
domine & exalte l'efprit de l'homme , elle peut le
mener jufqu'au prodige.
Il réfulte de ces différentes réflexions , puifées
dans l'expérience & dans la connoiffance de la
nature humaine , que les établiffemens dus à l'ex-
patriation forcée par la crainte , feront difficilement
des progrès & tomberont dans la langueur
©u la barbarie ; que ceux dont le motif fut l'ef-
pérance s'épuiferont aifément en efforts vagues 8c
inutiles , à moins que des chefs fages 8c habiles
ne fâchent les conduire & les maintenir j car
l'homme eft enclin à étendre fës efpérances .plus
loin que fes forces 3 & qui trop embraffe mal
étreint. Quant à ces derniers établiffemens , qui
feuls peuvent réuffir , s'ils font bien dirigés , ils
conferveront toujours des rapports naturels &
précieux avec la ruche mère, liens refpeétivement
utiles, & qui ne peuvent être rompus que par la
cupidité puiffante , qu'orîtafSpelle tyrannie.
La tvrannie, en effet, n'èlt proprement qu'une
autorité confentie 8c louable dans fou principe,
& qui devient funefte en changeant de conduite
& en fe démentant.
Le principe de rautorité .comme celui de J'o-
béiffance fut futilité relpeétive des deux parts j
la fouveraineté, la paternité , le facerdoce , &
tout ce qui émane en fous-ordres de ces trois
genres d'autorité , toutes les hiérarchies, en un
m o t, fe rapportent à cela.
Le fouvenir des bienfaits, l'habitude d'en recevoir
8c d'en attendre compofent des devoirs, mais
ces devoirs font liés à des droits j c'eft-là le grand
cercle des avances, fur lequel eft fondé tout l'ordre
moral & phyfique focial : or , quand l'autorité
veut attirer tout à fo i , qu'elle oublie la
réciprocité des droits & des devoirs, c'eft la tyrannie
, effet de la cupidité ou de l'incapacité du
pouvoir, qui rompant les liens fait naître le dé-
îordre & le refus d'obéiffance qu'on appelle rébellion.
La paternité e ft, fans contredit, la première
& la plus fainte des autorités , fondée fur les
avances les plus fortes & les plus néceffaires ;
mais fi le pere exigeoit de fon fils, parvenu à
la virilité, le même genre d'obéiffance que dans
fa première enfance ; f i , dans l'éloignement, il
demandoit les mêmes détails de dépendance im-
poffible à pratiquer & même nuifible â tous les
deux > fiTur-tout, de la cupidité orguéilleufe &
exigeante, il paffoit à la cupidité monopolaire &
vouloit tout pour lu i, néceffairement les rapports
eefferoient de l'un à l'autre, & , par laps de tems,
i'oppofition prendroit leur place, fi on ne fe re-
lâchoit fur les prétentions.'
C'eft-là l'hiftoire de toutes les colonies ( i ) contre
lefquelles les métropoles prirent des précautions
3î telle eft celle de toutes les républiques
conquérantes avec leurs provinces.
L'homme a beau faire, il a beau chérir fa propre
injuftice & vouloir la déguifer, en parant
{fes beaux noms d'efprit de commerce, d'habil
e , de fcience d'état, de politique, &c. le defir
de prévaloir fur fes voifins,. 8c de prendre l'huitre
pour lui, en laiffant les écailles aux autres, l'ordre
focial 8c l’ordre naturel dont il fait partie, la
volonté fuprême de fon auteur , qui ne peut être
que poids & mefure, juftice , égalité , tout ré-
prouve ces petits calculs d’un efprit borné & cette
foif hydropique, & fait tourner fes fauffes me-
fures contre fon propre objet.
Les colonies donc ne peuvent être profpères &
udles que par leurs rapports avec -leurs anciens
etabliffemens. Le premier avantage eft dans leur
rapprochement, d'où fuit que les colonies les plus
rapprochées font les meilleures 8c les plus utiles.
