
ont fait la propriété foncière; les avancés fouve-
raines ont fait la fouveraineté , à l’ombre de laquelle
la fociété s’ eft accrue & complexée félon
les cas & les avances : la fouveraineté eft donc une
propriété.-
De même que la propriété foncière ne s’ eft
montrée, & n’a été réclamée que lorfque les travaux
qui l’ont acquife ont eu donné au fonds
une valeur effective 8c conftante , de même la fouveraineté
ne s’eft montrée qu’au temps où Ion
exercice a pu être de quelque utilité commune. \
Jufqûes-là la raifon des chofes rélîdoit dans toutes I
les têtes ; mais auflîtôt qu’ il a pu être queftion de '
partage régulier entre les hommes, l’autorité doit
avoir eu de l’exercice , foit pour reclamer fa propre
part, fpit pour défendre celle d’autrui.
L ’homme le plus fage & le plus jufte dut d’ abord
devenir ainfi le plus fort, attendu que fa
penfée & fon jugement trouvèrent le confentement
de tous les individus défintéreffés d’ accord avec fa
penfée.
Quelle que foit enfin la manière dont l’exercice
de l’autorité fe foit établi , elle eut des fonde-
mens & des appuis légitimes fi elle eut de la durée;
elle entretint, continua, & accrut même les •
avances fouveraines ; & la propriété fouveraine
qui en fut la fuite, devint nécelïairement le patrimoine
de celui qui fit tous ces travaux-.
En toute fociété il eft de l’avantage de tous que
la propriété ait le plus d’ extenfion poflible, parce
que tous ont l’intérêt le plus direét à fa plus grande
valeur, qui eft le noeud de toute fociété; en con-
féquence l’hérédité eft devenue par-tout une fuite
nécefîaire de la propriété ; elle doit l’être par
conféquent de la propriété fouveraine, 8c c’ eft
une vérité fentie 8c adoptée par tous les peuples.
La propriété ne peut être mi-partie ni exercée
par indivis, parce qu’ elle ne feroit alors qu’un
ufufruit, 8c que l’ufufruitier n’a pas l’intérêt du
propriétaire. Tout cela eft dans la nature ; & c’eft
de droit naturel que le fouverain eft propriétaire
des droits, & chargé des devoirs de la fouveraineté.
Comme ces droits & ces devoirs embraflent
toute la fociété, il a dû arriver, & il eft fouvent
arrivé que par une infurreétion générale on a plus
ou moins lié les mains au propriétaire de la fouveraineté
; de même que par une infurre&ion particulière
on interdit un individu dans la fociété.
Dans ce cas., lorfqu’ à la place du fouverain incapable
ou injufte, on a remis les rênes du gouvernement
à une aflemblée quelconque, appellée
fénat. décuries, &c. cette nouvelle direction a pu
s’éloigner des abus & des excès- crians qui révol-
toientles peuples: mais elle a tout laifle s’altérer
& déchoir, ou par l’indifférence des adminiftra-
teurs, qui prenoient peu d’intérêt à la chofe p u blique,
ou par les fuites inévitables de la prévarication
privée.
. Il eft arrivé suffi que cet abandon, ou le défordre
caufé par la connivence prefque univerfelle
des intérêts dépravés & exclufiis, ayant tout laiffé
dépérir dans la fociété, des voifins ambitieux ont
envahi fon territoire, 8c l’ont dépouillée ; & comme
à toute diftribution de chofes pillées, il faut
des réglés de partage, même parmi les conqué-
rans, on a appellé ces règles des loix fondamentales
, en un mot un contrat focial.
Il eft encore arrivé , que de petits états, prefque
fans territoire, 8c réduits à des richeifes mo-
biliaires , ont cédé par furprife à la prédomination
d’un fe u l, qui n’ayant pas à la fouveraineté de
droits fondés fur la nature des chofes, ni des devoirs
auxquels la commune ne peut fuppléer , ne
pouvoit être naturellement que fon tyran.
Quand la commune a fecoué le joug & s’eft
appellée république , tout a paru bien , parce que
cela reffemble au fond à la fociété naiflante qui
a peu de droits publics naturels, 8c exige peu de
devoirs.
