
par un caïmakan ©u lieutenant de roi. Il y fait les J
fondions de feraskier, & conduit festroupesjuf- I
qu'à Farmée ; mais alors il en remet toujours le
commandement au général en chef, pour retourner
dans fon gouvernement , & y veiller à la fû-
tete des plaines fituées devantFIfthme de la Crimée.
Outre ces grands emplois, dont les revenus
étoient fondés fur certains droits perçus dans^ les
provinces , il y avoit encore deux dignités féminines.
Celle d'alabey que le kan conféroit ordinairement
à la mere ou a une de fes femmes 3
celle d'ouldukani qu'il donnoit toujours à Fainée
de fes foeurs ou de fes filles. Plufieurs villages^
étoient dans la dépendance de ces princeffes > elles
y connoiffoient des différends qui s'élevoient entre
leurs fujets, & rendoient la juftice par le minif-
tère de leurs intendans , qui fiégeoient à cet effet
à la porte du férail la plus voifine du harem.
Il feroit inutile d'entrer dans les détails qui concernent
le mufti, levifir & les autres miniftres s
leurs charges étoient analogues à celles qui y cor-
refpondent en Turquie, à cela près que les principes
& les ufages du gouvernement féodal y mo-
«leroient l'exercice de leurs fondtiops.
Le kan étoit regardé comme 1 heritier prefomptit
de l'empire turc, au défaut des mâles de la famille
ottomane , fans doute parce que ces princes
tirent également leur origine de la Tartarie.
On ne peut favoir encore jufqu'a quel point la
Ruffie a changé cette forme d'adminiftration 5 &
de peur de tomber dans des méprifes, nous nous
fommes contentés de dire ce qui fe paffoit fous
les kans. _ .. rfr
Il n'eft point de pays ou les crimes fufient moins
communs pu'en Tartarie. Les plaines où les malfaiteurs
pouvoient d’ailleurs s'échapper aifément,
©ffroient peu d'objets à la cupidité. La prefqu'ifle
de la Crimée qui en préfentoit davantage , fermée
journellement, ne laiffoit aucun efpoir^defe fouf-
traire au châtiment 5 auffi n'appercevoit-on nulle
précaution pour la sûreté de la capitale : elle ne
contenoit de gardes que celles qui appartenoient à
h majefté du fouverain. . , . j
Il y a lieu de penfer que 1 admimltration de la
Crimée & de la Tartarie rendoit les peuples affez
heureux; & M. le baron de Tott peint d'une
manière fort intérelfante les moeurs des habitans
de ces contrées. JouifTent-ils du même bonheur ,
aujourd'hui que le cabinet de Pétersbourg leur
diète des loix , & qu'ils ont fans ceffe devant les
yeux le glaive des foldats ruffes ? Il eft permis d'en
douter \ car une nation foumife qui a des moeurs
très-différentes de celles de fes miniftres , eft vexée
& tourmentée par fes gouverneurs r lors même que
fes gouverneurs ne croient pas fe permettre des
ordres tyranniques. , \ „ f$
CROIX, (Sainte) îfîe d Amérique, 1 une des
Antilles. Elle a dix-huit lieues de long fur trois &
quatre de largeur, & elle appartient auDannemark.
Elle fut occupée en 1643 pat les hollandois & ,
ar les angîois : leur rivalité ne tarda pas à les
rouiller. Les premiers ayant été battus en 1646 y
dans un combat opiniâtre & fanglant, fe virent
réduits à abandonner un terrein fur lequel ils avoient
fondé de grandes efpérances. Le vainqueur tra-
vailloit à s'affermir dans fa conquête , lorfqu'en
1650 il fut attaqué & chaffé à fon tour par douze
cens efpagnols arrivés fur cinq vaiffeaux. Leur
triomphe ne dura que quelques mois ; ce qui étoit
refté de ce corps nombreux pour la défenfe de
Fille la céda fans réfiftance à cent foixante fran-
çois, partis en 1 1 de Saint-Chriftophe, pour
s'en mettre en pofleffion.
