
L'efpiit de liberté fe montre plus ou moins
dans ces conftitutions. Celle de la Caroline fep-
xentrionale, l'une déS premières qu'on ait formée
, eft en même-temps l'une des plus démocratiques.
Elle établit d'une manière expreffe les
droits facrés du peuple, la liberté du citoyen &
celle de la preffe ; elle adopte la jurifprudence criminelle
d'Angleterre, dont tout le monde connoît
la douceur & la fageffe ; elle ordonne la tolérance
d'une manière affez générale ; elle fupprime la
noblefle, les fubllitutions héréditaires, & les privilèges
exclufifs.
Elle abolit toute autorité monarchique, mais elle
a été rédigée d'ailleurs fur celle d'Angleterre , autant
que les circonftances le permettoient : au relie
il faut remarquer ici une différence bien eflen-
tielle. L'aflemblée générale, c'eft-à-dire, le fénat
& la chambre des communes réunis, nomment à
tous les emplois civils 8e militaires ; le gouvernement,
le confeil d'état 8e tous les départemens
font fubordonnés à l'aflemblée générale , qui a
le droit de les dépofer 8e de les punir.
Elle permet, il eft vrai, au gouverneur d'accorder
des grâces 8e des répits , jufqu’à la pro-
chaîne affemblée générale ; mais on a^ mis plu-
fieurs modifications à cet article. Peut-etre la loi
doit-elle s'exécuter à la rigueur dans les gouver-
nemens libres. Quoiqu'il y ait des coupables
dignes de paidon , lorfque les loix (ont boue
nés , il y a peut - être moins d'inconvénient à
punir à la rigueur , qu a revêtir un homme du
droit de faire grâce , même pour un temps.
Elle a pris beaucoup de précautions pour empêcher
le gouverneur d'acquérir une autorité trop
grande ; elle doit fur-tout craindre les ufurpations
dé cet officier chargé d'une partie du pouvoir exécutif,
8e l’état ne peut le furveiller avec trop
de foin.
La Caroline feptentrionale a adopté les formes
& les ufages de la conftitution d'Angleterre ; elle
a même profité de toutes lès vues qu'on a pro-
pofées afin de mieux affurer la -liberté du parlement
britannique. ( V. l'art. 17. ) Par exemple, les
officiers des troupes réglées ou de la marine au fer-
vice ou à la paye de la république ; les traitans,
les fournifleurS, les agens, les mimftres & les pre-
4icateurs. ne peuvent avoir place dans le fénat la
chambre des communes ou- le confeil d'état > les
fecrétaires d’état , les juges des cours fupèrieu-
res d’enquête ou d amirauté , les procureurs généraux
ou greffiers, ne peuvent fîeger ni dans le
fénat, ni dans la chambre des communes. Tout
membre du fénat ou de la chambre des communes
a droit de faire enrégiftrer fon avis fur les
journaux, & de protefter contre h réfolution
qu’on vient de prendre. Tous les hommes libres
qui font âgés de 21 ans, qui ont refîde une année
dans l’état, & qui ont payé 1« taxes publiques
j, ont droit de donner leur fuffrage a le~
le&ion des répréfentans. On n’exige d’eux aucun
bien.
La reftri&ion mife à la tolérance par l’art. 32 *
mérite d’étre obfervée. On lame à chaque
habitant le foin d’adorer l’être fuprême à fa manière.
On exige feulement qu’il croie en Dieu
& à la vérité de la religion proteftante pojfeder des charges lucratives ou des e,m sp'lioli sv eduet
confiance dans le département civil de l'état. Il pa-
roît que , dans le département militaire, on n’exige
de lui aucun ferment religieux.
La chambre des repréfentans n’eft peut - être
pas affez nombreufe. Les comtés n’y envoient que
deux membres , & les fix municipalités défignées
par l’article 3 un feul. La Caroline méridionale ,
ainfi que nous le dirons dans l’article fuivant, a
eu raifon d’augmenter ce nombre.
