
«h même - temps que cette prote&îofl déclarée
changea les idées populaires fur le commerce &
la garde des grains. La circonftancé etoit tres-
favorable à la vérité 5 la nation avoit dans le nouveau
gouvernement cette confiance fans laquelle
les meilleurs réglemens n'ont point d'effet.
Le froment reçoit 5 fchelings ou y liv. 17 f.
6 den. tournois par quarter, mefure de 460 1.
poids de marc , lorfqu’il n’excède pas le prix de
2. liv. 8 f. fterl. ou 56 liv. 8 f. tourn.
Le feigle reçoit 3 fchelings 6 fols fterl. ou 3 1.
j o f. 6 d. tourn. au prix de 1 1. 12 f. fterl. ou
17 1. 12 f. tourn.
L'orge reçoit 2 fchelings 6 fols fterl. ou 2 liv.
18 f. 9 den. tourn. au prix de 1 liv. 4 fchelings
fterl. ou 28 liv. 4 f. tourn.
L'évènement a juftifié cette belle méthode :
depuis qu’on la fuit, l’Angleterre n’a f>oint éprouvé
de famine , quoiqu’elle ait exporté prefqu’an-
îiuellement des quantités immenfes de grains ; les
Inégalités fur les prix ont été moins rapides &
moins inopinées , lesiprix communs ont meme diminué
> car lorfqu'on fe fût déterminé en 1689
à accorder la gratification , on rechercha quel |
avoit été le prix moyen des grains pendant les ;
quarante-trois années précédentes. Celui du froment
fut trouvé dq 2 liv. 10 fchelings 2 f. fterl.
le quarter , ou y8 1. 18 f. 11 den. tourn. & les
autres efpèces de grains à proportion. Par un recueil
exaét du prix des fromens depuis 1689 juf-
qu’en 1752 , le prix commun ,* pendant ces cin-
quante-fept années, ne s’eft trouvé que de 2 1.
2 f. 3 f. fterl. eu 49 1. 1*2 f. 10 den. tournois.
Ce changement , pour être auffi frappant, n’en
cft pas moins dans l'ordre naturel des chofes. Le
cultivateur 3 dont le gouvernement avoit en meme
temps mis l'induftrie en fûrete en fixant 1 impôt
fur la terre même , n’avoit plus qu une
inquiétude } c’étoit la vente de fa denree 3 lorf-
qu’elle feroit abondante. La concurrence des acheteurs
au-dedans & au-dehors , lui affuroit cette
vente : dès-lors il s’appliqua a fon art avec une
émulation que donnent feules l’efpérance du fuc-
cès & l’affurance d’en jouir. De quarante millions
d'acres que contient l'Angleterre, il y en
avoit au moins un tiers en communes } fans compter
quelques reftes de bois. Aujourdhuila moitié
de ces communes & des terres occupées par
les bois , eft enfemencée en grains & enclofe de
haies. Le comté de Norfolk, qui paffoit pour
ji’être propre qu'au pacage 3 eft aujourd hui une
des provinces les plusfertiles en bleds. Je conviens
cependant que cette police n’a pas feul opéré ces
effets admirables , & que la diminution de l'intérêt
de l'argent a mis les particuliers en état de
défricher avec profit ; mais il n'en eft pas moins
certain que nul propriétaire-n’eût fait ces dépen-
fes, s’il n’eût été afluré de la vente de fes denrées
, 8c à un prix raifonnable.
JL’état des exportations de grains acheveroit de
démontrer comment un pays peut s'enrichir paj
la feule-culture envifagée comme objet de corn-1
merce. On trouve dans les ouvrages anglois ,
qu’il eft un grand nombre d’années où la gratifica-1
tion a monté de 150 à 500 mille 1. fterl. & même 1
plus. On prétend que, dans les cinq années écou-1
lées depuis 1746 jufqu’en 1750 , il y a eu près I
de y 3 906, 000 quarters de bleds de toutes les |
qualités exportés. Le prix commun à 1 liv. 8 fch.l
ou 32 liv. 18 f. tonrn. donneroit une fommedel
8 3 i io ~ 3 000' liv. fterl. ou 188 3 830 3 000 liv,
tourn. environ.