Ces nouveaux habitans fe hâtèrent de recon-
noître un terrein fi difputé. Sur un fol d'ailleurs
excellent, ils ne trouvèrent qu'une^rivière médiocre
qui, coulant lentement prefqu'au niveau de la
mer dans un terrein fans pente, n'offroit qu'une
eau faumâtre. Deux ou trois fontaines qu'on découvrit
dans l'intérieur de l'ifle, fuppléoient foi-
blement à ce défaut. Les puits ne fourniffoient
que rarement de l'eau ; il falloit du temps pour
conllruire des citernes. L'air n'étoit pas gjus attrayant
pour les nouveaux colons. Une ifle plate
& couverte de vieux arbres ne permettoit guères
aux vents de balayer les exhalaifonsinfeétes, dont
fes marais épaifliffoient l'atmofphère. Il n'y avoit
qu'un moyen de remédier à cet inconvénient:
c'étoit de brûler les forêts. Auffi-tot les françois
y mettent le feu, &, s'embarquant fur leurs vaiffeaux
, contemplent de la mer, durant des mois
entiers, l'incendie qu'ils avoient allumé dans Fille.
Dès qu'il eft éteint, ils redefeendènt à terre.
Les champs fe trouvèrent d'une fertilité încroyar
ble. Le tabac, le coton, le rocou y Findigo, le
fucre y réuffiffoient également. Tels furent les
progrès de cette colonie, que, onze ans après fa
fondation , elle comptoit huit cens vingt-deux blancs
avec un nombre d'efclaves proportionné :: elfe mar-
1 choit d'un pas rapide à la profpérité , lorfqu'oa
mit à fon activité des entraves qui la firent rétrograder.
Sa décadence fut aufïi prompte que fon
élévation. Il ne lui reftoit plus que cent quarante-
fept hommes avec leurs femmes & leurs enfans ,
& fîx cens , vingt-trois noirs ,• quand on tranfporta
en 1696 cette population à Saint-Domingue..
Deux particuliers ohfcurs imaginèrent que la
cour de Verfarllles n'avoit méprifé Sainte - Croix
que parce quelle voukiit abandonner les petites
ifles , pour concentrer toutes les forces , toute Fin-
duftrie „ toute la population dans les grandes : ils
fe font trompés. Cette réfolution fut Fouvrage des
fermiersqui trouvoient que le commerce dandef-
tin de Sainte-Croix avec Saint-Thomas étoit nui-
fible. à leurs intérêts. De tout temps la finance fut
nuifible au commerce & dévora le: fein qui la
nourrit. L'ifle fut fans colons & fans culture juf-
qu'en 173 3. A cette époque, îa France en céda
pour 738,000 liv. la propriété au Dannemark, qui
ne tarda pas à y bâtir le bourg & la fortereffe de
Chriftianftadt.. ~
Ce fut alors que cette puiffance du nord fembla
devoir pouffer de fortes racines en Amérique.
Malheureufement elle fit gémir fes cultures fous
la tyrannie d'un privilège exclufif. Des hommes
induftrieux de toutes les feètes, & fur-tout des
frères moraves, ne purent jamais vaincre ce grand
obftacle. On effaya plufieurs fois de concilier les
intérêts du colon & celui de fes oppreffeurs :
ces tempéramens furent inutiles. Les deux partis
fe firent toujours une guerre d animofite, jamais
d'induftrie. Enfin le gouvernement plus modéré
que fa conftitution ne permettoit de l'efpérer ,
acheta en 1734 les droits & les effets delà compagnie.
Le prix fut réglé à 9, 900, 000 livres.
Une partie fut payée comptant, & le refte en
obligations -fur le tréfor public , portant intérêt.
La navigation dans les iiles fut alors ouverte à
tous les fujets de la domination danoife.
CROSSEN ( duché de ) appartenant au roi de
Pruffe ; il fait partie de la nouvelle-Marche. Il dé-
pendoit autrefois, de même que la Siléfie, du royaume
de Pologne ; mais l'un & l'autre furent cédés
à la couronne de Bohème, en vertu du traité conclu
en 1359 entre Cafimir le grand , roi de Pologne,
& Jean, roi de Bohème. Henri XI, duc
de Glogau, dont Crojftn faifoit partie , inftitua
pour fon héritière fon époufe Barbe, fille d'Albert,
électeur de Brandebourg, à laquelle, ainfi
qu'à fon père , il avoit affuré, par fon contrat
de mariage en 147-^, une fbmme de yOjOOO ducats
à prendre fur le duché de Crogen. Henri mourut
en 1476, & fa veuve refta en pofleffion de ce duché;
mais elle n'en jouit pas tranquillement. Jean,
duc de Sagan , oncle de Henri, déclara la guerre
â la maifon de Brandebourg ; les. parties belligérantes
ftipulèrent que le duché de Crogen demeurerait
engagé à la maifon de Brandebourg pour la
valeur des prétentions qu elle avoit a former, ainfi
que la ducheffe douairière, fille de l'élefteur, &
la paix fe fit en 148a. Les chofes demeurèrent en
cet état jufqu'en 1538 ; le. duché en queftion fut
alors abandonné à la maifon de Brandebourg comme
fief de Bohème ; & depuis cette époque, il eft
incorporé à la nouvelle-Marche. Les droits féodaux
qui appartenoient à la couronne de Boheme, tant
fur ce duché que fur tous les autres pays, contrées
& villes cédees dans les derniers temps a la
maifon électorale de Brandebourg , furent annulles
pour toujours par la paix conclue a Berlin en 174a.
