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Quint en-if4i j a rendu Alger célèbre. Le grand
feigneur en a été long - temps le maître. Mais les
concuffions des bachas, produifirent une révolution.
C e fut le corfaire Barberoufle qui donna la
liberté à Alger ( i ) . Depufe cette époque , le dey
eû regardé , non pas comme k fouverain , mais
comme le chef de la régence.
Revenus^ d'Alger. La maniéré dont Alger perçoit
fes revenus ordinaires , annonce toute la violence
de fon gouvernement : des foldats envoyés chaque
année dans les provinces, y font l'office de
collecteurs des taxes j cette méthode eft fimple,
mais elle prouve que le fouverain eft dans un état
perpétuel de guerre avec fes fujets. Les revends
ordinaires montent à 600 mille ducats, on exige
enfuite *des droits de chaque vaifleau pris &
atpené par les corfaires j & l'on fait que ces cor-
faites courent fus aux vailfeaux de toutes les nations,
chrétiennes , qui n'ont pas des traités avec
Alger.
En 16 6 5 , ils prirent environ 2600 vailfeaux
aux anglois. Ils entretiennent au moins vingt vaif-
feaux de guerre bien montés & bien approvifîon-
nés. Les prifonniers qu'ils font font menés en ef-
elavagej & on ne peut les en tirer que par de
fortes rançons. Ils ont eu quelquefois jufqu'à quarante
mille de ces efclaves. Le tréfor d'Alger eft
t-rès-confidérable , & on le garde foigneufement.
Réflexions, fur la piraterie des algériens. Le brigandage
des corfaires d'Alger j qui feroit nuilîble
» des nations commerçantes , eft devenu , par la
eonftitution du gouvernement 3 le foutien des
forces & de la marine d'Alger.
Alger tire de fes pirateries les richefles de fon
commerce extérieur 3 car elle vend „ fur - tout à
l'étranger j les cargaifons des prifes & des efclaves.
- Commerce d'Alger. L e commerce d'Alger eft
moins conlidérable que celui de Maroc. Les anglois
3 les françois & les jiiifs de Livourne, le
font en concurrence. Les. deux premières nations
envoient fur leurs vailfeaux 3 & la derniere fous ;
pavillon neutre, des draps * des épiceries, des ’
papiers 3 dés quincailleries 3 du café, dufucre, des :
toiles, de l'alun, de l'indigo, de la cochenille $
& reçoivent en paiement des laines, de la cire,
des plumes, des cuirs, des huiles, & les cargaifons
des prifes. Les retours, * quoique d’ailleurs
plus;forts que les expéditions, ne paffent pas annuellement
un million de livres. La moitié eft pour
la France, & fe s rivaux fe partagent à peu près le
relie;:
Indépendemment de ce' commerce , qui appartient
tout entier à la capitale , il fe fait quelques
affaires à la Calle, à Bonne & à Coullou , trois
autres ports de la république. On auroit vu ce commerce
s'étendre &s'améliorer, s’il n'avoit pas étév
fournis à un monopole & à .un monopole étranger.
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D'anciennes ftipulations , qui ont été affez communément
obfervées , ont livré cette vafte côte
à une compagnie exclufive établie à Marfeille. Ses
fonds font de douze cens mille francs j & fon
commerce annuel, qui peut monter à huit ou neuf
cens mille , occupe trente ou quarante bâtimens.
Elle fait fes achats de grain, de laine , de ,corail
& de cuirs avec de l'argent. On peut prédire que
fes opérations diminueront à mefure que l'exportation
du bled, d'une province à l'autre, rendra
l'approvifionnement de la Pravençe plus facile.