Cette coUftitution a été rédigée à la hâte, 8c
au milieu de la guerre. Il falloir établir tout de
fuite des loix fondamentales & une forme de
gouvernement j on fait combien ces ouvrages demandent
de combinaifons & de maturité , 8c
l’on doit s’étonner que celui - ci foit aufli parfait
. Nous ferons ailleurs des obfervations générales
fur les conftitutions des Treize-Etats-Unis , & des
obfei>ations particulières fur celles de chacun des
états. Voye7 les articles des autres Et a t s -Unis,
& fur-tout les articles Et a t s -U nis & C a r o line
MÉRIDIONALE.
S e c t i o n I I Ie.
Remarques fur le ffoepl Gter*n latr pioonpaulleation delà Caroline .
La Caroline feptentrionale eft une des plus
grandes provinces du continent. Malheureu-
fement , elle n’offre pas des avantages proportionnés
à fon étendue. Le fol y eft généralement
plus plat, plus fabloneux, plus rempli de-
marais qu’à la Caroline méridionale. Ces trilles
plaines font couvertes de pins ou de cèdres, ce
qui annonce un terrein ingrat, & femées par intervalle
d’un petit nombre de chênes , trop gras
pour être employés à la conftruéiion des/vaifTeaux;
Les côtes généralement barrées par un banc de
fable qui en écarte les navigateurs , n’appellent
pas plus impérieufement la population que l’intérieur
des terres. Enfin le pays eft plus expofé
que les contrées limitrophes aux ouragans qui
viennent du fud-eft.
Ces motifs éloignèrent fans doute les angîois
de la Caroline Septentrionale , quoique ce fût la
première plage qu’ils euflent découverte dans le
Nouveau-Monde. Aucun des nombreux expatriés
que leur caractère, ou leur fîtuation poulfoient dans
cet autre hémifphcre , n’y portoit fa misère ou
fon inquiétude. Ce ne fut que tard que quelques
vagabonds, fans aveu > fans loi, fans, projet * s’y
fixèrent. Mais avec le temps les terres devinrent
rares dans les autres colonies > & alors les hommes
qui n’étoient pas en état d en acheter , refluèrent
dans une région qui leur en offroit gratuitement.
On voit aujourd’hui dans la province,
félon le congrès, trois cent mille âmes, ou 1 on
ne compte que très-peu d’efclaves. Peu de ces
habitaris font anglois, peu font irlandais peu
font allemands. La plupart ont une origine ecof-
foife.
Chacun connoît les moeurs des montagnards
écoffois î ils ont offert long-temps le fpeétacle
des anciens patriarches. Les feigneurs vivoient au
milieu de leurs vaffaux, qu’ils cheriflbient, 8c
qu’ils traitoient comme leurs enfans.
Cet ordre de chofes fubfifia pendant une longue
fuite de fiècles, fans la moindre alteration.
À la fin les feigneurs contractèrent l’habitude de
pafler une grande partie de leur vie en voyages
à Londres ou à la cour. Ces abfences répétées
détachèrent d’eux des vaffaux qui les voyoient
moins, 8c qui n’en étoient plus fecourus. Alors
des hommes, qu’aucun lien d’affeélion ne rete-
noit plus dans leurs ftériles& fauvages montagnes,
fe difpersèrent.. Plufieurs allèrent chercher une
autre patrie dans plufieurs provinces américaines.
Le plus grand nombre fe réfugia dans la Caroline
5 eptentrional e.
Ces colons font rarement raflemblés. Aufli
font-ils les moins inftruits des américains , les
plus indifféreqs pour l'intérêt public. La plupart
vivent épars fur leurs plantations, fans ambition
6 fans prévoyance. On leur trouve peu d ardeur
pour le travail, 8c rarement font-ils bons cultivateurs.
Leurs moeurs domelliques font meilleures que
leurs moeurs fociales ; 8c il eft prefque fans exemple
qu'un homme ait eu quelque liaifon avec une ef-
clave. C'eft le porc, c'eft le lait, u'eft le mais
qui font leur nourriture j 8c I on ^ n'a d autre , intempérance
à leur reprocher, qu une paflion de-
mefurée pour les liqueurs fortes.