N e feroit-il pas'poffible de faire des colonies
dans notre propre pays ? Sans doute, puifque les
colonies ne font au fond qu'un défrichement, 8c
certes nous avons encore chez nous des champs
à défricher. Mais , en rapprochant cette induétion,
ne pourrions-nous pas établir une colonie fur nos
propres champs , en leur faifant rapporter le double
de ce qu'ils rapportent? Il faut en convenir,
en voyant nos potagers produire , fans repofer ,
trois ou quatre récoltes chaque année?.
Mais l’humanité ne perdroit-elle pas à cela la
jouiffance des produirions, variées 8c néceffaires
que des climats divers & des colonies éloignées
lui procurent? Non 3 car la bonne culture 8c les
grands produits de ta. métropole font l'alliance 8c
le foutien de fes rapports avec les colonies j de
près à près les climats fe touchent. Ainfî feroient
les nations, fi chacune attachée à fon centre vouloir
comprendre 8c ne pas oublier que c'eft de la
force du centre que dépend l'étendue de fes
rayons.
De tout ce c i, nous devons induire que la faine
légiflation 8c la faine politique ayant pour objet
l'établiffement, les progrès, la durée 8c la perpétuité
des fociétés, la faine politique doit tendre
fur-tout à les fixer à l'entretien 8c au perfectionnement
des travaux de leurs premiers membres, qur
font autant d'avances toutes faites j ce qui eft un
avantage immenfe, & qui ne £eut fe remplacer.
Il s'enfuit que, pour obtenir ce point, il faut
détourner habilement l'homme-’du penchant qui
l'entraîne fans celle vers les nouvelles entreprifes
pour le porter vers le perfectionnement j car il
eft toujours inutile & par conféquent nuifible en
politique de combattre de front les penehans qui
font dans la nature. Celui-ci, comme nous l'avons
dit plus haut, a un objet favorable, puifque ,
fans cet aiguillon, l’homme fe borneroit au fim-
(i ) Voyez 1 exemple recen? qee viennent de nous donner l’Angleterre te fes colonies de l’Amérique feptcntrionale-.
pie nécefTaire, qui fe rétrécit chaque jour par l’habitude.
Mais quel eft le moyen de préferver l'homme
de ce dégoût, qui le porte à l’abandon de ce qu'il
trouve tout fait pour employer toutes fes facultés
& tous fes moyens à de nouvelles conftruétions ?
Combien de palais & de maifons de plaifance
n'a-t-on pas détruit 1 combien de milliers, dirons-
nous, contre une feule grange qu'on aura peut-
être déplacée pour la transporter ailleurs ! Conf-
truifez pour l'utile, établirez folidement en bon
père de famille & non en ufufruitiér 5 le maintien
de l'ordre focial fera le refte.
Quoi qu'il en foit, l’ art de faire des colonies,
qui fe réduit à l'art des fondations , confifte à
porter tous fes moyens,. c’eft-à-dire, fes efforts 3
les frais 8c fes travaux à améliorer le centre ,
d'où la profpérité s'étendra néceffairement en rayons
prolongés, en raifon de ce que l'utilité des
rapports fera plus religieufement maintenue.
- Cette dernière condition eft la feule qui puiffig
maintenir la fubordination 8c l'obéiffance , 8c la
règle eft générale au près comme au lo in , avec
cette différence que les liens fe relâchent par les
diftances. La balance delà juftice, devant laquelle
tous les intérêts font égaux, parce que effentiel-
lement ils ne font qu'un , eft le feeptre univerfei
8c inébranlable comme le plus leger à porter.
Hors de-là, tout n'eft que fraude & violence
paffagères, & aufli fatales à leurs auteurs qu'à
leurs viétimes.
foye^ dans le Dictionnaire de Jurifprudence
ce qui regarde i'adminiftration & le gouvernement
des colonies.
( Cet article eft de M. Gr ivel. )
COM IC E S ( Jurifprudence romaine. ) Voye£ le
Dictionnaire de Jurifpï.
