
divers autres lieux des bailliages communs, d’où
elle avoit été bannie.
Le mélange des cultes chez les fujets communs
devoit occafionner des querelles propres à nourrir
& à faire éclater un nouvel efprit de parti. Tel a
été depuis cette époque le fujet ordinaire des ruptures
entre les anciens cantons : nous voyons chaque
fois Zuric & Berne fe trouver aux prifes avec
les cinq cantons catholiques qui les fuivent en
rang. Durant ces malheureufes crifes, les cinq
nouveaux cantons font demeurés fidèles à leur engagement
de neutralité > cependant on peut regarder
Bâle & Schaffoufen comme attachés au
parti proteftant, & Fribourg & Soleure comme
favorables au parti catholique. Comme les deux
cultes font établis dans les cantons de Claris &
d’Appenzell, c’eft un motif de plus pour ces deux
pays d’éviter les guerres, dont la religion eft le
fujet ou le prétexté.
L’hiftoire nous offre trois guerres durant lef-
quelles les fuiffes confédérés s’égorgèrent pour
des motifs de religion. La guerre de Capel en
i fip & 1531 j dont nous avons parlé, eft la première.
En 1630 Zuric forma des plaintes contre
les cinq-cantons fur les griefs des habitans évangéliques
dans divers lieux des bailliages communs.
Des arbitres prononcèrent fur ces griefs en 1632.
Quelques familles d’Arth , dans le canton de
Schwitz, qui craignoient d’être perfécutés pour
leur croyance, s’étant retirées à Zuric en lôyy,
le gouvernement de Schwitz refufa non-feulement
de livrer les biens & les effets des réfugiés, mais
il réclama leurs perfonnes, afin de les punir comme
déferteurs & comme apoftats. Les hoftilités
commencèrent bientôt : les troupes des bernois ,
fimples auxiliaires dans cette guerre, fe laifsèrent
furprendre près de Villmerguen & furent battues.
Les cantons neutres rétablirent la paix eh
1656.
Enfin en 1712 des brouilleries entre l’abbé de
Saint'Gall & les toggenbourgeois, fes fujets, oc-
cafîonnèrent une nouvelle guerre : les bernois d’abord
eurent de l’avantage dans une rencontre auprès
de la petite ville de Bremgarten. Pendant
qu’on traitoit d’un accommodement, les troupes
des cinq cantons fe raffemblèrent ; & , fans ref-
pe&er l’armiftice , elles attaquèrent les bernois
près de Villmerguen avec des forces fupérieures.
La fortune- fe déclara encore pour ces derniers ,
qui remportèrent une vi&oire décifive. Après cette
infraction de la trêve, les deux cantons fe crurent
autorifés à profiter de leur fuccès , &
ils exigèrent des vaincus la ceflion de leurs
droits fur le comté de Baden & fur une portion
des bailliages libres. Berne obtint de plus , par
le traité de paix , une part au gouvernement de
la Turgovie , du Rhintal & du comté de Sargans.
L’abbé de S. Gall, qui avoit inutilement cherché
la protection de l’Empire, fit fa paix particulière 5
mais les dernières difficultés pour le comté de Tog-
genbourg n’ont été terminées qu’en 1718 par l’intervention
des deux cantons, f^oye^ S. G a l l ,
abbaye, & TOGGENBOURG.
Les premières capitulations des pays conquis
par les cantons, les conventions avec des voifins
qui peuvent avoir confervé quelques droits ou revenus
dans ces pays , les traités de pacification
entre les cantons, & les décrets des arbitres ou
médiateurs forment un code de droit public
fpécial entre ces cantons , relativement à leurs
gouvernemens communs & à l’état des égli-
fes parmi ces fujets. Ces aétes fixent, dans le
plus grand détail, les limites de l’autorité épif-
copale, de la cenfure eccléfiaftique, déjà jurif-
diéfion matrimoniale, des patronats, des prérogatives
de chaque culte ou de leur exercice alternatif,
&c. L’importance & l’ufage prefque journalier
de ces traités dans les affaires intérieures de
la Suiffe , femblent avoir déterminé les publiciftes
& les géographes à faire des bailliages communs
une partie diftinCie du corps helvétique. Nous n’avons
pas cru devoir adopter une divifion qui ne
nous paroît point fondée fur une vue exaéfce de la
conftitution nationale. Ces affociations de fouve-
raineté ne font, au fond , que des relations particulières
entre un nombre déterminé de cantons
intéreffés dans ces divifions de domaines.
