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vraifemblable. qu'il s'étendit* à mefure qye les*
grandes propriétés s'accumulèrent fui1 un petit
nombre de tètes & que le droit de'conquête y *
qui^ dans‘ces temps reculés, faifo.it paffer la prb- j
priété des ‘vàincüs dans là main du'vainqueur ,
augmenta beaucoup l'ufage de Y acenfement ; mais
le temps où il devint plus commun parmi' nous ,
fut celui où les rois, mieux inftruits de leurs droits
8e cédant à la douce influence d'une religion pleine
de'charité , commencèrent à donner là liberté
à leurs- vaffaux efclaveS, 8c engagèrent les grands
leigneurs de leur ét:y: à fuivre cet exemple auffi
honorable qu'utile. Cette heureufe révolution 8c
la manie des croifades , qui éntraînoit alors les
Feigneurs dans la Paleftine propagèrent de plus
en plus Y acenfement. Il s'eft enfin tellement étendu
} que l'on dit communément en France qu'il
n'y a point de terre fans feigneur, & par conféquent
fans être acénfée 8c fans payer une rente , affer-
tion qui n'eft pas peut-être abfolument exaéle ,
mais qui marque du moins qu'il eft fort peu d'exceptions
à cet ufage.
. Ainfi l'accroiffement des fortunes territoriales ,
8c l'envie d'en jouir fans foins 8e fans tenir^au fol
que le moins pofïible ,■ ont étendu l’acenfement de
prochè en proche j & , à mefure que la fortuné
les a favorifes
L ’un a détèlêle matin 3
1/autre Vapres-dinêe. .
II eft plufîeurs manières de dételer , je veux dire
de céder fes terres à d'autres ., fous des conditions
utiles,8e de fe débarraffer immédiatement du foin
de leur.adminiftration.
i° . En fe réfervant l'infpeétion des travaux ,
:8e les faîfant exécuter par dés manoeuvres. C'eft
ce que font les entrepreneurs de culture.
2°. En confiant fon propre fonds à ces entrepreneurs,
moyennant une rétribution convenue.
3°. En abandonnant là propriété même
moyennant des conditions annuelles ou éventuelles
; 8c c'eft là prjécifément ce qu'on entend par
'acenfer.
Cette convention de Yacenfement fut le principe
'de tous les droits feigneuriaux utiles , que la prévention
8c l'ignorancç des loix de l'ordre naturel
rapportent aux abus du régime; féodal, 8c voient
de mauvais oeil comme tels.
” Ces droits font de plufîeurs efpèces qu’il ne faut
pas confondre 3 que les tribunaux, fous un gouvernement
jufte 8c éclairé 8c dans des temps de
lumière, faventbien diftinguér. lien eft i° , d'ho-
norifiquès ; 2°. d'abufifs ; 30. d'utiles. ,
Les droits honorifiques font de pure fobordî-
nation ; avantageux à. l'établiffement de l'ordre ,
ils contribuent à le maintenir; car il faut une police
8c un point de réunion fommaire dans les
campagnes. Les peuples qui en retirent fouvent
des avantages , s'attachent par reconnoiffance aux
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familles perpétuées : d^ns ce genre de jurifdiétion
biënfaïfànte.
Les. droits abufifs , tels qué ceux de guet 8c de
garde j de fervage des perfonnes, 8cc. qui, dans
les temps d'ordre où l'obéiffance.paffive 8c la protection
particulière n'étant pas néceffaires, ne montreraient
plus que l'abjeétion d'une part 8c l'bp-
préffion dé l'autre, furent jadis établis pour le
plus, grand avantage ou ïe moins grand défavan-
tagè des rcontra<5tans. Les tribunaux 8c le coeur
des fouverains, lorfqu'une philofophie bienfai-
fante l'es éclaire 8c les échauffe, tendent à retirer
le peuple de ces entraves féodales, 8c le ré-
dimant fans contrainte 8t fans fpôliatioh de. propriété,
le rendent à la liberté naturelle 8C au bonheur
de l'homme facial.
Les droits utiles fe rapportent au conféntement
mutuel des çontraélans , 8c font le titré primitif
de l'exiftence des familles, de l'a'cqüifition des
propriétés 8c de l'aggrégation à la fociété. Le
refpeét pour les titres 8c les coutumes des pays
qui nous virent naître, tient au refpeCt filial 8c à
la mémoire des ancêtres.
