
Par une loi donnée nouvellement , les cours decomté
jugent en matière d équité , depuis la fomme de
cinq livres fterling, jufqu.' à celle de 100 liv. >
la cour fupérieure, depuis 200 liv. jufqu0à 800 liv.
& l’affemblée générale connoît de toutes les caufes
qui excèdent 800 liv.
Tous les procureurs font admis & reçus au ferment
par les cours de comté : il n'y a point de procureur
général 3 mais il y avoit fous l'ancien gouvernement
un procureur du roi dans chaque comté j
& depuis que le roi a abdiqué le gouvernement ,
ces procureurs s'intitulent ; Procureurs des gouverneur
& compagnie»
S e c t i o n Q u a t r i è m e .
Remarques fu r la constitution du Conneéticut.
La conftitution donne à la cour générale le
droit d'accorder des lettres de furféance 3 décharge
& élargiffement fur répit, dans les affaires criminelles
& capitales , & cette autorité eft fort convenable
; car la puiffance qui peut faire les loix 3.
peut en difpenfer ; 8 c c'eft peut-être un abus dans
la conftitution d'Angleterre 3 que le droit de faire
grâce, dont le. roi eft revêtu, fans avoir celui de
faire les loix.
La nomination & la deftitution des shériffs dépendent
du gouverneur & du confeil : on a jugé
fans doute que ces officiers , chargés fpécialement
de la police > doivent être dans la dépendance
du président & du corps de l'état, dont la principale
fonction eft de veiller à la tranquillité publique;
mais il feroît peut-être à delïrer que leur
nomination & leur deftitution dépendirent de la
cour générale.
Les Etats - Unis doivent forveiller leurs gouverneurs
avec foin : ils ont, il eft vrai, réfervé la
nomination des officiers généraux & des officiers
fupérieurs à la cour générale ; mais on ne voit
pas trop pourquoi le Connedticut & la plupart des
autres provinces, ont décidé que ces officiers généraux
& ces officiers fupérieurs, & même les
officiers fùbalrernes recevront leur commiffion du
gouverneur.
Quoique le Connecticut n'ait pas, comme l'état
de Maffachufett & comme quelques autres provinces
> déclaré d'une manière énergique l'égalité
de tous les citoyens, on voit cependant que fès
habîtans ont eflayé autant qu'ils l'ont pu de rendre.
leur gouvernement très-démocratique : ainfi ils
ont ftipulé formellement que tout habitant libre
ayant qualité pour voter a / 'élection des repréfen-
ta n s , &c. eft Jligible. pour tout office du gouvernementi.
Mais on trouve un article qui ne devroit pas
fe trouver dans des loix fondamentales , ou
du moins qui ne devroit pas être rédigé de cette
maniéré. Le voici ; « les qualités requifes pour don-
" ner à une perfonne le droit de voter à l'éleétion
« des officiers du gouvernement font maturité d’âge3
a conduite tranquille paifible 3_ douceur dans le
“ commerce de la vie & une franche tenue de qua-
» rante fchellings &c. ». Au lieu de Le fervir de
l'expreffion vague de maturité d'âge y- il falloir désigner
une époque fixe i enfuite que lignifient ces
mots conduite tranquille & paifible ? qui jugera fi on
a rempli cette condition ? C et examen fe fera-t-il
brufquement au moment de l'éleétion, ou d'une
manière juridique ; & , s'il fe fait d'une manière
lente & juridique , l’accufé fera-t-il fufpendu de
fes privilèges duratot cet intervalle ? Quant aux
mots douceur dans le commerce de la vie > rien ne
peut les juftifier. Quoi donc un ardent patriote*
dont les manières auroient la dureté qu'on reproche
quelquefois aux âmes fortes > perdroitfes droits,
de citoyen ! Onne s'attendoitpas à rencontrer de pareilles
fautes dans les conftitutions américaines.
L'affemblée générale prononce dans toutes 'les
caufes civiles , dont l'objet en litige excède la.
valeur de 800 livres ; & l'on, s-'appercevra tôt ou
tard que la puiffance législati ve doit être féparée de
la puiffance judiciaire. 11 paroit qu'on exige un
: certificat des officiers municipaux du diftriél * &
c'eft un autre abus ; les citoyens d'un état libre-
ne peuvent perdre leurs privilèges , qu après avoir
été flétris par la loi.
