
•Vetiife & à Genève , le fynonyme de république...
E t qui ne fait pas que ces fuperbes ariftocraties ,
aujourd'hui de l ’ordre équeftre, étoient , dans
l ’origine , de véritables démocraties ? Perfonne
.n’ignore les époques où les magiftrats de Venife
.8c de Gènes , long - temps élus par le peuple , fe
font emparés, comme d’un bien de famille, de
l ’autorité dont ils n’étaient que les dépositaires.
11 n’en a pas été autrement à Berne j un monu-
jnent indeftr-uétible des droits de fa commune,
-c’eft la conftitution même du gouvernement. Le
.grand-confeil dans lequel rélidé la fouveraineté 5
.le grand-confeil qui fournit les membres du fénat
& tous les officiers de la république} le grand-
confeil eft entièrement tiré des tribus ; & ces tribus
n'étoient , dans l’origine , que des corporations
d’artifans , dont elles n’ont pu effacer les
rttoms.
S e c t i o n I I e.
Du gouvernement 3 de Vadministration & des ma-
giftrats de Berne. *
Confeil des deux cens. La puiffance Souveraine ré-
fide actuellement dans ce confeil j l’autorité dont
il eft revêtu, dit M. C o x e , e ft, à quelques
.égards , la plus abfolue & la moins limitée dont
les ariftocraties de la Suilfe fourniffent J’exemple.
L e gouvernement de Lucerne eft confidéré à la
vérité comme le plus ariftocratique des cantons :
& 3 en effet, il eft t e l , eu égard au petit nombre
des familles qui peuvent prendre part aux affaires
.publiques ; mais, d’un autre côté , fes magiftrats
fuprêmes ne peuvent déclarer la guerre ni faire la
paix » contracter des alliances ni impofer des taxes,
fans le confentement de l ’affemblée générale des
bourgeois. A Fribourg & à Soleure, les bourgeois
font convoqués de même en certaines occafions :
mais le confeil fouverain de Berne, diftingué parla
de tous ces corps fupérieurs des ariftocraties
fuiffes, ne connoît aucune barrière conftitution-
nelle de ce genre , qui puiffe reftreindre fa puiffance
: 8c les citoyens ne s’affemblent jamais pour
quelque caufe que ce puiffe être.
Sans doute > il n*én a pas Toujours été de même :
& , fi l’on voyoit revenir des temps périlleux ;
s’il s’agiffoit de contracter de nouvelles alliances
qui puffent être onéreufes à l ’état} s’ il étoit be-
foin d’affeoir des impofîtions un peu fortes, fans
doute l’on verroit les fénateurs revenir aux anciennes
maximes, affembler la commune &folli-
çiter le concours unanime.
^ Quoi qu’il en foit, le confeilàes deux- cens qui réunit
tous les autres collèges, & qui, fous les titres
â’avoyer 3 petit & grand-confeil , Ou d‘avoyer, confe
il O1 bourgeois de la. ville & république de Berne ,
exerce, fur tous les fujets de cet état, le pouvoir
fouverain, fait les loix & les révoque ; juge
de toutes les affaires intérieures, évoquées devant
lui ; donne aux autres tribunaux leurs pouvoirs com-
petçns jfonpe des alliances^ les renouvelle, traite
de la paix 8c de la guerre, & juge de la vie &
de la mort.
Le «titre que prennent le grand & le petit-con-
feil, eft celui de magnifiques , hauts, puijfans 6?
fouverains feigneurs y en opinant, les membres
donnent à i’aliemblée celui de vos excellences.
| Vers la fin du treizième fiècle , ce confeil étoit
réellement compofé de deux cens perfonnes : le
nombre des membres s’accrut conlidérablement
dans la fuite. Aujourd’hui, ils ne peuvent être
plus de 289.
C’eft ordinairement tous les dix ans que ce
confeil fe complette ; au bout de cet efpace de
temps , il y manque communément quatre-vingts
membres-. Le confeil détermine alors le moment
des élections : ce point convenu, chaque avoyer
nomme deux des nouveaux membres} chacun des
feizeniers & des membres du fénat en nomme un :
deux ou trois autres officiers jouiifent du même
privilège.
