
laifTé le peuple dans cette fituation où chaque fa- v.
mille ennemie é t o i t , pour ainfi dire , dans Tétât
de nature j & où, fans être retenue par quelque
loi politique ou civile , elle pouvoit à fa fantailîe
exercer fa vengeance, jufqu’ à ce qu'elle eût été
fatisfaite. Cette loi même fut tempérée > on établit
( i ) que celui dont on demandoit lavieauroit
la paix dans fa maifon ; qu’il Tauroit en allant &
.revenant de Téglife , & du lieu où Ton rendoit
les jugemens.
Les compilateurs des lo ix faliques citent un ancien
ufage des francs (2) , par leqvfel celui qui
a v o it exnumé un cadavre pour le dépouiller , étoit
banni de la fociété des hommes 3 jufqu’ à ce que
les parens c on fen tiffen t à Ty faire rentrer : &
comme avant ce temps il étoit défendu à tout le
monde 3 & à fa femme même / de lui donner du
pain 3 ou de le recevoir dans fa maifon ; un tel
homme étoit à Tégard des autres 3 & les autres
étoient à fon égard dans T état de nature , ju f- j
qu’ à ce que cet état eut ce-ffé par la compo-
fition.
A cela près 3 on voit que les fages des diverfes
n a tio n s barbares fongèrent à faire par eux-mêmes
ce qu’il étoit .trop long & trop dangereux d’attendre
de la convention réciproque des parties.
Ils furent attentifs à mettre un prix jufte à la compo
fition que devoit recevoir celui à qui on avoit
fait quelque tort ou quelque injure. Toutes ces
loix barbares ont là -d e fîu s une précilîon admirable
: on y diftingue avec fineffe les cas (3) , on
y pèfe les circonftances 5 la loi fe m e t à la place
de celui qui eft offenfé 3 & demande pour lui la
fatisfaétion que 3 dans un moment de fa n g -fro id 3
il auroit demandée lui-même.
C e fut par T é ta b liffem e n t de ces loix 3 que les
peuples germains fortirent de cet état de nature 3
©ù il femble qu’ils é to ie n t " e n c o r e du temps de
t a c i te .
Rhotaris déclara , dans la loi des lombards (4) ,
qu’il avoit augmenté. les t comportions de la coutume
ancienne pour les blefifures, afin que fe bleffé
étant îatisfait , les inimitiés puffent cefler : en effet
les lombards, peuple pauvre , s’étant enrichis par
la conquête de l’Italie , les comportions anciennes
devenoient frivoles, & les réconciliations ne fe
faifoient plus. Je ne doute pas que cette confîdération
trait obligé les autres chefs des nations
conquérantes à faire les divers codes de loix que
nous avons aujourd’hui.
La principale composition étoit celle que le meurtrier
devoit payer aux parens du mo'rt. La différence
(y) des conditions en mettoit une dans les
compofitions : ainfi , dans la loi des angles , la
compofition étoit de fix cents fous pour la mort
d’un adalingtie-3 de deux cents pour celle d’urv
homme libre 3 de trente pour celle d’un ferf. Là
grandeur de la compofition établie fur la tête d’un
homme 3 faifoit donc une dé fes grandes prérogatives
5 car 3 outre la diftinétion qu’elle faifoit de
fa perfonne 3 elle é.tabliffbit pour lui parmi des
nations violentes , une plus grande fureté.
La loi des bavarois (6) nous fait bien fentir
ceci : elle donne le nom de familles bavaroifes à
celles qui recevoient une compofition double, parce
qu’ elles étoient les premières (7) après les agilolfingues.
Les agilolfingues étoient de la race ducale ,
& on choifit le duc parmi eux ; ils avoient une
compofition quadruple. La compofition pour le duc
excédoit d’un tiers celle qui étoit établie pour les
agilolfingues. cc Parce qu’ il eft duc 3 dit la . loi /
» on lui rend un plus grand honneur qu’à fes
» parens»., :
Toutes ces compofitions .étoient fixées à prix
d’argent. Mais comme ces peuples., fur-tout pendant
qu’ils fe tinrent dans la Germanie 3 n’enr
avoient guères 3 on pouvoit donner du bétail ,
du bled, des meubles, des armes, des chiens,-
des oifeaux de chaffe, des terres (8 ) , & c. foûvent
même la loi (9) fixoit la valeur de ces chofes,
ce qui explique comment, avec fi peu d’ argent,
il y eut chez eux tant de peines pécuniaires.
