
pour-une valeur fpécifiée: ils les chargèrent d'a-
bord de ligures & d’infcriptions relatives à leur
prix & à leur ulage : enfin , pour rendre leur
atteftation plus folemnelle , & leur garantie plus
facrée , ils y firent graver leurs armes & leur
image.. 1
Il n'y a que le fouverain chef de l'état qui ait
le droit dlaffâréi dans fon territoire, l'authenticité
de la monnoie qui s'y* fabrique, & de donner
à ce gage commun des échanges, par le fceau
dont il le munit , le crédit dont il a befoin pour
circuler dans le commerce. Le garant univerfel
du gage des valeurs & des propriétés , ne peut
être que le fouverain ; & voilà pourquoi celui
qui .s'arroge le droit de frapper monnoie, & de
contrefaire l'effigie du prince, ne commet pas
feulement un faux envers le public, mais encore
un attentat contre la majefté de ce prince-
Les grandes facilités que l'argent donne aux
échanges, le mouvement dont il anime la- circulation
, & fon influcence dans la plupart des
fêlions de la v ie , le. font regarder comme l'ame
,des affaires ; & le commun des hommes en fait
un fi grand cas , qu'il pénfe que rien n'ell im-
poffible à. ceux qui le poffèdent en abondance j
qu'on doit tout faire pour l'accumuler en plus
grand tas î 1 & en conféquence, ils le préfèrent
à tout , & font fans ceffe tous leurs efforts pour
en devenir plus, riches.
; Mais cette opinion trop répandue, que les né-
gocians, les gens d'affaires , les gouvernemens
mêmes ont adoptée , n'eft qu’une erreur préjudiciable
au bien. des particuliers & au bonheur de
l'état. En effet, Yargent n'eft qu'un ligne dexon-
vention ;, qui ne peut avoir de valeur que par les
choies qu'il repréfente, & que par l'ufage qu'on
en fait pour les acquérir. Il ne fert point immédiatement
à fatisfaire les befoins naturels de l'homme
> & fi les productions de la terre qui fervent à
, le fubftapter , lui manquoient abfolument, Y argent
ne l'empêcheroit point de mourir de faim j
car on ne mange & on ne boit ni l'or ni l'argent.
Préférer le ligne à la chofe , rechercher l'un &
négliger l'autre, c’eft donc embraffer volontairement
une illufion dangereufe.^L'^e«? qu'on
n'emploiroit point à fa deftination naturelle * les
échanges , feroit une maffe inutile 5 une pierre
vaudroit autant.
: De cettè fauffe opinion de la valeur de l'argent
font provenues .les idées non moins fauffes
que le pécule d’une nation cohftituoit fa richeffe ;
que le feül commerce avantageux étoit. celui qui
fe payoit en argent , & le plus avantageux celui
qiii, en terme final d'échanges, fe trouvoit
tirer plus d'argent qu'il n’en idontfoit..
Si Yargent conftituoit la richeffe , Ies«poffeffeurs
de mines d'or & (Yargent feroientlqs feuls riches
& les nations qui n'ont point de ces fortesxlç1
mines ferpient pauvres j màis la vérité contraire,
eft évidente pour ceux qui connoiffent-un -peiu
les chofes de ce monde. Les nations qui ne poffèdent
pas lesfources dz Y argent y l'achètent avec
des productions &' des travaux, & elles ne s'ap-
pauvriffent point en laiffant fortir cet argent par
la même voie qui le leur a procuré, parce que
échanger Yargent pour des biens ufuels, c'elt s'en
fervir, & qu'il n’eft bon qu'à cela.- D'ailleurs cet
argent leur reviendra , quand elles auront’ d'autres
productions du fol ou des travaux à donner en
échange.