C O M IT É , noip qu'on donne à un certain
nombre de membres d'un corps, nommés ou commis
pour examiner certains objets, projetter des
loix , difeuter un projet, & en faire rapport à
l'affemblée qui les a choifis. Voyei le Dictionnaire
de Jurifprudence.
C O M M A N D EM E N T , D R O IT DE C O M M
A N D ER . Voyei le même Dictionnaire.
C OM M E R C E , f. m. C'eft proprement tout
ce qui établit & entretient des relations dans la fo-
ciété ; ainfi l'on peut dire dans l'acception la plus
générale de ce mot, que tout eft commerce dans la
vie , puifque tout eft rapports entre les hommes ,
8c que la vie fociale n'eft que cela (1). Cherchons^
en ta raifon dans les principes de la fociété & dans
la nature des chofes.
La violence n'eft qu'une aCtion forcée fans rapports
j 8c l'mjuftice de tout genre, n’eft que la
violation du droit naturel & imprefcriptible qu'ont
les volontés refpeCtives, d’établir feules les rapports
entre les hommes.
Mal a propos cette déduCtion paroîtroit-elle me-
taphyfique 5 elle eft fondamentale, 8e par confér
quent néceffaire j car fans elle on confond toutes
les idées relatives au commerce, & l’on adopte ou
rejette également toutes les notions fur les diverfes
parties de l ’induftrie humaine, qui ne font qu'au-
tant d'anneaux de la grande chaîne fociale.
La politique ne voit, fous le nom de commerce ,
que le trafic avec les étrangers, les financiers que
ce qui a rapport aux douanes, I'adminiftration que
les fabriquans, la municipalité que les àpprovi-
fionneurs, les citadins que les arts & métiers, 8cc.
8c les doCteurs embraftant le tou t, avec leur fu-
périorité connue, prononcent les grands mots de
balance du commerce , intérêts du commerce , traités
de commerce, fplendeur de l'état par le commerce
, 8cc. 8c il réfulte de tout cela qu'on n'a pas
des idées bien nettes du commerce, que quand par
hafard 1 ignorance eft forcée à décider du fort des
nations d'après des principes de commerce , on fait
des guerres perfides 8c ruineufes, des expéditions
avortées , des traités de paix hoftiles, des ordonnances
deftruCtives des richeffes & de l'mduftfie
au dehors 8c au dedans, & que l'on éta-bOt à demeure
le monopole par principes.
Tout eft commerce dans là vie j on ne peut en
douter : mais tout commerce confifte en rapports }
c eft-a-dire, que tout aCte de commerce libre eft
refpeCtif entre les parties qui le confentent, 8c
qu elles trouvent des avantages réciproques en s'acquittant
de leurs engagemens mutuels j ainfi les
rapports du journalier avec le cultivateur lui procurent
fon falaire, 8c procurent au cultivateur les
produits de la terre, les rapports du cultivateur
avec le propriétaire lui procurent fon entretien ,
celui de fon attelier & fon profit, & affurent au
propriétaire fon revenu. Il en eft de même de ta
dépenfe du revenu en jouiffances , qui corififtent
en rapports avec toutes les branches de l'induftrie,
en rapports du fujet au fouverain , de l'homme à
l'homme, du frère au frère, du père au fils, enfin
de l'homme à fon auteur, à qui il rapporte
l'hommage dé fon culte, de fon obéiffance, de
fon intégrité dans les voies de l'ordre, & dont il
reçoit la vie , la paix 8c l'abondance par le miracle
continuel du doublement de fes avances dans la récolte
des fruits de la terre, organe phyfique des
bontés de l'éternel.
C'eft ainfi que tout eft commerce fur la terre, &
que tout commerce confifte en acquêts de droits 8c
en folde de devoirs.
Dans ce grand cercle, hors duquel tout eft il-
(il La fociété, les. travaux, les .'communications d’intérêt,, les relations, tout cela eft commerce. A mefure que la fo-;
«été s’étend par le concours, par les relations & par le commerce, le commerce s’étend par l’extenfton de la fociété,