S e c t i o n I V e.
De la culture & du commerce de la Caroline
Septentrionale.
des piles de pin : on mettoit le feu à ce bois, 8c
la réfine en découloit dans des barils placés
au-deffous. Le goudron fe réduifoit en poix, foit
dans des grandes chaudières de fer où on le fai-
foit bouillir, foit dans des folles de terre glaife ,
où on le jettoit en fufion. Avec le temps, la province
Les premiers malheureux , que le fort
jetta fur ces rives fauvages , fe bornoient
à couper du bois qu ils livroient aux navigateurs
qui fe préfentoient pour 1 acheter. Bien*
tôt ils demandèrent au pin qui couvroit le
pays , de la térébenthine, du goudron, de la
poix. Pour avoir de la térébenthine , il leur fuf-
fifoit d'ouvrir, dans le tronc de 1 arbre, des fil"
Ions qui', prolongés jufqu'à fon pied, aboutif-
foient à des vafes difpofés pour la recevoir. Vou-
loient-ils du goudron ? ils élevoient une platte-
forme circulaire de terre glaife, où ils entaffoient
parvint à fournir à l'Europe des cuirs, un
peu de cire, quelques fourrures, dix ou douze
millions pefant d'un tabac inférieur; 8e aux Indes
occidentales , beaucoup de cochon falé ,
beaucoup de maïs, beaucoup de légumes fecs ,
une petite quantité de mauvaifes farine^, 8c plufieurs
objets de moindre importance. Cependant
les exportations de la colonie ne pafloient pas
douze ou quinze cent mille livres.
Le foin de voiturer fes propres denrées, n’a
pas occupé la Caroline feptentrionale. Ce que fon
fol fournit au nouvel hémifphère, a été enlevé
jufqu'ici par les navigateurs du nord de l'Amérique
, qui lui portoient en échange des eaux-de-
vie de fucre, dont elle n’a pas ceffé de faire
une confommation immenfe. Ce qu'elle livre pour
l'Ancien, a pafle jufqu'ici par les mains des anglois
qui lui fournifloient fon vêtement, les inf-
trumens de fa culture & quelques negres.
Dans toute l'étendue des côtes il n 'y a que
Brunfwick qui puifle recevoir les navires deftinés à
ces opérations. C e u x qui ne tirent que feiz^e pieds
d'eau abordent à ce tte ville bâtie prefqu'à l'em-
bouchùre de la rivière du C a p F e a r , vers l'e x tré mité
méridionale de la province. W ilgm in to n ,
fa ca p ita le , placée plus haut fur le même fleu v e ,
n'admet que des bâtiqiens beaucoup p lH S petits.
En 17J4 la Caroline Septentrionale expédia
foixante 8c un mille cinq cent vingt-huit barils de
goudron, douze mille cinquante-cincj de poix, 8e
dix mille quatre cent vingt-neuf de térébenthine ;
fept cent foixante-deux mille trois cent-trente
planches, 8e deux millions fix cent quarante-fept
pieds de bois ; foixante 8; un mille cinq cent quatre
vingt boifîeaux de bled, & dix mille de pois;
trois mille trois cent barils de boeuf ou de cochon
, 8c Cent muids de tabac ; dix mille quintaux
de cuirs tannés, 8c trente mille peaux de
toute efpèce.
Il n'y a pas un feul article, dans l’énumération
qu'on vient de voir , qui n'ait reçu un accroiffe-
ment fenfible depuis cette époque. Plufieurs ont
doublé; 8c le plus riche de tous, l'article de
l’indigo , s'eft elevé même au-deflus du triple.
Le voyageur américain, qui a parcouru les
Treize-Etats-Unis en 1770 par ordre du gouvernement
d'Angleterre , donne l'état des exportations
8c des importations de la Caroline feptentrionale
avant les derniers troubles. Nous croyons
devMoairr ckl'ainnfdéirfeesr iecxip.ortées de ta Grande-Bretagne
pour la Caroline feptentrionale. Fer ; acier, cul—
vie, étain , fer. blanc 8c bronze travaillés, mas