
bitans de chaque province 8c leurs voitures Fuf-
fent, comme il arrive dans une ille, -les feuls qui
puflent faire ufage de fes chemins. Dans une ille,
en effet, les chemins ne font utiles qu'à l'iilc
même } dans une province qui en a d'autres limitrophes
, ils font utiles à tous les pays voilins.
Les provinces d'un grand royaume'tel que la France
n'étant pas toutes d'une égale étendue, & n'ayant
pas chacune une étendue de route proportionnelle
a leur furface, cette quantité de route n'étant pas
plus, en raifon de leurs richeffes & de leur population
refpe&ives , il a dû arriver que les provinces
centrales les plus pauvres ont pu avoir plus
de chemins * conftruire relativement à leur fur-
face, quoiqu'elles eüffent une moindre population
, une moindre richeffe, & peut-être même
moins d'intérêt à leur conftruétion que les provinces
voifînes : leurs chemins fe feront aufli trouvés
plus fujets à de fréquentes réparations que ceux
des autres provinces, parce -qu'étant fituées au
centre du royaume , leurs routes auront dû né-
Ceffairement être parcourues par un plus grand
nombre de voitures que celles des provinces de la
circonférence.
Voyez l'Auvergne, pays montagneux, âpre ,
fauvage, pauvre, peu habité > on le condamne à
fe faire des chemins au travers de fes montagnes :
ces chemins, à égale étendue , doivent coûter davantage
que dans les provinces où le fol eft à la
fois moins dur 8c moins inégal : il faut encore,
toujours à-égale étendue, qu'ils foient faits par
un moindre nombre de bras. Voilà donc des cau-
fes qui rendent nécelfairement une lieue de chemin
faite en Auvergne par fes habitans, plus chère
que deux , peut-être même que trois ou quatre
lieues faites en Touraine ou en Picardie : cependant
les denrées de l'Auvergne, au moyen des
chemins , entrant avec plus de facilité dans le
commerce , 8c leur circulation procurant des bénéfices
provinces pouvant être mutuellement confidérées
fous cet afpeét réciproque , 8c ayant entr'elles
une correfpondance générale, toutes doivent en-
femble payer la façon des routes qui établirent
cette utile réprocité de correfpondance. Mais dans
quel rapport contribueront-elles à ce paiement ?
(Je devroit fans doute être dans celui de Futilité
que leur procurent ces routes. - Or une province
qui a peu de denrées à exporter, ne bénéficié pas
autant par la confection des chemins qu'une province
nouveaux aux habitans des différentes provinces
du royaume, ces chemins ne feront pas
profitables aux feuls auvergnats , tandis que l'onéreux
entretien de ces chemins 3 fans ceffe tra-
verfés par les voitures qui fe porteront du nord
au midi, & de l'eft à l'oueft de la France, deviendra
pour l'Auvergne une charge nouvelle 8c
permanente, plus forte peut-être que les bénéfices
qu'elle en retirera, ou qui diminuera au moins
ceux qu'elle devoir naturellement attendre de ce
fruit de fes travaux.
Le même raifonnément pouvant s'appliquer à
toute province intérieure, & en général même à
toutes celles qui compofent le vafte corps de la
monarchie françoife, il en faut, conclure que le
commerce, qui fur-tout profite des chemins3 rendant
ceux de la Bretagne utiles à la Provence ,
êc ceux du Languedoc à la Flandre , il eft jufte
que ces pays coopèrent réciproquement à la confia
tru&ion des routes dont & attendent 8c retirent
réciproquement des avantages. Toutes les autres
de femblable étendue, mais dont le territoire
eft plus fertile, ou le peuple plus induftrieux.
