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grande , il faut des lumières , il faut un coeur
honnête , il faut de la vertu. Le patriotifme eft
une paffion noble , fière , générèufe ; il eft incompatible
avec l'avarice , pailion toujours fordi-
de 3 baffe 3 infociable. Un peuple enivré de l'amour
de l'argent ne trouve rien de plus eftimable
que l'argent j il craint la pauvreté ou la médiocrité
comme le comble de l'infortune 3 & il facrifie
tout au defîr de s'enrichir. Un peuple commerçant
ne voit rien de comparable aux richeffes 3
chacun veut en obtenir, fi cette paffion épidémique
gagne tous les ordres de l'état 3 le repréfentant
du peuple n'en fera point exempt j il traitera de
la liberté publique avec le prince & fon miniftre ,
qui auront bientôt le- tarif des probités de leur
pays ( i ) .
Des abus quil feroit facile de réformer. i°. C'eft
un mal que la chambre des communes ne foit plus
triennale } on y fait toutes les années une motion
fur ce fujet ; mais ces motions ont .toujours
été mal accueillies.
2°. M . Pitt 3 l'un des fils de milord Chatam 3
& qui a été un moment chancelier de l'échiquier
vient' de propofer ( en 1783") un autre fujet de
réforme non moins important_, celui de la représentation
en parlement. Sa motion étoit conçue
en ces termes : i° . qu'on emploie les moyens les
plus efficaces pour empêcher la corruption aux
élections 5 2°. que toutes les fois que les électeurs
d'un lieu quelconque auront permis la corruption 3
& que ce délit aura été conftaté, un tel lieu foit
privé à l'avenir du droit d'envoyer des députés
au parlement : 30. que 3 pour donner une nouvelle
vigueur à la conftitution 3 on augmente de
cent le nombre des députés au parlement : mais
elle n'a pu obtenir la majorité des Suffrages.
Il eft pourtant fûnxjue fon plan étoit fort fage 3
& que fi l'exécution s'en‘ trouve impoffible en
quelques points , elle n'a rien de difficile fur
tous les autres.
30. La proportion n'eft pas égale entre le nombfè
des représentés , ou l'étendue de terrein qu'ils
occupent, & celui des repréfentans : un petit bourg
& un comté 3 foo hommes ou 100 , 000 hommes
ont Souvent un nombre égal de repréfentans dans
la chambre des communes.
40. La loi veut qu'un habitant libre , pour avoir
droit de Suffrage aux éle&ions 3 jouiffe au moins,
comme franc - tenancier , de 40 fchelings de reve- ,
nu j ainfi un manant qui aune propriété de cette
efpèce de 43. liv. tournois 3 a droit de voter aux
éle&ions , tandis que le particulier notable , qui
n'eft que copy-holder 3 c'eft-à-dire 3 qui relève de
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quelque Seigneur, qui népoffède par conséquent
que le droit perpétuel & l'ufufruit (jus perpetuum
& utile dominium ) 3 au lieu de ce qui conftitue
le franc - tenancier, allodium & direéfum dominium3
eût- il 20 & 30 mille livres tournois de rente ,
eft privé du droit de voter aux élections des
membres pour les comtés. Au refte cette loi eft
l'ouvrage d'un prince dont on ne vante pas la fa-
geffe j on l'appelle en Angleterre , une des fottifes
de Henri V I : & il eft étonnant qu'on ne l'ait pas
réformée.
j° . La liberté civile & politique ne tient point à
la liberté du commerce î & il ne faut pas confondre
ces idées, ainfi qu'on l'a fait dans ces derniers
temps ; mais la loi qui enchaîne l'artifan à la boutique
de Son maître, & au village, oùils'e ftune
fois établi, eft trop dure.
6°. La eonnoiffance des matières de mariage, de
divorce & de légitimité, eft bien moins du ref-
Sort de ce qu'on appelle en Angleterre common
luw , que des tribunaux eccléfiaftiques appellés
"do cl ors - commons , qui , par une inconséquence
inexplicable conferverent , lors de la réforme,
une jurifdiétion entièrement civile.