La maffe d'argent ne peut accroître dans une
nation , qu autant que la production annuelle des
richeffes du territoire y augmente. Or le décroif-
fement de cette reproduction entraîneroit nécef-
fairement & bientôt celui de la maffe d'argent &
l'appauvriffement de la nation , au lieu que la
malle d’argent peut décroître dans une nation ,
fans qu'il y ait de décroifïement de richeffes chez
cette nation. En effet que f l quantité d'argent
diminue, par quelle caufe que ce fo it , pourvu
que less revenus du territoire & le commerce ne
diminuent pas, la nation n'en fera pas plus pauvre
, parce qu'on p eu t, eh bien des manières ,
fuppleer à Yargent quand on eft riche d'ailleurs ,
& qu'on a un commerce facile & libre > mais
rien ne peut fuppleer fans perte , au défaut de
reproduction annuelle, des richeffes propres à la
jouiffance des homme». Dans la fuppofition où
l'épuifement des mines diminuerait la quantité
d‘argent , la nation n'en fouffriroit pas , parce
qu'alors la valeur venale de Yargent feroit la même
par-tout, & qu'elle augmenterait en raifon de fa
rareté : on y gagnerait même de In commodité,
en ce què les pièces de monnoie. qui auraient
cours alors pourraient avoir une plus grande valeur
fous le même volume. Il vaut mieux, pour
la commodité des hommes, que ce foit la valeur
qui fupplée à la maffe , que fi la maffe fuppléoit
à la valeur.
Une nation qui a des mines, doit regarder les»
métaux comme une production de fon territoire,
qui ne lui donne 'de produit net que ce j qu’elle-
en retire au-delà des frais d'exploitation. Elle a
intérêt d'exporter fes métaux , comme une nation
agricole a intérêt d'exporter fes productions^
& cet intérêt eft d'autant plus fenfîble. que Yargent
n'eft pas un bien ufuel, & qu'il n'eft utile
qu'autant qu'on l'échange. ’•
Quelques politiques profonds vont plus loin à
cet égard , & penfent, d'après l'expérience de
tous les fiècles , qu'une nation qui a des. mines
d'or & d’argent, ferait très-fagement dé les fermer
8b d'en détruire T exploitation , comme o ir a
fait à la Chine ; car , difent-ils , le fign'é fait,
tort à j a chofe en la remplaçant , & ra.^QnÜapce.
du ligne nuit à l'abondance de la chofe ; celai fe
voit par-tout. C e qu'il y à. décertiain , J c eft qu'où
Tor abonde, les produaions viennent de' loin ,
la' fterilité faftueufe & fantafque y prend, la place .
de la félicité commune populaire. C e déchet
qui annonce une dévaftation prochaine , & qui
aboutit à la deftruCtion, tient à des caufes Amples
& naturelles > mais trop longues à déduire
i c i , & d'ailleurs peu relatives au fond de cet article.
. C e n'eft donc pas un fi grand avantage que
celui d'avoir des mines » puifque les nations qui
n’en ont point font affûtées de fe procurer* avec
les productions de leurs terres, les métaux dont
elles ont befoin. Bien des raifons fervent à prouver
qu'une nation ferait une fauffe démarche ,
en cherchant à en acquérir plus qu'il ne lui en
fa u t, ou d'en empêcher la fortie > & entr'autres,
parce qu'en rendant l’argent trop commun chez
e lle , elle ferait augmenter la valeur des productions
&; le falaire de lai main d'oeuvre dans une
proportion fupérieure au prix commun des autres
nations., ce qui équivaudrait pour elle à une interdiction
de commerce.
C'eft pourtant à tirer d'une nation plus d * argent
qu'on ne lui en donne, qu'on fait confifter
l'avantage de prévaloir fur elle par la balance du
commerce. Mais cette idée marchande , & par
conféquent. antipolitique * car l'intérêt du marchand
eft néceffairement oppofé à celui du commerce,
cette idée fi chère à tous ceux quin'en-
vifagent que- Yargent dans la communication des
biens, eft auffi fauffe que peugénéreufe ; & heu-
rêufement pour les peuples, qui feraient agités
par cette ambition elle eft impoffible à réalifer *
parce que les ïoix de la réciprocité du commerce
y mettent obftacle, & entretiennent cette ba- ,
lance dans un équilibre., très-difficile à dépaffer
un peu , & impoffible. à paffer d'une manière
foutenue.
