
Vers la même époque Fribourg & Soleure furent
aflociees a la ligue des cantons : mais on les
aftreignit à ne s'engager dans aucune guerre ou
alliance, fans le contentement des anciens cantons ;
a foumettre tous. leurs différends à l’ arbitrage des
cantons, des qu’il leur feroit offert par la partie
adverfe, & a obferver la neutralité dans les querelles
entre les anciens cantons. Cette nouvelle
affociation multiplia les cas dans lefquels les confédérés
dévoient fe fecourir.
Les cantons s attribuoient le droit, fur-tout relativement
à des alliés inférieurs, de juger les différends
<pii pouvoient troubler la paix publique,.
% d empecher les voies de fait. Après la révolution
& les guerres qui avoient fouftrait les bourgeois
de Saint-Gall & le peuple d’Appenzell à la
domination des abbés de Saint-Gall, l'abbé Gafpar
de Landenberg avoit conclu en 1451 un traité de
combourgeoifie avec quatre cantons, Zur ic, Lune
3 Schwitz & Glaris , par lequel il mettoit
l’abbaye fous leur proteélion. Un abbé Ulric, indigné
du refus que lui fit la ville, de lui céder un
terrain , pour étendre l’enceinte du monaftère,
-entreprit de -former un établiffement confidérable.
Les peuples jaloux de ce projet, apres quelques
oppofitions inutiles, s’attroupèrent & rasèrent les
nouveaux bàtimens. Ils refusèrent enfuite de donner
une farisfaétion a 1 abbe-, & les cantons envoyèrent
des troupes pour les y forcer. Les chefs
du tumulte s’exilèrent & les peuples fe fournirent.
La ville de Saint-Gall fut mife- à l ’amende
pour dédommagement envers Fabbé & pour les
frais de la guerre. Les Appenzellois furent dépouilles
du bailliage de Rhjnthal qu’ ils avoient
acheté en 1460. Les autres cantons, qui n’avoieht
point pris part à cette expédition, furent dans la
fuite admis a la co-regence de ce .petit pays, qui
forme encore aujourd hui un bailliage commun ;
lepays d Appenzell , après être devenu canton, y
obtint auffi une part. V'oye^ Rh in th a l .
Nous paffons fousfilence les détails d’une aue-
relle v ive , mais peu durable, que la jaloufie
nationale produifit en 1499 entre la ligue de faint
George formée en Suabe & la ligue des fuiffes
confédérés. Avec la gloire d’une fupériorité. décidée
dans les batailles, les dix cantons ne con-
fervèrent par le traité de paix, d’autre avantage
réel , que ia ceffion qui leur fut faite de la jurif-
diétian criminelle dans la Thurgovie, Comme fept
des anciens cantons y poffédoient depuis 1460 la
jurifdiétion territoriale & civile, il réfulta de cette
conquête fucceflwe de différais droits de domb
nation en divers temps une Angularité, qui fub-
fifte encore dans le gouvernement de cette province.
Les baillifs , que huit des cantons y éta-
bliffent chacun à. leur tour, Berne ayant part
à ce gouvernement depuis 1 7 12 , rendent compte
a dix cantons, des Dans & confifcations provenais
des caufes capitales. Les doutes que des
droits auffi compliqués ne pouyoirnt manquer de
produire, ont été levés ou fixés par des decrets
particuliers en 15-49 & en i jy ç .
En 1 y o i , les Villes de Bâle & de Schaffoufen
furent auffi affociées à la confédération. Enfin le
pays d'Appenzell obtint la même faveur en 1 f 15.
Par cette acceffion le nombre des cantons fut porté
à treize , & il n'a plus varié. Les traités des
trois derniers cantons font femblables à celui de
Fribourg & de Soleure de 1481. Seulement les
quatre cantons , alliés de l'abbé de Saint-Gallré-
fervèrent expreffément ce traité particulier dans
l'alliance avec Appenzell.
La ville de (Jonftance avoit formé le projet
d’entrer dans la ligue des cantons 5 mais des cir-
conftances particulières firent échouer ce projet,
dont par l'événement, l'iffue étoit décifive pour
la confervation de la liberté de cette ville. Voye[
C onstance.