Vainement on voudrait abroger tous les droits
8c toutes les redevances rurales, fous le fpécieux
prétexte qu'elles nuifent au commercé ; car, ou-
tre^que l'aliénation des fonds 8c l'inftabilité des
propriétaires fonciers ne donnent point du tout
un utile commerce , c'eft qu'il eft impoffible d'empêcher
que la mobilité de la fortuné , qui abaifte
tant d'hommes, n'en élève tous les jours quelqu'un
, 8c ne le porte à quitter fes propriétés foncières
pour en revêtir un autre, -fous la réferve
des droits utiles. Or , comme Y acenfement eft une
des manières les plus avantageufes de difpofer de
fes- fon d s ,'le grand propriétaire, qui, pour jouir
d'une plus grande liberté, veut fe débaraffer des
foins 8c des affaires qu'entraîne leur manutention,
prend fouvent le parti à?acenfer fes domaines ; ce
qui lui donne le moyen de difpofer à fon gré dé
fon temps 8c de fa perfonne, fans pour cela le
détacher entièrement du fo l, que fes facultés pu
fon attrait ne lui permettent plus de fpigner comme
propriétaire en titre.
En tou t, plus on peut confervet d'attrait aux
propriétés foncières, plus on peut y attacher Làfj
feétion dçs citoyens 8c leur donner de fauve-
garde , plus on fait le bien de l'état ; or , dans
1 Yacenfement 3 on augmente cette affeélion 8c cette
fàUve-garde , on étend l'intérêt de la propriété ;
le cenfitaira s'attache néceffairement au fonds qui
lui eft cédé, 8c le feigneur, foit foncier, fait
direét , ne fçauroit voir d’un oeil indifférent où
l'amélioration ou là ruine du bien qu'il cède ,
parcé qu'une partie de/ fes revenus dépend de fa
profperité , 8c que fes droits deviendraient nuis
fi la terre abandonnée demeurait inculte.
Qu'il faille des hommes dïfponibles 8c en état
de remplir les divers emplois de fauve-garde dans
vU fociété , cela n'eft pas douteux. Les rentes en
- argent
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argent, moins embarraftantes à percevoir que les
rentes en denrées, femblent remplir-cet objet
dans les fociétés, où l'abondance des métaux
donne à la circulation une aCtion heureufe ; mais
ce fecours eft précaire 8c paffa|er de fa nature.
L ’argeht ne peut porter à perpétuité un intérêt
fix e , même bien bas ; l'expérience le fait voir.
D'ailleurs les rentes en argent détachent le pof-
feffeur d© l'intérêt du territoire il n'y tient plus
8c n'a même plus rien de regnicole que quelques
opinions de ville $ il eft à vendre., mais non pas
à invoquer.
Le mal eft que la richefle qui nous donne cette
facilité de difpofer de notre temps 8c de notre
perfonne, ne fauroit être véritablement vu de bon
oe i l , 8c ne peut avoir l'aveu de la fociété qu'au-
tant que cette liberté 8c les moyens d'agir qu'elle
nous procure lui devient utile. Les anciens feigneurs
fe ruinoient à la guerre 5 ils étoient ref-
peétés, 8c l'on ne déclamoit point alors contre
les droits feigneuriaux. Si on le fait aujourd'hui,
c'eft que leurs fucceffeurs en font un ufage bien
moins refpeétable 3 il faut attribuer auffi ces erreurs
8c ces critiques à l’inexpérience 8c à l'oifi-
veté des habitans des villes qui. vivent dans l'ignorance
8c l'incurie des chofes rurales, ou dans
Une corruption qui les porte à les dédaigner.
P e là découlent naturellement les opinions les
plus hafardées , ainfi que les moeurs les plus per-
verfes.
Quoi qu'il en foit, Y acenfement eft une bonne
chofe, puifqu'il faut que tout le monde v ive , 8c
que cet a été place un nouveau père de famille au
nombre des partprenans aux revenus du territoire
8c à la fource des fubfîftances. (G)
A CH E EN S , REPUBLIQUE E T LIGUE
, A CH É EN N E . L ’Àchaïe 3 province du Pélopo-
; nèfe, s'étendoit du golfe de Corinthe ou de Lé-
|pante , le long de la mer ionienne jufqu'à la pro-
I vince de Belvedere , 8c fait aujourd'hui partie du
[: duché de Clarence. Pétraffo y eft fitué. Les ducs
de Savoie portent le titre de pnnce d'Ackaïe depuis
le commencement du quatorzième fiècle ;
.époque à laquelle Philippe , comte de Savoie ,
époufa la fille unique de Guillaume, prince d*A-
chaie 8c de Morée. Nous allons parler de la
république &t$ achéens de la ligue achéenne.