M on h oies . La valeur dés efpèces n'eft pas toujours
la même ; elle varie félon les befoins du
gouvernement j mais cette variation eft très-peu
conlidérable. Toute perfonne convaincue de contrefaire
des afpres & des fultanines algériennes ,
eft condamnée au feu j mais celui qui ne répand
que des pièces étrangères faulfes , eft obligé feulement
, li la fraude eft découverte, d'en donner
de bonnes à la place. Lorfque l'on a des fommes
conlidérables à recevoir, on emploie des courtiers
qui trompent tout le monde , excepté ceux
qui les payent. Ce font des maures très-fripons
& très-adroits, qu'un long ufage a rendu habiles
à difeerner les pièces faulfes. Ils fe placent ordinairement
au coin des rues, & changent toutes
fortes de monnoies, fans autre profit que celui de
mettre quelques mauvaifes pièces parmi les bonnes.
« Dans le gouvernement defpotique, dit M. de
» Montefquieu , ce feroit un prodige fi les chofes
» y repréfentoient leur ligne : la tyrannie & la mé-
» fiance font que • tout le monde, y enterre fon
» argent ».
Auffi à Alger , chaque pere de famille à - 1 - il
un tréfor enterré. Voyeç Logierde TaJJts, hifloire
du royaume d‘Alger.
Loix & ufages relatifs au commerce. Les banqueroutes
font punies de mort. Celui qui fe trouve
dansl'impombilitédefatisfaire fes créanciers, doit,
pour éviter la rigueur de la loi, livrer à leur djfcré-
tion fes biens & fa perfonne. Les dettes des marchands
chrétiens qui.ont fait faillite , .font acquittées
par le conful ou le corps de, la nation.
Si un capitaine de vailfeau veut faire quelques
préfens à des turcs en place , pour les engager à
accélérer l'expédition de fes affaires, il doit déclarer
qu'il ne s'engage à rien pour l'avenir 3 autrement
ces turcs ne manquent pas dinfifter à chaque’
voyage fur le même préfent, quoique le même
cas ne fubfîfte plus. Ils appellent ceci demander
l-ufage. Lorfque l'on le refufe, ils le réclament
devant le cadFy> qui lè,confirme, s'il n'a pas
été conditionnel j & l'on peut, d'après cette
bafifelfé -, fè former une idée de l'adminiftration &
du pays d'Alger.
. Les marchandifes des maures, des turcs & des
juifs payent douze & demi pour cent de droit
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d'entrée, & deux & demi de droit de fortie. Le
gouvernement a accordé aux anglois une diminution
; ils ne payent plus que cinq pour cent d'entrée
, & deux & demi de fortie. Les françois ont
obtenu la même faveur par le traité de paix oenclu
avec le dey le 16 Janvier 1718. Le droit fur l'argent
importé eft toujours de cinq pour cent rà la.réferve
de celui de la rédemption, qui n'en paye que trois.
Les vins & les eaux-de-vie payent indiftinCtement
quatre piaftres courantes par pipe.
La compagnie du Baftion de rFrance a tous les
ans le privilège de deux vailfeaux d'umpôrt réglé ,
& libre de tous droits. K ! B a s t io n d e Fr a n c e .
Le conful françois qui réfide à Alger3 eft le juge
de toutes les conteftations civiles & criminelles
qui s'élèvent parmi les françois. Ses fentences font
exécutées nonobftant l'appel, lorfqu elles n infligent
pas de punition corporelle j mais il faut qu il
fe rende caution des événemens. Les efclaves de
fa nation , maltraités par leurs maîtres , réclament
fes fecours. Il n'a point la liberté de faire le
commerce 5 çette liberté eft accordée au conful
anglois , qui fournit la plupart des munitions de
marine ou de guerre dont Alger abefoin , &qui
reçoit en échange, de l'huile, du bled & d'autres
marchandifes, dont l'exportation n'eft fou-
vent permife qu'à lui.
