
tant le premier & en le foutenant, elle privilégie I
l'intérêt particulier, & lui donne la préférence fur
rutilité publique. Qu’on laifïe agir le négociant, i
il ira bien de lui-meme au but où il doit tendre j
en travaillant à fon propre avantage, il concourt
au bien général. L ’autorité fouveraine ne doit
même au commerce de la nation que la protection
tutélaire qui veille aux propriétés ; elle n’a befoin
d ’employer le pouvoir que pour repouffer la force
attentatoire & contenir l’injuflice : le trafiquant &
le négociant en demanderoient-ils davantage ? La
liberté, la fureté, la facilité des débouchés font
comme les trois branches de cette protection vigilante
> & c’ell à quoi elle doit fe borner fans
fonger à adminiltrer, à réglementer, à défendre
ou à prefcrire. Laijfe^ faire &■ * laijfe^pajfer, voilà
tout le code du commerce, difoit un illuftre ma-
giftrat ( i ) j ajoutons à cela j donnez le moyen de
paffer, c’eft-à-dire, conftruifez des chemins, des
ponts, des levées, des digues, des canaux, des
ports, parce que le commerce s’étend en raifon
des facilités qu’il trouve à circuler.
Toutes choies réfiftent à être mal régies, &
le plus grand nombre à être adminiltrées j le commerce
répugne fur-tout à l’être. L e furcharger , le
vexer , l’épuifer , c’ eft l’éteindre > mais lui donner
la facilité des tranfports, lui faire des voies commodes
8c de grands débouchés peu difpendieux,
le garantir des vexations, des taxes & des entraves
, c’ eft lui donner tous les moyens poffibles de
arvenir à fon plus grand accroilfement, pour le
ien de ceux qui le gèrent & pour la profpérité
de l’état j c a r , en cherchant dans lç commerce l’avantage
des débouchés, on trouve en même-tems
l’ avantage des propriétés foncières ; dans celles-ci
l ’avantage de la culture, & dans la culture l’avantage
des fubfiftances, l’accroiffement de la population
& des forces d’ un empire.
Si nous voulons à préfent paffer à l’examen du
négoce qui en eft un acceffoire, nous aurons plusieurs
chofes à confidérer j car le commerce qui
admet les intermédiaires , renferme quatre objets
qu’il ne faut pas confondre. Ces quatre objets
fon t, i° . les caufes du commerce $ Jpj la matière
du commerce j $°. la fin du commerce j 40. les moyens
du commerce.
Les confommateurs, comme premiers vendeurs
& derniers acheteurs , font les caufes du commerce
5 car ce font eux qui le provoquent 8c l’oc-
cafionnent. La matière du commerce eft la maffe de
toutes les chofes commerçables fournies par les
producteurs qui font auffi des confommateurs. La
fin du commerce eft la confommation de ces memes
chofes commerçables } 8c les moyens de commerce
font tous les inftrumens , tous les agens par les
procédés defquels on parvient à cette confommation.
C e n’ eft donc que comme moyens que les
trafiquans tiennent à cet enfemble que nous appelions
commerce.
Qualités nêcejfaires a un négociant pour devenir un
citoyen utile.
Quoique les trafiquans ne foient pas d’une utilité
première dans la fociété, ils concourent néanmoins
à lui rendre des fervices affez importans ,
pour mériter d’être confidérés comme une claffe
de citoyens recommandables, s’ ils ont dans leur
état les qualités requifes. Ces qualités, qui éta-
bliffent leur fortune, 8c profitent au bien public r
peuvent fe réduire à quatre , indifpenfables pour
rendre leur profeffion honnête 8c lucrative : con-
noiffances, induftrie, activité, bonne-foi doivent
former l’effepce de quiconque veut embraffer le
négoce 8c le traiter avec avantage.
