états nomment un député de chaque ordre > pour
lui porter leurs cahiers & recevoir fes ordres.
Le gouvernement de Corfe ayant totalement
changé, la conftitution de fes états généraux.ne
pouvoit être celle de fes anciennes confultes : dans
celles-ci réfidoit la puiflance législative y mais la
Corfe étant devenue Tune des provinces, d’une mo- '
narchie abfolue, fes états ne pouvoient jouir ,
fous ce nouveau gouvernement,. que du pouvoir
adminiftratif & des . droits de repréfentation au
fouverain. Le pouvoir légiflatif appartient eflen-
tiellement au monarque, qui confie à des tribunaux
le pouvoir exécutif. Dans les états où la
puiflfance de faire des loix eft confiée à un roi. &
à- certains corps nationaux, les. états généraux, de
Corfe auroient pu conferver le droit de coopérer
à. la légiflation de leur pays > mais il ne pouvoit
leur être accordé par la France : ce privilège eût
contrarié les principes de fon gouvernement. Les
droits des états de Corfç ont donc dû fe réduire
à ceux d’accorder des impôts , d’en régler la répartition
& la. perception, & dë demander au roi
de réformer ce qu’ils croient nuifible à leur pays,
& d’accorder ce qui doit lui être .avantageux.
C'eft avec grande.raifon que.les moines qui affûtaient
aux confultes-, ont été exclus des états,
où ils ne pouvoient fe trouver fans être en con-
tradiélion avec leurs voeux : des gens-qui qnt renoncé
folemnellenient au monde, ne doivent point
régler les affaires de ce monde.
Les états de Corfe nomment à chacune de leurs
tenues douze nobles , . pour former une efpèce de '
çommiflion intermédiaire > deux de cés nobles ré-
fîdent altemativemeüt auprès des cominiffaires du
roi, & ont cent cinquante liv. d’appointemens par
mois de réfidence. Ils font à-peu-près ce que
font, dans nos pays d’états, les procureurs -gé-\
néraùx-fyndics.'
S E C T I Ô N , I Ve.
Détails fu r Tadminifiration civile & étohomique &
fu r les loix civiles de là Corfe.
Le Di&ionnaire de Jurifprudence traite en détail
de l’adminiftration civile de h Corfe y & afin,
d’éviter les répétitions / nous omettrons ici ce
qui fe trouve dans l’article que nous venons d’indiquer.
C’eft dans la ceffion que les barons & les communes
de Corfe firent aux génois de la fouverai-
neté de leur ifle, qu’on apperçoit les premières
traces de fa légiflation.
On diftirfqua alors deux codes fuivant lefquels
le pays étoit gouverné. Les-ftatuts furent celui
des communes", c’eft-à-dire, du peuple, dont
l’affociation en Corfe prit ce nom : la loi féodale
fut celui des barons & de leurs terres. Les barons
, unis aux podei^ats, jugeoient dans les fiefs
fe$ çaufes civiles & criminelles, & pour des âffaites’
graves on appelloit’ de cette cour au p.eptf
confeil, nommé Larringo , qui étoit compofé-de
quatre magiftrats élus par le peuple y il exiltait encore
un tribunalfuprême, ait lë grand confeil,
compofé des . barons.; &■ de tous les chefs de famille
: le changement, des loix & l’établiffeifient
des impôts ne pouvoient fe faire que par lui. Ce
tribunal étoit ce qu’ont été depuis les confultes
des corfes.
Sous cette adminiftration, le peuple, comme on
voit, conferva fes droits les plus précieux , &
participa eflentielfement au gouvernement. -
Quand l’ifle-fut cédée à la banque de Saint--
Georges , par la république de Gênes , les privilèges
des barons furent confirmés, mais la forme
des tribunaux-éprouva des changemens j chaque
piève nommoit tous les deux ans' fon podeftat &
fon père des communes, qui jugeoient au civil.
Chaque ville & chaque jurifdiélion , car on avoir
divifé toute l’ifle en un certain nombre d’e jurif-
diélions-., éiifoit fes juges, & tous ces tribu-,
naux inférieurs reffortifloient au fyndicat général >
tribunal fouverain compofé de neuf magiftrats ,
dont fix corfes , trois nobles & trois des communes
& trois génois. Ainfi, dans les affaires capitales
, un,corfe n’avoit tout au plus à effuyer que?
trois degrés de jurifdiétion.
