
purgées des troupes de brigands qui les infeftoient
autrefois, & on voudrait recommencer à y femer
une race d’affaflins ! Non-feulement il leur faudrait
des prépofés pour diriger leur travail, mais
une garde nombreufe pour les contenir & les forcer
de le faire ; il. faudrait les loger, & qui oferoit
leur donner un afyle ? Il faudroit les fournir d'outils,
de vivres, d'habits t &c. adminiftration vafte
& compliquée, ruineufe par fon étendue & fa dif-
perfion. Quel horrible tableau préfenteroit d'ailleurs
la Turface du royaume ! c'eil dans les mines,
c'eft dans l'enceinte des ports, des arienaux, qu on
peut raffembler des coupables dont les bras peuvent
encore être utiles, parce qu ils y font facilement
veillés & contenus. Celui qui propofa de les
répandre fur les chemins , n'avoit jamais Vu un baJ
gne, n'avoit jamais été témoin de la vigilance, de
la dureté, de la police qu'il exige, quoique tous
les criminels y foient enchaînés & renfermes. L objection
infolubîe eft que ce moyen ne^ fournit point
de voitures, qu'il avilirait un genre d'ouvrage qu'il
faudroit s'efforcer d'ennoblir, que les malfaiéteurs
ne le pourroient faire qu à un prix exceilif & dans
un grand nombre de fiecles , & qu enfin on ne
pourrait pas pouffer le déliré 8c le mépris pour le
peuple, au point de lui donner des fcelerats pour
compagnons de fon travail. ' ;
En fuppofant l’abolition de la corvee gratuite &
les chemins faits à prix d argent, il a paru'tout
fimple à certains politiques que l'Etat fe remboursât
des frais qu'ils lui auraient coûté par fétablif-
fement de barrières , de péages, où l'on payerait
des taxes proportionnelles aux voitures ou aux
poids qu'eUes porteraient ; mais; ces^ taxes^ relatives
au feul poids feraient de la demiere inégalité,
puifque le fer , la pierre voiturée payeraient comme
un poids égal en marchandifes précieufes.
Voudroit-on les établir relatives à l'efpèce des chor
fes voiturées ? Quel arbitraire dans la taxation &
la claflification des objets. « La multiplicité des
» péages, dit M. Necker, que je me.plais à ci-
„ ter, tend des pièges à l'innocence, préfente des
„ tentations continuelles à la cupidité vigilante,
„ eft également nuifible aux finances & prej'udi-
„ ciable aux moeurs : dès que la communication
„ eft gênée & le commerce embarraffé, les mar-
„ chands font excités à la fraude par des appas
„ continuels, ce qui déprave le genie du com-
„ merce , dont la bafe eft la bonne-foi. =>. Les
pays où font établis ces efpèces de péages, ne font
pas à fe repentir d’avoir commis cette enorme
faute, qui dans un gouvernement tel que le nôtre
ferait bien plus fujette à devenir tous les jours plus
onéreufe & plus vexatoire. Dans un befoin pref-
•fant un Miniftre mal-habile & embarrafle ne manquerait
pas de doubler le tarif des péages., parce
que cette reffource ferait fimple , prompte 8c fruCtueufe , & qu’on ne pourroit pas plus fe-paner
de chemins que de la pofte aux lettres , qui eft fiic-
ceffivement devenue un impôt tres-pefant. Les
grands l’ont fi bien fenti , que les^ contre-feings &
les abonnemens fe font multipliés en raifon dé
l’augmentation des taxes : les riches ne manque-
roient pas d’obtenir des franchifes, des paffeports,’
& ce nouvel impôt refteroit comme celui auquel
nous le comparons , une furcharge • qui retombe-
roit principalement fur les elaffes inférieures^de la
focieté. S’il faut donner la plus grande liberté a la
circulation intérieure pour s’ affurer une plus grande
reproduction & la préférence dans les ventes de
fes denrées à l’étranger, il eft clair que tout peagfe
tendant à arrêter cette circulation eft une erreur
en économie politique. Les péages n’ont été, juf-
tes , relativement aux canaux navigables ,• que lorf-
qu’ils fe font bornés à remplir les propriétaires
de ces canaux , des intérêts de leurs capitaux, &
de ceux des frais d’ entretien qu’ils exigent, & du
bénéfice honnête & naturel dû aux inventeurs &
exécuteurs d’une'pareille entreprife. Tout ce qui
a pafté cette borne eft devenu une- plaie faite au
commerce. Les propriétaires de çes canaux ont fi
bien fenti les inconvéniens qui réfultoient de l’ exécution
littérale • des pancartes & tarifs exhorbitans
qu’ils avoient obtenus, que leurs prépofés ont reçu
ordre de fermer les yeux fur les fraudes , & de
laiffer palfer moyennant le _ paiement fur le pied
des déclarations' des marchands. Je connois tel
canal qui, fous une adminiftration rigoureufe ^
rendoit à peine 30QO liv. à fon propriétaire ; depuis
qu’une nouvelle a fuivi des principes plus to-
léràns , il en rend 1 ƒ ,000. Un canal & un chemin
font des chofes identiques : tous deux doivent être
faits & entretenus aux dépens de la nation , &
francs de tous droits à fi elle entend fes vrais intérêts.