* Si nous faifons attention que prefque toute®
cette quantité de grains a été exportée par des g
vaiffeaux anglois 3 pour profiter de la gratification
il faudra ajouter au bénéfice de 188 3 830, 0001.!
tourn. la valeur du fret des y , 906 , odo quar-g
ters. Suppofons-la feulement à yo f. tournois parff
quarter , l’un dans l’autre, ce fera un objet de J
14,7yo , 0001. tourn. & au total, dans les cinq J
années, un gain de 203 > y8o , 000 1. de notre
monnoie } c’eft-à-dire , année commune fur lest
cinq , le gain aura été de 40,000 , oool. tourn.||
environ. ^ |
Pendant chacune de ces cinq années , centg
cinquante mille hommes au moins auront été oc-|
cupés 3 & dès-lors nourris par cette culture &|
cette navigation ; & fi 1 on fuppofç, que cettei
valeur ait encore circulé fix fois dans Tannéei
feulement 3 elle aura nourri & occupé neuf cenfr
mille hommes aux dépens des autres peuples.
11 eft en outre évident que fi chaque année l’Angleterre
faifoit une pareille vente aux étrangers ,jx
neuf cens mille hommes parmi les acheteurs trou*
veroient d’abord-une fubfiftance plus difficile j
enfin qu’ils en manqueraient au point qu’ils feraient!
forcés d’aller habiter un pays capable de lei|
nourrir. r . ,|
Un principe dont l’harmonie avec les faits eftg
fi frappante, ne peut certainement pafîer pour|
une fpéculation vague : il y aurait donc de l’in«J
confequence à le perdre de,vuei
C’eft le principe fur lequel la police des graini|
eft établie en Angleterre , que je trouve irréprochable
; mais je ne puis convenir que fon exécu*g
tion aétuelle foit fans défauts, & qu’elle foit*ap|j
plicable indifféremment à tous les pays.
L'objet de l’état a été d’encourager la cul-g
ture , de fe procurer l’abondance , & d’attiret|
l'argent des étrangers. Il a été rempli fans doute}«
mais il femble qu’on pouvoit y réuffir fans char-g
ger l'état d’une dépenfe fuperflue, fans tenir quel*|
quefois le pain à un prix plus fort pour les fuje«|
que pour les étrangers. ' I
L’état eft chargé en deux circonftances d unfg
dépenfe inutile g qui porte fur tous les fuj«ts|
| indiftin&ement , ç’eft-à-dire, fur ceux qui eng
profitent comme fur ceux qui n'en profitent pas. ,#
Lorfque les grains font à plus bas prix en M .
gleterre que dans les pays qui vendent en con*|
‘ çurrenc* B
currence avec elle , il eft évident que la gratification
eft inutile : le profit feul que préfente l’exportation
, eft un appas fuffifant pour les fpécu-
ktions du commerce.
t Si lès grains font au dernier prix auquel ils
puiffent recevoir une gratification, & qu’en même-
temps ils foient à très-bon marché à Dantzick &
à Hambourg , il y aura du bénéfice à tranfporter
en fraude les grains de ces.ports dans ceux de
là, Grande - Bretagn e , d’où ils reffortiront de nouveau
avec la gratification. Dans ce dernier cas ,
il .eft clair que la culture des terres n’aura point
joui de la faveur qui lui étoit deftinée : la navigation
y aura gagné quelque chofe à la vérité ,
mais c’eft en chargeant l’état & le peuple d’une
dépenfe beaucoup plus confidérable que ce profit.
. .Quoique le profit particulier des fujets, par la
différence du prix d’achat des grains fur le prix
de la vente, rembourfe à la totalité de la nation
laifomme avancée , & même au-delà ; jufqu’ à ce
jque ceux qui ont payé effectivement leur contingent
de la gratification, en (oient rembourfés avec
l’intérêt par la circulation , il fe paffera un temps
confidérable, pendant lequel ils euffent pu faire
un meilleur emploi de ce même argent dans un
pays où le commerce , les manufactures , la
pêche & les colonies font dans un état florif-
fant.
? C e n'eft pas que ce moyen de gagner foit mé-
prifable j il n’en eft aucun de ce genre dans le
commerce extérieur d’un état : mais il faut bien
diftinguer les principes du commerce d’économie
ou de réexportation des denrées étrangères , des
principes du commerce qui s’occupe des denrées
nationales.
