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commandement, afin qu'ils le diftribuent en détail
dans les provinces.
Il n'y a rien qui enlaidiffe certains courtifans
comme la préfence du prince 5 à peine les puis-je
reconnoître à leurs vifages, leurs traits font altérés
, 8c leur contenance eft avilie. Les gens fiers
& fuperbes font les plus défaits, car ils perdent
plus du leur : celui qui eft honnête 8c modefte ,
s'y foutient mieux, il n'a rien à réformer.
On fe couche à la cour, & Ton fe lève fur l'intérêt :
c'eft ce que l'on digère le matin 8c le foir, le jour 8c
la nuit 5 c'eft ce qui fait que l'on penfe, que l'on
parle ; que Ton fe tait, que l'on agit ; c'ell^ dans
cet efprit qu'on aborde les uns, 8c qu'on néglige
les autres, que l'on monte & que l'on defeend 5
c'eft fur cette règle que l'on- mefure fes foins, fes
complaifances, fon eftime, fon indifférence, fon
mépris. Quelques pas que quelques-uns faffent par
vertu vers la modération & la fageffe, un premier
mobile d'ambition les emmene avec les plus avares
, les plus violens dans leurs defirs, 8c les plus
ambitieux : quel moyen de demeurer immobile où
tout marche, où tout fe remue, & de ne pas
courir où les autres courent ! On croit même être
refponfable à foi-même de fon élévation & de fa
fortune 5 celui qui ne l'a point faite à la cour s eft
cenfé ne l'avoir pas dû faire, on n'en appelle pas.
Cependant s'en éloignera-t-on avant ffen avoir tiré
le moindre fruit, ou perfiftera-t-on à y demeurer
fans grâces & fans récompenfes ? Queftion fi épi-
neufe, fi embarraffante & d'une fi pénible déci-
fion, qu'un nombre infini de courtifans vieilliffent
fur le oui 8c fur le non , & meurent dans le
doute.
Il ne faut rien exagérer, ni dire des cours le
mal qui n'y eft point : on n'y attente rien de pis
contre le vrai mérite, que de le biffer quelquefois
fans récompenfe j ©n ne l'y méprife pas toujours
: quand on a pu une fois le difeerner, on
l'oublie } & ceft-là où l'on fait parfaitement ne
rien faire, ou faire très-peu de chofes pour ceux
que Ton eftime beaucoup. Mille gens a la cour y
traînent leur vie à embraffer, ferrer & congratuler
ceux qui reçoivent, jufqu'à ce qu'ils y meurent
fans rien avoir.
CO U R IE R , couricr de cabinet, courier de fe-
maine. On donne le nom de courier du cabinet à un
meffager que les puiffances , les ambaffadeurs, les
généraux envoient & chargent de . dépêches qu'on
n'ofe confier a la pofte ordinaire , 8c qu'on,
veut faire parvenir plus promptement. Les cours
de l’Europe emploient beaucoup de couriers. La
France en envoie d’ un bout de l'Europe a l'autre ;
le miniftère 'en fait partir tous les huit jours pour
le nord, un qui va jufqu'à Berlin ou à Hambourg,
& un autre vers le midi, qui 'va jufqu'en Efpa-
gne. On les appelle couriers de femaine, & ils délivrent
les dépêches aux miniftres de France qui
réfident dans les villes à portée de leur route. En
Angleterre, les deux fecretaires d'état ont chacun
cinq ou fix couriers du cabinet à leur difpofition, 8c qui
les fuivent par-tout, lors même que la chancellerie
paffe la mer pour accompagner le roi à Hanovre.
Les autres puiffances fe fervent également de
cette méthode très-difpendieufe, il eft vrai, mais
très:fûre 8c très propre à accélérer le fuccés des
affaires.il n'eft point de cours qui, dans les occa-
fions preffantes ou délicates, dans les affaires qui
exigent le plus grand fecret, n'expédient des cou-
tiers aux ambaffadeurs qu'elles entretiennent auprès
des différentes puiffances. Les ambafladeurs
font de même autorifés à envoyer de pareils mef-
- fagers à leur cour , tontes les fois qu'ils le jugent
convenable au bien des affaires.
C O U R L A N D E , duché fitué.entre la Pologne
& la Ruffie.
