
une fe â e quelconque ; car ils fentent que la vie
& les biens ne font pas plus à eux que leur
manière de penfer, & que qui veut ravir l'u n ,
peut encore mieux ôter l'autre.
Parmi les differentes religions , il y en a une à
l’ établiffement de laquelle on a tente de parvenir
par la voie de l'efclavage ; & elle y eft devenue
odieufe ; parce que comme nous jugeons des
chofes par les liaifons & les acceffoires que nous y
mettons, celle- ci ne s'y préfente jamais à l'efprit
avec l'idée de liberté.
Les loix contre ceux qui proïeffent cette religion
, ne font point fanguinaires ; car la liberté
n'imagine point ces fortes de peines ; mais elles
font fi réprimantes qu'elles font tout le mal qui
peut fe faire de fang - froid.
L e clergé devoit y avoir moins de crédit que les
autres citoyens. Ainfi , au lieu de fe réparer, il
aime mieux fupporter les mêmes charges que les
laies J & ne faire à cet égard qu'un même corps :
mais comme il cherche toujours à s'attirer le ref-
p e â du peuple, il fe diftingue par une vie plus -
retirée y une conduite plus réfervée & des moeurs
plus pures.
C e clergé ne pouvant protéger la religion ni
être protégé par elle f fans force pour contraindre
. cherche à perfuader : & on voit fortir de
fa plume de très - bons ouvrages, pour prouver
la révélation & la providence du grand être.
On contient fes affembléeSj on ne veut pas lui
permettre de corriger fes abus mêmes ; & , par
un délire de la liberté, on aime mieux laififer fa
réforme imparfaite, que dç fouffrir qu'il fut réformateur.
Les dignités faifant partie de la conflitutipn
fondamentale, dévoient y être plus fixes qu ailleurs
: d'un autre côté les grands, dans ce pays de
liberté , dévoient s’approcher davantage du peuple
; ainfi les rangs y font plus féparés , & les
personnes plus confondues.:
Ceux qui gouvernent ayant une puiflance qui fe
remonte, pour ainfi d ire, & fe refait tous les
jours, doivent avoir plus d’égards pour cepx qui
leur font utiles , que pour ceux qui les divertif-
fent : ainfi on y voit peu de courtifans, de flatteurs
, de complaifans, enfin de toutes ces fortes
de gens'qui font payer aux grands le vuid’e même
de leur qiprit.
On n’y eilime guère les hommes par des talens ou
des attributs frivoles , mais par des qualités réelles
5 & de ce genre il n’y en a que deux , les
riche(Tes & le mérite perfonne!.
Il y 'a un luxe folide, fondé,.non pas fur le
rafinement de la yanité, mais fur celui des befoins
réels ; 3c l'on ne cherche guère dans les çhofes
que les plaifirs que la nature ÿ. a mis.
On y jouit d'un grand fuperflu, & cependant
on y trouve moins qu ailleurs les chofes frivoles :
ainfi plufieurs ayant plus de biens que d’occafions
jie depenfe , l'emploient d’une mapiere bifàfre ;
Si dans cette nation, il y a plus d’efprk que dè
goût. ■ . . ,
Comme on y eft toujours occupe de fes intérêts^
on rfy a point cette politefle qui eft fondée
fur l’oifiveté j 8c réellement on n,’en a pas le
temps.
L ’époque de la politefle Mes romains eft la
même que celle de l’établiflement du pouvoir
arbitraire. Le gouvernement abfolu produit l’oi-
fîveté i 8c l’oifîveté fait naître la politefle.
Plus il y a de gens dans une nation qui ont be-
foin d’avoir des ménagemens entr*eux , 8c de ne
pas déplaire, plus il y a de politefle. Mais c’eft
plus la politefle des moeurs que celle des manières..,
qui doit nous diftinguer des peuples barbares.
Dans une nation où tout homme, à fa manière ,
prend part à l’adminiftration de l’ état , les femmes
ne doivent guère vivre avec les hommes.
Les angloifes font en effet modeftes, c’eft-à-dire ,
timides. Cette timidité fait leur vertu ., tandis que
les -hommes fans galanterie fe jettent dans' une
débauche qui leur laifle toute leur liberté 8c leur
loifir.
