
iteurS j par les commodités qu’ils donnent aux
ouvriers , par l’aifance & les-plaifirs qui fe trouvent
dans les cités où font les rendez-vous de
1 înduftrie. C’ell le féjour des campagnes qui a
befoin d'encouragement pour les travaux les plus
pénibles, de dédommagement pour les ennuis &
les privations. Le cultivateur elt éloigné de tout
ce qui peut flatter l'ambition , ou charmer la cu-
riolîté. Il vit féparé des honneurs & des agrémens
de la fociété. il ne peut ni donner à fes enfans ,
une éducation civile fans les perdre de vue ni j
les mettre dans une route de fortune qui les dif-
tingue & les avance. Il ne jouit point des fa-
crifices qu'il fait pour eux , lorfqu'ils font éloignés
de fes yeux. En un mot, il a toutes les
peines de la nature ; mais en a-t-il les’plaifirs, s'il
n'eft foutenu par les foins paternels du gouvernement
? Tout eft onéreux & humiliant pour lui,
jusqu'aux impôts, dont le nom feulle couvre de
mépris.
Les arts libéraux attachent par le talent même,
cjui en fait une forte de paillon ; par la confidéra-
tion qu'ils réfléchiflent fur ceux qui s'y diftin-
guent. On ne peut admirer les ouvrages qui demandent
du génie, fans eAimer & rechercher les
hommes doues de ce don précieux de la nature.
Mais, file cultivateur ne jouitpasenpaix de ce qu'il
poffède & de ce qu'il recueille ; s'il ne peut s'adonner
aux vertus de fon état, parce qu'on lui
en ôte les douceurs j fi les milices, les corvées
& les impôts viennent lui arracher fon fils, lés
boeufs & fes grainsj que lui reftera-t-il ? qu'à maudire
le ciel & la terre qui l’affligent j il abandonnera
fon champ & fa patrie.
Un gouvernement fage, je le répété , doit s'occuper
avant tout de l‘ agriculture. Le moyen le plus
prompt & le plus aétif de la féconder, eft de
favonfer la multiplication de toutes les efpèces de
produirions par une circulation libre, facile &
commode.
S e c t i o n s e c o n d e .
Mjîime des peuples anciens pour Vagriculture. L o ix
qu onra p o r té en f a fa v eu r .-
Les Egyptiens attribuent à Ofiris l'invention i
de Y agriculture ; les Grecs à Cérès & à Tripto-
Jème fon fils * les habitans du Latium à Saturne
ou a Janus leur roi ,' qu’ils placèrent au rang des
dieux en reconnoiflance de ce bienfait. L’agricul-
ture fut prefque l'unique emploi des patriarches ,
les plus refpe&abtes de tous les hommes par la fim-
pÿgÇ de leurs moeurs , la bonté de leur amé ,
& I élévation de leurs fentimens. Elle étoit honorée
chez la plupart des peuples anciens. Tous
les ouvrages & agriculture qui font arrivés juf-
qu a nous j furent compofés par des hommes revêtus
des premières dignités de l’état. Xénophon,
grand philofophe que grand capitaine,, donna
au milieu d'Athènes des, leçons d3agriculture. |
ron , roi de Syracufe ,- ne dédaigna point d'inf. f
truire fes fujets par écrit d'un art aufli utile. Les!
chefs des deux premières républiques delà terre f*
C a ton , conful à Rome, & Magon, fuffete del
Carthage, font, au jugement des anciens, les au.
teurs economiques les plus fameux.' Parmi le luxe-
afiatique & celui de l'empire romàin, nous voyons!
eclore des traites d3agriculture ellimés, compofés!
par Attale, roi de Pergame , par Archelâus , roi|
de Capadoce , par Valérius. Afiaticus , jugéI
digne de l’empire après la mort de Caliguhu pari’
1 empereur Albinus , & c . p
On a toujours accordé des prérogatives à ceux!
