
rais ? il faut d'abord qu'il fepare la propriété qu'il
va fe donner du terrein qui l'environne ; qu'il y
abatte les arbres & les brouiTailles ou en fafïe
écouler les eaux j qu'il débarrafle le fol des pierres
ou des racines parafites 5 qu'il le nettoie 8c le
nivelle , le défonce & le profonde ; qu'il y plante
des haies & des arbres fruitiers ; qu'il y faife des
chemins commodes pour les voitures ; enfin qu'il
y conftruife une maifon néceflaire au logement
des cultivateurs , des étables pour les animaux de
labour & de b a ffe -cou r , & des granges pour
ferrer & mettre à couvert lés fruits 8c les diveirfes
productions de la ferme. Voilà quelles font les
premières dépenfes qu'exige cette fondation , dé-
penfes qui pour cela même font appellées avances
foncières.
Les vignes demandent pour avances foncières
la préparation du fol , une plantation 3 8c en outre
la conftru&ion des édifices qui renferment les
prelïoirs & les cuves 3 des caves ou celliers pour
les barriques.
Les bois eux-mêmes, quand on veut en planter
de bonne efpèce 3 exigent des avances foncières 3
8c les prairies de toute forte ne fe forment point
fans des dépenfes plus ou moins confîdérables.
II eft un moyen fîmple 8c ulïté d'éviter les
embarras & les rifques auxquels font expofés trop
fouvent les défricheurs 3 les planteurs , les bâ-
tiffeurs 3 les créateurs enfin qui mettent en valeur
une terre inculte 5 c’eft de faire l'acquifîtion d'un
bien tout fait & déjà rendu productif par des
avances foncières. Le prix que donne l'acquéreur ,
ell de fa part le rembourfement des avances foncières
; & la propriété cédée par le vendeur 3 eft
le droit qui réfulte de ces avances. L'acquéreur
eft donc le repréfenfant du premier défricheur. Il
en exerce les droits à titre du rembourfement qu'il
lui a fait de fes avances , comme l'héritier les
exercerait par le privilège de fa naiffance & de
laioi qui rend tranfmiffiblesles hérédités foncières.
Avances primitives.
Les fécondés dépenfes productives font les avances
primitives de la culture ou de l’exploitation : !
elles font occafionnées par l'achat des beftiaux 3
des inftrumens & des outils ruraux de toute efpèce.
Les échalats, les cuves, les prelfoirs, & c .
font les avances primitives ou les dépenfes de premier
établiffement de la culture des vignes. Il faut
pour les grains* des charrues & des charretes, des
animaux de labour, de transport 8c d'engrais ,
plufieurs inftrumens de divers genres. Tous ces
objets de dépenfes font appelles avances primitif
ves » parce qu’on doit commencer par elles , &
qu'avant d’entreprendre aucun travail de culture
ou d’exploitation, il faut fe munir d'inftrumens ,
d’animaux, & de toutes les chofes néceffaires à
fon entreprife ; & pourvoir en fus à l'entretien
8c à la nourriture de tous les hommes 8c de tous les
animaux de la ferme, depuis le temps des pre*
miers travaux, jufqu'à celui où ils peuvent fubfîfter
fur les produits de la première récolte.
Cette fécondé efpèce de dépenfes n'eft pas
moins productive que la première j car elle n'influe
pas moins fur la récolte ou fur la production
totale annuelle, quoiqu'elle ne fe renouvelle pas
en entier tous les ans, comme les fruits qu'elle
concourt à faire naître. On peut obferver ici
que les avances primitives ont un double but 8c
une double utilité;
Leur premier but eft d'épargner les dépenfes
journalières & annuelles, 8c c'eft en cela que
confifte leur première utilité. Une bonne charrue
attelée de quatre forts chevaux , laboure en un
feul jour plus de terre que douze hommes n'en
pourroient bêcher à la main. Une charrete tra înée
par les mêmes animaux * vous tranfporte en
une journée plus de fruits récoltés que quinze
hommes n'en porteroient : il ne faut qu'un feul
charretièr, les chevaux vivent en partie de la
paille & du fourage que les hommes ne mange*
rpient pas, & ils reftituent en engrais une partie
de cette dépenfe. C ’eft aufli pour diminuer le$
travaux continuels & les falaires des hommes
qu'on invente dans les carrières & les mines ,
des machines qui élèvent & tranfportent les fardeaux
, qui épurent les matières y qui deffèchent
les eaux nuifibles en plus grande quantité, avec
moins de confommarion & de dépenfe. Epargne
de dépenfe journalière 8c annuelle , voilà donc le
premier des motifs qui engage aux avances primitives.