Que feroit-ce d’ ailleurs , fous notre’ gouvernement
, qu’ un péage dont le produit devrait
indemnifer des frais de conftruétion du chemin {ur
lequel il feroit établi, linon un tou'r de gibecière
qui feroit payer deux fois ce chemin au public j
car enfin il auroit d’abord été fait à prix d’argent
ou par corvée 5 fi c’étoit à prix d’argent-, le produit
des impôts perçus fur la nation, c’eft-à-aire,
la nation même l’aurait payé } fi c’étoit par corvée
, la nation l’ayant conftruit de fes mains l’ auroit
encore à coup fur bien payé. A quoi reviendrait
donc de le faire payer une fécondé fois par
ceux qui s’en ferviroient ? Le produit des péages
n’entrant point en déduction des impôts ordinaires
, il y auroit à cet égard double _ emploi ; la
nation paieroit le même objet deux fois 5 que dis-
je , deux fois ? l’impôt feroit doublé, triplé 3 perpétuel,
la nation payeroit de tels chemins, cent
fois & plus. Ces péages font une mode angloife ,
qui, comme beaucoup de celles de nos voifins,
n’eft pas bonne à imiter, furtout par nous.
Un. moyenne faire conftruire ; les chemins par
corvée, , qu’on annonçoit ne • devoir rien coûter
au peuple & n’être fujet à..aucun abus, étoit la
Tuppreffton d ’autant de fêtes- par an qu’il y a de
jours deftinés à la corvée. On a d it, le peuple ne
travaille point pendant ces fêtes , & confomme
peut-être trop,} le travail du refte de l’année doit
le faire vivre, durant ces jours de repos-5 en-lui
donnant ces mêmes jours, & les reftituant au travail,
on ajoute, à. fes moyens un bénéfice qui
prive de l’autre : enfin l’objeétion péremptoire
contre ce projet infidieux, c’eft que la fuppreffion
des fêtes n’indemnifera point, comme on l’a prétendu
compenfe le travail qu’on en exige, & l’indemnife
des frais de la corvée : recevant d’un côté ce qu’il
donne âe l’autre, fon étata&uelne change point,
& les chemins fe trouvent faits. Ce raifonnement
pourroit bien n’être que captieux.
i°. Suppofons la fuppreflion de douze fêtes } il
eft tel dioçèfe où heureufement il n’en refte pas ce
nombre à fupprimer. : les habitans de cés diocèfes
qui jouiffent déjà du bénéfice d’un plus grand
nombre de jours ouvrables, ne recevroient pas la
même indemnité que ceux auxquels on rendroit ces
douze fêtes : l’inégalité dans la diftribution de cette
grâce feroit un vice, puifque la charge eft la meme '
pour tous ceux qu’on voudroit foulager par ce
moyen.
20. Douze jours de travail accordés aux cultivateurs
leur produiroient-ils des profits proportionnels
aux pertes que leur caufe la corvée ? eh au-
roient-ils plus de terres à défricher, plus de femen-
ces à répandre , plus de beftiaux à y nourrir ?
Si çes jours n’ajoutoient pas beaucoup à leurs
moyens, la remife qu’on leur en feroit ne feroit
gueres qu’une gracè illufoire. Dans les pays de
petite culture, c’eft-à-dire, dans un.grand tiers
de la . F rance, le cultivateur a des jours de repos
qui ne lui produifent rien, ou du moins prefque
rien 5 les fetes fupprimées dans ces faifons ne lui
porteraient aucun profit. Si les pays de grande
culture y en trouvoient davantage , les autres cantons
de la France n’en devraient pas recevoir avec
moins d’indifférence le préfent trompeur & inté-
refte qu’on lui feroit de ces fêtes metamprphofées
en jours ouvrables, aux conditions de relier grevés
par la corvée gratuite.