Enfin il paroît que la*nation s’affembloit de temps
en temps, nommoit fes députés & formoit des
. confultes. Les corfes paroiflentavoir continuellement
combattu pour fe conferver le droit de participer
au gouvernement, & l’état démocratique
eft celui qu’ils, femblent avoir toujours le plus
chéri ; mais fls le modifioient de manière à en faire
un gouvernement mixte, qui leur faifoit éviter les
inconvériiens de la démocratie pure, & leur don-
noit les avantages d’une monarchie. Aurefte , on
a peine à fuivre les variations de leur gouvernement
; elles: fe font fuccédées avec.une rapidité &
une continuité qui n’a point d’exemple. Durant
l’efpace d’un fièclé.& plus, les députés de toutes-
les pièves fe, raffembloient & nommoient. douze
. repréfentans de la nation, qui compofoient avec
le gouverneur génois le premier tribunal de l’ifle ,
’ celui qui en regloit l’adminiftration & en décidait
toutes les affaires. Six de ces repréfentans corfes
étoient pris parmi les caporali ou nobles-, & les
fix autres-étoient choifis dans les’ membres des
communes, qui ont toujours maintenu l’autorité;
égale entr’elles & la noblefle,.repréfentée par ces
.caporali qui avoient fuccédé aux barons & anciens
feigneurs , dont la république s’étoit attachée à
détruire les familles les biens & les droits.
En 1 y6 z } l’adminiftration changea. La nation
! continua de nommer douze corfes pour fes repré-.
, fentans > les baronies & feigneurieS étoient prefque
détruites ; & les- génois affe&ant de ne pas vouloir
reconnoître deux claffes d’hommes parmi les-
; corfes, qu’en qualité de fes fujets elle regardoit
tous comme égaux, on n’obferva plus l’ufage de
nommer fes répréfehtans de l’ordre de la, no-
bleflfe, qu’on voulait méconnoître y mais, au lieu
de ces douze, députés corfes , la nation eut la per/
million ,d’en nommer dix-huit : privilège que la
république accordoit fans peine, puifqu’elle ne
leur lainoit aucune autorité.
Le fyndicat fut compofé de dix magiftrats,
préfidés par le gouverneur de .l’ifle 5 huit de ces
magiftrats furent corfes •: mais, d ans les délibérations
, les v,oix des -huit- corfes n’ é q u i v a la ien t qu’à
celles des deux magiftrats .g énois 5 loi qui rendit
nulle l’influence des corfes dans les affaires , & les
laiffa toutes livrées au caprice des décidons du
gouverneur.
En 1572*., on publia fes ftatuts civils & criminels,
quj, abrégeant toutes les loix antérieures,
devinrent le nouveau & le feul -code des. corfes.
Ces ftatuts.avoient; été dreffés par cinq cqmmif-
faires, deux corfes & tfois génois. Les co.mmif-
faires corfes étoient le père Antoine de San-Fio-
rerizo & J. B. Antoine dè la Serra y les génois,
Jean-Baptifte Fiefchi, Dominique Doria, François
Fornari, qui mourut pendant la rédaétion du code,
& fut remplacé par Chriftophe Fornari. Il paroît
que les commiffaires corfes n’eurent pas la voix .prépondérante
dans cette âflembléë. Ce font les étranges
loix qu’elle publia, qui opt fait végéter fi longtemps
les corfes dans l’efclavâge, l’ignorance &
la. misère dont .à peine ils font fortis.
Le roi de France a .laifle aux corfes la plupart
de leurs loix c'iviles:5 mais les édits, déclarations,
lettres-patentes, arrêts & réglemens publiés dans
l’ifle de Corfe 3 depuis fa foumiflîon à la France,
forment un code ' cor fe. eft trois volumes.' fn-40. en
François & en italien. ' - -
Les anciens ftatuts criminels .de la Corfe, entièrement
changés, ont été 'afîimilés à notre code criminel
, par une ordonnance de 1768, concernant
les délits & les peines. Un édit & une déclaration
du Roi de 1772 ajoutent aux difpofitions de l’ordonnance
criminelle dè 1768 ou les modifient.
