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travail .primitif, fait enfin par des foins de fauvé-
gaide 8c d’emploi quelconque > cet homme eft
malfaiteur & nuifible p comme bête carnacière.
L'agriculture, dis-je, fut ordonnée à l'homme
comme travail, 8cle travail comme punition ; mais
Dieu qui ne punit quen père, attache à ce travail
le don de la multiplication des fruits. Les premiers
effais néanmoins furent pénibles j il fallut pour
rendre la terre fertile , que l’homme s’affociât le
fecours des animaux * qu'il les rendît, dociles ,
qu'il en dirigeât la force. Ce genre d'afibciation
> fruétueufe, qui. les admettoit à la domefticité de
4'homme, & les rendoit en quelque forte fes
compagnons, ne lui permettoit pas de les traiter
en tyran» auffi, bien long-temps-après, & dans
les premiers temps de Rome , l'on vit un citoyen
condamné ., pour avoir eu la cruauté d'égorger
fon boeuf, long-temps fon aide 8c fon domeiliqpe : çontubernalem Juum. -
Les premiers légiflateurs de l'Inde , hommes;
propices , qui donnèrent des leçons fi utiles , 8c.
laifsèrent après eux des traces fi profondes ,
comme ayant eu principalement en vue .de tourner
les hommes vers L'agriculture , défendirent
par des lbîx puifées dans.l'efprit de leur, culte,
de verfer le fang des . animaux , attachèrent
à ces loix prohibitives la fan&ion de la fuperf-
tition.
Au premier coup d’oeil, un tel décret femble
rétrécir les bornes de la lubfiftance , ;8c par con-.
lequent celles de la population > mais fur unè
terre, qui par fes qualités &,fa fituation, ert naturellement
fertile en fruits de toute efpèce, 8c
fous un climat où la chaleur ren^l'homme fobre,
l'expérience a pourtant démontré que la population
ell immenfe dans ces contrées, malgré les désordres
politiques, la tyrannie & fes rayages, qui
devroient depuis .long-temps les avoir réduites, en
déferts, En y regardant mieux, les principes physiques
de l'ordre nous font voir que la diminu-,
tion^ries 8f pour ainfi dire, l’extin&ion àe$ bouche
^ /eroit une fuite de la profpérite nationnale ,
non telle que nos Étoffes vues nous l'ont préfe'n-
tée dans, les âges de fpoliation & de fplendeur
paffagère > mais telle que la veut la nature, félon
les réglés 8c les loix qui lui furent prefcfites par
fon auteur. • , . ,
En effet, l’effençe de la profperite eft raifance
privées - chacun félon fes proportions. Celle-ci
donne à chacun des moyens 8c des avances 5 delà
Içs mariages, 8ç de ceuxTei l'entretien & l'accroît
de la population. Cette augmentation du peuple
s-offre aux travaux dès la puberté pour obtenir
des ïalaires , qui mis à l'enchère par une plus
grande concurrence , exigent ub redoublement
2'induftrie d’aftivité, Celles - ci font comme
fans bornes dans l'homme, quand l'appât du gain,
la néçeffite 8c l'émulation exaltée lui fervent
d’aiguillon. L’homme excité par tous ces motifs ,
eu yi^nt quelquefois au. point de fe fubftityer au*
s o u
animaux, dans lès travaux les plus conftans 8c les
plus pénibles. Son travail paroit plus long, 8c fon
entretien plus difpendieux î & ce* font ces copfi-
dérations qui ont déterminé les gros entrepre-;
neurs de culture , dans l’état du labourage , a
donner la préférence aux animaux. Ces entrepre-:
neurs furent avifés j car la raifon de calcul qui
leur fervoit de règle , étoit ,palpable & fans répliqué.
Ils avoient fait le calcul des produits futurs
8c celui des ventes poffibles» 8c'd’après ces
deux données, ils ne pouvojent faire les avances
de la culture que dans la proportion des profits.;
Aujourd’hui ces calculs changent. L ’homme qui
fe retourne en cent manières, donne à bras a la
terre des labours plus profonds 8c meilleurs ; la
population, effet naturel- 8c croiffant de l’ jiifance
publique , amène des confommateurs falâriés, 8c
par conféquept en état de payer. Or un journa-;
lier, un manoeuvre payent un . paip, un chou ,,
comme feroit un prince ou m ême un Roi. ,Lçs falai-,
res dpnc accroifierçt les confommatiops , celles-ci!
açcroiftent les productions : . c ’e-ft la règle con-.