?UI ^ u?nt ^vr^s a k K p t â j des terres. Ces loixi
favorables fe font même quelquefois étendues m£.|
quaux animaux qui partageoiént avec les hom-
mes les travaux de la campagne. Il étoit défendu!
par une loi des Athéniens , de tuer un boeu f qui;
fert a la charrue ; il n’étoit pas même permis del
1 immoler en facrifice. « Celui qui commettra ce i
03 crime, ou qui volera guelques outils d’agriculture,
« fera puni de mort «. Un jeune romain, accufé &l
convaincu d’avoir tué un boe u f, pour fatisfaire-
la fantaifie d un ami f u t .condamné au banniffe*
ment, comme s il eut tue fon propre métayer P
ajoute Pline.
’Mais ce n’étoit pas affez de protéger pari
des loix les.chofes nécefîaires au labourage , il fal-i
j01t«enC0re ve*^er à. la tranquillité & à la fureté 1
du laboureur 8c de tout ce qui lui appartient. v
y ? j1; Par cette raîr° n que Conftantin-le-Grandl
défendit aux- créanciers de faifir pour dettes civi- ■
les les efclaves , les boeufs , & les inftrumens v;
du labourage, c* S’il arrive aux créanciers , aux <
« cautions, aux juges mêmes, d’enfreindre c e tte l
» lo i, ils fubiront une peine arbitraire, à laquelle ils !
« feront condamnés par un juge fupérieur « L e !
meme prince étendit cette défenfe par une au-
tre lo i , & enjoignit aux receveurs de fes deniers, I
fous peine de mort, de laiffer en paix le la - |
boureur indigent. Il fentoit que les ’ obftaclesi
apportes a 1 agriculture 3 diminueroient l'abon- 11
dance des vivres, les richelfes du commerce , &
par contre-coup l’étendue de fes droits. Il y eut |
un tenaps ou 1 habitant des provinces étoit tenu de I
fournir des chevaux de porte aux couriers & d e s |
boeufs aux voituriers publics i Conftantin eut !
1 attention d’excepter de ces corvées, le cheval & !
le boeu f fervant au labour. « Vous punirez févé“ !
« rement, dit ce prince aux magiftrats , quiconque f l
«contreviendra à ma loi. Si c’ eft un homme d’u n !
« rang qui ne permette pas de févir contre lui ? I
« denoncez-le moi, 8c j’y pourvoirai ; s'il n'y a !
« d autres chevaux ou d’autres boeufs que ceux ||
« qui travaillent aux terres, que les voitures 8c !
« les courriers attendent«. Les campagnes de 111-
lyrie etoient défolées par de petits feigneurs. de
villages qui mettoiént le laboureur à contribution,
Ôi le contraignaient à des corvées nuifibles à h
culture des terres : les empereurs .Valens & Valentinien
, inftruits de ces défordres , les arrêtèrent
par une loi qui condamne à un exil perpétuel
8c à la confifcation des biens, ceux qui ofe-
ront à l'avenir exercer cette tyrannie.
Henri III, Charles IX, Henri I V f e plurent
à favorifer par des reglemens les habitans de la
campagne. Ils défendirent, de faifir les meubles ,
les harnois,les inftrumens & les beftiaux du laboureur.
Louis XIII & Louis XIV ont confirmés
ces reglemens.
S e c t i o n t r o i s i è m e .
D e s progrès de Vagriculture dans ces derniers temps,
C’eft aux Angloisque nous devons les premiers
progrès de la bonne agriculture. Les difettes, autrefois
fi fréquentes en Angleterre, montrèrent à
ce peuple négociant & guerrier , que pour exécuter
fes grands deifeins de commerce , il falloir
fe procurer une fubfiftance «indépendante de fes
voifins. Après la longue guerre civile entre Charles
I , &fon parlement, T Angleterre fe trouvant
cpuifée , on travailla avec ardeur à répàrer ces
pertes par un commerce étendu ; 8c pour établir
ce commerce, oh le fonda fur une bonne culture.
Les favans détruifirent des préjugés en in-
troduifant de meilleurs méthodes. Le gouverne*
ment établit une police favorable au cultivafeur.
C’eft à cette époque que commencent la grandeur,
la richefle & la puiflance de l’Angleterre.