Les états d'Europe , qui n'ont jamais voulu fe
réunir pour empêcher les pirateries des barbaref-
ques ( 1 ) , ont pris; le parti de faire avec eux une
paix toujours mal affermie, Les grandes puiffan-
ces mettent ici beaucoup de politique dans leur
conduite ; elles cherchent à fe conferver la navigation
libre & à la fendre difficile aux petites puiffances
aux villes anféatiques, aux villes d'Italie & aux nations
du nord. L'Angleterre favorife en quelque
forte la piraterie desbarbarefquesj comme elle poffè-
•de Gibraltar fur le détroit, elle leur accorde le paf-
fage dans l'océan , & elle reçoit même leurs vaif-
féaux dans fes ports. Au refte, pour obtenir d 'A l ger
ün traité de paix, il faut lui, payer une efpèce’
de tribut, ce que font les vénitiens & d'autres
puiffances! ( V o y é fX e s conditions de la trêve conclue
en 1763, entre, les algériens & les vénitiens ). :
La régence reçoit d’ailleurs fort honnêtement les j
envoyés des puiffances chrétiennes. Le dey leur
donne audience, & il.obferve le droit <Jes gens
à leur égard.
On ne dqit pas donner à ces mots iine acception
ttop. rigoureufe,; car le moindre prétexte
fuffit à la régence dl. Alger pour violer le droit des
gens de la manière la plus odieufe & la plus barbare.
On. fe rappelle ce qui arriva en 1763 au
c.onful de France à Alger. Des corfaires algériens
s'étoient emparés.de la Calle,. établiffement que
les. négocians de Marfeille poffédoient , où, ils
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j faifoient la pêche du corail, fous les ordres de
M. Villet , gouverneur-de k<k colonie. Quelques
bâtimens françois coulèrent à fond une galcre al-
î gérienne , fans avoir voulu fauver, dit - on, un
! feul homme. Le dey d 'A lg e r ordoryia de mettre
fur le champ le conful françois aux fers, & tous
les négocians de la même nation. Ils y relièrent
un jour , & ils n'en fortirent qu'à la*follicitation
du conful anglois. Cette violation du droit des
gens fut .accompagnée de beaucoup d'outrages ;
il y a lieu de croire que les algériens fe permirent
ces cruautés infolentes , parce qu'ils comptoient
fur la foibleffe des françois, qui venoient de terminer
une guerre très-malheùreufe. Une .efeadre
françoife étoit devant A lg e r , & alloit venger cet
attentat, lorfque les. différends entre la cour de
Verfailles & la régence algérienne furent terminés
par les foins du chevalier de Fabry , commandant
l'efcadre du roi très - chrétien , & de
M. de Valiiere , conful de fa majefté auprès de la
régence.
Par l'article 6 du traité d'amitié, conclu entre
la France & la régence d'Alger le i'6 janvier 17«%,
cette régence a promis de ne plus fe formalifer,
s'il furvenoit des combats entre fes corfaires &
les bâtimens françois} elle s'eft engagée de plus
à ne faire aucun mal aux envoyés ou confuls qui
réfideront dans fes états.
On peut voir dans le Diélionnaire de M. Robinet
la copie du traité, ligné le 8 feptembre 1726,
entre la Hollande & la régence d 'A lg e r , & 1»
copie d'un antre traité conclu entre l'empereur
des romains & la régence d’A lg e r , le 8 mars
I72'7* .
ALIÉNATION 3 f. f. c'eft en général un aéle
par lequel on transfère d'une perfonne à une autre
la propriété d'une chofe, de manière que celui
qui aliène s'en déifaifilfe , 8r que celui qui l'acquiert
en devienne propriétaire.
Afin de ne pas répéter ici ce qu’on trouve fur
cet article dans le Dictionnaire de Jurisprudence ,
nous nous bornerons à examiner i®. fi un fouverain
peut aliéner fes états en tout ou en partie
; 2°< fi l'intervention du peuple eft nécelfaire
au démembrement d'un état 5:3®. fi.la néceffité
réfultant de la guerre peut autorifçr une partie
du peuple à palfer fous ,1a domination du vainqueur
; 40. fîJa même .néceffité peut autorifer un-
roi ou up prince à l'aliénation ; 50. fi un roi peut
rendre féudataire un royaume fueceffif, ou remettre
un hommage dû à Ton étatj 6°. fi, malgré
les principes adoptés en France fur l'inaliénabilité
du. domaine de la couronne , il feroit
utile d'aliéner ce domaine dains un moment de
befoin.