î nue. C e cercle de travaux 8c de dépenfes va tou-
! jours en s’étendant , ainfi que la fertilité de la.
terre fortement 8ç.confiamment folliçitée, Elle fe
: charge de cultures privilégiées, de légumes,; de
•jardins ; les hameaux deviennent, des villages ,
ceux-ci fe changent en villes par leur étendue, le
terroir fe couvre d’habitations, 8c le labourage
fe retire dans les contrées encore mêlées 8c travaillées
d’opulence 8c de misère, 8c qui luttent
8c fe débattent contre les obftacles qui les empêchent
de fe tirer de l’équilibre pénible ©ù elles
font tenues. ^ ■ .
Combien ne foxt-il pas de bleds de là Pologne ?
Combien peu en voit-on fortir de la Chine ?• La-/
quelle de ces deux puiffances eft la plus folide 8c
la plus raifonnable ? Leur état vîfible 8c connu
répond à cette queftion. Chez les^jchinois en-
effet , 8c même'chez les japonois, ou les lqix ne.
font point fages , mais au contraire, dures Comme
les préjugés qui y régnent.} - chez ces deux na-.
tions cultivatrices, l’on,voit fort peu ae\,bouche-, ries 3 8c une population immenfe fe nourrir pref-
que uniquement de fruits de. la'terre? préçifément
parce qu’elle eft immenfe , 8c quoiqu’elle ne
; foit nullement prévenue des rêves de la métemp-
fycofe. ... ;
Des hommes qui fpéculent à leur aife, parce
qu’ au milieu dé l’opulence ils -font accoutumes
8c aiment à fatisfaire toutes leurs jfantaifies , de-:
manderont peut-être en ,dédaignarit cette-manierc
Ample de fe nourrir de ces pays fi peuplés > fi l oa
n’ eft pas mieux dans l’état mitoyen , dont nous
jouiffons 8c où il y a de tout pour [quiconque a
de quoi le payer, qu’on ne fauroit 1 être dans cet
état de progreffion gênante. Nous leur dirons que
ce n’eft point, ici le lieu de traiter cette queftion ,
décidée par les loix .toujours Amples 8c toujours
confiantes de l'prdre naturel. La même loi qui fit ,
‘quo
B O U
que le travail des deux premiers hommes réunis,
équivalut à celui de trois 8c d’un plus grand nombre
j peut-être, qui euffent reliés ifolés, fait que
tout furcroît de population fera toujours augmentation
d’aifance 8c de profpérité, pourvu que rien
d’humain ne s’oppofe à l’ordre naturel. Toute
population en valeur 8c en rapports fociaux eft
favorable , quoique le furcroît de population
change toutes les mefures politiques. La nature
indique d’elle-même l’ordre de ces changemens :
toute population en non-valeur eft défaltreufe >
mais chez des peuples agricoles, il n’y en aura jamais
de telle que par le défordre focial. :
Toutes les meTures de police- concernant les boucheriesfont bien dangéreufemetit voifines de
ce défordre. On peut rapporter à ceci ce que
nous avons dit des approvifionnemens publics. Un
Prince bien fage , 8c qui femble être envoyé
du ciel pour rétablir la liberté naturelle 8c politique
, vient? dans ces- derniers temps d’offrir à cet
égard un grand exemple y en donnant toute liberté
à la vente ~8c à la diftribütion de là viande y
comme il avoit déjà fait à celle de tout autre .
comeftible.
En attendant que la.progreffion du bon ordre a
dont nous avons parlé ci-deffus .? rende, la con-
Fommation de la viande moindre à proportion j
c’eft un grand avantage que de voir dès boucheries
répandues dans les campagnes, les villages, 8cc.
C’eft une preuve qüe le peuple confomrrie & qu’il
eft aifé , que lés produits ont leur débouché
naturel fans frais de tranfport, 8c que lés bef- 1
riaux, les fermiers, 8ce.-8cc. font communs.JOn ;
ppaeyufta nasp 3p lpiqauuverre ircoiy acuemte .axiome, connu : pauvres
Dans l’état aéluel de l'éürope y là viande de boucherie fait une partie effentiellé-des fubfîftances
des riches 8c du peuple des. villes , 8c fa confom-
mation eft un déis grands profits des cultivateurs.