.On fait qu’une récolte médiocre de ce pays fournit
pour trois ans , & une bonne pour cinq, les
productions néceftaires à fes habitans. L’Angleterre
peut employer ainfi une infinité de bras
dans^ les arts, dans les manufactures , dans fes
armées & dans fa marine, fans crainte de manquer
des chofes de première néceflité. Cette crainte ,
fi on en croit un écrivain moderne, arrête depuis
un fiècle la France au milieu de fes conquêtes :
une difette aCtuelle ou prochaine la force à la
paix. On fait quelle quantité immenfe de bled
les Anglois fournifient depuis bien long-temps ,
à quelques-unes de nos provinces. Nous ne jouif-
fons de cette reffource que durant la paix. Lès
difettes afiPoibliflent 8c dépeuplent l’Efpagne : ces
difettes font produites par le découragement 8c
la parefle du cultivateur.
Les Anglois creufoient dans cette mine féconde,
8c en tiroient des tréfors depuis près d’ua fiècle ,
fans que les autres nations fongeaflent à les imiter.
JJ parpit que la dernière guerre pour la fuccefiïon
de la maifon d’Autriche éveilla l’attention de l’Eu-
lope. Dans le cours de cette guerre on s'apper-
$ut, que la force & la puiflance d’un état ne
dépendent point de cette vaine politique , qui *
par des négociations frivoles, forme des allian-
cesmunies, çeu sûres , & fouvent rompues aufïi-
:i£ot que formées. Oiy reconnut que pour fe faire
refpe&er de fes voifins, il falloit de l'argent &
une bonne armée ; par conféquent un peuple
riche & nombreux j que les. guerres, au lieu de
porter fur le fondement fragile de la balance
imaginaire de l’Europe , fe combinent par les 'interets
du commerce ; que fi les états voifins défendent
l’importation des produits de l’induftrie
d un autre état, ce dernier fe trouve réduit à rien,
lorfque fa force n’eft fondée que furl’induftrie , 8c
fur le commerce d’économie.
La paix d Aix-la-Chapelle fut â peine conclue,
quon vit en Europe une fermentation générale.
De bons efprits s’occupèrent de fhiftoire
naturelle , afin de perfe<ftionner les arts & l’agriculture.
Le gouvernement les favorifa. LesSué-
dois qui habitent un pays ftériie &ingrat, borné 8 c '
gêné dans fon commerce , font des efforts heu-;
reux pour corriger les défauts du climat du nord.
Les mémoires de Stockholm feront un monument
eternel de 1 efprit patriotique des hommes les plus
illuftres de cette nation. Le Dannemarck imite
la Suède. L’Allemagne retentit de projets économiques.
Plufieurs de fes fouverains etabliflenc
une police favorable à l'accroiffement de la véritable
richeffe des états.
En France, on multiplie les expériences fur
la culture ; & prefque tout le monde s’y inté-
reffe. Que ne doit-on pas attendre d’une nation
induftrieufe qui réuffit dans tout ce qu’elle entreprend
fur les arts ? L’Efpagne malgré les préjugés
de la religion, a appelléun favant , pont
a ^a û un® nouvelle académie y
deftinee a cultiver l’hiftoire naturelle. Le roi de
Sardaigne a envoyé des jeunes gens de famille
. noble pour s'inftruire au fond de l’Allemagne,
j Le roi |de Naples a chargé un Allemand du foin
d examiner les reffources naturelles de fes états.
On a établi a Florence une académie ü a g r icu lture
y prefîdée par l’archevêque , & dont les membres
font les premiers, nobles de la Tofcane.
Les academies propofent pour fujet de leur prix
des queftions d’une utilité reconnue. Elles couronnent
des pièces qui nous inftruifent fur la
culture, des vignes, fur la nature delà laine, de
la tourbe , fur les maladies du bled, &c.
En Allemagne , en Suède , on enfeigne l’économie
politique 8c rurale dans les univerfités ; &
la jeunefle y jouit de l'avantage de rapporter ,
avec le fatras de l'érudition fcolaftique, au
moins quelques connoiflanees utiles à.la vie. Des
officiers du roi de Suède ne croient point s’abbaif-
fer en remplifiant ces chaires.
L'Angleterre doit à fes écrivains , ( 8c plufieurs
de ces écrivains font des hommes illuftres par
leurs emplois 8c par leur naiiTance , ) le progrès
des arts, de fon induftrie , de fon commerce
& le prodigieux fuccès de fon agriculture. Ses peuples
lifent les écrits férieux, les ouvrages qui
n ont que 1 utilité publique pour objet, avec le
memeempreflement, avec la même avidité qu’on