Les offices de judiçature dans ce duché, tels que
celui d'un baillif ou lieutenant-bailhf, & celui des
confeillers, font vacans ; il n y a^qu un regiftrateur
& un fecrètaire , qui eft en même-temps prévôt
de l'hôtel, dont les appels reffortent à . la régence
de la nouvelle-Marche. Le duché dç Crogen contient
cent vingt villages > qu on divife en deux
cercles.
. C U B A , ifle de l'Amérique appartenant àl'Efpagne.
L'ifle de Cuba' 3 réparée de celle de Saint-
Domingue par un canal étroit, vaut feule un
royaume : elle a deux cens cinquante lieues de long
fur quinze , vingt & trente de large.
On trouvera dans cet article, i° . Fhiftoire de
la colonie ; 2°. des remarques fur les cultures, la
population, le commerce, les autres travaux, les
dépenfes, les revenus & le gouvernement de Cuba ;
3°. des remarques fur l'importance de cette ifle
& fur fes moyens de défenfe.
S JE C ■ T I O *N P R E M I E R E .
Hifioire de lu colonie de Cuba.
Elle fut découverte en 1492 par Colomb j ce
ne fut qu'en 1511 que les efpagnols entreprirent
de la conquérir. Diego de Velafquez vint avec
quatre vaiffeaux y aborder par fa pointe orientale.
Un cacique, nommé Hatuey, y régnoit. Cet
indien, né à Saint-Domingue ou à l'ifle efpagnole ,
en étoit forti pour éviter l'efclavage auquel fa nation
étoit condamnée. Suivi des'malheureux échappés
à la tyrannie des caftillans, il avoit établi, dans
l'ifle qui lui fervoit d'afyle, un petit état qu'il
gouvernoit en paix. C'eft de-là qu'il obfervoit au
loin les voiles efpagnoles dont il craignoit l'approche.
A la première nouvelle qu'il eut de leur arrivée
, il affembla les plus braves des indiens, fes
fujets ou fes alliés , pour les animer à défendre
leur liberté ; mais en les affurant que tous leurs
efforts feroient inutiles, s'ils ne commençoient pat
fe rendre propice le Dieu de leurs ennemis : la
v o ilà , leur dit-il devant un vafe rempli d 'o r , là
voilà cette divinité puiffante, invoquons-la.
Velafquez fe faifit du cacique ; il le condamna
au feu , & il ne trouva plus d'ennemis. Tout plia
fans réfiftance ; mais la nation furvécut peu à la
perte de fa liberté. Dans ces temps de férocité ,
où conquérir n'étoit que détruire, plufieurs habitans
de Cuba furent maffacrés. Un plus grand nombre
terminèrent leur carrière dans des mines d 'or,
quoiqu'elles ne fe trouvaffent pas affez abondantes
pour être long - temps exploitées. Enfin la petite
vérole , ce poifon que l'ancien monde a donné au
nouveau , en échange d'un plus cruel encore ,
acheva ce que les autres fléaux avoient fi fort
avancé. L'ifle entière ne fut bientôt qu'un défert.
Elle dut fa renaiffance au pilote Alaminas , qui
le premier paffa en 1319 le canal de Bahama, en
allant porter à Charles - Quint les premières nouvelles
des (accès de Cortès. On ne tarda pas à
comprendre que ce feroit la feule route convenable
pour les vaiffeaux qui voudroient fe rendre du
Mexique en Europe, & la Havane fut bâtie pour
les recevoir. L'utilité de ce port fameux s'étendit
depuis aux bâtimens expédiés de Porto-Belo & de
Carthagène. Tous y relâchoient & s'y attendoient
réciproquement, pour arriver enfemble.avecplus
d'appareil ou de sûreté dans la métropole. Les