Les loix n’y étant pas faites pour un particulier
plus que pour un autre , ct^cun fe regarde
comme monarque j 8c les hommes dans cette
nation font plutôt des confédérés, que des concitoyens.
Le climat 8c l'éducation de Y Angleterre donnent
à fes habitans un efprit inquiet 8c des vues étendues
, 8c la conftitution donne aufli à tout Je
monde une part au gouvernement 8c des intérêts
politiques j on devoit y parler beaucoup de politique
; on y voit en effet des gens qui pafleot
ieur vi.e à calculer des évènemens , qui, vu la
nature des chofes 8c le caprice de la fortune, c’ eft-
à-dire des hommes, ne font guères fournis an
calcul.
Dans une nation libre , il eft très- fouvent indifférent
que les particuliers raisonnent bien ou
mal ; il fuffit qu’ils raifonnent : dê.-là fort la liberté
qui garantit des effets de ces mêmes raifonnemens.
De même, dans un gouvernement defpotique ,
il eft également pernicieux qu’on raifonne bien ou
mal j il fuffit qu’on raifonne pour que le principe
du gouvernement foit choque.
La plupart des anglois ne fe fouciant de plaire â
perfonne, dévoient s’abandonner à leur humeur ;
8c ceux qui ont beaucoup d’efprit, font tourmentés
par leur efprit même : dans le dédain ou le
dégoût de toutes chofes, ils font malheureux avec
tant de fujets de ne l’être pas.
Aucun citoyen ne craignant aucun citoyen, la
nation angloife;eft fifre j car la fierté des rois n’eft
fondée que fur leur indépendance.
Les nations libres font fuperbes, les autres peus*
vent plus aifément être vaincues.
Mais ces anglois fi fiers, vivant beaucoup avee
eux-mêmes, Jg trouvent Souvent au milieu dç
geus
eas inconnus ; ils font timides, & Ton voit en
eux la plupart du temps un mélange bifarre de
mauvaife honte 8c de fierté.
Le cara&ere de cette nation devoit paroître flnr-
tout dans fes ouvrages d’efprit ; on y- voit en effet
des gens recueillis, 8c qui ont penfé tout feuls.
La foçiété nous apprend à fentir les ridicules j
la retraite nous rend plus propres à fentir les vices.
Leurs écrits fatyriques font fanglans > on voit chez
eux bien des Jùvenals, mais on n’y a pas encore
vu un Horace. ,
Dans les monarchies extrêmement abfolues,
!e$ hiftoriens trahiflent la vérité, parce qu’ils n’ ont
pas la liberté de la dire : dans les états extrêmement
libres, ils trahiflent la vérité à caufe de ieur
liberté même, qui produifant toujours des divisons
, chacun devient aufli efclave des préjugés
de fa fa&ion, qu’il le feroit d’un defpote.
J Leurs poètes ont plus fouvent cette rudefle originale
de l’invention, qu’une certaine délicatefle
que donne le . goût : on y trouve quelque chofe
qui approche plus de la force de Michel-Ange,
que de la grâce fle Raphaël.
Voye£ tous les articles auxquels on a fait des
renvois, mais fur-tout les articles E c o s s e , G a l l
e s , I r l a n d e .
, N O U V E L L E -A N G L E T E R R E , contrée de
l ’Amériquefeptentrionale, entre l’Acadie, le C a nada,
la Nouvelle-York 8c l ’océan ( i ) . Elle fait
aujourd’hui partie des Etats - Unis fous un autre
nom.
| La Nouvelle-Angleterre étoit, avant la révolution
, divifée en quatre provinces > favoir, le Nou-
'•vel- Hampsh're , Majfackufet, Rhode - IJland 8c
Connetiticui. Ces quatre provinces font devenues
quatre états féparés j 8c nous ferons fur chacune
uîi article particulier. Nous ne parlerons ici que
de l’hiftoire de la colonie de la Nouvelle - Angleterre
, de^ fon commerce, 8c du gouvernement
qui y étoit établi.