La réception du canton d'Appenzell forme la
troifîème epoque du droit public des fuilfes. La
forme de la ligue n'ayant pas changé depuis 1515
jufqu'à nos jours, nous rapporterons les événe-
mens d'une manière moins détaillée. On peut les
ranger fous trois clalfes. i° . L'acquifitioii de quelques
terres ou fujets, foit au profit commun de
plusieurs cantons, foit pour celui de quelques cantons
en particulier, ce qui étendit les bornes de
la Suiffe proprement dite, & lés engagemens auxiliaires
réciproques entre les confédérés. 2°. Les
divers paéfces, conventions & traités de pacification
, entre les cantons, à l'occafîon des événe-«
1 mens qui intéreffoient la conftitution intérieure de
la Suiffe. 30. Les engagemens pris avec des puif-
fances étrangères, ou par tout le corps helvétique,
ou par divers cantons. Nous parlerons féparément
des alliés 2ffociés à la .ligue dès fuilfes & de leurs
divers rapports avec les membres de cette ligue.
Nous ajouterons quelques réflexions indifpènfa-,
blés pour faire connoître la pente de l'efprit national,
ou je s opinions publiques qui ont influé
fur ces divers aétes.
Il femblè que la' nature a fixé les barrières de
la ligue des fiiilfes entre les Alpes:, le Jüra, le
Rhin & le Rhône. Ces deux chaînes de moiv
tagnes & ces deux fleuves facilitent la dé-
fenfe de leur liberté, &: les féparent des grandes
puilfances voifines & des provinces malheu-
réufement deftinées à être fouvent le théâtre de
l'ambition des princes & celui de leurs guerres
cruelles. Il étoit du véritable intérêt des fuiffes
de fe renfermer dans ces bornes phyfiques de
leur confédération. Il paroît auffi que la crainte
des embarras qu'entraîneroit après elle la protec-
tion d’un pays.plus étendu, aidée de la jaloufîe
qu'infpiroit je progrès des cantons ariftocrati-
ques, formoit fouvent le principal obftacle à la
réception de nouveaux alliés, dont i'affociation
de voit agrandir la fphère de l'obligation auxiliaire.
C e principe contribua peut-être autant que les
intrigues de Louis X I ,. à faire rejetter , après la
mort
mort de Charles le téméraire, le projet d'annexer
la Franche-Comté à la confédération, ou comme
alliée, 'ou comme province protégée. Charles le
téméraire avoit fans doute porté les cantons populaires
à refufer leur fecours pour envahir le
pays de Vaud, après la bataille de Morat.
Il paroiffoit cependant plus convenable de mettre
fous la tutelle de l'alliance des terres placées
en deçà du lac de Genève, qu'une province fituée
au delà des Alpes. Les divers bailliages que possèdent
les fuilfes & les grifons fur les frontières
de là Lombardie, & qui ont été démembrés du
duché de Milan, forment en effet une province
àifez confidérabie. Les princes q u i, vers la fin du
X V , & le commencement du X V I fiècle, fe dif-
putoient le Milanès, mettpient à l'enchère les fer-
vices mercenaires de ces intrépides montagnards.
Ceux-ci , Jeduits & trompés ' tour-à-tour par les
divers compétiteurs, tantôt unis & tantôt partagés
, changeoient fouvent de parti dans ces querelles,
& rançonnoient les fujets pour fe dédommager
du dévouement qu'ils prodiguoient à leurs
maîtres. Mais vers l'an iy o o , les habitans des
trois petits vallons de' Palenza, Riviera & Bellin-
fcona, fe fournirent aux trois cantons d 'U r i, de
Schwitz & du bas Underwalden. C e dernier canton
a été de tout temps divifé en deux démocraties
indépendantes l'une de l'autre : voyeç U n derwalden.
En i y n , les fuiffes & le s grifons,
mécontens de Louis X I I , s'emparèrent', les premiers
des quatre bailliages', de Lugano, Locarno,
Mendris & .Val-Maggio j. & les derniers des comtés
de'Bormio, de Chiavenna & de la Valteline.
Après la défaite des françois à Novarre, en 1513,
après l'irruption des fuilfes en Bourgogne & la
victoire de Marignan, fi opiniâtrement difputée à
François I , ce prince céda en 1 y i6 aux douze
cantons & aux ligues grifes, la propriété des pays
conquis.