De la république des ackéens 3 de fa grandeur , fes
révolutions & fa décadence. L'Ackaie ne tint aucun
rang dans la G rèce, tant qu'elle fut foumife
à des rois. Accoutumée aux fers de l'efclavage ,
elle voyoit fans envie fes voifîns jouir de l'indépendance.
L'habitude rend tout fupportable ;
8c fi fes rois n'euffent abufé de leur pouvoir, les
ackéens auroient toujours été dans la fervitude.
Eeur liberté fut l'ouvrage de l'opprefiion ; ils fen*-
tirent la honte de n’avoir pour loix que la volonté
d'un maître 3 ils ofèrent être libres comme le refte
de la Grèce , 8c les tyrans furent détruits. On
Ignore combien YAckaïe eut de rois depuis Achéusi
Cfâcon. polit. & diplomatique. Tom% J,
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qui donna fon nom à cette contrée , jufqu'aux
fils d'Ogiges, .qui furent chaffés du trône que
leurs ancêtres avoient occupé.
Après l'expulfion des tyrans , Y Ackaïe forma
■ une république compofée de douze villes 3 chacune
d'elles jouiffoit de l'indépendance , chacune
avoit fa police 8c fes magiftrats ; mais on
trouvoit dans toutes le même poids, les mêmes
mefures 8c les mêmes loix ; 8c , comme elles
avoient les mêmes intérêts à ménager 8c les mêmes
dangers à craindre, elles adoptèrent le même
efprit 8c les mêmes maximes. Les diftinétions qui
produifent des défordres 8c des émeutes, furent
fupprimées ; le citoyen le plus vertueux 8c le plus
utile étoit le plus noble 8c le plus refpeélé ; le
peuple affemblé étoit revêtu de la fouveraine
puiflance ; les magiftrats auxquels on confia le
dépôt de la lo i , n'avoient que le pouvoir nécef^
faire pour la faire refpe&er : ainfi on ne vit naître
aucun des orages qui fe forment fouvent
dans la démocratie. L'union de ces villes confédérées
fut moins l'ouvrage de la politique que de
la néceffité. Les ackéens avoient pour voifîns les
étoliens , peuples farouches qui ne fubfiftoient que
de pillage , 8c qui, fans refpeét pour les traités &
les fermens, fouloient aux pieds les droits de l'humanité
: tant qu’Athènes 8c Sparte furent rédouta-
bles ; les étoliens n'exercèrent leurs brigandages 8c
leurs pirateries que fur la Macédoine, l'Illyrie 8c les
Mes ; mais , dès que ces deux républiques affaiblies-
parleur rivalité ne fervirent plus de rempart à la
Grèce , ils portèrent la défohdon dans le Pélo-
ponefe ; 8c les villes de Y Ackaïe Tentant qu'elles
avoient befoin de toutes leurs forces, fe réunirent
polir s’oppofer aux incurfions de cés brigands.
Chaque république renonça au privilège de contrarier
des alliances particulières avec l'étranger.
L'antiquité , la richefte 8c la population d'une
ville ne lui donna aucune prééminence fur les
autres 3 elles établirent entr'elles une égalité pan-
faite. On créa un fénat général, où chacune dé-
putoit un nombre égal de magiftrats. C e fénat
délibérait de la paix ou de la guerre , 8c réfar-
moit les abus j il ne s'afiembloit qu'au commencement
du printemps 8c de l'automne ; 8c s'il fur-
venoit, en fon abfence , quelques affaires imprévues
, les deux préteurs qu'on changeoit chaque-
année le convoquoient extraordinairement. Ces
deux officiers étoient chargés de l'adminiftration
durant cet intervalle ; mais ils ne pouvoient rien
exécuter que du consentement de dix infpe&eurs
qui les furveilloient 3 8c comme ils auroient eu
trop de citoyens à corrompre, ils n'abufèrent pas
de leur pouvoir ; ils jouiffoient d'une autorité ab-
folue à la tête des armées. 5 mais leur commandement
durait fi peu, qu'il n'entraîna aucune fuite
facheufe.
Les ackéens s’occupèrent beaucoup de leur bonheur
, 8c ils le trouvèrent dans leur modération $