , reviennent en flotte , apportent régulièrement
le bilan de l’ Inde. On le compare à celui
d’Europe. La balance générale de l’ état de la compagnie
, eft toujours rendue publique au mois de
mai. Chaque intérefîe fait combien on a gagné ou
combien on a perdu; le gain eft ordinairement
confidérable.
La population de B a ta v ia ,. en y comprenant j
celle des fauxbourgs 8c de la banlieue, ne pafie
pas cent mille âmes. Les efclaves en forment la
plus grande partie. On y ,.voit aufli des Malais ,
des javanois, des macaffars libres, aflez paref-
feux, 8c des chinois qui exercent prefque exclu-
fivement tous les métiers, 8c conduifent toutes
les manufactures. Il peut y avoir dix mille Euro-,
péens. Quatre milled’entr’eux, nés dans l’Inde,
ont dégénéré à un point qu’on a peine à croire.
Cette étrange dégradation peut être attribuée à
Lyfage généralement reçu d’ abandonner leur éducation
à des efclaves.
Voye^ les articles J a v a 8c P r o v i n c e s -
U n i e s.
BATJMENS D U ROI. Depuis que le luxe 8c
la magnificence ont multiplié les maifons royales,
?u point où nous les voyons aujourd’hui, l’admi-
niftration de cette partie, jointe à ce qui regarde
les arts ôc les arCiftes, eft devenue un départe-
1 ment confidérable. Le chef de cette adminiftra-
tion portoit anciennement le titre de Maître général
des bâtimens de f a majefié, ponts & chauffées
de France 3 juge & garde de la jurifdiclion royale des
bâtimens. L ’on, créa en fuite plufieurs offices de
maîtres généraux des bâtimens , auxquels a fuccédé
le titre de furintendant des bâtimens ; ce dernier a
ete remplacé par celui de directeur & ordonnateur
général des bâtimens du roi. L ’édit de Louis X V I ,
fait connoître les prérogatives 8c les fondions
attachées à cette place , 8c nous le rapporterons
en entier. Jufqu’ à cet édit la plupart des emplois
dépendans des bâtimens du roi, s’achetoient; 8c
on ôtoit ainfi au mérite 8c au talent un motif
puiffant d’émulation. Louis X V I y a fubftitué
des commilfions , 8c on n’accorde plus ces com-
miffions qu’aux artiftes diftingués.
D é c l a r a t i o n b u ro i , portant
fupprejfion d’offices & commiffiions dans
l ’admiriiflratïon des bâtimens du roi , avec
réglement pour ce- département.
Donnée à Verfailles le premier feptembre 1776V
Enrégifirée au parlement le 7 du même mois.
I jO u i s j p arla grâce de D ie u , roi de France
8c de Navarre : A tous ceux qui ces prélentes-
lettres verront j falut. L ’intérêt que l’adminiflra-
tion.de nos bâtimens préfente, pour l ’économie
de nos finances , 8c pour le progrès des arts que
nous délirons encourager, nous a porté à nous
faire rendre, un compte approfondi de tous les
détails de ce département. Nous avons, reconnu ,
par l’examen que nous avons fa it , qu’il eft indifpenfable
de renouveller ou modifier la plupart
des réglemens intervenus fur. le fait de ladite adr
miniftration, 8c même de fubftituer à des éta-
bliffemens anciens, qui ne peuvent plus répondre
fuffifamment à la fagefle des vues de ceux qur
les ont formés , des établiflemens nouveaux plus
convenables aux circonftances actuelles. En prégnant
la réfolution d’y pourvoir, nous avons con-
fidéré d’ abord l’état, l’autorité 8c les fondions
de l’adminiftrateur prépofépar nous ,. fous le titre
de directeur 8c ordonnateur général de nos bâtimens
; cette adminiftration a repofé long-temps-
dans les mains d’un officier pourvu avec le titre -
de fur - intendant 5 cet office, après avoir été
éteint 8c fupprimé par édit du mois d’aout 1.70$,.
8c avoir été enfuite rétabli par édit de janvier
1716, enregiftré en notre cour de parlement le
7 feptembre de la même année, avoit été défini*:
tivement fupprimé par un autre édit du mois d’aoiît
1 7 2 6 , regiftré en notre parlement-le 30 août
de la même année, 8c par lequel le feu Roi ,
notre très-honoré feigneur 8c aïeul, réferva de
pourvoi* à la direction générale des bâtimens