U.argent n'eft par lui-même qu'une richeffe fté-
r ile , qui n'a d'autre utilité dans une nation que
fon*emploi pour les ventes & pour les achats,
& pour le paiement des revenus de l'impôt
qui le remettent en circulation , en forte que le
même argent fatisfait tour-à-tour & continuellement
à ces paiemens & à fon emploi ;dans le
commerce. La maffe du pécule d’une nation agricole
n'eft qu’à-peu-près égale au produit net annuel
des biens-fonds. Une plus grande quantité
de monnoie ne lui ferait point utile, parce qu'elle
.ne ferait pas en circulation.
Quoique l'impôt foit payé en argent , çe n'eft
point Yargent qui le fournit, ce font les richeffes
du fol qui renaiffent annuellement. C ’eft dans
ces richeffes renaiffantes, & non, comme le penfe
le vulgaire , dans le pécule de la nation , que
confifte la profpérité & la force de l'état. argent
ne fupplée point au renouvellement fucceffif
de çes richeffes > mais il eft facilement fuppléé
par des engàgemens par é c r it, affurés par les rir
cheffes que l'on poffède dans le pays , & qui fe
tranfportent chez l'étranger. U argent n'çft donc
pas la véritable richeffe d’une nation qui le confo
n d e & qui renaît çontinuelleuient car Yargent
n'engendre pas de Yargent. Un écu bien employé
peut à la vérité faire naître une richeffe de deux
écus j mais c'eft la production qui s'eft multipliée
& non pas Yargent. Ainfi Yargent ne doit pas fé-
journer dans des mains ftériles.
Il n’eft pas indifférent pour l'état que T argent
paffe dans la poche de Pierre ou de Paul ; car il
eft effentiel qu'il ne foit pas enlevé à celui qui
l'emploie au profit de l'état. C ’eft Yargent difperfé
& employé à fatisfaire les divers befoins des citoyens,
qui forme la principale maffe du pécule
d’ un royaume opulent, ou il eft toujours employé
à profit pour l'état. Le befoin de l ’échange décide
de l’emploi de Yargent en marchandifes &
des marchandifes en argent ; car l‘argent & les
marchandifes ne font richeffes qu'à raifon de leur
valeur vénale.
Quand un royaume eft riche & floriffant par
le commerce de fes productions, il a ,, par fes
correfpondanees, des richeffes dans d'autres pays,
& le papier lui tient lieu par-tout à*argent. L'abondance
& le débit de fes productions lui af-
furent donc par-tout l'ufage du pécule des autres
nations j & jamais Yargent ne manque non plug,
dans un royaume bien cultivé, pour payer au
fouverain & aux propriétaires les revenus fournis
parle produit net des denrées commerçables qui
renaiflent annuellement de la terre ; mais quoique
Yargent ne manque point pour payer ces revenus, il
ne faut pas prendre le change, & croire quel’impôt
puiffe être établi fur la circulation de Yargent.
Les vues du gouvernement ne doivent pas s'ar*
rêter à Yargent , elle» doivent s’étendre plus loin ,
& fe fixer, à l’abondance & à la valeur vénale
des productions de la terre pour accroître les revenus.
C ’eft dans cette partie de richeffes vifî-
bles & annuelles que confifte la puiffance de l'état
& la profpérité de la nation. C 'e ft elle qui
fixe, & attache^ les fujets au fol. L* argent, fin*
duftrie s le commerce rftercantile & de trafic
ne forment qu’un domaine précaire & indépendant,
qui , fans lês productions du f o l , ne
conltituerait qu'un état républicain fur une bafc
étroite & peu folide. ( Les articles jignés jufquici
d'un (G) font également de M. G r i v e l .)
A R IS T O C R A T IE , f. f. forme de gouvernement
où un petit nombre de nobles eft chargé
de l'adminiftration. Il y a plufieurs fortes d'ürif
tocraties ; & , fans indiquer les différences qui
fe trouvent entre les unes & les autres , nous
renvoyons aux articles de ce Dictionnaire, qui
traitent des pays fournis au gouvernement arilto-
cratique.
Il y a dans tous les gouvernemens plus ou moins
d’ établiffemens ariftocratiques , & les conftitu-
tions populaires ont qne pente fecrette vers Y a*
riftocratie.
L'état populaire eft obligé de livrer fon admi-
niftration à un fénat j le monarque a befoin d’un
copfîil. Si le peuple régit par lui-même , il tomhs
C g i