Les presbytériens anglois, que la perfécution
avôit raflemblés en Hollande, ce port univerfel
de la paix 8c de la liberté, laflfés ae n’ être rien
dans le monde, après avoir été martyrs dans leur
patrie, réfolurent d’aller fonder une églife pour,
leur feéle, dans un nouvel hemifphère. Ils achetèrent,
en 16 2 1 , les droits.de la compagnie an-
gloife de la Virginie feptentrionale : car ils n’ é-
toîentpas aflez pauvres pour attendre leur prof-
périté de leur patience 8c de leurs vertus.
Quarante 8c une familles de cent-vingt perfônnes
partirent foijs les drapeaux de l’enthoufiafme, qui
fait toujours de grandes chofes.
La perfécution contre les puritains en Angleterre
, hâta leur accroiflement en Amérique. Le
fang des martyrs fut, dans tous les temps 8c dans
tous les lieux, la femence du profélytifme. En
1630, la nouvelle feéte s’étoit tellement multipliée,
qu’il fallut la diftribuer en plufieurs peuplades.
Celle de Bofton devint bientôt la plus
confidérable. C e n’étoit pas uniquement des ec-
cléfiaftiques privés de leurs bénéfices pour leurs
opinions, ni de ces fe&aires que les dogmes nouveaux
s’attachent en foule parmi le peuple. Dès
feigneurs, que l’ambition, l’humeur, ou-même
la confcience, avoient entraînés dans le purita1-
nifme, fe ménageo^ent d’avance un afyle dans ces
climats éloignés. Ils y faifoient bâtir desmaifons 8c
défricher des terres, dans le defleiii de s’y retirer,
s’ils échouoient dans le projet d’établir la liberté
civile fous l’abri de la réforme. Le fanatifme,
.qui répandoit l’anarchie dans la métropole, introd
u is it la fubordination dans la colonies ou plutôt
des moeurs auftères tenoient lieu de loix dans
ce pays fauvage.
Les habitans de la Nouvelle - Angleterre vécurent
long-temps en paix fans aucune forme régulière
de police. C e ri’eft pas que leur charte ne
les eut autorifés à établir le gouvernement qui
leur conviendroit ÿ mais ces enthoufiaftes ne^’ac-
cordoient pas fur le plan de leur république, 8c
le miniftère ne prenoit pas aflez d’intérêt à leur
deftinée, pour les prefler d’aflurer leur tranquillité.
Ils fentirent enfin la néceflîté d’une légifla-
tion. C e t ouvrage , que le génie 8c la vertu n’ont
jamais tenté fans défiance, fut hardiment entrepris
par l’aveugle fanatifme. Tout y porta l’empreinte
des préjugés qui l’avoient di&é. La police
des. juifs en fut la bafe.
Un mélange fingulier de bien 8c de mal, de
fagefîe 8c de folie, entra dans ce code. Perfonne
ne pouvoit avoir part au gouvernement, fans être
membre de l’églife établie. La peine de mort
étoit infligée, foit contre le fortilège, le blafphê-
me 8c le faux - témoignage, foit contre l’adultère ,
ou contre les enfans qui maudiroient, qui bat-
troient les auteurs de leur vie. D ’un autre côté
le mariage devoit être fait par le magiftrat. Le
prix du bled étoit fixé à 3 liv. 7 fols 6 deniers,
le boifleap. En même temps on privoit de la propriété
de leur terre les fauvages , qui ne la cul-
tiveroient pas 5 8c l’on défendoit, fous peine d’une
forte amende, aux européens, de leur vendre des
liqueurs fortes ou des munitions de guerre. On
condamnoit à être fouettés publiquement tous
ceux qui feroient furpris difant un menfonge ,
ivres ou danfans. Le plaifir étoit interdît comme
le vice ou le crime. Du refte, on pouvoit jurer
en payant 1 liv. 2 f . 6 den. d’amende , 8c violer
le dimanche en payant C>7 liv. 10 f. Mais ce qu’on
aura de la peine à croire', c’eft que le culte des
images fut défendu , fous peine de mort, aux puritains,
comme Moïfe avoit autrefois défendu le
culte des dieux étrangers an peuple hébreu. On
( 1 ) Voye^ fa pofitîon & fon étendue! géographiques dans le Di&ionnaite de Géographie.
QEcon. polit, & diplomatique. Tom. /. C c