On a vu de tout temps, comme on voit fou-
vent encore, que, par un mélange, de tous ces
genres de conftitution & d’erreurs, les plus grands
états. & les autorités les plus légitimes par droit
& par effence, ont méconnu leurs droits naturels,
& ont exagéré leurs devoirs ; qu’ils ont perçu
les premiers par des moyens abufifs, & ont acquitté
les féconds par des foins fuperflus & étrangers
à la nature des chofes ; que d’un côté Tin-
vafion du chef fur toutes les parties des membres
; & de l’ autre, que le déni des membres de
faire fa part au fouverain ont fait tout le fond de
la politique intérieure des états, & que l’ignorance
abfolue des principes & des loix fociales, fondées
fur l’ordre naturel, a tout bouleverfé, tout
épuifé.
Mais toutes ces chofes & leurs effets ne font
que des erreurs de l’efprit humain, 8c il n’en eft
pas moins vrai d’éternelle vérité, que tout a fa
mefure & que chacun a fes droits dans l’ordre
focial félon la nature ; que nul ne doit rien de ces
droits à l’autre, & ne peut rien exiger ni céder de
-ceux d’autrui , fans fortir du grand ordre de la
régénération 8c de la providence , que les princes
& les peuples peuvent feuls réclamer ; & qu’ il n’eft
point d’autre contrat focial entr’eux.
_( Cet article eft de M. G r i v e l . )
C O N T R A V E N T IO N , a&ion contraire à
quelque lo i, réglement, jugement, traité, &c.
Nous distinguons ici la contravention à la paix
d’avec l’ infra&ion de la paix , 8c l’une & l’autre
d’avec la rupture.
La contravention eft un abus ou une inobferva-
tion de quelque article du traité ; & cet abus qui
a lieu par un fait ou par une omiflion, n empc-
che pas que le traité ne demeure en fon entier ;
il donne Amplement le droit d’en demander réparation
, ou d’exiger un dédommagement. «« Si par
! » inadvertance, (dit l’article x li du traité de con>
*> quelque*
» merce entre la France & la Hollande, du 21
« décembre 1739 ) ou autrement, il furvenoit
» quelques inobfervations ou contraventions au
» préfent traité, de la part de fa majefté ou def-
H dits feigneurs états généraux & leurs fucceffeurs,
33 il ne laiflera pas de fubfifter en toute fa force,
*• fans que pour cela on en vienne à une rupture
33 de la confédération, amitié 8c bonne corref-
35 pondance, mais on réparera promptement lef-
» dites contraventions ; & fi elles procèdent de
33 la faute de quelques particuliers fujets, ils en
as feront feuls punis & châtiés»3.
• L ’infraétion eft oppofée à l’effence de la paix ,
dont elle trouble l’harmonie, & dont elle renverfe.
le fondement. Elle donne droit de recourir aux
armes, fi l’on ne peut obtenir par une autre voie
le redreffement des griefs.
La rupture eft une infraétion plus marquée encore
; car elle eft accompagnée de la prife d’armes
, & confifte dans des a&es d’hoftüité qui ne
peuvent fubfifter, avec la paix.
•Ç O N 1 R E FA ÇO N . Voye%_ le Dictionnaire de
Jurifprudence.
CO N TR E PO ID S . Dans le langage delà philo-
fophie moderne, qui a voulu raifonner le gouver-'
nement, on a appellé contrepoids politiques les di-
verfes barrières que les circonftances 8c la néceftité
pofèrent en certains temps & en certains lieux contre
le pouvoir arbitraire.
. Tout eft bon , quand il eft pris dans le fèns 8c
fous les aufpices de la nature; ç’eft d’elle qu’on
peut dire véritablement à la manière d’Horace ,
teucro duce & hofpice teucro. Hors de fa voie, nous
ne pouvons que nous égarer.
. ' Selon la nature, qui, dans fes vues d’ordre 8c
de bienfaifance, nous a faits pour agir, comprendre
& vouloir, 8c qui par conféquent nous donna
le defir de la liberté avec le courage de nous appuyer
fur nos propres forces pour en jouir ; félon
la nature, difons-nous, rien ne peut nous fou-
mettre que la confiance & la néceftité. La première
n’a d’ exiftence 8c de force que ce qu’ elle .en reçoit
de l’expériencë ; la feule néceftité nous foumet
malgré nous au pouvoir d’autrui, 8c cela fe voit
depuis l’enfance jufqu’ à la caducité.