Ces loix s’attachèrent donc à marquer avec pré-
cifion la différence des to rts , des injures , des
crimes, afin que chacun connût au jufte jufqu’à
quel point il étoit léfé ou offenfé ; qu’il fût exactement
la réparation qu’il devoit recevoir , & fur-
tout qu’il n’en devoit pas recevoir davantage.
Dans ce point de v u e , on conçoit que celui
qui fe vengeoit après avoir reçu la fatisfa&ion ,
commettoit un grand crime. Ce crime ne conte-
noit pas moins une offenfe publique qu’une o£
fenfe particulière : c’étoit un mépris de la loi
- (1) Additio fapientum, tic. i , $. i.
(2) Loi falique , rît. j s , §. i } tic. 1 7 , $. 3.
(3) Voyez fur-tout les titres 3, 4, j , 6 & 7 de la loi falique, qui regardent les rois des animaux.
( 4 ) Liv. I , tic. 7 , $. r j. : • . . •
(5) Voye\. la loi des angles , tic, 1 , $. 1 , 2 , 4 ; ïbid. tic. 5 , §. <5 j la loi des bavarois, tit. 1 , ch, y i l l ,Sc IX ; & la
loi des frifons, tit. 15.
(6 T i t , 2 ch. XX.
- (7) Hozidrâ', Ozzai Sagana, Habilîngua, Aniena, ïbid.
(8) Ainfi la loi d’Ina eftimoit la vie une certaine fomme d’argent , ou une certaine portion de terre. Legès Inoe régis,
litiilo de Villico regio, de prifcis anglorum le gibus. Cambridge, 1644.
(9) Voye\ la loi des Taxons, qui fait même cette fixation pour phifiëurs peuples, ch. XVIII. .Voye{ suffi la loi des
ripuaires, tit. 3 6 , $. 2 j la loi des bavarois, tit. 1 , §, jo Sc j j , Si aurum non [habet, donei aliam pecuniam, mancï-
pium, ùrram, &c,
même. C’eft ce crime que les légiflàteurs (i) fie
manquèrent pas de punir.
Il y avoit un autre crime qui fut fur-tout regardé
comme dangereux (2) , lorfque ces peuples
perdirent dans le gouvernement civil quelque chofe
de leur efprit d’indépendance, & que les rois
s’attachèrent à mettre dans l’état une meilleure
police, ce crime étoit de ne vouloir point faire,
ou de ne vouloir pas recevoir la fa'tisfaélion. Nous
voyons, dans divers: codes des loix dès barbares ,
que les légiflatëurs-Q) y obligeoient. En effets celui
qui refufoit de recevoir la fatisfa&ion, vouloit
conferver fon droit de, vengeance , & c’ eft ce que
les' gens fages avoient réformé dans les inftitutions
des germains, qui invitoient à la compofition ,
mais n’y obligeoient pas; .
Je viens de parler d’un texte de là loi falique,
où le légiflateur laiffbit à la liberté de'Toffenfé de
recevoir ou de, ne, recevoir pas la fatisfa&ion ;
c ’eft cette loi (4) qui interdifoit à celui qui avoit
dépouillé un cadavre le commerce des hommes ,
jufqu’ à ce. que les parens acceptant la fatisfa&ion,
euffent demandé qu’il pût vivre parmi les hommes.
Le refpe& ■ pour les chofes faintes fit que
ceux qui rédigèrent les loix faliques, ne touchèrent
point à l’ancien ‘ufage.
Il auroit été injufte d’accorder une. compofition
aux parens d’un voleur tué dans Ta&ion du v o l ,
ou à ceux d’une femme qui avoit été renvoyée ,
après uné réparation pour crime d’adultère. La loi !
des bavarois (y) ne.donnoit point de compofition
dans des . cas pareils , tte puniffoit les parens qui I
en pourfuivoiént-la vengeance.
. Il n’eft pas rare'de trouver, dans les codes des
loix des barbares, des compofitions pour des ^actions'involontaires.
La loi des lombards eft pref-
que toujours fenfée ; elle vouloit (6) ^ue, dans
ce cas , on composât fuivant fa générofité, &
que les parens ne puffent plus pourfuivre la vengeance.,
Clotaire II fit un décret très-fage : il défendit (7) •
à celui qui avoit. été volé de recevoir -fa compofi-
tion en fecret & fans l’ordonnance du juge. i
S COMTES ,
c C OM T É S , yoyél ces deux mots fous leurs
différentes acceptions1 dans le Diétionnaire de Ju-
iifprudence. ’ • _
C O N C IL E . ‘ F o y e ç le même Di&ionnaire.
