
L'inutilité , les inconvéniens , & par confe-
queht l'abus d'attendre des futaies en maffifs, étant.
démontrés' ; il ne relie que la deuxième manière
d'exploiter ‘lesbois. .
Cette manière eft la feule bonne} mais^e n'eft
qu'autant qu'elle eft bien réglée : or il arrive très-
fouvent qu'on ne fuit aucune règle fixe dans cette
exploitation. Les coupes dé taillis fe font à tous
âges, même à dix ans ; & l'on réferve aux mêmes
âges beaucoup plus ou beaucoup moins de baliveaux,
que l'on coupe très^ fouvent trop tôt,
& prefque toujours fans ordre progrjeflif.
En général, les taillis font coupes trop jeunes >
par cette raifon, les baliveaux qu’on y réferve
ne peuvent jamais devenir de beaux arbres.
Auffi les forêts exploitées à de trop jeunes
âges, ne donnent-elles aucuns bois de conftruc-
tions des premières efpèces, & produifent-elles
bien moins de bois d'autres efpèces qu'elles ne
le devroient, tant parce que les coupes'font trop
fréquentesque parce fouvent le grand nombre
de baliveaux nuit à la crue du tiillis'.
Conféquëmment le produit en argent eft beaucoup
au-deffous de ce qu'il devroit être.
Comment dont- faut-il aménager les forêts
pour remplir tous les Objets, c'eft-à-dire , pour
avoir des bois propres aux grandsemplois,
par leurs qualités Sc leurs dimenfîôris, pour fe
procurer abondamment d’autres bois de toute
çfpèce, & pour retirer des coupes le plus grand
produit en argent ?
Ce n'eft qu'en confultant la nature, & en obfer-
vant fes procédés, dans l'accroiffement des bois3
que l'on peut déterminer les âges auxquels il convient
de les exploiter.
C'eft un fait que les arbres qui croiffent enfetn-
ble , & ferrés les uns près, des autres, fingulière-
ment les ^chênes, s’élèvent fans prefque groffir,
& ne viennent jamais droits, & que lorfqu'on les
ifole ils ne s'élèvent plus (1)5 mais qu'ifôlés à
certains âges, ils acquièrent de la groffeur, & fe,
redreffent en groffiffant, & qu'à d'autres âges ils,
ne font que languir, & finilfent par périr (2).
Ces obfervations j que n'ont point faites les :
réformateurs des forêts, parcequ'ils n'en ont fait
aucune , & au furplus les effets qui ont réfulté de
leurs réglemens, démontrent le faux du préjugé
que l’on a eu en faveur des futaies en maffifs (3) ;
puifque des arbres, qui ne font que s’élever fans
prefque groffir Sc ne viennent jamais droits, lie
peuvent donner de belles pièces de conftru&ion ;
& elles indiquent les âges auxquels il convient
d’exploiter les boii, en faifant connoître que lorfqu'on
les coupe trop tôt, on n'a point d'arbres
d'une certaine hauteur à réferver, & qu'en les
coupant trop tard, les arbres réfervés., en fuppo-
fant qu'ils ne périffent pas, ne font plus affez.
jeunes pour fe redreffer en grofliffant.
L’aménagement général qu'on propofe (4) fe
trouve donc prefcrit par ces obferyations.
Il confifte (après avoir reconnu la nature des
terreins, les befoins du pays, & les débouchés du
du commerce), à régler les coupes périodiques
des bois à des âges moyens & combinés, pour
avoir des taillis en bonne valeur , qui produifent
continuellement, & fourniffent abondamment du
bois, & fur lefquels, en même-temps, on puiffe
réferver des baliveaux qui deviennent de beaux
arbres ,. c'eft-à-dire, des arbres qui aient à la fois
le plus de hauteur & le plus de groffeur qu'il eft
poffible (5). Enfin cet aménagement confifte à
exploiter les forêts aux âges auxquels les fouches
repouffent, & les baliveaux fe foutiennent, profitent.,
& peuvent devenir dé beaux arbres, en
les refervant en certain nombre , pour être coupés
aux termes où ils doivent être attendus»
Ces âges font ceux de 20 à 40 ans : c'eft aux
révolutions comprifes entre ces deux termes, qu'il
convient de couper tous les bois fans en exploiter
( 1 ) Abfolument parlant, un arbrç ifolé ne s’élève plus; mais lorfqu’il eft réferve jeune fur un taillis bien exploité, &
qui l’entoure de tous côtés, à me foré que le taillis croît, il fait périr, en Jes. privant dé l’air & du fpleil, toutes les .