Ce rapport d'utilité ou de profit, ce qui revient
au même, varie donc en raifon de l'opulence des
provinces j il varie aufli en raifon de leur population
, de leur induftrie, de la quantité d'objets
qu'elles exportent ou qu'on leur importe. Mille
autres caufes qui offriroient de nouvelles variations
dans les réfultats , montrent que ce rapport d'u-
I tilité eft aufli inégal que difficile, pour ne pas
dire, impoflible , à fixer d’une manière exaéte. Afin
d'être jufte envers tous, il faut donc fe réduire
aux feuls principes fuivans, qui parent à-toutes les
difficultés locales. Des chemins devant être faits à
prix d'argent dans tout le royaume , la maniéré
la moins onéreufe de lever la taxe qui doit les payer
eft de l'impofer fur tous les fujets , parce que
l'impôt une fois déterminé, plus il.ÿ a de contribuables,
plus il eft facile 8c léger à fupporter. Le
royaume eft un, il n'a qu'un même intérêt, celui
de fa profpérité générale > les routes font une des
fources de cet ce profpérité, il en faut ouvrir, il les
faut achever : utiles à tous les fujets, elles doivent
être conftruites à leurs frais communs. La France
entière ne doit donc avoir pour fes chemins qu'une
loi, qu’une taxe, qu'une adminiftration : cette
loi, cette taxe, cette adminiftration doivent donc
être communes à tout ce qui peut s'honorer du
nom de françois.
Nous croyons avoir prouvé combien les chemins
font utiles, combien ils augmentent la richefle
nationale, combien la corvée gratuite eft injufte 8c
ruineufe, combien tous les projets donnés juf-
qu'ici pour la fuppléer font infuffifans, combien
font mal fondées les prétentions de certaines claffes
de la fociété à fe libérer de la jufte contribution
qu'elles doivent pour la confeétion dts chemins \
combien enfin eft vicieux ce fyftême gothique qui,
morcelant la France en plufieurs diftri&s, afligne
à chacun d'eux l'obligation de faire fes chemins à
fes frais. Si tout ce que nous avons expofé ne l'a
pas été fans preuve, il ne nous refte qu'à conclure
que les chemins étant néceflàires , la- corvée gratuite
injufte, 8c les journaliers libres trop rares, il
faut laifler fubfifter l'obligation de la corvée eu
payant les corvéables. /
Quel autre moyen que celui de la corvee peut
mieux aflurer à chaque partie du chemin les hommes
& les voitures dont il eft befoin pour fa conf-
tru&ion, & les lui affiner à un prix plus modéré â
Qud
Quel autre moyen peut rendre aufli profitable aux
cultivateurs & à la culture l'impofition pour'les
chemins 3 dont le produit fera prefqu'en entier gagné
par eux, & appliqué à un travail de reproduction
? Tel eft le plan que je voudrois voir fuivre ;
il offrira, je crois , finon la meilleure folution du
problème qu'on a eflayéde’difcuter, au moins celle
qui m'a femblé la plus convenable à nos intérêts,
à nos befoins, à notre pofition.
Une loi nouvelle 8c folemnelle annonceront la
fuppreflion de la corvée gratuite, laifleroit fub- .t
lifter l'obligation de la corvée perfonnelle avec
voitures 8c attelages, moyennant le paiement de
la journée des corvéables & le loyer de leurs voitures
} afin de ftibvenlr à ces paiemens, elle établirait
une impofîtion, dont la moitié révocable
de droit après 40 ans révolus, 8c dont le mon-,
tant annuel ferait fixé par un réglement qui • annoncerait
le travail fait l'année précédente, les
fommes qu'il aurait coûté, celle qui relierait de
la levée de l'impofition , laquelle fëroit déduite de
la levée à faire. Ce réglement, pour avoir force
de loi, devroit être enrégiftré tous les ans dans
les différens parlemens qui n'en pourraient retarder
la publication 8c l'enrégiftrement au - delà dû ,
délai qui leur ferait fixé. Tous les chemins de la
France étant achevés , on pourrait peut-être fup-
primer cettte formalité qui deviendrait trop minu-
tieufe, lorfqu'il ne s'agiroit plus que des entretiens
qu'il y aurôit un moyen meilleur & plus court de
vérifier.
On a compté, comme nous l'avons déjà dit, &
comme il eft bèfoin de le répéter ici, que ,•
pour achever totalement le travail des chemins en
France , il refte 3,000 lieues à faire, lefquelles,
évaluées chacune a- 80,000 livres , coûteraient
240.060.000 livres: il faut, pour le bien de l'état
que ce travail fe fafle dans l'efpaçe de 40 ans,
c'eft-à-dirê , qu'on finifle 75 lieugs par an, ou,
ce qui revient au même, qu'on rafle par an pour
63000.000 liv. de travail effe&if.