Quelques articles de çes loix tiennent.aux circonf-
tances aéluelles > & les corfes font intéreftes à ce
que le légiflateur p.uiflTe les abroger comme inutiles.
Il n’a pu, fans danger pour eux-mêmes, fe difpen-.
fer d’ordonner que, lorfqu’un afTaflinat prémédité
aura été commis par vengeance ou haine tranfmife,
la maifon du coupable fera rafée , & fa poftérité
déclarée incapable de remplir jamais aucune fonction
publique. La prohibition, du port d’armes à
feu a été étendue avec raifon aux ftilets & couteaux
pointiis, & même aux couteaux fans pointe,
ayant, y compris le manche, plus d’un pied de longueur.
La fabrication & la vent^ de tels inftrumens
a été prohibée, fous peine de cent liv. d’amende
la première fois, & de trois ans de galères, en cas
de récidive. Tout .corfe trouvé portant des armes
a feu, ou en ayant dans fa maifori., doit être puni
de mort, s’il ne rapporte une permifïion expreffe
©u par. écrit ftu commandant de l’ifle. Malheureufement.
les. circoniftances ont rendu néceflâire cette
loi de fang j.,& iil.y a.lieu de croire qu’on l’abolira_,
lorfque la civilifation de ce pays aura fait quelque
progrès.
L’administration de la juftice en Corfe eft d’une
fimplieité, qu’il ferait bien à defïrer qu’elle eût en
France. C’eft à cet égard que la légiflation des
corfes. eft très Supérieure à la notre. Ce que la
cour à fait pour cette ifle., prouve aflfez qu’elle
nignore pas la mauvaife conftitution de nos tribunaux.,
les défauts de notre jurifprudence, mais
quelle-eft indécife. fur des 'moyens de remédier aux
maux qui en font la fuite. Les corfes n’ont proprement
que deux degrés de jurifdi&ion au civil 8c
au criminel 5 la vénalité des charges ne leur eft pas
connue .: à ces deux .avantages ils joignent celui
d’élire leurs podeftats, qui font ù la: fois juges de
première inftance civile dans beaucoup de cas &
.chefs de Fadminiftratioh municipale & financière.
S e c t i o n Ve.
E ta t des contributions & des revenus de la Corfes
Les -leéleurs nè fe plaindront fûrement pas , fi
nous nous fervons ici du travail d’un adminiftra-
teur 'célèbre. ■ -
Lés impofitiôns introduites en Corfe 3 n’étant pas
fi diverfîfiéès qii’en France, & l’état de pauvreté
de là plus grande partie des habitans, pouvant
laiflfer en doute- fi les contributions qu’on exige de
cette ifle, ne font pas exagérées, on croit apper-
cevpir de l’utilité à en faire ici le recenfement.
Ces contributions confiftent i°. dans une fub-
véntion en nature dé fruits & par forme de dixme ,
dont le produit, s’élève à environ 2cp mille livres.
* 2°. Dans une impofition relative au loyer des
maifons} qui rend environ 3 y mille liv.
30. Dans des droits d’entrée & de fortie , qu’on:
peut évaluer à environ 180 mille livres.
- 40. Dans un bénéfice fur la vente du fel, environ
90; mille livres.
50. Dans des droits de contrôle & de papier
timbré, environ 25 mille livres.
6°. Dans un droit fur la pêche, & quelques octrois
établis à Baftia, environ 20 mille livres.
Total-environ 5 yo mille livres ; & fuppofant, à1
cauft de la paix, un accroiftement aéluel ou prochain
fur quelques parties, je dirai 6 6o mille liv.
? C’eft donc 4 liv. 17 fous par tête d’habitans,
de tout fexe & de tout âge.
- Et 11 r 1 liv. 2 fous par lieue quarrée.
Le produit entier des impôts eft confirmé dans
fe pays; & comme ce fond,, déduction faite des'
frais de recouvrement,. ne fuffifoit pas pour acquitter
les dépenfes civiles, le Roi envoyoit en
Corfe annuellement <, environ 250 mille livres pour
fervir de fupplément, & cette femme étoit indé