Il y a. un certain nombre de perfonnes qui réclament,
en vertu de leurs offices, le droit d’être
élus : leurs prétentions font ordinairement ad-
mifes i ces différentes nominations & prétentions
fourniffent environ cinquante des membres à
élire s le refte eft rempli par le fénat & les feizeniers
, fuivant le procédé d’une élection ordinaire,
u Dans les délibérations du grand confeil , les
fenateurs ou membres du petit-confeilontunrang
diftingué, & font invités, par leur nom, à opiner.
Les membres du grand-confeil opinent en-
fuite fur l’invitation générale de l’avoyer ou pré-
fîdent} chaque membre a le droit de propofer ce
qu’il croit utile à l’état : le préfident doit foumet-
tre toutes les opinions au fuffrage. Aujourd’hui
que le grand-confeil prend cbnnoiffance de pref-
que toutes les affaires, les affemblées fe tiennent
ordinairement trois jours par femaine, excepté
pendant les vacances des vendanges ou des moif-
fons. " ■ .. , -
Ainfi, quoique le grand-confeil ait délégué au .
fénat le maniement d’une partie des affaires le$
plus importantes} comme il eft toujours dans un
état d’aCtivité confiante, & exerçant par lui-
même fon autorité fuprême, le fénat ne jouit
pas à Berne d’une autorité auffi étendue que dans
les autres ariftocraties.
11 n’y a rien de diftindif dans l’habit des magiftrats
, qu’un chapeau plat dont le bord eft arrondi
& bordé de franges pour les membres du
confeil des deux cens} celui des fénateurs a le
fond fort rehauffé : le premier eft appelle barrete3
le dernier berujfe, L’avoyer en exercice préfide
au grand-çonfeil, porte fur fon habit un furplis
fort court, fait d’après une très-ancienne' mode.
Le petit-confeil ou fénat s’affemble à-peu-près
tous les jours} on y traite d’abord toutes les affaires
qui. peuvent être portées à celui des deux-
cens. Il expédie les affaires courantes & de police
, difpofe de la plupart des cures ou charges
eccléfiaftiques, des places fubalternes, tant civiles
que de police * juge en dernière inftance les
procès criminels ^ à l’exception de ceux qui regardent
des citoyens de Berne 3 & les droits de
juftice criminelle, réfervés à quelques villes &
vaffaux.
. L’èleétion des fénateurs fe faifoit autrefois par
les bannerets & les feize ; aujourd’hui cette élection
fe fait d’après un plan fort combiné , qui a
pour objet d’empêcher les effets de la brigue, par
un mélange du fort.
Ce confeil ou fénat eft compofé de deux avoyers,
de deux quefteurs ou tréforièrs , de quatre bannerets
ou tribuns , 8c enfin de deux confeillers fecrets.
Le grabeau ou la rééle&ion des magiftrats fe
fait chaque. x année dans la femaine fainte ; le
jeudi, les feize font choifîs par le fort, ils font
avec le fénat la revue du grand-confeil, le même
jour} le lundi après pâques , fe fait l’éleélion annuelle
de l’avoyer & des quatre bannerets} le même
jour après-midi, lés bannerets font avec les feize,
la revue du fénat, & fur leur rapport, le jour
fuivant, les confeillers font confirmés au confeil
des deux-cens, où fe fait encore l’éleélion des
tréforièrs. Chaque année le fénat nouvellement
confirmé, demande une nouvelle patente au
grand-confeil. Cette démarche eft une reconnoif-
fance qu’il tient de lui fon autorité.
Voici comment fe font les élections : on met
dans une boîte 16 balles dont 3 font d’or ; les 16
membres du fénatreftans en tirent chacun une, &
ceux auxquels les 3 balles d’or tombent en partage,
nomment dans le nombre de leurs confrères, trois
électeurs. Sept autres éleéleurs font nommés par
le grand-confeil, fuivant un procédé femblable.