L'entretien des routes déjà faites, les augmentations
qui furviendront pendant cet efpace de
quarante ans fur le prix des ouvrages d'art, fur
celui des entretiens qui croîtront encore eri raifon
de la multiplication graduelle des routes, fur c.elui
des frais d'adminiftràtion qui fuivront les progrès
de ces hauflemens de prix, peuvent s'évaluer à une
Comme extraordinaire de y,000,000 livres par an,
qui pendant quarante ans fourniront une fomme
de 200,000,000 livres, laquelle j ointe à celle-ci
deflus de 240,000,000 livres, formerait un capital
de 440,000,000 liv. à dépenfer dans quarante ans, ,
8c fe réduirait conféquemment à une dépenfe fixe
8c annuelle de 11,000,000 livres : les fonds exiftans
des ponts 8c chauffées font de y,000,000 livres j
il refteroit donc une fomme de 6,000,000 Kvres
à lever chaque année.
Les ouvrages d’art, y compris le prix des voi-
GEcon. polit, & diplomatique. Tome J.
cures, matériaux , &c. frais d’adminiftràtion »
pourront coûter par an................ 3,000,000 liv •
Les entretiens , évalués année
moyenne à 2 y lieues d'ouvrage neuf,
coûteront par an......... ............... 2,000,000
Les 7y lieues de ehemins neufs
coûteront par an....................... 6,000,000
TO TA L ..............................A i 1,000,000 liv.
C'eft donc celte impofîtion annuelle de la fomme
de 6,000,ooq liv. répartie fur tous les propriétaires
de France , qui peut fuffire à la dépenfe des che- ■
mis, alléger le fardeau de la corvée, 8c laver cette
efpèce détaché qui déshonore notre adminiftration
autant quelle ruine 8c avilit notre peuple.
Deux difficultés fe préfentent ici. L'aflîette 8c
la répartition de cette levée de 8,000,000 livres,
l'ordre à établir pour la corvée, la diftribution &
le paiement du travail : tâchons d'indiquer. les
moyens de les vaincre.
On a prétendu qu'il y aurait de I'injuftice à ne
faire payer l'impofition pour les chemins qu'aux
feuls propriétaires, ce qu'on eût fait en l'afleyant
uniquement fur les vingtièmes î quoiqu'une taxe
de 6,000,000 livres foit une charge bien foible ,
répartie fur tant de millions de propriétaires, prenons
un parti qui concilie tous les fentimens. On
veut que tous les négocians qui ne font pas toujours
propriétaires terriens, 8c qui ufent beaucoup
les chemins, en paient une partie $ foit : on veut
que les gros capitaliftes, les riches rentiers, qui fe
dérobent trop aifément au poids des impôts, n'évitent
pas celui-ci j rien de plus aifé. Le gouvernement
doit favoir à point nommé ce que lui rend,.
d'une part, la capitation de tous les pays d'élec- ‘
tion j ce que lui rendent, de l'autre, les vingtièmes
8c l'induftrie 5 il fe procurera facilement les mêmes
notions furies pays d'états abonnés. Qu'il divife'
la taxe de 6,ooq,000 livres pour les chemins, en
parties proportionnelles à chacune des fommes totales
du produit de ces trais efoèces d'impofitiôns :
cette première divifîon générale étant faite , il partagera
chacune des trois parties de ces 6,000,0001. !
en fubdivifions proportionnelles aux fommes totales
pour lefquelles chaque généralité entre dans la
eompofîtion des fommes générales des vingtièmes ,
capitations 8c induftrie. de tout le royaume. Ces
deux principales opérations qui préviennent toute
fraude ultérieure étant faites , il adrefle à chaque :
intendant, 8c aux pays d'états, l'état de la fomme
que chaque province doit payer pour fa part de la
contribution générale affeètee au travail des cke-
mi ns. L'intendant ou les prépofés des états en
font la répartition au marc la livre des vingtièmes
des paroifles, de la capitation de tous les# rentiers
non propriétaires 8c de l'induftrie des marchands.
Toutes ces opérations fe réduifent à remplir les
formules les plus Amples.
X x x