Ses loix, ainfi que celles de Maffachufett & dit
N©uveaurJerfey, excluent de la chambre des communes
quiconque cherche a fe procurer des- fuf—
frages, quiconque même témoigne le defir d'être-
choifi : mais il faudra veiller à l'exécution de ce
réglement y. & c e qui fe paffe en A n g le te r r e&
ce qui s'eft paffé de tous les temps chez les peuples
libres , doit faire, fëntir l'utilité de cets
avis.
Quelques-unes des remarques que nous ferons
fur les conftitutions des autres Etats-Unis, font:
applicables à celles du Connedticut 1 & nous y renvoyons
le leéfeur.
Au refte nous ignorons fi l'état du ConneBi-
eut a rédigé fa conftitution d'une manière formelle,
ou fi l'expofe inféré dans la fe£li©n précédente
eft le. refultat de ce qui fe pratique „
d'après le fimplè aveu général. Il y a lieu de croire:
qu'il n'avoit pas encore achevé le grand ouvragé,
de fâ légiflation * à l'époque ou le congrès a publié
les conftitutions des treize Etats-Unis■ : car
on trouve feulement, dans ce recueil, TexpOfé tel:
que nous l'avons donné.
à h jüdj'ce. Vbye[ la note (y) dé ‘la conftitution de Maflachufett. G*étou en matière d’équité que la cour générale-
Connedticut était cour dé chancellerie , & le droit de juger dans ces matières y eft fubdivife par la conftitution no.uv.eîl
& attribué aux co.un.de comté pour les petites fommes,.
S e c t i o n c i n q u i è m e .
Détails fur les moeurs des habitans du Connedticut,
leur commerce & leurs exportations.
La république du Connecticut eft une des plus
intéreffantes de l'Amérique : on- dit qu'elle eft
compofée prefque en entier de cultivateurs endurcis
au travail, qtfi ont à-peu-près la même fortune
, qui font habitués au maniment des armes ;
très-inftruits de leurs droits, vêtus d'étoffes fabriquées
dans leurs maifons, qui ont des moeurs Amples
, qui font étrangers au luxe, qui tirent leurs
richeffes de la terre, qui font très-induftrieux ;
en ajoute qu'ils fe marient de bonne heure, &
qu'ils ont des familles nombreufes ; qu'on n'y voit
ni pauvres ni riches, ni grands préfomptueux, ni
lâches flatteurs.
Les premières vues de fageffe qui dirigèrent la
conceffion & l’arpentage des terres, lors des premiers
établiffemens, fe font maintenues dans toute
leur pureté. Les habitans font les meilleurs colons
pour commencer le défrichement d'un diftridl. Ils
favent tout entreprendre, toutfouffrir & tout faire:
ce font autant de Robinfons Crufoès ; ils ne fe
découragent jamais : quelques difficultés qu'ils puif-
fent rencontrer, ils favent les vaincre par leur
adreffe & par leur perfévérance. Cette province a
foixante-dix milles en quarré, & une multitude
d'hommes n'y trouvant pas affez de terre pour
leur adtivké, font allés s’établir ailleurs ; il y a
long-temps que tout eft occupé parmi eux comme
en Europe. Ils ont un peu dégénéré de la
propreté angloife ; mais il n'y a point de colonie
qui foit fi bien cultivée. L'afpeél de leur province,
le grand nombre de leurs villes , de leurs plantations
, de leurs chemins, tout l'attefte : déjà même
ils ont établi des manufactures de toiles, de flanelles
, de chapeaux, de poterie, de foude, des
cardes, &c. «Je ne crois pas, dit l'auteur du
. *s Cultivateur américain , qu'il y ait dans l'univers
» une rivière dont les rivages foient plus fertiles,
»3 plus abondants, & décorée d'un plus grand
»3 nombre, non de châteaux de riches oififs, mais
» lin, du maïs & du feigle : le bled ne commence
33 à cioïtre, qu'au-delàde la rivière de Connecticut
33 vers l'oueft ».