S e c t i o n I Ie.
Des liaifons contrariées par la nation réunie , ou
par un certain nombre de cantons avec des puiffances
étrangères.
Afin de mieux développer ce qui a rapport au
droit public des fuiffes, nous allons parler des
liaifons contractées, ou par la nation réunie, ou
par un certain nombre de cantons féparément ,
avec des puiffances étrangères. Nous n’examinerons
pas fi la pofition topographique de la Suiffe
rend les alliances étrangères inévitables t fi des rai-
fons d’état les rendent néceffaires j fous quelles
conditions elles peuvent devenir utiles & s’accorder
avec l’efprit & le but de la confédération. Si
les hommes favoient fe garantir des féduétions il-
lufoires, des préventions mal fondées & des ja-
loufies inquiètes, il femble que les fuiffes, bornant
leur ambition à conferver leur indépendance y
à l’abri des orages qu’excitent les paffions des rois
ou des miniftres , & jouiffant de leur liberté dans
une union paifible, n’auroient befoin d’autres pactes
, que du conféntement de leurs voifins pour
l’échange des productions & des marchandifes 5 &
que l’avantage de ces échanges étant toujours réciproque
, les conventions à ce fûjet, s’il en falloit,
ne pourraient être ni bien difficiles , ni d’aucune
conféquence onéreufe.
Les princes de la maifon d’Autriche ayant effayé
Vainement de s’approprier une grande partie de la
Suiffe, fe virent à leur tour inquiétés & dépouillés
par la confédération, & forcés de confentir
en 1314a fubftituer une paix de cinquante ans à
des trêves trop mal obfervées. De nouvelles ruptures
, toujours fuivies de nouvelles pertes pour
les ducs, produifoient des traités aufli fréquents
qu’incertains. Enfin cette ancienne inimitié céda
à la ihaine plus nouvelle des deux partis contre
Charles, duc de Bourgogne. Louis XI, empreffé
à lever tous les obftacles qui pouvoient retarder
la guerre projettée contre Charles, profita de
cette difpofition des efprits, pour cimenter la réconciliation
du duc oigifmond d’Autriche avec
les cantons. Après la guerre de Bourgogne, Sigifmond
qui avoit appris à connoitre l’utilité de l’amitié
des fuiffes, comme fes ancêtres avoient éprouvé
le danger de leur inimitié , conclut en 1477 la
première union perpétuelle pour lui & fes héritiers
, avec les huit cantons & la ville de Soleure,
en prenant pour bafe le traité de 1470 , dont
nous avons donné un précis plus haut. Ce traité
d’union n’embraffoit que les pays & domaines pof-
fédés par le duc Sigifmond , en Suabe & dans le
Sundgaw , fur les frontières de la Suiffe. Il confir-
moit la renonciation exprimée dans l’a&e de 1474,
& la ceflion des conquêtes faites par les confédérés
fur la maifon d’Autriche. C’étoit au fond un
traité de paix & d’alliance défenfîve.
En 1500, immédiatement après la guerre de
Suabe, l’empereur Maximilien I obtint de quelques
cantons la confirmation du traité. En
i f 11, ce prince , en qualité d’héritier du duc
Sigifmond, le renouvella plus folemnellement avec
les douze cantons, la ville de S. Gall & le pays
d’Appenzell 5 il y fit comprendre fon petit-fils ,
qui lui a fuccédé dans la dignité impériale, fous
le nom de Charles V. On pourroit inférer de quelques
paffages de ce traité, qu’il regardoit tous les
pays & fujets préfens & futurs de la maifon d’Autriche
> mais d’autres articles bien pofitifs prouvent
qu’il avoit feulement pour objet la fucceffion
il les auroit peut-être armés contre d’autres alliés
du corps helvétique. Une obligation auffi onéreufe
doit au moins être fondée fur des titres très-clairs,
& non fur un terme obfcur ou équivoque. Au
refte, l’empereur calculoit fort bien fes avantages
du duc Sigifmond & la Franche-Comté, devenue
propriété de l’archiduc Charles; Cet aéte offre,
pour la première fois, le terme de treues aufsehen,
qui répond à celui de furveillance fidelle, que les
parties contraintes fe promettent réciproquement.