L ’ autorité ne fauroit donc, nous plaire & nous
convenir que comme protectrice ; or comme nous
fentons peu la protection qui eft loin de nous ,
8c que dans le vrai fon influence propice eft interceptée
ou affoiblie par les diftances, il eft naturel
à l ’homme de defirer voir 8c toucher, pour
ainfi dire., l’objet d’ efpérance & de crainte qui
lui infpire la confiance, ou le force à la foumif-
fion ; de-là le principe des petits diftriCts politiques
, de petites républiques de la Grèce, par
exemple, où chaque bourgade vouloit être libre
8c appelloit être libre, de ne dépendre que des
tracafleries de la place publique, 8c des paftîons
de crainte, de jaloufîe & d’efpérance, qui fer-
wientoient par. l’oppofition des volontés & des in-
(Tl ton« polit. & diplomatique. Tom. 1.
La Grèce entrecoupée de plaines & de montagnes,
etoit finguHéremem favorifée de la nature.
Un ciel pur, un doux climat, des fîtes pittoresques
, des campagnes riantes & fertiles, la mer
divifant & 'embraflant prefque toutes les parties
de ce beau pays, joignoit par-tout à la commo-
dite de la. navigation I afpeét étendu d’une fcène
vanee, ou les promontoires, les ifles & les canaux
formoient une peinture à Souhait pour le plai-
lir des yeux. Chacune de Ses contrées offrant un
attrait particulier à Ses habitans, fervoit à en augmenter
la population, & les invitoit à fe raffem-
bler en fociete diftin-Cte, où tout membre croyoit
avoir une portion de la fouveraineté. Tout cela
étoit bien propre à flatter l’amour propre & â exal-
ter 1 efpm d’un peuple naturellement fenfible, qui
jouulant d.es dons prefque fpontanés de la nature
& d une. douce ailance, aimoit à fuivre les élans
de fa brillante imagination. Alors l’ingénieufe allégorie
s empara de la religion ; la philofophie &
les arts profitèrent des loifîrs, & la Subtilité ai-
guifa. la politique, c eft-a-dire, l’ art de maintenir
la paix intérieure dans les fociétés, & de leur af-
furer la paix extérieure.
C eft de la politique feulement qu’il doit être
queftion ici ; le refte n’ a que des rapports éloignés
avec 1 objet que nous traitons.
. Comme il eft de la nature de l ’homme d’être
imitateur.; qu il .devient 1 écho de l’opinion générale
; qu il Se décide d’ordinaire d’après les autres
, & que, dans toute eSpèce de gouvernement,
foit populaire, foit monarchique , deux ou trois-
tetes mènent toutes les autres, l’autorité chez ces
petites peuplades tournoi! toujours vers l’unité.
Mais il faut un territoire pour Soutenir un Souverain,
pour l’occuper au profit de tous, & p ou r
le payer. Ces prédominations furent donc naturellement
tyranniques, & les précautions à prendre
pour les éviter & les borner fe trouvèrent donc
aufli naturellement dans Tordre des néceflités.
Cependant ce .n eft pas au milieu des atteintes &
des précautions inteftines que marchent, prospèrent
& fe maintiennent les vraies fociétés. Si la
bonne politique, ou du moins fi le bon Sens eût
été particulier au climat de la Grèce, & qu’il s’y
fut concentré ( comme il s eft fixé depuis dans la
Suiffe ) fes gouvernemens peu fiables auroient pu
prendre de la folidité ; mais l’imagination infpire
les defleins fans proportion ; elle paffionne pour
les entreprifes d’ofièntation, & mène à une gloire
vaine & frivole. Les mers s’ouvroient aux entreprises
des grecs, de-là les guerres & les conquêtes
; & comme la juftice eft de Dieu & Tinjuftice de
l’homme , & que toute aflemblée d’hommes eft plus
facile à mener par l’oreille que par. le fentiment
intérieur, qu’elle.réfifte moins à Tinjuftice, celle-
ci une fois écoutée & autorifée eut des effets plus
N n n n