Les habitans du Connedticut reffemblent beaucoup
à ceux de Maffachufett, dans là forme de leur gouver-
nementjdans leur fiftême religieux,ainfi que dans 1 :urs
moeurs & leurs coutumes ; ils descendent comme les
derniers, des anciens puritains, qui émigrèrent
fous les deux Charles , & qui depuis ont rempli
toute l'étendue de leur territoire, fans le fecours
d'aucune peuplade européenne. Gn remarque ,
dans leurs actions , dans leurs entretiens, ainfi
que dans leur conduite , une empreinte, une nuancé
d'habitations de bons & refpeétables cultiva-
*» teurs, que celle du Connecticut. Combien n'ai-
»5 je pas vu d’européens étônnés , en navigeant
»> fur cette rivière, d'appercevoir fur fes bords, pen-
»> dant un fi long efpace, un fi magnifique fp.ee-
»> tacle d'induftrie , de richeffe agricole & de prof
v> périté. Ce n'eft pas fur ces rivages feulement
v> qu'on remarque leur génie infatigable : les en-
03 droits les plus éloignés des rivières portent par-
» tout la même empreinte; ils ont même trop
n cultivé, & le bois leur manquera avant peu
»3 d'années. Tout le monde eft occupé , foit au
»» commerce, à la navigation, ou à conduire la
•> charrue. Les boeufs font très £ beaux & três-
*> nombreux dans cette colonie > elle produit du
particulière qu'on n'obferve point ailleurs, &
qu'on prendroit, au premier coup d 'oe il, pour
de l'hypocrifie : cette facheufe apparence vient de
leurs anciennes loix derigorifme, & de la fervile
exactitude avec laquelle ils etoient obligés de s’y
conformer. Ces loix ordonnoient la réferve, non
feulement dans la conduite journalière , mais
dans les converfations ; de-là viennent ce langage
particulier & ce ton auquel on les reconnoît partout
où on les rencontre, ce fang-froid qu'ils con-
. fervent jufques dans les momens d’agitation & de
colère qù l'homme eft le moins fur fes gardes.
Pour bien connoître leurs moeurs, leurs ufages
& leur fyftême religieux, il ne faut pas oublier
les opinions & les préjugés chéris qu'ils apportèrent
avec eux , lorfqu'ils quittèrent l'Angleterre
en 1630. Le chef de toutes les familles adreffe,
le matin 8c le foir, fes prières à l'Etre fuprême ,
& il fait une courte exhortation fur quelque texte
de l'Ecriture. La facilité avec laquelle ils s'inftrui-
fent dans leurs écoles , leur donne des demi-con-
noiffances fur des chofes inutiles, & leur infpire
quelquefois le goût bizarre de l'érudition ; auffi
voit-on parmi eux beaucoup d'orateurs & de prêtres,
fouvent fans vignes & fans troupeaux, qui,
pour fe diftinguer & peut-être pour fe procurer
quelque établiffement, cherchent dans les cendres
des fe&es , éteintes ou oubliées, des étincelles de
l'ancien zèle: de-là ces prétendues lumières nouvelles
dont on a tant de fois entendu parler , qui ne fervent
qu'à caufer des effervefcences paffagères , à
divifer les anciennes églifes, quelquefois à en fonder
de nouvelles où l'enthoufiafme brille pendant
quelque temps : de-là cette difpofition à la chicane
, entretenue par une forte d'inftru&ion fur
les loix , ainfi que par le grand nombre d'avocats
peu éclairés qu'offre cette province. '
Au refte, les qualités recommandables qu'on trouve
parmi eux, commençoient à s’épurer à l'époque
; de la dernière révolution ; & ces hommes, les plus
eftimables d'ailleurs de tous ceux qui peuplent les
Etats-Unis , profiteront fans doute d'un fi grand
changement : ils ne s'occuperont plus que de l'agriculture
8c de leur liberté, & ils offriront au
monde entier un fpe&acle intéreffant de toutes les
manières. Déjà ils ont permis aux anglicans de
bâtir des églifes ; il y a.long-temps qu'ils n'abhor»