Je pourrois indiquer beaucoup d'autres abus*
mais je dois me hâter de finir cet article, peut-
être déjà trop long.
Que les ariglois ne s'y trompent pas } quoique la
nation entière aime Ses loix & fa conftitution, quoi«
que cette conftitution Soit affez forte pour réfifter à
des abus qui plongeroient tout autre peuple dans l'efi
clavage j s'ils n'arrêtent pas le progrès de ces abus,
ils retomberont fous le joug. La liberté demande
des âmes nobles, courageufes, vertueufes, Sans
cela elle dégénère en licence, & finit par devenir
la proie du maître qui aura de quoi corrompre.
Un peuple Sans moeurs, un peuple injufte
pour les auçres, un peuple brûlé de la Soif de l'o r ,
un peupk'-conquérant, un peuple ennemi de la
liberté d'autrui , un peuple qui a un Sentiment
profond de Ses droits , mais qui méconnoît ceux
du genre humain , ne mérite pas d'être libre.
Peuples d'Albion 1 d'où viennent ces allarmés
continuelles qui vous affligent , & ces chagrins
Sombres qui vous dévorent, & qui Se peignent
fur votre front ? Comment ces tréfors qui s'accumulent
dans vos mains , loin cf affurer votre bonheur
, ne font - ils que le troubler Sans ceffè'? Pourquoi
, dans le fein même de l'abondance- & de la
liberté, vous voit - on rêveurs, inquiets & plus
mécontens de votre fort, que lès efclaves frivoles
qui Sont les objets de vos mépris ? Apprenez la
vraie caufe de vos craintes & de vos peines. Ja-
(1) Ce mot eft du célèbre Robert walpolé, premier miniftre cPAngleterre fous le règne de George II. En 1729 , on
p.ropofa dans le parlement de la Grande-Bretagne une formule de ferment, par laquelle chaque repréfentant du peuple
dévoie s’engager à ne recevoir aucuns bienfaits de la cour f mais cette propofition fut rejettée par la chambre des pairs ,
dont la plupart des membres font dévoués au. miniftère. Les dépenfes. fecrètes du, miniftèro, depuis 1.731 jufqu’à 1741 ,
montèrent a 1, 453, 400 livres fterlings (environ'31 millions de livres tournois) Voyt\ Seafonable hints from an
honeft man, publié in-8° en 1761.
mais l'amour de l'or ne fit de bons citoyens. La
liberté ne peut être Solidement établie que Sur
l'équité, & courageusement défendue que par la
vertu. Lailfez à des defpotes la gloire folle & def-
truélive de faire des conquêtes, & de répandre à
grands flots le Sang de leurs Sujets. Pour vous,
contens de jouir en paix des bienfaits de votre
conftitution, n'allez pas les anéantir par des guerres
infenfées., qui feroient utiles à. quelqués-uns
de vos négocians, mais qui feroient ruineufes pour
vos citoyens en général. On parle avec éloge de
votre raifon ; Soyez raisonnables en tout. O c cupez
- vous à perfectionner votre gouvernement
& vos loix. Ne vous ..endormez point dans
une Sécurité préfomptueuSe j votre ennemi n'eft
point Sur le continent de l'Europe., il n'eft point en
Amérique & en Afie, il eft au milieu de vous. Craignez
un luxe fatal aux moeurs & à la liberté. Que
votre ifle devienne le modèle des nations, & qu'on
ne dife pas un jour: Il fut un peuple qui avoit alluré
la liberté des citoyens d'une manière à peu près
complette > il jouiflfoit de tout ce qui peut rendre
les hommes heureux j mais il a perdu Ses privilèges
par Sa corruption .$ & ce n'eft pas la peine de
travailler dix fiécles à Se former urie conftitution ,
pour tomber enfuite dans l'efclavage.
S e c t i o n X I I Ie.
Du commerce & de llindu/}rie de la nation angloife.
Le commerce de XAngleterre occupoit plus de
Sept mille bâtimens avant la guerre de 1758 ; à
l'époque de l’inSurreCUon des colonies, il en occupoit
plus de douze mille. Aucune nation n'avoit
encore fait un commerce fi prodigieux : elle s'efforce
aujourd'hui non Seulement de le Soutenir,mais
de l'augmenter? Tous les tréfors de l'Inde , comme
l ’annonçoitle fameux chancelier Baqon, il y a près,
de deux fiècles , font aujourd'hui en fa difpofition.