Combien de peines , de falaires & d’embarras
, s’il falloir tranfporter , prefîurer, cuver
la vendage & le vin , par petites parties , 8i
de même voiturer les barriques une à une dans
les grands vignobles.
Le fécond objet qu'on fe propofe dans les
avances primitives, c'eft de multiplier la quantité
des productions, d'améliorer leur qualité ou
d'aflîirer leur confervation 5 c'eft par exemple
pour ces trois motifs à la fois qu’on met aux
vignes des échalas j c'eft pour augmenter leur
fertilité qu'on les teyrp.te j 8c l'on marne lesterres
froides pour les échauffer 8c les rendre long-temps
productives, 8cc.
Avances annuelles,
Enfin la troifième forte de dépenfes de la cul-'
ture eft ce qu’on nomme avances annuelles. Elles
confiftent dans les fraix néceffaires pour préparer
la terre pour femer , planter, cultiver, récolter ;
pour nourrir & entretenir les ouvrier^ agricoles dévoués
à ces travaux jpour alimenter 8c loger, le$ ani-*
maux domeftiques. Toute récolte eft précédée ou
accompagnée de ces travaux 8c de ces dépenfes
qui fe renouvellent chaque année.
L'art d'élever les grands & les petits troupeaux
exige également des avances annuelles,
N pu£ difons que les dépenfes de-ce genre pré*
cèdent ou accompagnent chaque année la production
& la récolte 5 quelles la préparent 8c
l'occafionnent immédiatement. En effet elles font
indifpenfables dans toute exploitation, & fur-tout
dans celle de terres , 8c c'eft pourquoi l'épithète
de dépenfes productives leur convient à merveille.
Les avances qu'un proprétaire ' fait chaque
année pour payer fon jardinier ,8c fes manoeuvres
, pour lui fournir des graines, des plants ,
des engrais, font productives des fleurs & des
légumes qui croiffent dans fon parterre 8c dans
fon potager. Celles que fait chaque année un
fermier pour entretenir fon berger & fon troupeau,
font productives de la laine qu’il tire de fes
moutons : enfin la dépenfe qu'on fait en falaires
d'hommes, pour réparer la clôture, balayer, rigoler
, arrofer les prés » eft en quelque forte productive
de l ’herbe qu'ils portent & du foin qu'on
y recueille > d'où nous pouvons conclure que les
avances annuelles , ou la troifième efpèce de dépenfes
de la culture font également néceffaires à
la production , & par conféquent productives ;
qu'elles font les préliminaires indifpenfables de la
récolte 8c les caufes préparatoires les plus immédiates
de la production totale.
Toutes ces dépenfes dé la culture ou avances
productives font un prêt fait à la terre par le
propriétaire & le cultivateur, dans le deffein &
k jufte efpérance de s'en faire paÿer l'intérêt avec
profit. Sans ce motif 8c fans cet efpoir légitime ,
il n'y auroit ni champs ni récoltes. On cultive
la terre , parce qu'on fait qu'elle rendra , non-
feulement les grains qu'on lui a confiés , mais
parce qu'on ne doute pas qu'elle n'accorde un
furcroît de production fuffifant pour indëmnifer
le prêteur j 8c la terre n'eft point ingrate. L'expérience
fait voir que cette mère nourrice eft
libérale dans des proportions réglées ; qu'elle rend
peu à qui lui donne peu 5 mais qu'elle augmente
fa libéralité dans une progreflion furprenante, à
mefure qu'on a foin d'augmenter les avances qu'on
fait pour elle. Plus ces avances font fortes, plus les
intérêts qu'elle paye font confîdérables. Les profits
qu'elle donne ne font jamais plus grands que
lorfqu'on n'a rien épargné pour la cultiver.