D'un autre cô té , les troupesxde Berne & de
Fribourg s'accoutumoient à traverfer le pays de
Vaud , pour la défenfé de là ville de Genève leur
alliée. Après diverfes hoftilités, les bernois s'em^
parèrent enfin en 1 y 3 6 d'une grande partie de
cette province & des autres pofTeflions du duc de
Savoye • autour du lac Léman. Ils firent ces conquêtes
, à titre de confifcation & de repréfailles,
parce que le duc refufoit d'ëxéciiter des conventions
acceptées, fous la ' peine expreffe , s'il y
manquoit, d’encourir cette confifcation. Les fri-
Bourgeois qui avoient renoncé à l'alliance de Genève,
& les valaifans'qui n’en avoient point avec
cette ville, profitèrent auffi de la circonftance
pour faifir les terres qui fe trouvoient à .leur , portée.
Près de trente ans s'écoulèrent avant que ce
cfiflférend pût être terminé. Les revers qu'effuyè-
rent les ducs de Savoye, les mettoient dans l'im«
puiffance de fe. venger ; & ils ne pouvoient fe ré-
îbudre à ratifier leurs pertes. Enfin , en 1 y<$4,
par la médiation de la France, de l'Efpagne & des
Q&con. polit, ly diplomatique, Tom. 1 ,
oiue cantons neutres ; le duc -obtînt la reftitu-
tion du pays de Gex, du Chablais & des terres
fituées autoar de Genève, en renonçant à tout le
refte. Les deux puilfances médiatrices garantirent
;C,e traité j mais l'état de Berne n'obtint que fuc-
cefliyement, & des cantons les plus voifins feulement,
ou les plus étroitement liés avec lui, une
garantie particulière du pays de Vaud.
Depuis cette époque, les bornes topographiques
des pays qui forment le corps helvétique n'ont plus
varié } elles correfpendent, à peu de chofe près,
aux limites naturelles que nous avons indiquées j
elles les paffent même du côté de l'Italie : & fi,
du côté du Rhin, la maifon d’Autriche a confer-
vé quelques territoires en Suiffe j celui de SchaR
foufen & une portion de celui de Bâle, fitués au
delà de ce fleuve, - offrent une compenfation.
Malgré la complication d'engagemens & de rapports
qui fubfiftent entre les cantons & leurs
affociés ou alliés dans la Suiffe, nous ofons établir
comme un axiome général du droit public
helvétique, que cette confédération eft chargée
directement, ou qu'elle a un intérêt indireCt de
protéger chacune des propriétés particulières ou
communes des cantons & des allies, & qué tous
les cantons peuvent intervenir pour cette défenfe
ou comme garants, ou comme auxiliaires des
garans.
Desbrouilleries empêch oient les confédérés fuiffes
de donner à leur ligue la forme complette & fo-
lide d'une conftitution nationale & uniforme, &
d'établir cet accord entre les parties, auffi rare
que néceffaire dans un corps politique très-com-'
pofé. La difparité des gouvernemens particuliers
produifit d'abord une rivalité entre les cantons :
la diverfité des opinions fur les dogmes de la religion
produifit enfuite des préventions très-opiniâtres.
Tant que les cantons qui embrafsèrent la réformation
, renfermèrent l'adivité de leur zèle
dans l'intérieur de leurs états, les autres cantons
j réfolus de ne point fe réparer de l'églife de Rome,
fe contentèrent de refufer tout accès chez eux à
! la nouvelle feéte 5 mais dès que la doftrine de
Zwingle commença à fe répandre dans les bailliages
communs, fes progrès leur firent ombrage :
ils fuppofèrent que l'attachement des fujets feroit
plus grand pour les maîtres de la même religion.
Zuric & Berne foutenoient la caufe des réformateurs.
Le zèle toujours impatient fit commettre
des indiferétions, & on prit les armes en 1 y 29.
Un premier accommodement parut appaifer les
défiances réciproques, mais elles éclatèrent de
nouveau en 15-31. Le parti des proteftans fe ref-
fentit de l'agitation & du défordre qui accompagnent
les révolutions. Auffi les cinq cantons de
Lucerne, d'Uri, de Schwitz, d'Underwalden &
de Zoug, triomphèrent-ils par leur union & par
leur fermeté, de la préfomption de leurs ennemis.
Un nouveau traité de paix rétablit la méfié
. à Ràpperfwil, dans le comté de Baden, & dans
p p p P