Les connoiffnaces néceffaires au négociant, ne
renferment pas feulement des notions claires des
droits 8c des devoirs de l’homme en fociété, du
jufte 8c de l’injufte abfolu j mais les vrais principes
du commerce dont nous avons parlé , l’ art de
former une fuite de combinaifons profitables} d’en
arranger les parties, d’en voir les moyens 8c les
effets, d’établir des correfpondans qui augmentent
8c accélèrent le jeu des opérations}.tout cela
précédé de la fcience des détails néceffaires à tout
homme, qui ayant à acheter 8c à vendre, à donner
8c à recevoir, eft obligé de tenir un regiftre
exaéfc de recette 8c de dépenfe , pour, fe rendre
compte à foi-même 8c pouvoir montrer aux autres,
1 interet de leurs avances, les cptnpenfations de leurs rifques 5 mais le principal avantage des échanges eft toujours pour
les produdeurs & les eonfoçmiateurs des .chofes échangées. ÏJne maxime équivoque dans notre langue eft celle-ci • il
faut favorifer le commerce. Dans le fens le plus jufte, elle eft vraie ; car elle lignifie alors qu’il faut exciter la multiplication
des produdiofts, celle des échangés, celle des consommations qui font le bien-être des hommes ; mais dans 1 ac-
ception vulgaire, qu'il faut favorifer le trafic & les trafiquans, elle eft oppofée aux vrais principes, elle eft faufilé 6c
prejudiciable.^ Les faveurs qu’on doit au commerce font liberté générale, immunité parfaite, facilités univerjelles. Elles diminuent
les frais, excitent la concurrence & augmentent les profits & les avances de la culture, I,es négocians eux-mêmes,
comme agens accefloires do commerce, trouvent de grands ^avantages dans ces faveurs ; mais quand, pour les rendre
plus considérables, ils veulent les fixer-fur eux fenls, quand ils furprennent du gouvernement, des exceptions particulières
, des privilèges exclufifs, des preferences, dès-lors ces défauts de concurrence font naître le monopole, & il y a
e.^5co*tes» tuoins de fabrications1,, moins de voitures, moins d’achats & de ventes, moins de conformations
Sc de jomlrances, par cQnfeqijent moins de commerce proprement dit. Enfin Je trafiquant trouve for» avantage dans les
faveurs faites au commerce 5 njais les faveurs exclqliyes accordées aux négocians St au trafic font la ruine du
fommtree.
(j) fieu M. de Gournai, intendant du çvfnmerçtn
*’U
s’il eft néceflaire, la régularité de fa conduite dans
tout, fon jour. Il faut donc qu’un négociant pof-
fède le çalciil comme préliminaire de fa fcience ;
qu’il foit exercé à la tenue des livres ; qu’il n’oublie
rien enfin de ce qui eft en ufage dans le négoce
pour donner plus de fureté a fes entreprîtes,
plus d’exaâitude à fes affaires, plus de facilité
à fes expéditions , plus de crédit à fon
intelligence.
L induftrie, qui eft une difpofîtion naturelle de
1 efprit à rechercher, à inventer, à tirer parti des
talens ,& des circonftances, s’exerce comme la
mémoire, & , comme elle, fe développe par l’u-
fage qu’on en fait. On ne peutguères s’enfervir,
que lorfqu’on connoît bien les rapports des objets
& la liaifon des chofes. Dans le commerce, on
entend par induftrie le talent & l’habitude qu’on
a de conduire fon négoce , l’habileté à le rendre
productif, & , dans ce cas, tout le monde peut
I acquérir jufqu’ à un certain point ; mais lorfqu’un
homme porte ■ cette qualité dans le commerce à un
degré éminent, il forme alors ces fpéculations
brillantes, qui frappent par leur nouveauté, furprennent
par leur hardieffe, & fe font applaudir
parleurs avantagés. On doit quelquefois à fes vues
lumineufes I’apperçu de liaifons très-utiles à former
, ^’indication d’établiflemens très-profitàbles ,
la découverte d’une branche de commerce ignorée
ou peu cônnue dans un canton , & qui va lui donner
la chaleur & la vie.
L ’a&ivité n'eft que la promptitude & la diligence
qu’on met à faire quelque chofe, à faifir
vivement les occafions qui déterminent les fuccès j
à employer fans retard les moyens & les circonftances
favorables. On fait combien l’âélivité affûte
d’avantages à nos entreprifes, lorfque flous
avons des concurrens & des rivaux. A la guerre,
à la cour, au palais & dans ce qu’on appelle les
affaires, la victoire couronne fouvent l’activité ;
elle n’ eft pas moins utile dans le négoce, où chacun
fait fa part la meilleure qu’il eft pofljble, &
a droit de-le faire lorfqu’on y jouit de la liberté
de la concurrence , & que chacun ne peut avoir
de préférence qu’ à raifon de fes talens.