La Courlande eft bornée au couchant par la mer
Baltique, au nord par le golfe de Riga & la Livonie,
à l'orient par la Lithuanie proprement dite,
8c au midi par la Samogitie. Sa longueur eft d’environ
cinquante milles , fa largeur en quelques endroits
de vingt milles, & en d'autres de dix milles ,
8c même elle fe termine en pointe vers l’orient.
S e c t i o n p r e m i è r e *
Précis de Phiftoire politique de la Courlande.
La Courlande appartenoit autrefois à la Livonie ,
& ces deux duchés ont éprouvé les mêmes révolution
jufqu'au treizième fiècle. (Voye1 l'article
L i v o n i e . ) L'un &: l'autre furent conquis par les
chevaliers de l'ordre teutoniqüe, 8c demeurèrent
fous leur puiffance jufqu'en 1 jét. Les ruffes ayant
vers ce temps fait une irruption dans le pays, 8c
l'ordre fe voyant fans fecours, Gothard Kettler,
dernier grand-maître, céda la Livonie au roi de
Pologne, comme grand duc de Lithuanie, 8c re*
çut en dédommagement l'inveftiture, pour lui 8c
pour fes defeendans, des provinces de Courlande
8c de Sémigalle à titre de duché : c'eft ainfi que
le duché de Courlande a pris fon origine en 1
Kettler fit hommage de ces deux duchés au
roi & à la république de Pologne, 8c s'obligea d'en*,
tretenir cent cavaliers à leur fervice, en tems de
guerre, pour tout droit féodal. 'Les conditions de
fa dépendance furent expliquées dans un traité con*
clu à Vilna (1), qu’on nomma par cette raifon
pacia fùbjectionis. Ce traité portoit qué la fouve-
raineté de la Courlande 8c du Semigalle refteroit à titre
de fief, à tous les defeendans mâles de Kettler, à la
charge d?en recevoir l’inveftiture des mains du roi
de Pologne, de fournir un certain nombre de trou-
4 pes en cas de guerre contre les turcs, de rendre
(j) Le 28 de novembre de 1$ même année $ j
C O U
foi & hommage au ro i, de le regarder comme
leur fèigneur direéfc, 8c de porter devant la per-
fonne du roi l'appel des jugemens, lorfqu'une partie
en procès fe croiroit léfée. C e même traité
conferve au nouveau duc, dans le pays de Courlande
8c dans celui du Semigalle, les droits qu'avoit auparavant
le grand maître ; 8c l'inveftiture lui eft accordée
avec les mêmes dignités, honneurs 8c privilèges
qui avoient été accordés aux ducsdePruffe.
Le grand maître avoir le droit de battre monnoie,
celui de faire des lo ix , celui de lever des taxes
fur fon peuple avec le confentement des états, un
pouvoir abfolu dans le fpirituel ( 1 ) , & on con-
ferva ces droits au duc de Courlande.
Les courlandois ont prétendu qu’ au terme de
ce traité ils devoienr être gouvernés par un duc ,
& que leur pays devoit demeurer attaché à jamais
au royaume de Pologne, à titre de fief fou-
verain} mais vingt - huit ans après ce traité , en
1589 , il fut réglé, dans une des diètes de la république
de Pologne, que, lorfque ce fief vien-
droit à vaquer, il feroit rquni au royaume 8c réduit
en Palatinat > 8c lorfque la race de Kettler
s’éteignit par la mort de Ferdinand, la Courlande
fut obligée de fubir la loi qu'un voifin puiffant
lui impofa, comme on va le voir.