Cette expreffion vague, trop foible pour défigner
un engagement abfolu de garantie, inutile fi elle
n’exprime au moins quelque obligation de pro-
teéfcion & de défenfe réciproque, a occafionné
dans la fuite des conteftations & des reproches.
Il paroît que les cantons en bornoient le fens à
des cas de furprife ou de révolte j ils refufèrent
de l’étendre aux guerres déclarées entre la maifon
d’Autriche & d’autres puiffances. L’engagement,
tel que l’expliquoit la maifon d’Autriche, eût
expofé les cantons à des guerres perpétuelles &
dangereufes , félon le bon plaifîr de ces princes >
, lorfqu’il vouloit intéréffer les cantons à con-
lerver la barrière que formoient fes états & ceux
de l’archiduc, entre la Suiffe & la France. Il pré-
voyoit que cette dernière puiffance, à l’occafion
des guerres d’Italie, pourroit diftraire les forces
autrichiennes par des invafîons en Alface ou en
Franche - Comté , fi elle n’étoit arrêtée' par la
crainte de réveiller les fuiffes. Maximilien avoit
fait un traité femblable à-peu-près avec les ligues
des grifons, en 1485. Philippe II, roi d’Efpagne,
renouvella l’union avec les cantons en 1557, fans
aucun changement.
Le traité de paix, de commerce & de franchi-
fe , qui fubfifte entre les ducs de Milan & les
fuiffes , fous le titre de capitulât 3 a produit une
nouvelle liaifon entre les cantons &c la maifon
d’Autriche. Galeas Sforze en avoit pofé les fonde-
mens vers l’an 1467. Le capitulât a été renouvelle
par Louis XII, roi de France, après la conquête
du Milanès, & rappelle par François I , dans fon
traité de paix avec les fuiffes, en ijt6. L’empereur
Charles V le confirma en iff2. Ce traité
fervit enfuite de bafe à l’alliance des cantons catholiques
avec la couronne d’Efpagne, en 1634.
Pendant la guerre pour la fucceffion de cette couronne
, la France fit confentir les mêmes cantons
au renouvellement du capitulât, en 1702 , malgré
les intrigues de la cour de Vienne. Quatre ans
après, quelques-uns des cantons, retenus par ces
oppofitions & fur les inftances des cantons évangéliques
, fufpendirent leur réfolution , & quatre
cantons feulement renouvellèrent leurs engagemens
avec l’ambaffadeur d’Efpagne.
L’efprit militaire, le courage & une a&ivité infatigable
procurèrent aux deux villes de Berne &
de Fribourg l’afcendant fur la maifon de Savoie,
que les confédérés avoient obtenu fur la maifoh
d’Autriche. Ce fut le même effet produit par des
circonftances un peu différentes. Les deux villes
dévoient fans doute beaucoup à la protection des
comtes de Savoie. Fribourg les a long-temps reconnus
pour fes maîtres, & Berne pour fes alliés
& fes bienfaiteurs. Ici les hoftilités momentanées
étoient des interruptions de l’amitié entre des. voifins
i au lieu que les ducs d’Autriche ayant cherché
à fubjuguer & à opprimer les premiers cantons
des confédérés , ils fe trouvèrent réciproquement
dans un état de guerre jufte, qui dura près de
1 yo ans , & ils ne fufpendoient leurs armes qu’a-
près être convenus d’une trêve fouvent mal ob-
. fervée. La guerre de Bourgogne, dans laquelle les
princes de Savoie fe trouvèrent mêlés, fournit aux
bernois & à leurs alliés la première occafion de
'tenter des conquêtes dans le pays de Vaud. Pên