branches inférieures, celles fur-tout quR-ont pouffé au corps de l’arbre depuis qù’il a été T-éfervé : il en arrive que la fève
étant diftribuée en moins de parties, la cînie en profite, & ainfi acquiert encore un peu de hauteur & beaucoup de
croflèur ; ce qui l’aide àfoutenir l’équarifîàge de l’arbre dans une plus grande longueur.-
'(2 ) Les arbres ifoies qui périflènt, font ceux réfervés fur des bois trop attendus, c’eft-.!-aire, fur futaie ou fur des
taillis trop âgés ; cetax'réferves for la futaie languiffènt & meurent en cînie, parce qu’ifolés après s’êtrë abrites les uns
les autres pendant une longue fuite d’annces , ils ne peuvent rélïfter à l’inupreffion de l’air j dont ils fe trouvent frappés,
fubitemeiit & de cous côrésf ceux réferveTjur des taillis trop âgés', meurent en cîme par la même raifon : en outre,
faute de groflèur proportionnée à leur hauteur, le plus fouvent ils font rompus ou arrachés par les vents.
; f j ) Les réformateurs confidérant pour l’avenir l’étendue des befoins de l’etat, n’ont vucomme on l’a dit, que I4.
nécefltté d’attendre long-temps des arbres, & là facilité d’en attendre beaucoup. S’ils avoienr confulté la nature', ijs
auroient reconnu qu’il eft hors de fa „puiflance de donner à une multitude d’arbres , ferrés les tins près des.aùtres.
Faccroiflement fur lequel ils comptoient. . ' ' .
(4} Cet aménagement eft luivi dans un petit nombre de forêts, & ce font les feules où l’on trouve de beaux ,lo\s
dç conftru&ion : ainfi ce qu’on propofe eft Amplement de l’adopter avec «les perfeûions qu’il exige. Le$onçr©Ieur-,général
l’àvoit fait agréer ën ijjx par le feu roi *.pouu la foret de Compiegnp. ,
(y) Les baliveaux fur taillis,( ceux 'dôfit on parle ici ) ont,à la vérité moins de hauteur que les arbres qui compofent
les maffifs de futaie; mais ils'offt dés-droits-au moins“ Tùr uii feris : ce ’ qui fait qu’ils,, donnent des pièces, dont la longueur
répond à la hauteur de l’arbre, & ainfi ( fui va ne “l’âge des taillis fur Jëfquels ces baliveaux ont été ,réfervés.) d«&
pièces de trente àfoixants pieds-, -ôç. mfsme quelquefois- plus, : ils,i ont toute la gioftèur poffible ; & comme- arbres ifolé*,
continuellement frappés de l’air & du foleil, ils ont toute., hi qualité aufe comportent le d-urvaif ôc Jç terreinj eu un mot,<
ils ce qui manque aux arbres venus en maffifs- de fotaic-, c'eft-à'-tfîre, toge-.
ajicun
lucun, au-deffous de 20 ans (1) , ni plus tard
qu'à 40 ans ; ceux trop âgés pour reppuffer, doivent
etre arrachés,^ les terreins qu'ils occupent
replantés, comme faifant partie des vuides : car il
fera indifpenfable de s’occuper auffi de replanter
^ l
s A l’égard des; baliveaux à réferver fur chaque
coupe périodique des bois des différens âges , pour
en fixer le nombre\y il faut partir d’un point conf-
taqt, qui eft qu'un terrein, d'une étendue déterminée,
ne peut; produire qu'urie certaine quantité
de beaux arbres.
En établiffant bien la1 proportion, on eh aura
par-tout où il ëft pôffible àinë grande quantité, &
de bonne, qualité y on' aura abondamment du 'bots
de toute eîpèce (3), & pour tous les emplois:
d’où il fuit qu'on retirera de l'exploitation des
forêts le1 plus grand produit poffible ea argertt ;
ainfi tous les objets-feront remplis^ w
- II faudra donc réferver filr , chaque arpent la
quantité de baliveaux que comportera l'âge auquel
fa coupe fera réglée, le plus, grand nombre
en effence de chêne, & le furplus en hêtres, ormes,
frênes y ou autres arbres que ’les befoins
exigeront.
Au moyen des réferves faites fur chaque première
çoupe 3 les forêts où l'on trouvera, lors de
l'aménagement, tous' les "arbres riéceffàires , feront
, dès-chaque première révolution, garnies de
baliv’eaux en ;nombre, des âges & des èffënces
qu'on aura adoptés. Il nerifera plus queftion alors
que d'entretenir toujours fur chaque arpent, aux
mêmes âges & dans les mêmes effences j le nombre
fixe de baliveaux J>our .les- couper.', à leurs
termes.- -
- Car , de meme qu’à chaque révolution on ne
pourra avoir, à çoifper. les baliveaux .de différens
âges, qu’en raifon de ce qu'on en aura réferve
& attendu pour .opérer le remplacement, il faudra
auffi à chaque .révolution réferver & attendre
en raifon deee qu'on, coupera > le tout confort
mément au tableau qui eft à la^fin de cet article
(i).