En France, quoique la viande ne foit point un aliment
d’ une auffi grande néceffité que, le pain j on
ne peut disconvenir que le commerce 8c la-con-
fommation de la viande ne foit un objet très-important
8c: conféquëmment que le régime auquel
la boucherie eft foùmife, né fût biëh àÿahtagéufe-
ment remplacé par la liberté. Cette vérité^ connue
par les fuites hèureufes qu’ont eu ailleurs
les édits fur la liberté des coméfliblés , 8c parti-
cüliéremènt l’ arrêt: dû parlement de Grénoble du
7 mars 1776 'y qiii pérmet à toutes fortes de per-
fonnes dè'vendre de la viande : çétte vérité fe déduit
naturellement ries obfervations fuivantès.
Les villes ne fubfiftent pas d’elles-mêmes. Elles
ne vivent que des produirions que leur fournit le
territoire: on.ire fauroit donc établir des rapports
trop étroits entré les villes 8c les campagnes j
ni trop lier enfemble leurs intérêts réciproques.
Mais ces rapports 8c ces-intérêts ne fauroient
£tre réglés, & conciliés de la manière, la plus
aVantagèufe'à tous que par le» loix de la juftice; GSeon. olit-, & diplomatique. Tom. I.
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Le befoin de vendre eft égal au befoin d’acheter,
8c c’eft la. réciprocité de ces befoins qui rapproche
les contraélans. Le prix dont ils conviennent
librement , exprime le véritable rapport
d’échange, 8c ce prix n’eft à la difpofition Jd’au-
cun d’eux : il eft déterminé par la rareté & l’abondance
fies matières à vendre ; par les moyens
8c la faculté d’acheter plus ou moins répandue »
par les frais indifpenfables de produôtion ; par
les dépenfes de voiture 8c de commerce, par les
circonllances du moment , 8cc. 8c le prix varie
tous les jours, parce que les élémens qui le décident
font fujets à varier.
Quelle eft la raifon après cela de tàriffer les
productions ? Peut-on le faire fans tenir une balance
injufte ? L’effet d’un tarif eft de détruire le
vrai prix pour lui en fubftituer un faCtice. On
ne peut faire la lpt fur les prix fans gêner les volontés
lur des conventions légitimes , fans violer
la liberté des échanges au préjudice d’un des contradans
, fans entreprendre de décider ce qui n’eft
nullement fournis à l’autorité.
La liberté eft de tous les principes d’une bonne
économie le plus irréfragable. Enentielle à la vivification
8c à l’extenfion de tout commerce, elle
l’eft particulièrement-à celui des denrées. Le
gouvernement , qui n’a plus de doute à cet égard1,
a cru devoir laifler agir les deux loix facrées de
la liberté 8c de la propriété.
De tous les motifs qui ont fait admettre cette
liberté dans le commerce des denrées, il n’en eft
aucun qui ne fe rapporte à celui des boucheries. Il
s'agit de travailler au rétabliflement de notre
culture, 8c la partie des beftiaux en eft une
branche effentielle. Ils concourent tous à la production
des grains par les engrais qu'ils fournif-
fént, 8c quelques-uns par leurs travaux : ils forment
un article important dans les avances 8c les
richeffés du cultivateur. Pourquoi donc décourager
cette partie, en portant atteinte à fa valeur
par des tarifs 8ç des prohibitions ? La liberté
j n'eft-élle pas auffi utile en ce genre quen tout
j autre - :'r!' I
Toute entreprife d'autorité fur les ventes &
les achats, fur les conditions 8c fur les p r ix , eft
également contraire aux loix de la juftice' 8c au
bien de la culture-. Nous ne pouvons rappeller
ici fous tine forme étendue, ces vérités premières
qUë nous nous fommes efforcés de développer
dans d’autres articles ; mais il eft important
dé répéter ici que la propriété n’eft point un droit
frivole qu’on püiflè enfreindre fans inconvénient,
8c qu’on-en Viole le» intérêts, en diClant des loi*-
arbitraires 8c forcées fur les conventions , fur les*
achats & fur les ventes.
Interrogeons .les auteurs des règlemens fur ï i
vente de la viande de boucherie. Quel eft au jufte
l’objet qu’ils fe propofent ? Leurs ordonnances
font prohibitives ou elles font taxatives. Prohibitives,
elles accordent la préférence à certaines
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