Les fêtes ne nuifentpas au peuple en tant que
jours.de repos} elles lui nuifent, parce que la
plupart mal placées arrivent dans ces temps de
grands travaux , parce que fur-tout il les emploie
à boire, à- dépenfer fon argent & à détruire fa
fanté. Leur fuppr.effion lui procureroit des bénéfices
qui feroient encore plus formés de la con-
fervation & du meilleur emploi de ce fuperflu qu’il
a tort de confommer, que du produit de ces jours
de travail qui lui feroient reftitués.
.. 3°. S’il doit concevoir l’efpérance légitime que
fes pafteurs plus éclairés & plus attentifs fuppri-
meront peu a peu ces fêtes, qui, par l’abus qu’il
en fait, lui préjudicient fi considérablement, pourquoi
vouloir les lui donner en remplacement d’une
de ces charges dont ce préfent ne feroit jamais
l’équivalent ? S’il efpère l’abolition des fêtes des
.lumières de fes évêques ,, il attend celle de la corvée
de la fageffe de fes maîtres. Il ne faut pas que
de ces deux faveurs faites pour améliorer le fort
4 une claire qui en a fi grand befoin, l’une la
, le cultivateur des frais de la corvée : qu’il
y perde un cheval, un boeuf, vingt fêtes fupprimées
ne' l’en dédommagent point} qu’il brife fa
voiture, qu’il rompe, qu’il ufe fes outils, ce font
autant de nouvelles pertes qui exigeroient de nouvelles
indemnités 3 un feul jour, de corvée lui coûte
fouvent plus que ne peut lui valoir l’abolition &
la reftitution de dix fêtes , dans la-fuppofition encore
( fuppofition tout-à-fait gratuite, & que je
fuis loin d’adopter comme vraie ) que ces jours
qui lui font rendus»*, il peut toujours & par-tout
les employer d’une manière qui lui foit lucrative.
Le rembourfement qu’on lui propofe en -réforme
de fêtes, n’eft donc en rien comparable à la tache
qu’on lui irapofe, à la dette dont il refteroit
chargé.
Un écrivain, qui paroît animé de l’amour du
bien public, a propofé aux états d’une grahde province
de France, dans un ouvrage françors ayant
ce titre latin, pro Ar is & F o c is , un projet d’abolition
de la corvée & de conftruélion des chemins
à prix d’argent. Il a indiqué les moyens qu’il
croyoit propres à-procurer la fubvention pécuniaire
qu’exigeoit cette dépenfe extraordinaire. Cet
auteur, étendant fes vues & les portait’plus loin
que ceux qui jufqu’à lui avoient traité ce fujet, a
cru pouvoir donner à des loix d’adminiftration un
effet politique & moral 5 mais il faifoit peut-être
trop d’honneur à fon fiècle, dont les moeurs ne
font pas affez févères, pour que ces loix puffent
être facilement adoptées : il propofoit donc une
fubvention en argent qui fixe le produit d’un impôt
établi fur les célibataires, fur lés veufs & veuves
de 34 à 46 ans qui n’auroient point d’enfans , fur
les domeftiques non mariés , payable par leurs
maîtres, fur les bénéficiers, fur les nobles à no-
bleffe dormante, jufqu’à la dixième année de fon
réveil prouvé par déclaration au Greffe , fur les
ennoblis par finances jufqu’à la cinquième génération,
fur les ennoblis pour fervices fignalés par
l’épée ou la robe jufqu’à la troifième , fur les
ufurpateurs du droit de port d’armes & de la qualité
d’écuyer , & fur toute la nobleffe indirectement
, parce que dans cette province la capitation
des deux ordres contribuables formant deux maffes
diftinCtes, la défalcation de plufieurs cotes au fou-
lagement de l’une & au refoulement de l’autre, les
faifoient participer toutés les deux à l’impofition
qu’on eût aftîfe fur la capitation} participation qui
n’eût toutefois jamais été & ne pouvoit même jamais
être proportionnelle aux moyens réels des
contribuables nobles, ni même à leurs cotes ordinaires
de capitation, &c. &c.
Sans entrer dans la difeuflion, étrangère à notre
' objet, de fa juftiee ou de l’injuftice de ces diver-
fes taxations, fans vouloir approfondir la queftion
de fçayoir il elles auroient produit l’effet moral
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