Quant au choix des .baljveaux, ,ce.qu’il y a à
dire fur ,ce point,. c'eft qu'il faut toujours.réferver
les plus, beaux .-arbres;j& les mieux venans ,
ceux fur-tout qui, par leurs configurations, font
les. plqs-int-éreffans' î Se , pour ce .choix , il faut
absolument le coup d'oeil d'un .hommc - pratique.
: Les forêts ainfi gouvernées, leur exploitation
confiftera dans la coupe des taillis des différens
âges,, 8c dans celle -des bajiyeaux arrivés, à leur,
terme . r Toutes .feront, auffi-tôt dans leur valeur ,
excepté celles,où l'on ne trouvera point, lors de
raménagement,^ tous, les arbres des âges nécef-
faires pour le completter, excepté auffi les par*,
ties replantées.
En effet, on fent bien qu'il n'y aura pas tout
d'urt coup par-tout dés baliveaux à couper , qiiï
fument fournir , des bois propres à tous les emplois.
Dans lès parties ou l'on nè tfouvera point
cés baliveaux ,"ce fera l'affairé du temps de don- ‘
ner aux arbres réfervés tout leur accroiffement.
comme ce- fera au bon aménagement à les faircï
devenir ce qu'ils peuvent être.
Mais, dès l'inftant de cet: aménagement, les
: caufes dü mal cefferont j le: produit de l'exploi-
1 tation des bois , ji l‘on profite des rejfources que
1 les^ fotâts offrent encore y fera plus confidérable ,
, meme après avoir*‘fourni aux frais de leur réta-
bliffement, & il augmentera d'année en année i
à méfure que l'aménagement généiral s'avancerai
jufqu'à ce qu'étant confommé le temps achevé
1 l'ouvrage , & porte les forêts à leur plus grande
valeur» -,
n C'eft alors ique le produit, tant ; en bois ide
! conftruâüoh qu'en bpijs de toute autre efpèce a &:
par çonféquent en argent, montera au plus haut
point poffible , & que ce fonds de richeffe, en
devenant abondant , deviendra intariffable ; car
les forêts, ainfi ;aménagées <k exploitées , fe per-
U') II: excepte les bois plantés en ccfudrier, chaçaignier, bôurfaùlt ; &c. dont léë. coupet pëavent & doîvènt même
. être faites plutôt çju’à vingt ans.
(2) Arrêcer les progrès du dépériflèmfiht pour' lès. parties; qui peuvent’ enebre fe perpétuer, & renouveller celles quî
ne peuvent fe régénérer, font les deux moyens de rétablir les forêts; le premier eft déjà fûffifamment développé.
L elTentiel de ce: qu on poùrrou dire-à l’égard du fécond, fe réduit à ceci f: qu’il faut défoncée en totalité & profonde-
meut ( a deux pieds de terre ferme par-tout où le terrein le permet , qu’il foie bon ou' mauvais }, afin que le plant
puiffe jetter fés racines à l’aife, en tout fens & au,loin ; s’il eft bon, parce que, quelque boa qu’il foit, s’il n’eft dirife
& remue de la .profondeur néceffaire, les racines du plantne peuvent pas plus y pénétrer, le percer; que fi c’écoit un.
mauvais' terrein ; -s’il eft mauvais parce que dàiis : l’opération du défoncement, la bonne terre qui étoit à la fuperficïe
fe trouve placée ,-d^ns le'fond, & que c’eft au .fpnd & noÀ à ïk ftiperficiequelle planf jette fes racines; n’employec
qu?, du plant de pépinière, parce que celuif venu, fous bois a les. racines mal conditionnées fie la fibre racornie ; l’em-
ployer le moins tard poffible', pa'rce que le'plant commençait à jettet des racines en hiver, celui qui n’eft-planté qu’en
février ou mars, court le rifque des haies des printemps fecs ; tandis que celui qui eft planté en novembre ou décembre
eft déjà établi dans le terrein, y a déjà réuffi; enfin, entretenir les plàntatiofis, parce que c’eft renoncer au fuccès*
que de ne pas leur donner tous les' foins, ncceffaires .• manquer à uae de ces conditions, eft pour ainfi dire manauer
a toutes., ... ( ^
„.•( 3; j, Çù ne peut entretenir en mêmes^'quantités lés réferves, fur-tout en beaux arbres, fans avoir à chaque coupe
beàucoup à chqifir : or !on ne peutàvbir'-beaucoup à choifir que fur un taillis plein. Ainfi le taillis exploité de vingt à
quarante ans ne peut être plein & à la .fois garni: de-baliveaux, attendus à tous âges, fans donner abondamment i
chaque, revol'qtipni-d^s bois ,dç (toute efpèce> On voit que ces effets rélultent les uns des autres.
,<4.) »blqu Rtéfen.çe celle.4ês,.«npiêres dp faire le balivage qu’on 4 .çry U îueUlëme. Voyez ce tableau pag a7i
(aeon. polie, çf diplomatique. T oui, I. ' . " ' 1 ' ■ A a *a ' *