Enfin la bonne-foi néceflaire dans la fociété ,
eft indifpenfable dans le commerce pour établir le
crédit 8c s'attirer la confiance. La bonne-foi eft la
fidélité confiante à obfer.ver fes engagemens, ïoit
tacites ou publics, par écrit ou de vive voix. Elle
eft la bafe des liaifons entre les hommes ; elle les
foutient Srles perpétue ; y manquer, c’eft les dif-
foudre^ autant qu’il eft en nous; c ’eft blefier la
probité & faire fuir la confiance & l’ eftime. Tout
engagement'fuppofe une obligation réciproque;
en manquant à nos engagemens pour quelque intérêt
que ce fo it , nous ne difpenfons pas feulement
les autres de fe fier à nous déformais, nous
leur remettons en quelque forte la foi qu’ ils nous
©nt promife. L infidélité dans le monde fait tort
Q£con. polie, 6? diplomatique. Tome I,
à l’honneur de celui qui en eft 'coupable. Elle a
une plus grande influence dans le commerce, où
elle n attaque pas feulement-l’honneur du commerçant
infidèle, mais bleffe encore les propriétés
de ceux envers qui il s’eft engagé, & par-là de-
vient d autant plusodieufe, que la confidération
de l’intérêt perfonnel l’emporte chez la plupart
des hommes fur toute autre confidération.
5 C OM M IS SA IR E S ,
c COM M IS S IO N . On trouve ces deux mots
fous toutes leurs acceptions dans le DiéHonnaire de
Jurifpr.
C OM M U N A U T É S . A prendre ce mot dans
1 acception d’une réunion d’intérêts entre plufieurs
individus, la nature n’a voulu faire de l’humanité
entière qu’ une grande communauté ; car tous les
intérêts font communs entre les hommes.
Leurs appétits étant les mêmes, l’inftina ani.
mal leur fait penfer d’abord que la portion d’au-
trui eft pnfe aux dépens de la leur propre ; mais
1 mtelhgence, aufli naturelle en .eux que l ’inttinét
leur apprend, & l’expérience leur montre bientô
t , quils ne peuvent rien fans le fecours des
autres ; qu’ ils peuvent tout au contraire au moyen
de cette aide combinée, & que la nature, mi-
raculeufe en bienfaits, récompenfe chaque tra-
H | d°nn? a chacun des coadjudens fa portion
Sc la rétribution proportionnelle.
Mais il-faut que chacun travaille ; & c'eft i
cela qu’on peut difeerner les communautés utiles
d avec celles qui ne le font pas.
Par exemple , on a fait des communautés d’arts
6 métiers dans les villes & pays réglémentaires
L objet (apparent & illufoire) de ces inftitutions
e ft, vous dira-t-on, de préferver leurs compagnons
, o u , pour mieux dire , ceux qui exercent
leurs métiers ; i " . de négligente , d’alliage & de
mauvaife façon ; z ” . d’invafïon de la part des pro-
reiiions adjacentes & des avanturiers de l’induf-
tne ; 3 . de décri, par l’envie effrénée & la fauffe
politique de fes. membres , Scc.
On feroh & I on a fait des livres capables de
démontrer , fans réplique , le faux de ces prétex-
“ jV > dans le v rai, il eft reconnu par les privilégiés
memes, qui la plupart le font forcement ;
que tout en cela^tourne au monopole, tant jurif-
dictionnel qu’intérieur & populaire , & toujours
aux dépens du public & au détriment de l’induf-
tne genee & comprimée de toutes parts par c e s
entraves.
Toutes les villes & , dans certains pays, les
moindres villages font cenfés faire communauté
Ces fortes de juiifdiffions fubminiftrantes & coml
munément dévorantes font bien dangereufes en ce
genre, fi i’economie publique & l’oeil de I’admi,
niitrauQn des - lors trop occupée nJa ^attention
l i i i