Les électeurs choififfent un certain nombre de candidats,
qui ne peuvent excéder dix, ni être moins
de fix} ceux de ces candidats qui, offerts au fuffrage
du confeil fouverain, ont la minorité, fe retirent
jufqu’à ce qu’il n’en refte plus que quatre} à ces
quatre candidats , on fait tirer 4 balles dont 2
font d’or & 2 d’argent : <ceux auxquels les balles
d’or viennent à échoir font de nouveau propofés
àu confeil fouverain, 8c la pluralité des voix prononce
entre eux.
Pour être éligible, il faut avoir été dix ans membre
du grand-confeil, & être marié.
Le confeilfecret eft compofé de I’avoyer régnant,
du plus ancien tréforier,, de quatre bannerets &
de deux confeillers fecrets. On traite dans ce con-
ftit, les affaires de Pétât qui requièrent une dif-
crétion que l’on ne peut attendre d’un corps auffi
nombreux que le confeil fouverain. Le confeil
fecret a le pouvoir de fe déterminer dans les affaires
d’une très-grande importance.
L’office des confeillers fecrets eft de veiller aux
délibération-s des confeils , pour qu’il ne s’y
paffe rien: contre le gouvernement. Mais les con- j
feillers étant dellinés à fuccéder aux places vacan- [
tes du fénat, ui vant la date de leurs éleétions
n’eft-il pas' à craindre qu’ils ne prennent d’abord
l’efprit de ce corps, 8c le confeil fouverain peut-
il les regarder comme des tribuns qui lui foient
bien affidés j en cas d’entreprife du fénat? S’il y
a lieu de fe plaindre de dénégation de juilice , ou
d’autres abus importans, les membres du grand-
confeil peuvent faire propofer l’affaire par un con->
feiller fecret.
Les principaux magiftrats de Berne font les deux
avoyers, les deux tréforièrs & les quatre bannerets
} ces grands officiers font élus à la pluralité
des voix , par le grand-confeil 8c pris dans le
I nombre de fes membres.
Les avoyers , dans l’origine , étoient élus annuellement;
aujourd’hui deux avoyers nommés à vie,
mais que l’autorité fouveraine peut dépofer alternent
pour la préfidence des confeils 8c pour
l’exercice de leur dignité. On donne le titre
avoyer régnant à celui qui eft en exercice. Il a
dans la falie du confèil, un fiège particulier, un
peu élevé au-deffus des autres & couvert d’un
dais : le fceau de la république eft devant lui fur
i une table } il ne donne jamais fon avis qu’il n’en
! foit requis, 8c n’a de voix que lorfque les fuffra-
ges font partagés.
L’avoyer hors d’exercice eft le premier en rang
parmi les fénateurs.
L’avbyer ne peut être choifi que parmi les bannerets.&
les tréforièrs..
Le tréforier allemand ou quefteùr, pour la portion
allamande du canton, tient le troifieme rang, il ne
peut être prorogé que fix ans de fuite : il en eft
de même du tréforier du pays de V'aud , qui prend
rang avec les bannerets , fuivant la date de fon
éle&ion.
Les quatre bannerets , autrefois banderets, font
élus pour quatre ans } chacun d’eux a la jurifdic-
tion fur un certain diftriéfc aux environs de la
ville , qu’on appelle bannière} ils ont fous leurs
ordres des officiers nommés freiveibel 3 qui font
payfans, & qui ont infpe&ion fur le militaire,
& fur ce qui eft du reffort du juge criminel : chefs
de l’armée bernoife, fis font élus dans le nombre
de ceux qui compofent les quatre premières abbayes
ou tribus.
Il y a douze tribus, les quatre premières font
celles des maréchaux , des tanneurs, des boulangers
& des bouchers : ce font les anciennes ; elles
ont, dit M. Ramon, de très-grands privilèges ;
lorfqu’on eft né dans le fein #une tribu* quelconque
, fi n’eft pas néeeffaire d*en exercer le métier 5
mais l’on ne peut paffer de l’une à l’autre fans
faire le chef-d’oeuvre. C’eft ainfi qu’une branche
de la maifon d’Erlach, qui- fe troavoic exclue des
grandes charges de l’état, parce- qu’elle ne faifoit
pas partie d’une des quatre premières tribus, eft
entrée dans celle des maréchaux.
" Les feize 3 font feize membres du grand-confeil,
pris tous les ans dans les-douze abbayes ou tribus*