L'ufage exceffif d'un crédit immenfé, devoit, ou
détruire cette nation, ou l'élever à ce haut dégré
de puiiTance. On peut juger des progrès fuc-
ceffifs de cette élévation qui étonne aujourd'hui
toute l'Europe. Je ne donnerai ici qu'un résultat
général j je parlerai de Son commerce plus en détail
aux articles de Ses colonies & de Ses établiflfe-
mens en Afie.
Le produit, des ifles angloifes, avant la révolution
d'Amérft}ue, occupoit» fix cens navires &
douze mille matelots. On l'eftime Soixante fix millions.
Indépendamment de ce que la métropole
envoyoit à la Jamaïque pour Ses liaifons interlopes
avec le continent, elle fournifloit à Ses colonies
pour dix-Sept millions en efclaves & en marchandises.
Le bénéfice des agens de ce commerce, les
frais de navigation , les droits & la commiffion
(1) Voye{ le Voyageur américain.
réunis, ne s'éloignent pas de feize millions. D'après
ce calcul, on trouvera net trente - trois millions
pour les poiïelFeurs des plantations.
Avant la même révolution d'Amérique , les
exportations de Y Angleterre, pour toutes Tes colonies
de l'Amérique feptentrionale , montoient
annuellement à 3,370,900 liv. fterling, & fon
importation à 3;,914,606 liv. lterling (1). On verra
à l'article de. chacune de ces colonies comment fe
répartiffoient ces exportations & ces importations,
& ce qui en refte aujourd'hui à la Grande-Bretagne.
On peut conclure de là quel coup l'indépendance
des Etats - Unis porte à VAngleterre.
Les produits- de l'agriculture font fort confidé-
rables ; on fait que de 17435 à 1730, c'eft-à-dire
dans une efpace de cinq années , Y Angleterre exporta
pour 3,403,786 liv. fterling de froment, de
feigle, de dreche & de gruau ; & l’on croit que
ces exportations ont encore augmenté depuis
cette époque.
Sir Charles Withworth a publié, en 1776 '
l’état des exportations & des importations de
Y Angleterre- depuis 1697 jufqu'à l'année 1773.
Voici quel fut le commerce de la Grande-Bretagne
avec toutes les parties du monde en 1773 ;
importations 11,406,841 h-fterling ; exportations
1^,763,133 liv. fterling. Ainfi les exportations excédèrent
les importations de 3,336,411 liv. fterling.
Les leéteurs qui voudront connoître l'état
particulier du commerce de Y Angleterre, avec les
différens pays de l’Europe, de l'Afie, de l’Afrique
& de l'Amcrique, peuvent recourir à l'ouvrage
, que je viens de citer.
Il y a plufieurs compagnies de commerce auto-
rifées par des lettres patentes. Elles qnt fait au
gouvernement des avances ou des prêts fi confi-
dérables, qu’il ne peut les rembourfer, & qu'il
reçoit la loi de ces compagnies.
La principale eft la compagnie de la banque.
Elle a le privilège deprêter fur les fonds du gouvernement
, d’efeompter les lettres de change &
les billets des particuliers ; elle tient la caille de
tous ceux qui veulent fe fervir de ce dépôt; elle
fait le commerce des matières d'or & d’argent.
Elle tire fur - tout de grands profits des avances
qu’elle fait au gouvernement fur la taxe des terres :
elle ne fournit que fes billets, qui font payables
à vue ; mais comme elle a en main les fonds de
tous les riches particuliers, l'argent pafle feulement
d'un compte a un autre fans fortir de la caille.
La compagnie des Indes ne paye l'intérêt de
fes obligations qu'à 3 pour cent; & quoique cet
intérêt foit fort modique, ces obligations font
fort recherchées, parce qu’elles font payables à-fîx
mois de date & au porteur, fans qu’on ait be-
foin de les renouveller, parce que l'intérêt courant
toujours, elles fout regardées comme de
A 4*