Au commencement du dix-huitième fiècle, fous
le règne du fixième duc, Frédéric-Guillaume , la
Courlande fut ravagée par les ruffes & les fuédois j
ce prince ayant époufé, en 1 7 10 , Anne, princeffe
de Ruflie, celle-ci confervabprès la mort de
fon mari, furvenue en 1711, la poffeffion du duché
, fous la proteélion au czar Pierre I fon on-g
r ie , quoique Ferdinand, frère du duc défunt ,
vécût encore , 8c que le duché lui appartînt
par droit de fucceflion. # C e prince avoit eu de
grands démêlés avec la nobleffe, non parce qu'on
l'accufoit d'avoir changé de religion, mais parce qu'il
demeurait ordinairement hors du pays, parce que
durant fon abfence , il voulok gouverner par lui-
même, & parce qu'il dépoffédoit de force les hypothécaires
des biens appartenans au duché j ces difpu-
tes déterminèrent, en 1 7 1 7 , la Pologne à envoyer
une commiflion particulière en Courlande. On fon-
g e a , il eft vrai, à donner en mariage' Anne, veuve
du duc défunt, à Jean-Adolphe, duc de Weiffen-
felds; mais le mariage n’eut-pas lieu , non plus
qu'un autre qui fut* projette entre cette princeffe
& le margrave de Brandebourg-Schwed. La diète
de Pologne délibéra alors comment elle pourrait,
après la mort du duc Ferdinand, incorporer la
Courlande à la république, 8c la divifer en Pala-
tinats. Les états de Courlande, craignant pour leur
religion & pour leurs privilèges, s'affemblèrent,
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malgré les défenfes du roi, à Mittaff, vers la fitr
du mois de juin 1726, 8c y défignèrent pour fuc-
ceffeur éventuel de Ferdinand, le comte Maurice,
fils naturel du roi de Pologne Augufte I I , 8c tous
fes defeendans mâles.
La circonftance étoit favorable. Le choix qu’on
avoit fait du comte de Saxe ne pouvoit manquer
d’être agréable au roi de Pologne, à qui les intérêts
de fon fils étoient plus chers que ceux de
la république i mais par-là même, ce choix déplut
à la Ruffie. Cette puiffance fe fervit des troupes
^qu’elle avoit fur les lieux, pour chaffer le comte
de Saxe que le defir de fe faire proclamer éventuellement
duc de Courlande y avoir amené. Le duc
Ferdinand s'oppofa de fon côté à l'éleétion ,
8c la république de Pologne la déclara nulle à la
diète de Grodno de 1727, & confirma, par un
nouveau décret, la réunion prochaine de la Cour-
lande , après le décès du duc Ferdinand. Le parti
patriotique de Courlande fe plaignit amèrement de
cette atteinte à la liberté de la part de la république
de Pologne,prétendant queles états du duché avoient
obtenu le droit de nommer leur prince, droit dont
aucune efpèce d'aéte ne pouvoit les priver. Les états
en appelèrent aux traités ; ils réclamèrent les articles
, d'après lefquels la Courlande devoit avoir à
jamais un chef allemand immédiat. Anne Iwanowna
étant montée fur le trône de Ruffie en 1730, âpre*
la mort de Pierre I I , le duc Ferdinand, alors âgé
de 7y ans, époufa Jeanne-Magdeleine, princeffe
de Saxe-Weiffenfels, 8c reçut en 1731, à Var-
fovie, l'inveftiture de la Courlande, par fon envoyé
Frédéric Goth de BuloW } mais ce prince ne
fe fiant pas à fes fujets, parmi lefquels il voyoit
beaucoup d'ennemis 8c de mécontens, n’ofa point
aller dans fes états. La mort du roi de Pologne
Augufte II arriva fur ces entrefaites, 8c l'impératrice
Anne fit avancer fes troupes dans le duché
de Courlande , où elle vouloit établir des arfe-
naux 8c placer une partie de fes magafins. Elle
avoit déjà fait déclarer dès 1732, à la cour
de Pologne, qu'elle ne confentiroit jamais à l'in-
! corporation immédiate de ce duché $ mais qu'elle
le protégerait dans le droit qui lui appartient d'être
gouverné par fes propres ducs, à titre de fief
de la république, 8c les polonois furent à la fin
obligés d’y confentir; ils convinrent en 1736, à
la diète de pacification de Varfovie, qu'à l'extinction
de la race des Kettlers , c'eft-à-dire, à la
mort du duc Ferdinand , le duché de Courlande
auroit fes propres ducs, & que leur choix dépendrait
des états. Ferdinand mourut l'année d'après i
8c le choix des états, dirigé par l’impératrice de
Ruffie, tomba fur fon grand chambellan, Emeft
Jean de Bfrçn où Biron (2), comte du faint-Em-
(t) Le duc àe Courlande dk luthérien, Scon l’appelle fummus epijcopus, ou chef de l'églife.
(t) Son vrai nom eft Van Buren ; il le changea en celui de Biron, 8c voulut paÎTer pour être de la maifon fran-1
çoife de Biron.
(Scon. polit. & diplomatique. T oui. ƒ. Y y y y