C O N C L A V E . Voyei l’ article P a p e de ce
Diélionnaire, & l’ article C o n c l a v e du Diétion.
dé Jurifpr.
G O N Ç L A V IS T E . F o yq le même Didion-
naire.;
C O N C O R D Â T . Voyei ce mot fous toutes
fes acceptions dans le Dictionnaire de Jurifpru-
dence. -
S C O N C U B IN E , ;
1 C O N C U B IN AGE. Voye^ ces deux mots dans
le meme Dictionnaire.
C O N C U R R E N C E . L a ;queftion de la liberté
du commerce étant traitée, : en plufieurs articles de
ce Dictionnaire, nous ne voulons parler ici que
des avantages de la concurrence. Quelques foient
les maximes des divers gouvernemens , ils ne doivent
exclure aucune nation de leur commerce ,
fans de grandes raifons. Les japonois ne commercent
qu’avec deux nations, la chinoife & la hol-
landoife. Les chinois,- (8) gagnent mille pour cent
fur le fucre, & quelquefois autant fur les retours.
Les hollandois. font des profits à-peu-près pareils.
Toute. nation qui fe conduira fur les maximes ja-
ponoifes , fera néceffairement trompée. C ’eft la
concurrence qui met un prix- jufte aux marchandi-
fe s , & qui établit les vrais rapports entr’elles.
Encore .moins , un état doit-il s’ affujettir à ne
vendre fes marchandifes à une feule nation, fous
prétexte qu elle les prendra toutes à un certain
prix. Les polonois ont fait pour leur bled ce marché
avec la ville de Dantzik ; plufieurs rois des
Indes ont de pareils contrats pour les épiceries
avec les hollandois (9). Ces conventions ne font
propres qu’ à une nation pauvre, qui veut bien
.perdre Tefpérance de s’enrichir , pourvu qu’ elle
ait une fubfiftance allurée ; ou a des nations dont
la fervitude confifte à renoncer à l’ ufage des chofes
que là nature leur avoit données, ou à faire fur
ces chofes un commerce défavantageux.
(1) Voyez la loi des lombards, liv. r , rit. 25, §. 21 \\bil. Hv. I , tit. 9 , 8 Sc 34, ibid. §. 38; & le Capitulaire de
Charlemagne, de l’an 8:2 , ,chap. XXXII,- contenant, une inftruâion donnée à ceux qu’il envoyoït dans les pro-
VI UJS'Voÿez dans Grégoire de Tours,’ liv. VII , ch. XLVII, le dérail d’un procès où une partie perd la moitié de la
compofition qui lui avoir été adjugée pour s’êue fait: julVice elle-même , au lieu de recevoir la farisfaction , quelques
excès i qû’eile eût foufferts dépuis. ^ i ; . : / - -, - , . , ' , , , r - . or . . , , - . „
(2) Voyez la loi des fixons , chap. I I I , §. 4 ; 'la loi des lombards, hv. I , ut. 37 , §. 1 SC » ; Sc la loi des allemands.
tit. 45 , §. 1 & 2. Certe.dernière'loi permettent de fe faire juftice foi-même, fur le champ 8c dans le premier
'mouvement. Voye\ auffi fes Capitulais s de Charlemagne, de l’an 779 > ch. x x li ; de l’an 802, ch. x x x i lj & celui da
même de l’an 80s . ch. V, . . . . . . , . .
(4) Les compilateurs des loix des Ripuaires paroiffent avoir modifié ceci. le ur. ^5 de ces loix.
(5) Voyez le décret de Taffi'lon, de popularibus legibus , art. 3, 4, 1
19 ; la loi des angles , tit. 7 , $.4.
(6) Liv. I , tir. 9 $. 4- . .. - . , . .. Tr . -.
- (7) Patins p'ro tenore peteis inter ChiUebertum 6" Clotariüm, anno 593 ƒ & aecretio Uotarn 11, regis cire a annum 593 >
chap. Xi.
(8) Le père du Halde , tom. 2 , pag. 170. •
(9) Cela, fut premièrement établi par les portugais Voyages de François Pyrard ; sbap, x v , part• IL