Si la terre ne répondoit pas avec ufure à nos
travaux & à nos avances, la fécondé génération
des hommes n'eût jamais été plus nombreùfe que
la première j car où s'arrête la fubfiftance, la fe
bo.rne la population. C'eft une erreur des. citadins
de croire qu'il ne faut que des bras pour
rendre la terre productive. Pour avoir de grands produits
, il faut'avoir de fortes avances. Pour faire
de-terres incultes, un empire fertile & puiffant,.
il faut s'occuper des richelfes 8c non des mariages
; car ceux-ci feront toujours une conféquence
naturelle des autres : un pays riche eft toujours
bien peuplé.
Ce font les avances foncières qui font le titre
primordial du propriétaireau moyen-, duquel il
vend fon domaine ou il l ’afferme, & en perçoit
les revenus fans conteftation ; ce font les
avances primitives & annuelles qui afïignent au
cultivateur une part fur ces revenus, dans la
proportion de fes avances y car il eft jufte 8c né-
ceflaire que c e lu i- c i tire également une jufte
rétribution , o u , fi l'on veut , un intérêt proportionné
à ces dépenfes.
On apprécie & on calcule ces dernières avances%
8c l'intérêt qu’elles doivent rendre , comme nous
le verrons dans^ un moment > quant à l'entretien
foncier , qui dépend de la folidité des premiers
établiffemens , des cas fortuits, & c . il ne fe calcule
pas.
Entretien , réparations & renovation des avances
primitives.
Les outils 8c les machines de toute efpèee ,
grands & petits, qui forment la première portion
des avancés primitives ou de premier éta-
bliffement, fe confomment par l’ufage ; il faut
de temps en temps renouvel 1er les bêches j les
charrues, les charretes & les autres outils aratoires
5 il faut même une fuite habituelle de réparations
, & d'ailleurs il arrive toujours des accidens
8c des pertes imprévues.
Dans les grandes entreprifes de culture , dans
les fortes exploitations de bois & autres fembla-
bles travaux, il fe fait une dépenfe aftez forte
pour le rétablifiement périodique des premiers
inftrumens , qui forment les avances primitives.
Les animaux de toute efpèce exigent un pareil
entretien. De même qu'on eft obligé de renou-
veller de temps en temps à la ville les voitures 8c
les chevaux, tout de même à la campagne un
fermier eft obligé de renouveller fes charrues , fes
charretes , fes tombereaux , fes boeufs ou fes
chevaux de labour. Nos meubles ne durent pas
toujours, & ceux de la ferme, de la vacherie ,
de l'étable , du parc à moutons, s'ufent auffi ; les
cuves , les prefloirs 8c les échalas fur-tout ont
grand befoin de renovation. Les dangers & les
accidens font bien plus fréquens & plus coûteux
à la campagne.
Pour prendre un point fixe dans une matière
où les diverfités naturelles 8c accidentelles- font fi
grandes, on a eftimé qu’il falloit confacrer à-
peu-près chaque année un dixième du prix principal
, à l'entretien & à la réparation des avances
primitives j c'eft-à-dire, que fi on fuppofe dans
une grande 8c belle ferme pour trente mille livres
de pareilles avances primitives, il faut fuppofer
alors que le fermier doit en retirer, pour l'intérêt
de fon argent & pour l'entretien de fon at-
telier , trois mille livres , en compenfant les
années les unes par les autres du fort au foible y
8c les accidens ou cas fortuits avec les événemeus
ordinaires ; que l'entretien , les réparations, les
renovations fucceflives-, n a turelîes oit accidentelles.