• Les encouragemens accordés au premier font
un moyen de fe procurer un excédent de population
; ils font utiles tant qu’ils -ne font point
onéreux à la malle des hommes , qu'on peut regarder
comme le fond d'une nation } au lieu que
le commerce qui s’occupe de l’exportation des
denrées nationales 3 doit être favorilé fans ref-
triétion. Il n’en coûte jamais un écu à l’état qu’il n’en
retire dix & plus ; le rembourfement du contingent
qu'a fourni chaque particulier , lui revient
plus rapidement & avec un plus gros profit, parce
que tout^ appartient à la terre diredement ou
a la main-d’oeuvre. D ’un autre côté , la quantité
des denrées nationales ne s’accroît jamais
fans augmenter la malle des hommes, qui peuvent
être regardés comme le fond de la nation.
ƒ II eft difficile, dans une île confidérable dont
les atterrages font faciles, de prévenir l’introduction
des grains etrangers. Ainfi il faut conclure
que la gratification devrait être momentanée &
xeglee , d apres les circonftances, fur le prix des
grains dans les pays qui en vendent en concurrence.
Alors l ’opération ferait véritablement fa-
liitaire , & digne du principe admirable dont elle
émané.
(Eicon, polit, 6* diplomatique. Tom. I,
Peut - être pourroit-on dire encore que cette
gratification ne tombe pas toujours auffi immédiatement
au profit des laboureurs qu il le femble-
roit ' d’abord ; car dans les années abondantes ,
oùi l’on achète les grains pour lés mag^finer , en
attendant l’octafion de les exporter, il n eft pas
naturel de penfer que les acheteurs, toujours en
plus petit nombre que les vendeurs , en tiennent
compte à ceux - ci fur le prix de leurs achats.
Dans un pays où un très-petit nombre de cultivateurs
auroit le moyen de garder fes grains , la
gratification s'éloignerait encore plus de la terre.
J’ai remarqué comme un défavantage de la
trop grande concurrence extérieure, que l’Angleterre
fournit aux ouvriers étrangers du pain à
meilleur marché qu’aux fiens propres : c’eft une
affaire de calcul. Si nous y fuppofons le froment
à 42 fch'el. 3 f. fterl. prix commun depuis cin-
quante-fept années , il eft clair qu’il peut être
vendu en Hollande, j en Flandres, à Calais, à
Bordeaux même, à 40 fc. 3 f fterl. avec un bénéfice
honnête. La gratification eft de y fchelings
par quarter j le fret & les aflurances n’iront pas
à plus de 2 fch. par quarter } il reliera encore un
profit d’un feheling, c’eft-à-dire , de 3! dans une
affaire qui ne dure pas plus d’un mois , & dans
un pays où l’intérêt de l’argent eft à 3I par an.
■ Je n’ignore point qu’on répliquera que, par ce
moyen, l’Angleterre décourage l’agriculture dans
les autres pays. Mais ce raifonnement eft plus
fpécieux que folide, fi le prix commun des grains
en Angleterre eft affez haut, pour que les autres
peuples n’y aient recours que lorfqu’ils éprouvent
chez eux de grandes diminutions de récolte. Or
cela eft de fait, du moins à l’égard de la France.
Nous avons déjà obfervé que le prix commun
du froment en Angleterre a été de 42 fch. 3 fols
fterl. le quarter , c’eft-à-dire, de 49 liv- 12 f.
lo den. de notre monnoie depuis cinquante-fept
années }, ce qui revient à 24 liv. 16 fols 5 den.
le feptier de Paris , qui pafle pour être de 240
livres p. & qui , dans le fait, n’excède point
230 liv. p. fi j’en crois des perfonnes éclairées fur
cette matière. Son prix commun n’a été en Brie
que de 18 liv. 13 f. 8 den. - pendant les quarante
années écoulées depuis 1706 jufq’en 174J, malgré
la famine de 1709 , la difette de 1740 8e
1741 , & les chertés de 1713 , 1723 , 4 , y ,
6 , & de 1739. (Voyez EJfai f u r i e s moiinoies ,
ou réflexions fu t le rapport entre l ’argent & les den-
■ rées. ). Ainfi la fubfiftance des^frauçois commence
à devenir difficile , lorfque l’Angleterre nous foar-
nit du bled à. fon prix commun. Pour trouver
la raifon de. cette différence fur le prix des deux
royaumes i il faut remonter à un principe certain
. Deux chofes règlent dans un état le prix des
falaires ; d’abord le prix de la fubfiftance , en-
fuite, le profit des diverfes occupations du peuple
, par l’augmentation fucceffive de la maffe